« Le stress apparaît quand les demandes faites à un individu excèdent les ressources dont il dispose pour y faire face ».
Arrive le temps des fêtes de Noël. Et si c’était l’occasion de réfléchir sur ce qu’est le repos ou la détente ? En écoute stéréo de notre expérience et de l’enseignement de la psychologie, considérons brièvement trois points concernant la détente : ses causes ; ses critères ; ses fruits.
Pourquoi avons-nous besoin de nous reposer ou de nous détendre ? J’isolerai trois raisons principales.
- La première, la plus évidente, est le besoin de repos physique. Nous nous sentons corporellement las ; nous avons peut-être veillé plus tard que d’habitude (par exemple, à cause de partiels, etc.) ; nous sommes peut-être en déprivation de sommeil (un rhume qui perturbe la nuit, des enfants qui dorment moins bien, etc.) ; les activités se sont accumulées du fait de la proximité des fêtes, de la préparation des vacances et des déplacements en famille. Quoi qu’il en soit, notre corps gémit et nous demande de nous arrêter. Il aspire à des nuits plus longues et réparatrices. Précisons que ce repos physique s’étend aussi aux activités qui requièrent de la concentration et engendrent de la fatigue mentale, mais qui est d’abord cérébrale : nos réserves en attention sont limitées [1].
- Pendant de nombreux siècles, la majorité de l’humanité européenne travaillait aux champs et ressentait d’abord une fatigue corporelle. Le travail en usine a ajouté à celle-ci la tension. Il est révélateur que nous semblions hésiter ci-dessus entre repos et détente. Car autre chose est la fatigue physique, autre chose la tension psychique [2]. À la première répond le repos et à la seconde la détente (dé-tente). Aujourd’hui, la première cause du besoin de vacances tient à cette charge mentale que nous accumulons au travail et dans nos différentes activités. Elle se traduit physiquement, par exemple, par des tensions dans les épaules, une plus grande difficulté à l’endormissement, etc. Mais son origine est d’abord intérieure.
Cette observation signifie donc que le temps de repos ne méritera véritablement son nom que si nous pouvons lâcher ce qui nous tend (notre travail professionnel, le souci d’un parent ou d’un enfant malade, etc.) et ne pas partir en vacances avec nos préoccupations. Elle permet aussi de bien différencier le repos physique de la détente psychique. Le premier est d’abord une absence d’activité ou son ralentissement : dormir davantage, déléguer les tâches domestiques, etc. La seconde, en revanche, est une autre activité : ne rien faire ou faire moins ne détend pas. En effet, Saint Thomas observait avec profondeur que la joie est le remède à la tristesse ; or, la tension psychique est une forme de tristesse ; et comme la joie couronne une action de détente (le sport, l’activité manuelle, etc.), celle-ci ne surviendra que si nous nous extrayons de notre lit ou de notre canapé ou du moins de notre inertie, pour accomplir une activité qui nous détendra comme de nous rendre à un concert, faire du shopping ou un footing.
- Ces deux premiers besoins (se reposer physiquement et se détendre psychiquement) sont satisfaits par l’allongement des nuits, des sorties en forêt, le ralentissement du rythme, le décrochage intérieur (ces dossiers attendront la rentrée !), bref par du repos et du divertissement. Mais il y a encore une autre raison, plus cachée et non moins réelle, qui rend urgent autant qu’important ce moment de repos-détente : le besoin de sens. Nous ne sommes pas que des corps et des psychismes, nous avons un esprit et celui-ci se nourrit d’objectifs remplis de signification pour nous. Or, pour un certain nombre de personnes, l’activité professionnelle présente d’abord une visée alimentaire et ne comble pas ses aspirations profondes. Pour d’autres, si leur quotidien ne manque pas de sens, l’urgent ajourne progressivement le temps consacré à ce qui donne du sens. Le temps passé à préparer les repas, à laver, repasser, à répondre aux mails en retard, corriger les copies, est ôté à celui que l’on pourrait donner à de riches rencontres, à la lecture de livres prometteurs, etc. Ajoutons que, pour d’autres encore, même si leur activité est pleine de sens (élever ses enfants, prendre soin des malades, enseigner des élèves, etc.), elle est toutefois répétitive, donc lassante, de sorte que nous retombons plutôt dans le deuxième cadre, celui de la détente psychique.
Identifier ces trois raisons permet de mieux répondre au type de restauration dont nous avons besoin : physique, psychique ou spirituel (besoin de sens).
Pascal Ide
[1] Cf. Rachel Kaplan & Stephen Kaplan, The experience of nature: A psychological perspective, New York, Cambridge University Press, 1989 ; Stephen Kaplan, « The restorative benefits of nature. Toward an integrative framework », Journal of Environmental Psychology, 15 (1995) n° 3, p. 169-182.
[2] Dans sa question sur la vertu dans les activités de jeu ou eutrapélie, saint Thomas fait un parallèle entre la fatigue du corps et la fatigue de l’âme : « de même que la fatigue corporelle se résout par le repos du corps, de même la fatigue de l’âme se résout par le repos de l’âme [Sicut autem fatigatio corporalis solvitur per corporis quietem, ita etiam oportet quod fatigatio animalis solvatur per animae quietem] » (Somme de théologie, IIa-IIæ, q. 168, a. 2 co).