Thomisme et théologie moderne. L’École de saint Thomas à l’épreuve de la querelle de la grâce (XVIIe-XVIIIe siècles) (recension)

Thomisme et théologie moderne. L’École de saint Thomas à l’épreuve de la querelle de la grâce (XVIIe-XVIIIe siècles)

Sylvio Hermann De Franceschi
Théologie – Recenseur : Pascal Ide

NRT 141-2 (2019)

Cet imposant ouvrage est mieux décrit par son sous-titre que par son titre : l’appel à l’autorité de Thomas dans la querelle sur les secours de la grâce divine (dite De auxiliis, pour De auxiliis divinae gratiae) qui a secoué le Grand siècle et le suivant. L’A., directeur d’études à la ve section de l’École Pratiques des Hautes Études, est un spécialiste reconnu du sujet auquel il a notamment consacré deux ouvrages, Entre saint Augustin et saint Thomas (Paris, Classiques Garnier, 2009) et La Puissance et la Gloire (même éd., 2011). Même s’il est centré sur la notion d’école théologique et, plus particulièrement sur l’invocation de l’Aquinate, donc sur les critères du disciple et d’appartenance à l’École, cette étude n’en fait pas moins état en détail des opinions en présence. Les exposer de manière bipolaire en opposant jésuites et dominicains et, derrière ces familles religieuses, le thomisme d’une part, le molinisme d’autre part, est insuffisamment nuancé. Il faut d’abord faire appel à un troisième terme qui a considérablement influencé le débat, à savoir le jansénisme : celui-ci a tenté d’arguer d’un prétendu philothomisme, pour outrepasser les directives magistérielles. Il faut ensuite prendre en compte une évolution au sein de la Compagnie qui fut constamment soucieuse, non seulement d’obéissance au Magistère, mais d’unité au sein de l’Église, ce qui a conduit aux tentatives de conciliation du préposé général Claudio Acquaviva, défendant un congruisme mitigé, entre molinisme et thomisme. Ainsi, les 16 chap., qui furent d’abord 16 articles parus dans des revues spécialisées, se distribuent selon l’ordre chronologique en trois parties, ainsi que selon un ordre doctrinal qui considère les relations entre les trois pôles, jésuite, dominicain et janséniste.
La longue introd. de cet ouvrage, dont l’un des moindres mérites est d’être aussi érudite que limpide, fait valoir que le débat, que l’on croyait enterré, a ressurgi à la fin du xixe s., lors de la naissance de la Revue thomiste et dès son premier numéro, entre Joachim-Joseph Berthier o.p, polémiquement anti-jésuite, et Eugène Portalié s.j. Est-on assuré que, inféodées à des familles religieuses, et plus assurément à des écoles théologiques, ces tensions qui, apaisées, sont fécondes d’heureuses innovations, aient totalement disparu au siècle suivant et donc aient reçu la réponse qu’elles méritent (que l’on songe aux querelles autour du surnaturel et de la nature pure) ? Plutôt que d’estimer vaines ces querelles et insolubles les questions posées, la théologie ne devrait-elle pas se pencher sur elles et les éclairer à la lumière de concepts inédits qui assumeraient le meilleur des anciennes notions ? – P. Ide

4.8.2022
 

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