Voir p. 11-12 et 13 du nouvel ouvrage de Pascal Ide, Le Triangle maléfique. Sortir de nos relations toxiques, Paris, Emmanuel, 2018.
Consultante financière ayant un franc succès professionnel, Sarah, 31 ans, vient de mettre fin à une relation d’un an avec son compagnon, Pierre. Elle décide de consulter un psychothérapeute à qui elle raconte l’histoire suivante.
Alors qu’elle avait 11 ans, son père alcoolique perdit son travail et, à cause de ses beuveries intermittentes, il ne put, par la suite, occuper que des emplois subalternes dont il se faisait systématiquement licencier. La situation financière difficile du foyer obligeant la mère de Sarah à faire des heures supplémentaires, celle-ci se vit confier la responsabilité de la maison et de ses deux jeunes frères. En dépit de cette charge, Sarah eut de bons résultats scolaires et elle obtint une bourse pour ses études supérieures. Elle quitta alors la maison et entra à l’université, mais en se sentant toujours coupable.
Parlant des années de faculté, Sarah prend conscience que tous ses petits amis de l’époque étaient des étudiants marginaux auxquels elle
apportait son soutien. Elle les aidait pour leurs devoirs, leurs lessives et, à une occasion, elle combla le déficit bancaire de l’un d’entre eux. Ce
schéma Saint-Bernard s’est poursuivi après ses années d’études. Ainsi, en tant que consultante financière, elle apportait son soutien à d’autres. C’est à l’occasion d’un audit budgétaire dans le service d’une petite entreprise que Sarah y rencontra Pierre, l’un de ses commerciaux.
Le chaos que Sarah découvrit dans l’environnement de travail de Pierre était le reflet de celui qui régnait dans sa vie privée : son domicile était un véritable taudis, sa situation financière catastrophique et la pérennité de son emploi menacée. Aussitôt Sarah prit les choses en main. Or, plus ils devenaient proches, plus Pierre laissait Sarah endosser la majorité des responsabilités qui, jusqu’ici, lui incombaient : « Elle est plus efficace et plus rapide que moi », expliquait-il. De son côté, Sarah aimait beaucoup se rendre et se sentir utile. Cela dura un temps, mais peu à peu, elle
commença à en vouloir à Pierre.
Jusqu’au jour où un médecin découvrit que Sarah était atteinte de mononucléose. Elle était au bord de l’épuisement depuis plusieurs semaines. Alors, la réticence et l’incapacité de Pierre à la soutenir lui devinrent intolérables. Pourtant, Sarah se sentait trop coupable pour mettre fin à leur relation. Aussi proposa-t‑elle à Pierre une séparation temporaire. Mais celui-ci lui promit qu’il changerait, ajoutant qu’elle était injuste de le quitter et qu’il ne survivrait pas sans elle. Les plaintes de Pierre réveillèrent la culpabilité que Sarah éprouvait depuis son enfance.
À contrecoeur, elle consentit à lui donner une seconde chance. Au début, Pierre fit des efforts. Mais, très vite, il revint à ses comportements d’antan.
Cohérente, Sarah lui rappela sa promesse et lui demanda de partir. Pierre entra alors dans une rage folle et se mit à hurler : « Tu ne trouveras jamais personne qui t’aimera autant que moi ! »
Depuis, Sarah est insomniaque et profondément triste. Surtout, elle est rongée par la crainte d’avoir commis une erreur en mettant fin à sa relation avec Pierre. De plus, elle ne cesse de se demander : « Est-ce que je ne mériterais pas de finir ma vie toute seule ? »
Sarah est une Sauveuse compulsive qui a trouvé en Pierre la Victime rêvée. Leur relation prend fin dans un conflit Bourreau-Bourreau.