L’on trouve une thématisation de quatre sens dans l’exégèse rabbinique de la Bible, au point que certains n’hésitent pas à en faire l’une des origines de la doctrine ecclésiale des quatre sens.
Cette lecture polysémique juive est résumée dans l’acronyme Pardes composé des quatre consonnes initiales (PRDS) de ces significations : P pour Peshat, qui est le sens littéral du texte ; R pour Rémès ou remez, qui en est le sens plus profond, donc allégorique ; D pour Drash (abrégeant midrash), qui est le sens homilétique, en partie tourné vers son application éthique ; S pour Sod, qui est le sens secret, hermétique [1].
La coïncidence entre le nombre de sens de l’Écriture juive et de l’Écriture chrétienne est troublante. Et cette convergence est dynamique : à l’instar de la lecture chrétienne, « la lecture juive passe par les phases du peschat (la lecture simple), du remez (la suggestion), du midrash (la recherche), du sod (le secret) [2] ». De plus, l’on peut établir une corrélation entre peschat et sens littéral. Enfin, le midrash « est ouverture du sens, et non un rétrécissement de ce dernier [3] » : « l’interprétation des textes prévoit et promeut son propre dépassement [4] ».
Toutefois, la relation bijective s’arrête là. La lecture juive semble plutôt jalonner un chemin qui va de la simple lecture à la découverte d’un sens secret ; or, nous avons vu que le sens littéral était au sens allégorique ce que l’évident est au caché, au Mystère. Donc, les autres sens du Pardès ne semblent pas prendre en compte, du moins de manière explicite et distincte, les deux derniers sens, tropologique et anagogique.
Pascal Ide
[1] À noter que la revue européenne d’études juives s’intitule Pardès (cf. https://www.cairn.info/revue-pardes.htm#).
[2] Jean Radermakers, Parole consacrée et exégèse juive. Note exégétique, Cité par Jean-Pierre Sonnet, La Parole consacrée, Cabay, Louvain-La-Neuve, 1984, p. 179.
[3] Ibid., p. 180.
[4] Ibid., p. 183.