Yoko Tsuno. Une rhapsodie sur l’amitié

« En toile de fond de ses vingt albums, l’amitié, l’amour et la tolérance. Armée de ces grands sentiments, elle parcourt le monde terrien ou galactique, fragile rempart contre les apprentis sorciers, les savants sans conscience, les trafiquants d’armes et les assassins sans scrupules. Yoko Tsuno a réussi la fusion entre la haute technologie du pays du Soleil Levant et cette bonne vieille qualité de nos civilisations occidentales : le cœur [1]. »

1) Quelle finalité poursuit Yoko Tsuno ?

Yoko Tsuno ne nouerait pas autant de liens d’amitié, si elle n’était pas attentive à cette valeur. C’est « l’amitié » qui « entraîne Yoko au-delà des étoiles, vers une planète nommée Vinéa [2]. » C’est pour cela que, blessée non par le manque d’amitié, mais par la froideur et l’indifférence de la fausse Cecilia, Yoko préfère quitter la table (PO, 11 : « Je ne suis pas venue par pitié, mais par amitié… et puisque celle-ci vous indiffère, permettez-moi de regagner ma chambre… »). Yoko ne joue pas un numéro, elle est sincèrement blessée.

Dans la dramatique histoire contée par La frontière de la vie est aussi, voire d’abord une histoire d’amitié. Voici une conviction qui résume bien la structure de tous les albums : « En me disant Adieu, elle pleurait sous son masque… Cela m’a donné le cafard !… » Conclusion : « J’ai la conviction que, derrière ce mystère scientifique, se cache un drame humain ! » (FVi, 21)

Révélatrices sont aussi les finales de BD : d’une part, car l’action s’apaise, le dénouement permet de démasquer les biens autres que d’action ; d’autre part, parce que le terme ou la fin a aussi un rôle de repos : il permet donc de percevoir en quelles valeurs se repose le héros-auteur. Or, Leloup termine souvent en parlant amitié (et aussi départ vers d’autres horizons, de manière très dynamique), alors que de nombreuses autres BD s’achèvent de manière plutôt nostalgique et vivent ce repos comme une pure privation d’activité, non comme un surplus, un excès, la joie du vivre-ensemble. Ce qui ne signifie pas qu’il n’y ait pas parfois cette tentation activiste (cf., par exemple, PO, 46 ou SV, 46).

2) Quelle est l’origine de ses amitiés ?

– Pour Ingrid, c’est la compassion (OD, 5 : « Toi, cherche à savoir pourquoi elle pleure… »). Pour Cecilia, de même. Ainsi que pour les Vinéens, en particulier pour son amie Khâni.

– Le souci du vrai et le désir de servir pousse Yoko à découvrir Eva Werner, ce qui lui vaut d’entendre cette remarque : « Elle [Ingrid] a de la chance… d’avoir… votre amitié… » (FVi, 20)

– N’oublions pas la fibre profondément féminine de Yoko. D’où sa prédilection pour les amitiés féminines. Elle est à la source de son sens maternel, d’où l’apparition inattendue d’une petite-fille, Rosée du Matin (faut-il dire alias Keum-Sook, la fille de Roger Leloup à qui l’album est dédicacé ?). Cet amour pour la petite fille orpheline transparaît au plus haut point dans une scène extraordinaire d’une des BD par ailleurs les plus décevantes de la série quant au scénario, le Dragon de Hong-Kong. Alors que la petite fille joue, le dragon, de contentement, se roule dans les vagues : « L’on touchait au merveilleux […]. Cela dura le temps d’un rêve » (DH, 12).

3) Sur quelles valeurs se fondent ces amitiés ?

Toutes les amitiés sont de valeur :

 

« Avec les personnages secondaires, j’ai l’impression d’entrer dans une autre histoire. Ils installent l’ambiance. Ingrid (OD) nous plonge ainsi dans le romantisme allemand ; Cecilia (PO) apporte un climat beaucoup plus éthéré par son côté rêveur. J’ai besoin que Yoko soit entourée de gens de valeur. Ils correspondent également à des personnages que j’amie. J’y installe des correspondances avec la réalité. Ingrid, par exemple, est un hommage rendu à Ingrid Habler, une musicienne que j’apprécie beaucoup [3]. »

 

Le signe de cette valeur est que tous ces amis demeurent gravés dans la mémoire de Yoko, de Hhâny à Ingrid. Et cette mémoire ne met pas les morts à part, ce qui est très oriental : que l’on songe à Aoki, ancien kamikaze qui a éduqué Yoko, selon les explications de Leloup (FV) et au Titan Xunk (cf. T, 29). C’est une véritable saga que l’on voit peu à peu naître, s’enrichir.

Même les robots peuvent manifester brusquement une émotion. Que l’on songe aux Archanges de Vinéa qui ont pu séduire Yoko.

– L’amitié recherchée par Yoko Tsuno est oblative. D’abord, elle a un grand sens des valeurs, notamment de la valeur de la vie, ce qui est le fondement de toutes les autres valeurs (elle le dit : FW, 46 : « A nous de veiller à ce que dans l’aventure se déroule dans le respect de la vie ! » ; et elle le fait, par exemple en FW, 11 : « Je n’aurais pas dû fermer la porte ! »), ainsi que son souci de préserver même le méchant (FW, 19 : « De la laque pour cheveux ! Sans danger, ça va passer ! » ; FVe, 20 : « Un lance-missile !! Non ! Vous allez faire des victimes !… ») Yoko Tsuno parle de la vie comme de « la plus merveilleuse des choses » (FVe, 42). C’est ce qui, a contrario, explique sa colère, lorsqu’elle découvre que ce qu’elle prenait pour un homme et qu’elle a « protégé comme s’il était mon frère » (AV, 11), n’était qu’un androïde, beau comme un archange (AV, 18).

Or, l’amitié de don se fonde sur la vertu, nous dit Aristote. Et ce qui suit montre quelles vertus sont exercées par Yoko. On aurait pu manifester que la jeune fille pratique les quatre vertus cardinales.

– La générosité spontanée et plus encore, la magnanimité : « Mon mari m’a fait vos éloges, dit Madame Onago, et la jalousie de n’être point votre égale attriste ma joie de vous connaître, Yoko ! – Chassez la jalousie et ne gardez que la joie de notre amitié ! » (CK, 45)

– La perpétuelle attention à l’autre (FW, 12 : « Vous grelottez, Ingrid ! »). Lorsqu’elle réveille de la dure intervention, revenant des frontières de la mort, ses premiers mots sont pour autrui : « J’ai dû vous donner… du souci !… […] Et… Magda  ? » (FVi, 42) Yoko encourage la créativité de l’autre, même âgé : « Si vous n’écrivez pas ce livre, l’éternité ne pourra l’expliquer, exhorte Yoko à Monsieur Smith qui a failli la tuer ! – Je me sens déjà si vieux !… – Vieux, repart Yoko ?!! Vous avez l’étoffe d’un centenaire… Cela vous donne encore trente ans de bon !… » (ME, 46)

– Cette capacité de don s’inscrit dans son sens quotidien de la primauté de l’autre : lorsque Yoko, tentant d’attraper un enfant, tombe brutalement, frappé par un petit réservoir d’énergie que l’enfant porte à la ceinture, son cri est spontanément : « D’a… d’abord le gosse !… » (SV, 27)

– Son sens, son intuition de la présence de l’autre… ou de son absence douloureuse. Juste avant le sacrifice d’Aoki : « Étrange !… J’ai soudain une sensation de solitude ! » (FVe, 42) Elle a le cafard à l’idée qu’un être cher la quitte, mais ceci sans repli sur elle (ST, 46).

– Sa constante créativité pour venir au secours de ceux qu’elle aime. Par exemple, l’astuce de la boue de forage pour augmenter la densité de l’eau et aplanir les vagues (FVu, 11).

– Son réalisme : à la mort de Dailoun, tout en pleurant et promettant à Rosée de ne jamais la quitter, elle demande à Pol : « A terre… en contournant ! » (DH, 46)

– Son décentrement réel de soi qui se manifeste toujours par la délicatesse, prévenant la tristesse de l’autre : « Vous voici désormais grand-oncle de Magda !… Cela ne vous attriste pas ? » (FVi, 46) Même saisie par son démon favori qu’est l’aventure, elle pense encore à l’autre, ce qui nous vaut le très beau : « L’ambulance, enfin !! » en toute dernière image (AE, 46). D’où aussi l’absence d’orgueil, de complaisance de soi, de ses exploits : « Yoko, s’écrie Khâni, admirative de son courage ! Je ne vous comprendrai donc jamais ! », ce qui est aussi une reconnaissance de la créativité de sa liberté aimante. Et Yoko de répondre avec détachement et humour, en montrant un Vinéen qu’elle vient d’immobiliser : « C’est surtout celui-ci qui n’y comprend rien ! » (FVe, 38)

– Le sens du vrai qui nourrit son courage : elle ne laisse partir Eva Werner masquée qu’assurée de la totale libération et vie de ceux qu’elle aime, d’Ingrid et du vieillard (FVi, 20).

– Yoko est prête à risquer sa vie (FVi, 38s : c’est ce qui, effectivement, se passe, pour protéger la petite Magda), même pour un Titan, Xunk, par exemple (T, 31 : « Khâny !… Demi-tour ! Il faut le secourir !… » Et cela, une fois n’est pas coutume, au mépris même d’une certaine prudence, puisque Khâny, à juste titre, n’obtempère pas).

– Sa capacité à excuser et à pardonner. Nous l’avons déjà vu. Prenons d’autres exemples. Par exemple, à Karpan (TE, 44). De même, après la scène avec Cecilia, elle regrette : « J’ai été odieuse […] J’aurais dû y penser. » (PO, 11) Elle sait aussi pardonner, en trouvant des excuses, par exemple à Mieke, la jeune fille qui l’a calomniée : « Je vous ai calomniée… Je suis une mauvaise fille ! – Mais non, Mieke… Rien qu’un peu jalouse ! » (AB, 39)

Un signe en est que Yoko Tsuno est très féminine, comme nous l’avons déjà dit : loin de perdre sa féminité, ses aventures l’y affermissent. La rancœur ne prend jamais le dessus, même après les plus graves préjudices. C’est ainsi qu’elle pardonnera à la reine Hégora qui a voulu la tuer de la pire manière (AV, 30s) ; plus encore, Hégora pourra se dire son amie (EK, 18).

– La gratuité : « Cela ne peut continuer ainsi, Vic ! Cécilia entend me prouver sa reconnaissance en m’offrant une robe chaque jour !… » (PO, 46).

– Le sacrifice partiel de sa volonté et de son intelligence pour le service des autres, lorsqu’elle abandonne sa volonté entre celle du Grand Migrateur (T, 41).

4) Avec qui Yoko noue-t-elle amitié ?

L’électronicienne japonaise se lie d’amitié avec les personnes qu’elles rencontrent au hasard de ses aventures, comme Ingrid, Eva Werner, etc.

Elle a une attirance particulière pour ceux qui sont plus vulnérables (FVe, 6), parce qu’ils lui inspirent de la tendresse. C’est pour cela qu’elle aime Cecilia ou Ingrid. Mais Yoko n’hésite pas à prendre pour amie de fortes personnalités, avec qui elle se trouve d’abord en position de rivalité (c’est le cas d’Olga, in OR, par exemple 19-22) ; d’ailleurs, Yoko n’en est pas dupe (cf. LI).

Yoko éprouve aussi une affection particulière pour les enfants, en particulier Rosée (DH) ou Poky, la fille de Khâni, Monya (ST), ainsi que, dans un ravissant et très bref conte à la Dickens, , la petite fille de l’ange de Noël (AE, 11 et 12). Bien qu’elle soit un androïde de Kifa, donc soit ni un humain ni un Vinéen, donc soit un artefact, Myna est tout aussi attachante qu’une enfant humaine (EK). Yoko songe même à des enfants qu’elle pourrait avoir, plus précisément à une petite fille, mais c’est Rosée qui viendra dans l’album suivant (CK, 46). Car, en fait, « la petite fille émerveillée », c’est Yoko (EK, 46).

Yoko a le cœur assez large pour se lier d’amitié avec des êtres d’une autre nature, doués de conscience et d’humanité, comme les Titans. La rencontre du Titan Xunk et de Yoko est dense et belle. D’emblée, Yoko lui sauve la vie (T, 19) ; le Titan fait de même à son tour (T, 20). Puis la jeune femme reconnaît sa vulnérabilité entre les griffes du Titan (T, 20) et lui propose son amitié (T, 21). En échange, celui-ci lui donne toute sa confiance : « Accroche-toi à mon dos !… Mais n’y déplace rien !… Tu mettrais ma vie en danger !… » (T, 21) Décidément, l’amitié est contagieuse.

Voire, sans éprouver de l’amitié pour les bêtes, Yoko Tsuno est loin de les mépriser (cf. l’éléphant en ST, 5 ou sa réaction lors de l’élimination sanglante d’un ptéranodon : MM, 30). Toutefois, elle n’hésite pas à les sacrifier pour sauver la vie d’une personne (cf. AV).

Enfin, la japonaise Yoko est profondément respectueuse à l’égard des figures spirituelles. En effet, elle est sincèrement bouddhiste, ainsi que l’atteste La fille du vent en entier. Ce qui conduit par exemple à le prier : « Mais cette fois, Bouddha, j’ai vraiment besoin de ton aide !… » (FVe, 11)

5) L’exercice de ses amitiés

Cette question se différencie de la seconde et de la troisième en ce que les valeurs recherchées ne constituent pas l’amitié (troisième question), ni n’en sont l’origine (seconde question), mais l’accompagnent tout en la faisant grandir.

– La tendresse de l’expression de l’amitié (par exemple la joie de revoir Khâni, ce qui la fait tomber dans ses bras : SV, 5 ; l’abandon entre les bras de Vic : FW, 5).

– La confiance : FVi, 32.

– La fidélité : par exemple à sa famille (cf. FV) ; à sa « cousine » (ST, 46) Monya (qu’elle revoit en MM) ; à Ingrid (« Merci d’être venue ! – Vous en doutiez, répond aussitôt Yoko ?… » FW, 4) ; mais aussi à Myrka, malgré la jalousie de cette dernière : « Je ne t’ai jamis détestée, lui avoue cette dernière, mais bien jalousée… et j’aimerai gagner ton amitié !… – Tu l’as toujours eue, Myrka, sans elle, je ne serais restée ! » (LI, 46 : notez d’une part qu’il s’agit là encore d’un épilogue, d’autre part, que c’est bien l’amitié qui fait vivre et agir Yoko ; enfin, que l’attitude ouverte et généreuse de Yoko est contagieuse : elle fait germer l’amitié sur sa route, elle a vraiment ce génie de l’amitié dont il est parlé plus haut) ; précisons : Yoko, intuitive, a su déchiffrer derrière la haine prétendue de Myrka son attachement (LI, 28).

– La délicatesse : PO, 11 (Yoko se culpabilise, elle se croit odieuse) ; quand bien même elle est attristée de la mort d’Aoki, elle songe à ne pas inquiéter sa mère (FVe, 46 : « Non !… me savoir pour une nouvelle aventure l’inquiéterait ! »)

– Le courage : Yoko n’hésite pas à surmonter de grands dangers (ST, 35s), voire à lutter contre un ptéranodon (MM, 29s).

Il vaudrait la peine d’analyser en détail, car ce courage n’est jamais dureté ni oubli de l’autre ; c’est vraiment la vertu cardinale de force, toute au service du bonheur qui est synonyme d’amitié pour Yoko Tsuno, et connectée vitalement aux autres cardinales, donc à la justice qui règle la relation à autrui.

– La sensibilité, la présence de sentiments comme la joie (FVe, 4) ou la tristesse (FVe, 21). Elle connaît la valeur de la tendresse, comme elle le remarque à l’un des 20 archanges vinéens : ceux qui vous ont créé « ont-ils aussi mis en vous la joie, la peine, l’affection, le tendresse » ? (AV, 18) Elle sait aussi dire sa souffrance, lorsqu’elle est volontairement blessée par quelqu’un qu’elle aime (cf. LI, 46) : « Ton orgueil et ta vanité sont comblés, tu viens de m’enfoncer un couteau dans le cœur !… » (LI, 28)

– Elle peut tomber sous le charme, sinon même être amoureuse, par exemple d’un des 20 archanges de Vinéa (comme elle l’avoue, simplement ; AV, 18 et 46)

Accueil de l’autre : elle sait, le cas échéant, recourir à l’amitié de l’autre (FW, 46 : « Je crois que je «craque» un peu, dit-elle à Vic ! – Le sage a dit : «Repose-toi sur tes amis» ! »)

– Enfin, l’exercice de l’amitié suppose des petits gestes et des souvenirs, comme ce parfum « Cuir de Russie », qui lui permettra de se souvenir d’Olga : « je respirerai de temps à autre en pensant : c’est le parfum d’une amie ! » (OR, 46)

6) Conséquences de l’amitié

Pour certains, comme les archanges (AV, 18) ou comme Gobol (EK, 33 : « Tu me livres ta faiblesse et le moyen de te vaincre ! »), l’amitié est une faiblesse ; pour Yoko, c’est la valeur vitale par excellence.

L’amitié est-elle toujours facile ? Est-elle parfois douloureuse ? Ici, nous parlons de ce qui n’est pas voulu ni cherché.

– Nous avons déjà eu l’occasion de le dire : l’amitié est contagieuse (T, 21 ; LI, 46 ; etc.).

– Yoko a le courage de choisir : par exemple entre Rosée et Narki, dans un jugement de conscience qui a dû lui être douloureux et qui manifeste son sens premier de la vie et des valeurs (MM, 34).

– L’amitié génère une mémoire étonnante (cf. ST, 6 et MM, 45-46) qui traduit aussi une étonnante capacité d’anticipation ou d’exploitation de données antérieures non totalement interprétées de la part de Leloup.

– La blessure : FVe, 42 (« J’ai blessé Aoki ! »).

– Autrement dit, l’amitié n’ôte pas ses défauts, par exemple son indépendance (T, 45 : l’aéronef mono-place), son sens de la provocation (LI, 27), sa vivacité (FVe, 32) ou son indélicatesse, mais elle s’en repent et pleure (FVe, 45 : « J’ai défié Bouddha !… Il m’a punie de mon orgueil en m’enlevant Aoki !… »)

– La mort de l’ami qui est la fin de FV lui cause une grande tristesse (FVe, 46) qu’elle ne peut voiler par la seule nostalgie de ses souvenirs. Sa mère parle de guérison, car il s’agit d’une véritable blessure.

– La tristesse de la rupture, qui n’est pas cachée, ni bouderie : « Un coup de cafard, explique Yoko à Khâni !… Vos trois soleils sont merveilleux, mais celui de ma planète me manque… Or, prendre le chemin du retour, c’est vous perdre !… » (SV, 46 : notez là encore que c’est une fin)

– Yoko Tsuno a aussi ses limites : « Rends-nous Khâny et laisse-nous partir… parce que moi, j’en ai ras-le-bol de l’eau, des robots et des archan… Pardon ! Je suis à bout ! » (AV, 44) Même dans son extrême lassitude, elle pense encore à l’autre, sans pouvoir cacher son désarroi.

7) Conclusion

Toutes ces remarques ne signifient pas que cette BD soit dénuée de défauts. Par exemple, les scénarios sont parfois mal construits (comme les AV qui commencent par une vieille femme que l’on ne reverra plus à la fin : AV, 5 et 6), mais non pas tous (remarquables sont par exemple ceux de PO ou de ME). Sur un plan plus technique, les bulles sont trop systématiquement rejetées en haut, les visages masculins manquent parfois de variété et d’expression : l’ancien dessinateur responsable des objets techniques chez Hergé (on lui doit la fusée de Objectif Lune et Trois pas sur la Lune) excelle dans le décor ou la description des objets de haute technologie, toujours très soignés.

La phrase que Yoko Tsuno a dite au Grand Migrateur et qui lui fut inspirée par le titan Xunk (T, 42), est peut-être la plus belle expression de son sens de l’amitié. Reprise sur le monolithe transparent coulé sur un titan, elle résume en quelque sorte toute sa philosophie : « Les formes qui différencient les êtres importent peu si leurs pensées s’unissent pour bâtir un univers » (T, 46) En effet, elle atteste les trois qualités de l’amitié : son respect de l’altérité, sa valeur unitive et sa fécondité qu’est le service d’une même tâche, un bien commun.

Bibliographie primaire

Toutes les bandes dessinées de la saga Yoko Tsuno sont écrites et dessinées par Roger Leloup. Elles sont éditées à Charleroi chez Dupuis. Nous les citerons en donnant le sigle abrégé suivi du numéro de la page. Certaines BD sont plus citées que d’autres, car elles sont particulièrement riches du point de vue humain et, ici, du point de vue amical. Tel est notamment le cas de FVi ou de FVu.

Par ordre de parution des albums

  1. Le trio de l’étrange, 1990 : TE.
  2. L’orgue du diable, 1979 : OD.
  3. La forge de Vulcain, 1979 : FVu.
  4. Aventures électroniques, 1978 : AE.
  5. Message pour l’éternité, 1978 : ME.
  6. Les 3 Soleils de Vinéa, 1978 : SV.
  7. La frontière de la vie, 1977 : FVi.
  8. Les Titans, 1978 : T.
  9. La fille du vent, 1979 : FVe.
  10. La lumière d’Ixo, 1980 : LI.
  11. La spirale du temps, 1981 : ST.
  12. La Proie et l’ombre, 1982 : PO.
  13. Les archanges de Vinéa, 1983 : AV.
  14. Le feu de Wotan, 1984 : FW.
  15. Le canon de Kra, 1986 : CK.
  16. Le dragon de Hong-Kong, 1986 : DH.
  17. Les matins du monde, 1988 : MM.
  18. Les exilés de Kifa, 1991 : EK.
  19. L’or du Rhin, 1993 : OR.
  20. L’astrologue de Bruges, 1994. Avec un supplément de 24 pages sur Yoko Tsuno : AB.

Par ordre alphabétique des sigles

AB : 20. L’astrologue de Bruges, 1994. Avec un supplément de 24 pages sur Yoko Tsuno.

AE : 4. Aventures électroniques, 1978.

AV : 13. Les archanges de Vinéa, 1983.

CK : 15. Le canon de Kra, 1986.

DH : 16. Le dragon de Hong-Kong, 1986.

EK : 18. Les exilés de Kifa, 1991.

FVe : 9. La fille du vent, 1979.

FVi : 7. La frontière de la vie, 1977.

FVu : 3. La forge de Vulcain, 1979.

FW : 14. Le feu de Wotan, 1984.

LI : 10. La lumière d’Ixo, 1980.

MM : 17. Les matins du monde, 1988.

OD : 2. L’orgue du diable, 1979.

OR : 19. L’or du Rhin, 1993.

PO : 12. La Proie et l’ombre, 1982.

ST : 11. La spirale du temps, 1981.

SV : 6. Les 3 Soleils de Vinéa, 1978.

TE : 1. Le trio de l’étrange, 1990.

Bibliographie secondaire

  1. Tochon, « Dans la galaxie BD. Yoko Tsuno », Études, 364 (1986) n° 1, p. 47-56.

Pascal Ide

[1] 20. L’astrologue de Bruges, Charleroi, Dupuis, 1994, Supplément à la pagination non numérotée : « L’héroïne aux yeux en amande ».

[2] Ibid. : Les émerveillements de l’enfance ».

[3] Ibid. : « Au fil des rencontres, l’amitié ».

2.8.2022
 

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