LABOURDETTE M. o.p., Vices et péchés. « Grand cours » de théologie morale, t. 4, coll. Bibliothèque de la Revue thomiste, Paris, Parole et Silence, 2017. Parue dans la Nouvelle Revue Théologique (NRT) 140 (2018) n° 3, p. 498.
La publication des 15 vol. du Grand cours de théologie morale élaboré par le dominicain moraliste de la province de Toulouse (1908-1990) se poursuit à un bon rythme. Pour le détail de la méthode et des critiques générales, je renvoie à ce qui fut dit lors des autres recensions.
La matière traitée couvre ici les questions 71 à 89, avec une exception pour les questions 81 à 83, sur le péché originel, auquel, du fait de la complexité et de la richesse de la problématique actuelle, un vol. à part sera consacré. Elle se répartit avec grande rigueur en 4 domaines : nature, sujets, causes et effets du péché. Commentant avec autant de précision que de clarté le texte thomasien article par article, le p. Labourdette détaille particulièrement dans ses annotations l’omission (p. 40-45), la définition thomasienne du péché (p. 45-51), le péché de «sensualité» qui offre l’occasion d’un précieux excursus (p. 94-107), le consensus dans la délectation (p. 121-128), le péché par ignorance (p. 144-154), la causalité divine dans le péché (p. 193-206), la peine en général (p. 231-236), la différence spécifique entre péché mortel et péché véniel (p. 261-273).
Si l’ordre de parution qu’aucun préambule éditorial n’explique est quelque peu chaotique (la publication a commencé par la morale particulière – ST II-II – pour s’arrêter à la prudence, puis a continué par la morale générale – ST I-II – en sautant le traité du bonheur), le contenu est toujours passionnant et riche d’observations très précieuses pour le confesseur (comme pour le pénitent !). L’on regrettera que, inexplicablement, le p. Labourdette accorde si peu d’attention à la causalité démoniaque du péché (q. 80) et aux péchés capitaux (q. 84). Heureusement, une récente thèse, ici recensée, comble le premier point (cf. J.-B. GOLFIER, Tactiques du diable et délivrances, p. 516). Quant au fond, si l’on sera vivement éclairé de trouver dans le débat entre Thomas et Duns Scot, limpidement exposé par l’A., les germes du conséquentialisme et la détermination décisive de l’encyclique Veritatis splendor (p. 45-51), en revanche, l’on pourra interroger une conception de la liberté (ou plutôt de la volonté libre) qui accorde aussi peu à la profondeur de l’autodétermination et la reconduit tant aux motivations rationnelles et aux dispositions affectives (en partic. p. 187-190). Mais c’est demander à Thomas d’anticiper des questions qui ne trouveront tout leur poids qu’avec la modernité, en particulier avec Kant.
Pascal Ide