En effet, le qualificatif « maléfique » vient du verbe latin facere, « faire », et du mot malum, « mal ». Ces relations toxiques non seulement font du mal (ce qui est commun à tous les jeux psychologiques), mais s’expliquent à partir de la logique du mal (ce qui est propre à ce triangle).
Extrait du livre : p. 16-17
Pourquoi parler du TDK (Triangle Dramatique de Karpman) ?
voir l’article sur Le triangle dramatique de Karpman. Une interprétation philosophique
Parce que ce jeu psychologique est très fréquent. Tous, à un moment ou à un autre, nous le pratiquons. La différence ne réside pas entre ceux qui jouent au TDK et ceux qui n’y jouent pas, mais entre les joueurs amateurs et les joueurs professionnels !
Parce que ce jeu est très trompeur. En effet, si tout le monde s’accorde pour trouver dangereux, voire destructeur, le Persécuteur, comment reconnaître que la Victime et, a fortiori, le Sauveur le soient ? De plus, comme la personne ne demeure jamais en permanence dans son personnage, tourner dans les différents rôles détourne son attention, et celle des autres. Enfin, si, dans une conférence, je demande qui estime avoir été Victime un moment ou l’autre de sa vie, presque tout le monde lève la main ; en revanche, lorsque je demande qui s’est senti Persécuteur, nul bras n’émerge de la houle des têtes… Comment 0 % de Persécuteurs peuvent-ils causer presque 100 % de Victimes ?
Parce que ce jeu est très toxique. Le TDK est source de tension, souffrance, culpabilité, frustration, découragement, etc. « Ce jeu de rôles, observe une thérapeute familiale, génère beaucoup de stress et risque d’engloutir des quantités d’énergie[1]. » Au maximum, ces rôles sont pratiqués (avec dextérité !) par les personnalités narcissiques : nous nous représentons souvent celles-ci comme des Persécuteurs, alors qu’elles peuvent aussi adopter les comportements de la Victime, voire du Sauveur.
Le sous-titre qualifie les relations engendrées par le TDK de toxiques. Ainsi qu’on le sait, cette épithète caractérise au sens propre un organisme qui est « empoisonné » ou « vénéneux ». Appliqué aux interactions entre personnes, elle s’entend de relations qui, au sens figuré, empoisonnent l’existence. L’étymologie est suggestive. Le substantif et l’adjectif français « toxique » sont empruntés au latin toxicum, qui signifie « poison à l’usage des flèches » ; il dérive lui-même du grec toxikon, qui présente le même sens et qui vient de toxon, « arc »[2]. Filant le sens métaphorique, on pourrait dire qu’adopter un mode de relation toxique n’est pas seulement venimeux, mais revient à décocher une flèche pour communiquer à l’autre son poison. C’est exactement ce qu’opère le jeu du TDK : par exemple, la Victime veut forcer l’autre à devenir Sauveur. […]
Pascal Ide
[1] Myriam Terlinden, Magouilles et compagnie. Cas de conscience au travail : comment réagir ?, Paris, Quasar, 2017, p. 55. En revanche, la présentation du TDK manque de précision (p. 54-56), ne dédoublant pas les rôles et affirmant que « le persécuteur a un immense besoin de reconnaissance » – ce qui n’est pas toujours le cas.
[2] Précisément, du substantif toxon, « arc », dérive l’adjectif toxikos qualifiant les flèches, d’où provient à son tour sa substantivation au neutre toxikon, « poison à l’usage des flèches » (Alain Rey (éd.), Le Robert. Dictionnaire historique de la langue française, Paris, Le Robert, 3 tomes, 1998, tome 3, p. 3870).