Nature et dignité de l’amour (recension)

GUILLAUME DE SAINT-THIERRY, Nature et dignité de l’amour, coll. « Sources chrétiennes » n° 577, Paris, Cerf, 2015.

Parue dans la Nouvelle Revue Théologique (NRT) 139 (2017) n° 1, p. 133.

Vers 1120, le jeune abbé de l’abbaye bénédictine de Saint-Thierry, près de Reims, écrit pour sa communauté une oeuvre pédagogique exposant sa conception de l’amour surnaturel. Rangé parmi les écrits de St Bernard de Clairvaux avec qui il entretint une profonde amitié, l’ouvrage bénéficia d’une large diffusion. L’A. agence son propos à partir du thème classique des âges de la vie spirituelle, ici distribués en quatre temps qui constituent quatre parties, précédées d’un prologue sur la pédagogie de l’amour (1) et le faux amour charnel (2) : la naissance de l’amour qu’est la volonté d’aimer (5-5,15) ; la jeunesse qui est le temps de la purification (5, 16-9), des premières expériences mystiques (10) et de la tentation d’être arrivé (11) ; la maturité qui est le temps du progrès, transformant l’amour en charité, c’est-à-dire en affectus (13-14), se déployant dans les cinq sens spirituels (15-20), jusqu’à la vision de Dieu (21), puis dans la mort spirituelle à soi-même et l’école de la charité (22-26) ; la vieillesse qui est le temps de l’affermissement spirituel, que l’A. décrit pour elle-même (26-55), dans le Christ (34-38), en son contraire (59-41) et en sa pratique (42-45).

Osons poser une question à cette œuvre qui, rédigée vers 35 ans, anticipe pourtant bien des thèmes (p. ex. l’amour comme vision) qui seront déployés dans son chef d’œuvre, l’Epistola ad fratres de Monte Dei, la « lettre d’or » : si elle traite, déjà admirablement, du spécifique de l’amour chrétien, à savoir un amour qui vient de Dieu et tourne vers Lui, dans une histoire de conversion et de progrès, en se fondant sur la théorie aristotélicienne du lieu et, plus généralement, de l’appetitus naturalis (1, p. 89-93), explicite-t-elle ce qu’en retour Dieu lui-même révèle de l’amour, à savoir qu’il est don de soi jusqu’à l’extrême (cf. Jn 13,1; 15, 13), donc sans prédétermination par son objet.

Pascal Ide

10.8.2019
 

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