L’apprentissage, une expérience privilégiée de la réception. Dix règles pratiques pour apprendre à apprendre 3/4

3) Le retour sur erreur

a) Énoncé

 

« Vers l’âge de 11 ou 12 ans, alors que j’étais interné au camp de concentration de Rieucros [près de Mende], j’ai découvert les jeux de tracés au compas, enchanté notamment par les rosaces à six branches qu’on obtient en partageant la circonférence en six parties égales à l’aide de l’ouverture du compas reportée sur la circonférence à six reprises, ce qui fait retomber pile sur le point de départ. Cette constatation expérimentale m’avait convaincu que la longueur de la circonférence était exactement égale à six fois celle du rayon. Quand par la suite (au lycée de Mende je crois, où j’ai fini par aller), j’ai vu dans un livre de classe que la relation était censée être bien plus compliquée, que l’on avait L = 2 x Pi x R avec Pi = 3,14, j’étais persuadé que le livre se trompait, que les auteurs du livre (et ceux sans doute qui les avaient précédés depuis l’antiquité !) n’avaient jamais dû faire ce tracé très simple, qui montrait à l’évidence que l’on avait tout simplement Pi = 3. Chose typique, je me suis aperçu de mon erreur (qui consistait à confondre la longueur d’un arc avec celui de la corde qui joint les extrémités) quand je me suis ouvert de mon étonnement sur l’ignorance de mes prédécesseurs à quelqu’un d’autre (une détenue, Maria, qui m’avait donné quelques leçons particulières bénévoles de maths et de français), au moment même où je m’apprêtais à lui montrer pourquoi on devait avoir L = 6R.

« Cette confiance qu’un enfant peut avoir en ses propres lumières, en se fiant à ses facultés plutôt que de prendre pour argent comptant les choses apprises à l’école ou lues dans les livres, est une chose précieuse. Elle est constamment découragée pourtant par l’entourage. Beaucoup verront dans l’expérience que je rapporte ici l’exemple d’une présomption enfantine, qui a dû s’incliner devant le savoir reçu – les faits faisant enfin éclater un certain ridicule. Tel que j’ai vécu cet épisode, il n’y avait pourtant nullement le sentiment d’une déconvenue, d’un ridicule, mais bien celle d’une nouvelle découverte (après celle que j’avais hâtivement interprétée par la formule fausse Pi = 3) : celle d’une erreur, et au même moment celle qu’on devait avoir Pi > 3, car visiblement la longueur d’un arc est plus grande que celle de la corde qui joint les deux extrémités. Cette inégalité allait d’ailleurs bien dans le sens de la formule récusée Pi = 3,14 qui, du coup, prenait des allures raisonnables, en même temps que j’ai dû entrevoir alors qu’il y avait peut-être des gens pas si idiots que ça qui devaient s’être penchés sur la question A ce moment, ma curiosité était d’ailleurs satisfaite, et je ne me rappelle pas avoir voulu en savoir plus long alors sur les tenants et aboutissants de ce nombre, si important, il fallait croire, qu’on lui destinait une lettre à lui tout seul. Cette expérience a été sans doute une des toutes premières qui m’ait enseigné une certaine prudence, quand mes propres lumières semblent contredire un savoir généralement admis : qu’une telle situation peut mériter un examen attentif. La prudence, qui est un fruit de l’expérience, épouse et complète (sans l’altérer) la confiance spontanée en sa propre capacité de connaître et de découvrir, et l’assurance que donne la connaissance originelle de ce pouvoir en nous [1] ».

 

Celui qui écrit ces lignes un peu piteuses est… l’un des plus grands mathématiciens du siècle passé : Alexandre Grothendieck (1928-2014). Lorsqu’il débarque en 1948 à l’âge de 20 ans à Paris avec une lettre de recommandation en poche, il rencontre Henri Cartan, professeur à l’École normale supérieure qui le confie à deux figures majeures des mathématiques françaises, Laurent Schwartz, médaille Fields (1950), et Jean Dieudonné, l’un des fondateurs de Bourbaki. Pour tester ce jeune homme dénué de toute culture, mathématique et générale, ils lui posent quatorze questions qu’ils n’ont eux-mêmes pas éclairées. Six mois plus tard, Grothendieck revient. Stupéfait et admiratif, Dieudonné s’exclame : « Il a tout résolu ! » Dans le même temps, il a rédigé l’équivalent de six thèses de doctorat, alors qu’un étudiant compétent a besoin de trois ans pour en écrire une seule… C’est pour lui que fut fondé, en 1958, le célèbre Institut des hautes études scientifiques (IHES) de Bures-sur-Yvette, d’où sont sorties tant de médailles Fields (lui-même en ayant été lauréat en 1966, ainsi que du prix Crafoord en 1988)…

Or, dans ce témoignage autobiographique, Grothendieck avoue humblement avoir commis une erreur grossière (confondre 3 et 3,14) pour un futur génie des mathématiques. Surtout, il montre que l’on n’apprend que de ses erreurs – à condition d’avoir un retour éclairant sur celles-ci.

b) Exposé

Cet acte d’apprentissage, encore plus que les autres, est interactif. Il suppose un premier acte de l’enseigné : commettre une erreur ; puis un acte de l’enseignant : le feedback de l’enseignant ; enfin un nouvel acte de l’enseigné : l’intégration de l’erreur. En toute rigueur, il faut en outre distinguer deux moments dans l’erreur : celle-ci suppose que l’élève ou l’étudiant émet une prédiction (ou une hypothèse) et ensuite que cette prédiction soit détrompée par les faits. Les actes élémentaires sont donc au nombre de quatre.

Illustrons notre propos par la métaphore du tir : le premier acte est le premier tir ; le deuxième est l’erreur (voire l’échec) du tir qui est en décalage par rapport à la visée (il est décentré, voire manque sa cible) ; le troisième est le visionnement de la cible et la mise en corrélation entre les caractères du tir (hauteur de la visée, prise en compte du vent, etc.) ; le quatrième est le deuxième tir qui intègre les leçons.

1’) Premier acte : la prédiction

Face à un cours, une information, le psychisme ne se contente pas de se laisser imprégner ou de passivement associer comme nous l’avions vu plus haut à propos du conditionnement pavlovien ; il pose un acte de pensée et d’expression langagière ; précisément, il anticipe ce qui va être dit. S’il s’agit d’un acte sensoriel, il anticipe ce qui va être perçu, par exemple la localisation d’un objet poursuivant une trajectoire.

Même si nous en avons peu parlé, il s’agit d’un des aspects de l’engagement actif : loin de rester passif, le sens ou l’esprit ne cesse de multiplier des hypothèses sur ce qui va arriver. Cela tient aussi à la régularité sécurisante du monde.

Cela est particulièrement clair pour la raison. En science, l’expérimentateur n’attend pas que le concept, la réponse à une question, vienne de la seule observation des faits ou de la seule induction des régularités. S’il faisait ainsi, il pourrait espérer indéfiniment – et se décourager. En réalité, il ne cesse d’émettre des hypothèses qu’il valide ou invalide.

2’) Deuxième acte : le décalage ou erreur

Deux chercheurs américains, Robert Rescorla et Allan Wagner ont émis l’hypothèse suivante dans les années 1970 : « Les organismes n’apprennent que lorsque les événements violent leurs attentes [2] ». Ils ont même formalisé le décalage et/ou signal d’erreur et le degré d’apprentissage : c’est ce que l’on appelle l’équation de Rescorla et Wagner. Ils ont alors montré que le psychisme apprend grâce à ce décalage.

Comme pour l’engagement actif, l’on doit distinguer une double face, extérieure (comportementale) et intérieure (en l’occurrence, affective). Précisément, ce deuxième acte présente une face cognitive de prédiction et une face affective de surprise.

  1. Du point de vue comportemental et cognitif, le psychisme constate ce décalage entre la fin qui a été visée (et est première dans l’intention) et la fin qui est accomplie, possédée (et est dernière dans l’exécution).
  2. Du point de vue intérieur et affectif, le psychisme éprouve un étonnement. Ce sentiment est une des espèces de la crainte, il naît en présence d’un mal à venir. Or, la coïncidence entre ce qui est attendu et ce qui est, est un bien : c’est même le bien désiré par toute anticipation et sa raison d’être. Donc, lorsqu’il y a décalage, le psychisme éprouve de la surprise et le corps le manifeste par des signes repérables même chez les nourrissons (ils écarquillent les yeux et ils regardent plus longtemps). Ainsi, au même titre que la curiosité, et avec la même puissance, la surprise constitue l’un des grands moteurs de l’apprentissage. Inversement, de même que, sans curiosité, l’animal et l’homme n’apprennent pas ou plus, de même, sans surprise.

La psychologue américaine Lisa Feigenson l’a établi à partir de nombreuses expériences [3]. L’on montre à un bébé un objet qui traverse un mur. Or, ce déplacement viole une des lois de la physique qu’il connaît intuitivement, à savoir la permanence des objets. Donc, cette vision est source de surprise. Un signe en est que, s’il a l’objet en main, le nourrisson l’explore plus longtemps, le frappe pour en tester la solidité. Or, en même temps que cette étrange traversée, l’expérimentateur fait entendre un bruit ou un mot nouveau (« Regarde, je viens de bliquer le jouet »). Résultat : l’enfant retient mieux le bruit ou le terme inédit. Par conséquent, la surprise facilite l’apprentissage.

Il en est de même dans l’apprentissage de la langue. Lisez la phrase suivante :

 

« Je préfère manger avec une fouchette et avec un chameau ».

 

Cet énoncé suscite une surprise. Et, si l’on avait fait un EEG du cerveau du lecteur, le cerveau aurait émis une onde N400, c’est-à-dire un signal d’erreur. Or, il y a étonnement et signal parce que nous attendons un autre mot, cohérent avec le sens de la phrase. Par conséquent, le décalage suscite bien une surprise.

Ce qui est vrai pour les lois abstraites l’est aussi pour les événements concrets, donc sensibles. Par exemple, l’audition de sons répétés. Soit l’on fait entendre une série de notes : do do do… En même temps, l’on pratique une IRM du cerveau. On observe alors que celui-ci manifeste une surprise à l’écoute du premier son, mais que celle-ci diminue rapidement pour totalement s’évanouir. Si soudain, une note différente est introduite : do do ré…, alors, de nouveau, l’encéphale réagit. Mais ne serions-nous pas alors dans le cadre de la deuxième loi ci-dessus, à savoir la nouveauté (versus la répétition) comme source d’apprentissage ? Une autre expérience permet de réfuter cette interprétation. L’on peut faire entendre à un psychisme la suite alternée do ré do ré do ré… Malgré la variété, le cerveau s’habitue et s’adapte vite. Mais introduisons non pas du nouveau, mais, au contraire, une répétition inattendue : do ré do ré do do… Alors, on observe de nouveau la surprise [4]. Par conséquent, l’absence d’étonnement n’est pas lié à la répétition, mais à la prévisibilité.

Les études sur les stimulations visuelles aboutissent au même résultat : en présentant une image inattendue, l’activité cérébrale est relancée [5].

3’) Troisième acte : le retour sur erreur

Le troisième acte réside désormais dans la rétroaction de l’enseignant. Les études montrent que, plus elle est précise, plus l’enfant apprend [6]. La méta-analyse de John Hattie citée ci-dessus et portant sur pas moins de 800 observations, montre que la taille d’effet est de 0,73 écart-type, ce qui est considérable. Donc, le retour est l’un des plus puissants facteurs d’apprentissage. Autrement dit, l’apprentissage est proportionnel au signal d’erreur.

4’) Quatrième acte : l’intégration de l’erreur

Enfin, dans un dernier acte, l’enseigné met à jour ses connaissances, s’adapte et, si besoin, corrige son action.

Notons que ces différents actes ont été observés par Lisa Feigenson chez des bébés de 11 mois dans les enquêtes citées ci-dessus ; mais il est très probable qu’ils soient déjà présents avant, voire qu’ils soient innés. Ainsi la prédiction et la surprise née du décalage prédisposent l’enfant (et l’adulte) à apprendre.

c) Interprétation philosophique [7]

Cette nouvelle loi de l’apprentissage atteste d’abord combien celui qui est enseigné ne fait pas que recevoir, être en attente, mais est activement dirigé vers l’information (la vérité). Pour autant, se substitue-t-il à l’enseignant, voire trouve-t-il toute la vérité de son propre fond, comme dans la théorie platonicienne de l’anamnèse ? Nous verrons plus loin que non. Il n’empêche que l’on peut être troublé par cette intense activité du psychisme et du cerveau qui ne cesse d’émettre des hypothèses, d’anticiper, de se tromper et de tirer des leçons de ses erreurs.

Cette loi gagnerait à faire l’objet d’une vaste induction analogique. En effet, elle semble être véritablement universelle. Nous l’avons observé dans le deuxième ordre, celui de l’esprit et de son ébauche qu’est le psychisme sensoriel. Mais elle se vérifie aussi chez les vivants : par exemple, les différentes aires cérébrales ne cessent de s’envoyer et de recevoir des messages d’erreur [8]. Il paraît même que cette conduite par essai et erreur, c’est-à-dire par tâtonnement soit l’un des moyens mis en place par les organismes vivants pour évoluer, et donc soit l’une des grandes lois de l’évolution – ce qui ne signifie pas qu’il ne faille pas intégrer cette loi darwnienne dans une loi fléchée, c’est-à-dire finalisée. On pourrait l’étendre par en bas vers les processus inertes (la production des minéraux, des particules ou des étoiles) et par en haut dans l’évolution spirituelle (l’histoire sainte, l’histoire des Conciles ou les parcours individuels).

Cette loi d’apprentissage enrichit les deux précédentes en intégrant le langage (l’émission des hypothèses requiert un acte de parole et pas seulement une écoute de celle-ci) et l’histoire ou plutôt la totalité de la temporalité (la prédiction intègre aussi la projection dans l’avenir et non pas seulement l’attention au présent ou le souvenir des expériences passées).

De plus, paradoxalement, l’énoncé notionnel hypothétique précède l’induction, la raison précède les sens. Nous sommes ainsi invités à complexifier – sans l’abandonner – l’épistémologie d’Émile Simard réservant la solertia pour la seule invention des théories et non pas déjà pour les lois [9].

d) Application pédagogique

Là encore, profuse est la moisson pédagogique. Redisons-le à la suite de John Hattie : la qualité du retour sur erreur est l’un des facteurs prédictifs les plus assurés et les plus importants pour la réussite scolaire [10].

L’on pourrait graduer les différents types

1’) Ce qu’il faut absolument bannir

a’) La culpabilité

Lisons le témoignage d’un résilient qui fut prix Renaudot 2007 (justement pour l’ouvrage que nous citons et qui propose un portrait largement autobiographique du cancre) :

 

« La culpabilité ! Mes bulletins scolaires me le confirmaient tous les mois : si j’étais un crétin, c’était absolument de ma faute. D’où une détestation de moi, un complexe d’infériorité et surtout de culpabilité – cette vision catastrophique que les enfants peuvent avoir d’eux-mêmes quand ils ont le sentiment que leur personnalité dépend essentiellement des conséquences d’une évaluation scolaire […]. Je me considérais comme un moins que rien. Car qui n’est bon à rien – ce que me répétaient les profs les uns après les autres – n’est rien […]. Je ne me voyais d’ailleurs aucun avenir. Je n’avais aucune représentation possible de moi adulte. Pas parce que je ne désirais rien, mais parce que je me croyais inapte à tout [11] ».

b’) La sanction

Dans le même ordre d’idées que la culpabilité, l’enseignant doit avant tout conjurer la sanction. De même que, pour le deuxième acte, l’enseignant doit toujours éviter de punir un enfant pour sa curiosité, de même, pour ce troisième acte, doit-il aussi s’interdire de reprocher à l’enfant d’avoir émis une hypothèse erronée ; a fortiori, doit-il prohiber toute sanction vis-à-vis d’un enfant qui ne fait que commettre une erreur.

En effet, la sanction suscite la peur ; or, le stress bloque la plasticité neuronale qui est la condition même de l’apprentissage [12] ; donc, la sanction est anti-pédagogique.

c’) La note sèche

Dans le même ordre d’idées, la note seule, sans appréciation qui la commente et la justifie, a très peu d’impact pédagogique. Surtout, si elle mauvaise, pire encore, lorsqu’elle le demeure, semaine après semaine, alors elle devient contre-productive.

2’) Ce qui est toléré : l’apprentissage non supervisé

L’apprentissage non supervisé est caractérisé par le signal binaire « vrai » ou « faux ». Il présente déjà le double avantage de faire un retour minimal et de ne pas juger l’élève (ce qui est jugé est son travail, ce qui est bien différent).

3’) Ce qu’il convient de promouvoir : l’apprentissage supervisé

L’apprentissage supervisé se notifie par le soin donné au retour. D’un mot, l’idéal serait de remplacer l’erreur par l’essai.

a’) Du côté de l’enseignant

Centrons-nous sur le retour qui est l’acte propre de l’enseignant.

1’’) L’attitude par rapport au contenu

Son feedback présente notamment deux grandes caractéristiques. Tout d’abord, il doit être le plus rapide possible. Il est affectivement coûteux d’être en suspens : me suis-je trompé ? Or, le délai affectif se paie cérébralement : un message est envoyé à l’hippocampe qui inhibe un autre apprentissage. prédispose

Ensuite, il doit être le plus précis possible, afin de permettre à l’apprenant de se corriger. « L’idéal est un retour sur erreur détaillé qui indique précisément ce qu’il aurait fallu faire pour ne pas se tromper [13] ». En effet, le professeur doit se pénétrer de cette vérité qui souvent lui échappe : l’élève ou l’étudiant s’est trompé de bonne foi, donc ignore la raison pour laquelle il s’est trompé. Il lui est donc très utile de l’aider à trouver la raison pour laquelle il a erré. Pour cela, l’enseignant sera grandement aidé par son expérience. En effet, le catalogue des erreurs est limité ; avec le temps, le professeur voit passer la majorité des ornières dans lesquelles tombe l’élève.

2’’) L’attitude par rapport à l’enseigné

La relation à l’enfant n’est pas qu’une connexion de cerveau à cerveau, mais est une communion entre des personnes. Or, un enfant est fragilisé par une erreur : en son estime de soi et sa confiance en lui-même. L’enseignant doit d’autant plus veiller à ne pas être excluant, ne pas avoir de jugements inconditionnellement négatifs sur telle ou telle aptitude. L’idéal est la neutralité affective sur fond de bienveillance et, plus encore, d’espérance. En effet, l’espérance place dans une dynamique de progrès possible. Or, tout à l’inverse, nous allons le voir, figer l’élève dans un état le paralyse.

Concrètement, l’acte de parole par lequel l’enseignant exprime les choses est loin d’être anodin, surtout vis-à-vis d’un adolescent. En l’occurrence, à celui qui, face à deux options, A et B, a choisi A qui était erronée, il est toujours préférable de dire : « La bonne réponse était B » que de lui dire : « Tu t’es trompé ». En effet, distinguons l’acte de la raison et l’acte de la personne. Pour la raison, les deux réponses sont logiquement équivalentes. En revanche, pour la personne, le jugement sur l’erreur présente un fort retentissement affectif qui interdit parfois de convertir le « Tu t’es trompé » dans « La bonne réponse était B ». En effet, l’expérimentation montre que l’adolescent apprend mieux de ses réussites que de ses erreurs, ce qui est moins le cas de l’adulte, qui a plus de recul [14].

b’) Du côté de l’enseigné

L’enseigné n’a pas à demeurer… passif ! Allons du plus extérieur au plus intérieur, considérant les actions, les paroles et enfin les intentions.

1’’) Se tester régulièrement

Un moyen particulièrement efficace pour apprendre en intégrant ses erreurs est le test régulier, ce que les anglophones appellent retrieval practise.

 

  1. Le fait a été établi par des dizaines d’études [15]. Le psychologue américain Henry Roediger a réalisé une série d’expériences célèbres. Il propose à des élèves de mémoriser une liste de mots en une durée fixe de 8 courtes séances [16]. Pour cela, il divise le groupe en trois sous-groupes à qui il propose des stratégies différentes : le premier consacre tout son temps à étudier ; le deuxième épisse 6 séances de cours avec 2 séances de test ; le troisième alterne 4 séances de cours et 4 séances de test.

Les résultats sont patents : après 48 heures, la mémoire de la liste des mots est d’autant meilleure que les tests furent plus nombreux.

Une première leçon est claire : plus on se teste, plus on mémorise.

Une seconde est encore plus frappante : puisque la durée est fixe, le temps consacré au test est pris sur le temps donné à l’apprentissage. Voire, dans le troisième cas, le test a pris autant de temps que le cours, ce qui permet de tirer la conclusion de prime abord inconoclaste selon laquelle la mise à l’épreuve est aussi importante que le cours !

 

  1. Après le fait, les raisons. Pourquoi le test est-il si déterminant ? D’abord, il rend l’étudiant actif, alors que le cours le laisse passif. Or, nous avons vu que plus l’enseigné est actif, plus il retient, intègre, s’approprie la matière.

Par ailleurs, le test est une mise en pratique directe et immédiate du retour sur erreur. Celui-ci permet par exemple, grâce à la « méta-mémoire » de mieux repérer les parties de cours moins connues, plus difficiles à mémoriser, etc. [17]

De plus, l’élève est toujours entre peur et toute-puissance : il croit facilement que, parce qu’il comprend, il apprend ou il sait ; il croit aisément que, parce qu’il a une vision globale du cours, il en connaît les détails ; il croit aussi que, parce que, à la sortie du cours, il le connaît bien, il s’en souviendra toujours aussi clairement quelques jours plus loin, alors qu’il confond la mémoire immédiate et la mémoire à long terme. Or, le test l’oblige à se confronter à la réalité : a-t-il oui ou non compris et appris le cours ?

Enfin, la mémoire s’actualise par la répétition et la répétition régulière, ainsi que nous allons le redire. Or, les tests multiplient les reprises tout en les espaçant. Ainsi, plus on se teste et plus on tient le cours.

 

  1. Tirons-en les conséquences pour la mise en œuvre.

Ces résultats sont patents et très concluants. Mais ils sont contraires à des habitudes ancestrales très ancrées chez les enseignants et les apprenants. D’abord, ils sont convaincus que c’est par l’étude, donc le cours, et non pas le test que l’on apprend. Ensuite, le test, comme l’examen, se réduit à une évaluation des connaissances, un contrôle par notation. Or, nous venons de voir que ces deux idées reçues sont profondément fausses.

D’ailleurs, la pratique du test peut être appliquée par l’élève ou par l’étudiant à lui-même : en préparant des cartes de révision. Il écrira d’un côté la question et de l’autre la réponse. Puis il s’interroge en tirant successivement les cartes : il répond et, en cas d’échec, il la retourne pour apprendre, tirer les leçons. Surtout, il la replace sur le dessus de la pile pour s’affronter dans les plus cours délais à son échec et le transformer en réussite.

2’’) Oser parler

Ensuite, l’enseigné doit oser émettre des hypothèses, courir le risque de commettre des erreurs, hasarder une réponse, bref, s’engager. Il y va d’un acte de courage que personne ne peut poser à la place de l’élève. L’enseignant peut toutefois y disposer : en donnant des exemples d’enfants qui ont été changés en cessant d’être passifs ; en repartant d’expériences faites par l’enfant de réussites ; en respectant profondément sa liberté et son rythme ; en pratiquant la cohérence cardiaque ou la méthode Tipi lorsque l’enfant est submergé par l’angoisse.

3’’) Entrer dans une mentalité en progrès

Remontons enfin de l’acte de la parole à la disposition intérieure. La psychologue américaine Carol Dweck oppose ce qu’elle appelle fixed mindset, la « mentalité fixiste », et growth mindset, la « mentalité en progrès » [18]. Or, elle a montré que l’un des états mentaux les plus toxiques pour l’enfant est l’identification à la première mentalité : « De toute façon, les langues étrangères, ce n’est pas ma tasse de thé ». Le mieux est donc, pour l’enfant, de remplacer les paroles inconditionnellement figées ou négatives, par des paroles réalistes, progressives et positives : « Si je travaille régulièrement, je suis capable d’atteindre un bon niveau d’anglais ».

4) La consolidation

Un dernier pilier est nécessaire : la consolidation [19].

a) Répéter
1’) Exposé

Apprendre ou mettre en place un nouvel acte selon les lois qui viennent d’être étudiées (attention, retour sur erreur, etc.) ne suffit pas. Encore faut-il consolider l’acquis. En effet, au point de départ, l’activité de celui qui sait présente plusieurs caractéristiques : elle se fait lentement, avec effort et non sans erreur. C’est ce que montre, par exemple, l’apprentissage de la lecture chez un bon élève de fin de CP. Quand le déchiffrage des lettres et des syllabes a été mis en place, au début, l’élève lit lentement et péniblement ; même s’il ne se trompe pas toujours, il butte sur les mots. Puis, la lecture s’accélère, devient plus fluide. Enfin, après plusieurs années de pratique intensive de la lecture (oui, plusieurs années !), celle-ci devient rapide, agréable et sans faute.

Mais la consolidation ne réside pas seulement ni même d’abord dans le passage de la difficulté à la facilité, de l’erreur au sans-faute, de l’effort à la joie ; elle réside, plus profondément dans la routinisation ou l’automatisation. Ce point n’est pas si évident à voir. L’expérience a montré que, au début, le temps de lecture est linéairement proportionnel à la longueur du mot ; on a même calculé que chaque lettre supplémentaire ajoute un cinquième de seconde au temps total de lecture [20]. En revanche, après deux ou trois années de lecture intensive, l’élève met le même temps pour lire un mot composé de 2 lettres et un mot composé de 9 lettres. Autrement dit, l’effet lié à la longueur des mots a disparu.

Comment comprendre cette différence étonnante ? Au commencement, l’élève lisait en déchiffrant lettres et syllabes une à une. Or, désormais, il ne déchiffre plus : il reconnaît le mot d’un coup d’œil. Il est donc passé d’un processus successif, la lecture sérielle, à un processus simultané, la lecture parallèle. Concrètement, au cours des années d’apprentissage, grâce à la lecture de milliers de textes, les facultés visuelles se sont adaptées aux formes et aux positions de toutes les lettres familières agencées selon les principales graphies (écrites et typographiques) [21] et le psychisme a appris à reconnaître toutes les combinaisons les plus fréquentes de lettres et écarter toutes les autres associations [22].

Ce qui est vrai pour l’exemple de la lecture se vérifie pour les autres domaines d’apprentissage : jouer d’un instrument de musique, taper à la machine, conduire une voiture, apprendre une langue, etc.

2’) Interprétation scientifique

Le neuroscientifique interprète ce processus permis par la répétition ou le surapprentissage comme une automatisation : le passage d’une activité consciente, coûteuse et lente à une activité inconsciente, automatique et rapide [23]. Ce passage est objectivé par l’imagerie cérébrale : les premiers modes d’activité sont exercés par des régions cérébrales différentes des seconds modes d’activité ; la routinisation entraîne un déplacement au sein de l’encéphale. Concrètement, chez tous les lecteurs sont activées les aires visuelles de reconnaissance des lettres et les régions temporales qui traitent les phonèmes, les syllabes et les mots. Mais on observe une différence entre lecteur débutant et lecteur aguerri : chez le premier, les régions pariétales préfrontales sont massivement activées, ce qui n’est plus le cas chez le second. Or, elles reflètent l’effort, l’attention spatiale et la mise en œuvre de stratégies conscientes [24]. Cela signifie donc que le lecteur expert n’éprouve plus aucun effort à lire. D’ailleurs, une confirmation est fournie dès que la lecture « dveeint pslu cmolpiqéue ». Pour lire ces trois derniers mots, vous avez dû de nouveau mobiliser vos aires pariétales [25]

Il est en de même pour les autres activités. Par exemple, l’apprentissage du ski qui, au départ, mobilise massivement le cortex proéfrontal se transfère, après des années de pratique, dans le cortex moteur et les noyaux gris centraux (groupe de circuits sous-corticaux qui enregistrent nos comportements réflexes). On observe la même évolution pour l’apprentissage de l’arithmétique : le transfert s’opère de l’activité préfrontale aux cortex pariétal et temporal ventral [26].

 

Le phénomène est tellement important et massif que le chercheur se risque même à une interprétation finaliste (plus ou moins à son insu). Le cerveau automatise ou routinise un certain nombre pour, en creux, économiser de l’énergie et, en plein, mobiliser l’énergie restante vers de nouvelles activités. Précisément, quand les activités d’un certain niveau sont devenues automatiques, nécessaires, elles sont en quelque sorte compilées par les niveaux plus inconscients du psychisme et libèrent l’attention ; or, nous avons vu que l’attention non seulement mobilise beaucoup d’énergie, mais nous focalise au point que nous ne pouvons pleinement accomplir qu’une action vigilante à la fois ; donc, une fois qu’une activité d’un niveau inférieur est devenue habituelle, elle peut passer, s’intégrer dans une activité supérieure. Par exemple, la lecture peut être totalement mise au service de la compréhension d’un problème mathématique. Un contre-exemple fourni par Dehaene permet de l’attester non sans humour :

 

« Hin hoto mobilist kit Nanth pour Pari a katorzeure. La distensse ai de troia sans quilomaitre. Ile harive à dicesetteure. Kaile été sa vitaisse moi hyène ? »

 

Ce qui était un problème de mathématiques de niveau très élémentaire (quelle vitesse moyenne pour parcourir 300 km en 3 heures) devient d’abord un pénible problème de lecture et de signification…

2’) Interprétation philosophique

Ces données sont riches d’enseignement philosophique.

a’) Les critères d’acquisition des habitus

En morale traditionnelle, les habitus sont signifiés par trois notes principales qui ont été utilisées chemin faisant : facilité, inerrance et joie [27]. Les neurosciences, qui bien entendu les ignorent, ne les ont pas systématisées. En revanche, elles ajoutent une autre propriété qui ne peut pas être purement et simplement reconduite à la première : l’automatisation, qui inclut l’inconscience.

b’) La différence de niveau

L’interprétation proposée par Dehaene fait implicitement appel à une conception hiérarchique et non point platement séquentielle des activités humaines. Dans la vision traditionnelle de l’éthique, un acte passe d’une modalité consciente et libre à une modalité inconsciente et involontaire (par automatisation) ou en sens inverse d’une modalité inconsciente et involontaire à une modalité consciente et volontaire (par entrée dans le champ de la conscience, comme une sensation de bruit de fond, ou un sentiment de colère [28]). Mais une telle conception demeure unidimensionnelle ; si elle a le mérite d’être diachronique, c’est-à-dire historique ou évolutive, elle n’est en rien synchronique, c’est-à-dire complexe, structurale. Or, ce que cette nouvelle conception de l’apprentissage nous apprend, c’est que les évolutions sont non seulement horizontales, mais verticales : le niveau supérieur qui est conscient et volontaire devient, peu à peu, par apprentissage et consolidation, un niveau inférieur qui est inconscient et involontaire. Or, le niveau inférieur est (j’oserais dire : se met) au service du niveau supérieur.

Cette loi qui demanderait à être relue à la lumière de l’amour-don (n’avons-nous pas parlé de « service » ?) peut être généralisée. Voire ne traverserait-elle pas la totalité du créé ? Il se passe au fond la même chose dans l’esprit que ce qui se passe dans un organisme (celui-ci effectue des opérations automatiques souvent d’autant plus nombreuses et d’autant plus rapides que le niveau est inférieur) et ce qui se passe dans les machines les plus élaborées, par exemple en informatique (elles sont hiérarchisées en couches et pas seulement segmentées en sections).

Il ne suffit donc pas de dire comme Dehaene que « consolider un apprentissage, c’est rendre les ressources du cerveau disponibles pour d’autres objectifs [29] » – ce qui est platement altérisant, horizontal –, mais d’affirmer que cette consolidation permet une hiérarchisation, donc une élévation à un niveau supérieur – ce qui suppose l’humble (et non pas humiliante) mise au service des niveaux inférieurs par l’automatisation.

c’) Une application : signifiant et signifié

La lecture offre un exemple privilégié de cette différence de niveaux. La lecture suppose en fait une double opération de symbolisation (ce qui est extraordinairement complexe et échappe totalement aux animaux). Tout d’abord, il s’agit de corréler un signe visuel à un signe verbal. Ensuite, il s’agit de corréler un signe verbal avec une signification. Or, autant la première corrélation est horizontale, homogène, puisqu’elle s’effectue au ras du signifiant, autant la seconde est verticale, hétérogène, puisqu’elle passe du signifiant au signifié. Ce que je dis là n’est pas d’abord compliqué dans les mots, mais compliqué dans les notions : pour nous, la lecture est devenue tellement habituelle que nous ne savons plus y distinguer toutes ces opérations, ce qui en dit long sur les immenses bénéfices de l’automatisation.

Le premier travail de routinisation ou d’habituation automatisante s’opère pendant l’apprentissage de la lecture ; une fois acquise la corrélation réflexe entre signifiant visuel et signifiant verbal, le surapprentissage fait passer habituellement du signifiant au signifié, jusqu’au jour où l’habitude est telle que le visuel devient signifiant du signifié, donc que le psychisme efface la médiation verbale par la lecture, autrement dit qu’elle est devenue totalement transparente.

d’) La différence conscience-inconscient

Le passage d’une aire cérébrale à une autre montre que le changement de modalité d’un acte n’est pas une modification superficielle. Comment l’interpéter ? Brièvement, l’anthropologie aristotélico-thomasienne introduit différents principes de distinction des activités psychiques : objet formel, acte, habitus, puissance. Or, la différence entre conscience et inconscience colore l’acte, affecte sa modalité. Elle apparaît donc peu profonde, voire négligeable. Elle ne devient importante que du point de vue moral, en tant que l’habitus aggrave ou au contraire excuse la responsabilité d’une action – ce qui ne nous concerne pas ici où nous traitons de l’acquisition des savoirs (les vertus intellectuelles théoriques) et des savoir-faire (les vertus intellectuelles techniques), point des savoir-être (les vertus morales).

Inversement, la psychanalyse freudienne a tellement valorisé ces deux modalités qu’elle en a fait deux instances de la première topique – l’équivalent de facultés.

Entre ces deux extrêmes, cette observation scientifique et éducative de première grandeur invite à introduire un nouveau principe de différenciation des actes qui prenne en compte ce concept, lui aussi, inédit, d’intégration des niveaux : une activité de niveau inférieur tend à se routiniser, à passer à l’état de nature, afin de devenir disponible, comme un service, pour une activité de niveau supérieur.

3’) Application pédagogique

L’application pédagogique est patente : il faut favoriser le surapprentissage ou la consolidation. Donc, en creux, conjurer l’illusion selon laquelle l’acquisition des bases suffit. Une fois la première habitude acquise, l’enseignant ne doit rien lâcher avant que nombre d’activités élémentaires soient totalement automatisées. Elles correspondent aux fameux actes de base : lire, calculer, compter, écrire.

Pour ma part, j’en ajouterai d’autres concernant les grands actes intellectuels – les fondements de la logique comme les trois opérations de l’esprit – le contenu – les vérités premières en métaphysique (principe de contradiction, finalité, etc.), en anthropologie (la pyramide humaine, les différences homme-animal, homme-machine, homme-femme, parent-enfant, etc.), en éthique (la norme personnaliste et la norme utilitariste, les critères de discernement, etc.), en cosmologie (l’unité de l’univers, sa hiérarchie, son histoire, sa finalité, etc.).

b) Espacer les apprentissages
1’) Exposé

Pour répéter, et donc pour apprendre, il est fortement conseillé d’espacer les répétitions. Autrement dit, il est bien plus efficace d’alterner les périodes d’étude ou de cours et les périodes d’apprentissage ou de test. C’est ce que démontrent de multiples études depuis longtemps [30]. Elles établissent, par exemple, que mieux vaut s’entraîner quinze minutes par jour toute la semaine que de concentrer deux heures sur une seule journée ; pourtant, 2 heures font plus que 6 ou 7 fois un quart d’heure. Elles quantifient même le gain : la révision à intervalles réguliers multiplie la mémorisation jusqu’à un facteur 3 vis-à-vis d’une révision unique.

La cause de cette différence a été montrée en imagerie cérébrale : l’espacement active davantage le cerveau ; inversement, lorsqu’on apprend tout d’un coup, donc lorsqu’on répète beaucoup durant la même période, la nouveauté disparaît [31]. Or, nous avons vu que la nouveauté stimule le psychisme et que, plus le psychisme est stimulé, plus il apprend.

2’) Interprétation philosophique

Ces constats confirment la doctrine traditionnelle en éthique selon laquelle l’habitus s’acquiert par la multiplication des actes. Ce qui est vrai des vertus morales vaut aussi pour les vertus intellectuelles.

La raison philosophique profonde en est que la révision (intellectuelle) ou répétition (éthique) des actes (conscients et libres) permet une inhérence toujours plus grande de la forme (habitus ou qualité de première espèce) dans le sujet. Et les neurosciences le confirment au plan matériel : le cerveau n’est pas seulement plastique ; il est prédisposé pour consolider, c’est-à-dire stabiliser les connexions.

Ainsi, loin d’être le signe de la mort (comme le pense la psychanalyse de la seconde topique), la répétition ainsi comprise est signe de la vie. Certes, dans la consolidation, l’acte passe à l’habitude, et donc le libre devient automatique. Mais l’automatique n’est pas seulement du moins libre, c’est une autre forme de vie : l’esprit retourné en nature. Et cette vie involontaire permet à la vie volontaire de se déployer dans d’autres secteurs, ainsi que nous l’avons évoqué ci-dessus.

3’) Application pédagogique

a’) Pour la mémorisation

La règle d’or de l’apprentissage est donc bien la répétition régulière.

1’’) Ce qu’il convient d’éviter

Apprendre tout en une fois est non seulement beaucoup moins efficace, mais crée en nous une illusion : celle de tout savoir ; mais la mémoire qui emmagasine le savoir est la mémoire de travail, pas la mémoire sur le long terme. De même, les partiels de fin d’année ou de semestre incitent à la révision de dernière minute (le blocus dont parlent les Belges) ; or, le plus souvent, ce qui est efficace à court terme ne l’est pas à long terme.

Au terme d’un cours ou d’un chapitre, ne proposer des exercices que sur le cours ou le chapitre est insuffisant.

2’’) Ce qu’il convient de promouvoir

Concrètement, il faut donc réorganiser non seulement les années scolaires et universitaires, mais aussi les manuels : chaque chapitre ou leçon doit se terminer par un quiz permettant de tester l’apprentissage du chapitre ou du cours (c’est ce que l’on fait le plus souvent aujourd’hui) ; mais aussi des leçons précédentes, afin de convoquer la totalité du savoir ; mieux encore, il convient de mélanger les exercices, afin d’assouplir la mémoire et de mobiliser le plus possible l’intelligence [32].

b’) Pour les tests

Ce qui est dit ici de la mémorisation peut s’étendre aux tests. Souvent, l’on regroupe les périodes d’entraînement, par exemple en fin de semestre. Il faut donc préférer à cette méthode peu efficace, une méthode plus étendue et plus fragmentée : la multiplication des tests ou le contrôle bien qualifié de continu.

L’expérimentation a aussi établi un autre fait étonnant : il est bon de reprendre des exercices déjà réussis (et pas seulement ceux où l’on a échoué) [33]. La raison en est que l’intelligence est encore en apprentissage. Or, en cette phase, même si elle sait, même si elle croit savoir parfaitement, elle ne sait pas encore bien, n’est pas encore assurée. Elle a donc encore une marge avant de passer au stade vraiment intégré et inerrant, assuré. Même si ce surapprentissage est faible, la répétition permet encore une acquisition plus grande, sans surprise ni erreur. Par exemple, un élève peut lire sans faute ; toutefois, il ne lit pas encore de manière fluide.

c) Dormir ou espacer les apprentissages d’une nuit
1’) Énoncé

L’apprentissage nécessite l’espace décisif de la nuit ou plutôt du sommeil. Pour la raison décisive que celui-ci a notamment pour rôle de consolider l’acquis.

Il faut souligner cette loi pourtant maintenant bien connue, tant nous sommes encore habités par cette conviction profonde que, pendant la nuit, le cerveau, comme le restant de notre corps, se repose – au mieux se détoxique. Ne parle-t-on pas de « sommeil réparateur » ? Or, cela fait presque un siècle qu’il a été établi que, pendant la nuit, le cerveau – comme le reste du corps – travaille intensément : il transforme le conscient en automatique ; en un mot, selon ce que nous avons vu ci-dessus, il consolide.

2’) Exposé

Au terme du xixe siècle, le philosophe allemand, pionnier de la psychologie expérimentale, Hermann Ebbinghaus a étudié la mémoire et montré que l’oubli suivait une courbe exponentielle : plus nous laissons passer le temps, moins nous nous souvenons [34]. Instantanément, cette loi esthétique séduit.

Jusqu’à ce que, en 1924, John Jenkins et Karl Dallenbach reprennent ces travaux et repèrent une anomalie : entre 8 et 14 heures après l’apprentissage ne se produit aucune perte de mémoire [35]. Si, comme toute exponentielle, la courbe est continue, alors, les souvenirs devraient s’amenuiser pendant cette période.

C’est alors que les deux psychologues américains ont une intuition : avant 8 heures, les tests ont été passés pendant la même journée, alors que, après 14 heures, ils se sont déroulés le lendemain. Or, entre les deux, s’est passée une nuit de sommeil. Dès lors, leur hypothèse est née : le sommeil consolide la mémoire ; dormir empêche d’oublier. Pour l’établir, il leur suffit d’élaborer une expérience où les deux variables, délai écoulé et nuit de sommeil, sont découplées. Pour cela, ils enseignent à des étudiants deux syllabes aléatoires soit vers minuit, juste avant de dormir, soit le matin. Or, qu’observent-ils ? L’apprentissage matinal suit la loi d’Ebbinghaus, mais l’apprentissage vespertinal la viole : la courbe descendante devient une droite. Encore faut-il que, pendant la nuit, l’étudiant ait dormi au minimum deux heures…

Plusieurs objections ont été faites. D’autres hypothèses que la consolidation pourraient expliquer le fait observé : le sommeil désintoxique le cerveau ; la mémoire souffre de la surcharge informationnelle de la veille.

Ces difficultés et d’autres ont été définitivement balayées par une découverte de chercheurs israéliens qui ont établi que le sommeil améliore l’apprentissage [36]. En effet, on a demandé à un sujet d’apprendre à détecter une barre à un endroit précis de la rétine. Par l’apprentissage, ses performances s’améliorent lentement, puis elles stagnent. On laisse alors le volontaire dormir. Puis on le reteste au réveil. Et que constate-t-on ? Non seulement, sa réussite est très améliorée, mais sa performance demeure tout au long de la journée et les journées suivantes.

La même expérience permet de préciser que c’est le sommeil paradoxal qui effectue ce travail de mémorisation (le sujet réveillé pendant ces phases montre qu’il n’améliore pas ses performances mnémoniques)

D’autres travaux ont confirmé et approfondi cette découverte révolutionnaire [37]. La quantité de l’apprentissage est proportionnelle à celle du sommeil, mais aussi à sa qualité. Les deux formes de sommeil sembleraient jouer des rôles différenciés et complémentaires : la consolidation et la généralisation des connaissances pour le sommeil profond ; le renforcement des apprentissages perceptifs et moteurs pour le sommeil paradoxal.

3’) Interprétation scientifique

Les expériences précédentes ont constaté ce fait si riche d’enseignement : la mémoire se consolide pendant le sommeil. Mais elles n’en expliquent pas les mécanismes. Passons du quoi au comment.

a’) Observations chez l’animal

Une découverte décisive est faite en 1994 par Matt Wilson et Bruce McNaughton [38] : les neurones de l’hippocampe s’activent pendant le sommeil de manière spontanée, c’est-à-dire en dehors de tout stimulus extérieur. Plus encore, ils constatent que cette activité retrace les pas que l’animal a faits dans la journée. En effet, le mouvement local est un mouvement progressif pendant lequel l’animal passe continument d’un lieu à un autre. Or, l’hippocampe est une partie du cerveau dont les neurones possèdent la capacité d’enregistrer les différents lieux traversés par l’animal : des neurones divers et successifs déchargent au fur et à mesure où l’animal avance. Par exemple, alors qu’il se déplace dans un couloir, on observe que certains neurones s’activent à l’entrée du couloir, puis d’autres au milieu, d’autres enfin à sa sortie, pavant ainsi la totalité de la translation.

Or, les neurophysiologistes américains observent que, pendant le sommeil du rat, les mêmes neurones de l’hippocampe se remettent à décharger et dans le même ordre. Une seule différence, et de taille : la vitesse. En effet, cette célérité est tantôt la même, tantôt accélérée, jusqu’à un facteur 20. Puisque la mémoire est le sens interne qui se représente le passé qui a été perçu, on doit donc en conclure que, pendant la nuit, le rat se répète dans sa mémoire ce qu’il a expérimenté dans la journée.

Cette stupéfiante corrélation est si univoque entre l’activité des neurones hippocampiques et ces souvenirs spatiaux qui sont rejoués qu’on peut l’inverser : à partir de la topographie des décharges neuronales, il est possible de déduire le contenu du rêve [39]. On constate alors que, chaque nuit, le rat revit les souvenirs de la veille, en l’occurrence, il rejoue les patrons d’activité et ainsi les renforce. Ce qui est confirmé dans le temps l’est aussi dans « l’espace » du cerveau, c’est-à-dire l’étendue des autres activités corticales : un événement, même unique, est réitéré parfois des centaines de fois. On doit donc conclure que le sommeil a pour finalité la stabilisation de la mémoire épisodique. Autrement dit, l’activation nocturne est orientée vers la consolidation des apprentissages diurnes – au point que certains chercheurs y voient la fonction principale du sommeil [40].

Précisons surtout que cette réactivation n’est pas qu’une répétition. D’abord, elle est un passage d’une mémoire rapide, épisodique et consciente (néocorticale) pendant la veille et l’éveil, à une mémoire lente, durable et inconsciente (corticale) pendant la nuit. Ensuite, la première mémoire est globale, synthétique, alors que la seconde extrait le maximum d’informations de chaque épisode – ce que permet le temps long. Enfin, cette réactivation nocturne a beau être alimentée par le passé, elle est finalisée par l’avenir : elle prépare les tâches du lendemain. La preuve en est que plus un neurone a déchargé pendant le sommeil, plus il participera à la tâche la journée du lendemain [41].

b’) Extension à l’homme

Ces observations sont extensibles à l’être humain [42]. Par exemple, un adulte joue à Tetris, un jeu vidéo où des pièces de puzzle tombent en permanence du haut de l’écran. L’IRM a alors observé que, pendant son rêve, le sujet voit des cascades de formes géométriques ; voire, le chercheur constate que les yeux présentent des nystagmus verticaux, c’est-à-dire des mouvements alternativement ascendants et descendants. Donc, les circuits sollicités pendant la veille le seront aussi pendant la nuit ultérieure. On commence même à pouvoir retracer les itinéraires accomplis la veille dans l’espace.

D’autres étendent ces expériences élémentaires et motrices, et les confirment par le vécu intérieur qui n’est pas accessible par l’imagerie cérébrale. Lorsqu’on réveille une personne en plein rêve et qu’elle raconte rencontrer des personnes, l’on a vu juste avant par IRM l’aire corticale correspondant à la reconnaissance des visages s’être activée. Ainsi, la technique devient anticipatrice.

Et ces observations établissent si bien que la finalité du sommeil est la consolidation de l’acquis par automatisation, que certaines d’entre elles permettent de prédire l’intensité de la consolidation. En effet, on a appris à des sujets à se servir d’un joystick. Or, l’on a observé la nuit suivante une augmentation de la fréquence et de l’intensité des ondes lentes de sommeil dans les régions pariétales impliquées dans l’apprentissage. Enfin, l’on a constaté que plus cette croissance est forte, plus la performance de la personne progressait [43]. L’expérience a été confirmée pour les apprentissages moteurs [44].

D’autres publications ont confirmé le lien causal entre sommeil et intériorisation de l’appris. En effet, pendant le sommeil profond, l’activité cérébrale oscille à une fréquence lente (40 à 50 cycles par minute). Or, soit en injectant des minuscules courants, soit en jouant un bruit diffus synchronisé, l’équipe de Jan Born produit une petite impulsion d’une fréquence donnée qui fait entrer ces rythmes en résonance. Dès lors, la profondeur du sommeil est (artificiellement) accrue : il produit un nombre significativement plus élevé d’ondes lentes, c’est-à-dire des ondes lentes plus profondes – comme c’est le cas, lorsque nous sommes bercés par le bruit des vagues. Or, l’on a constaté que les personnes que l’on a ainsi entraînées présentent une meilleure consolidation de leurs apprentissages [45].

4’) Interprétation philosophique

Il faudrait ici mobiliser la phénoménologie de la fatigue élaborée par Jean-Louis Chrétien [46] ou la méta-anthropologie – qui est aussi une théologie – du sommeil développée par Charles Péguy [47]. De ce dernier, il conviendrait d’ailleurs de croiser sa philosophie de l’enfant avec celle du sommeil [48] : l’on comprend désormais que si l’enfant dort tant, c’est parce qu’il a tant besoin d’apprendre.

Mais il faut dire plus que Péguy : le cerveau ne se contente pas de reposer ; il améliore dans son ordre propre. Autrement dit, le sommeil est régi par la loi du surcroît.

Nous sommes d’ailleurs face à une loi généralisable, me semble-t-il, à tous nos organes (par exemple, à notre frère le foie), voire à toute la nature (« En hiver, la racine vit », disait saint Augustin avec profondeur [49]). Toutefois, les tempi varient selon les organes. Par exemple, le cerveau, lui, présente une rythmicité sur la seconde, à chaque battement.

Ainsi, le processus analysé ci-dessus de passage hiérarchisé du supérieur à l’inférieur qui est aussi un transfert de la liberté en nature, s’avère également être un passage du jour à la nuit. De fait, symboliquement et réellement, le jour est à la nuit ce que l’esprit est à la nature, ce que l’émissif est au réceptif ou le masculin est au féminin.

La dynamique de réactivation est un processus à trois temps qui épouse celle du don, jusque dans son autochronie : réactiver la veille, c’est-à-dire recevoir ce qui a été consciemment vécu la veille ; intérioriser, extraire le contenu, c’est-à-dire se l’approprier inconsciemment pendant le présent hypnique ; se préparer aux tâches diurnes et conscientes du lendemain.

Il faut donc doubler la loi ravaisonnienne instatique du retour de la liberté en nature [50], d’une loi extatique d’élévation de la nature en une liberté supérieure. La nature qui sourit malgré les orages (neuronaux du sommeil paradoxal) prépare en secret les lendemains d’une liberté qui se donne…

5’) Application pédagogique

a’) Bien et mieux dormir

Là encore, les conséquences sont aussi importantes qu’évidentes : bien dormir. Or, aujourd’hui nous sommes gravement en manque : quantitatif (déprivation) et qualitatif (sommeil altéré, découpé, etc.). Nous l’avons vu en détail dans l’étude déjà citée présente sur le site : « Les dangers méconnus des écrans numériques. Une urgence éducative ». Par conséquent, il nous faut plus et mieux dormir. L’on a ainsi constaté qu’un bébé qui fait la sieste retient bien mieux les mots enseignés avant de s’endormir, voire il les applique plus largement et donc se prépare ainsi à abstraire [51]. De même, une brève sieste l’après-midi améliore l’apprentissage de la matinée [52]. Saint Thomas d’Aquin l’avait-il découvert expérimentalement, lui dont on disait qu’il dictait en dormant, alors que, en réalité, il se mettait en état d’intense méditation et, pourquoi pas, bénéficiait de périodes de repos ?

Dans le même ordre d’idées, la chronobiologie semble établir que les modifications hormonales induites par la puberté modifient son cycle de sommeil : ils ont moins besoin de se coucher tôt et donc ont plus de mal à se lever tôt. De fait, l’expérimentation montre que, lorsqu’on diffère l’entrée à l’école de 30 ou de 60 minutes, les performances scolaires s’améliorent, l’absentéisme diminue (sans rien dire d’autres paramètres qui n’ont rien d’anodin : toujours chez l’adolescent, l’obésité, la dépression, les accidents régressent) [53]. Ainsi, plutôt que de continuer à leur imposer le rythme de l’enfance et, a fortiori, les juger de désordre ou de paresse, il conviendrait que les rythmes scolaires s’adaptent à ces changements biologiques.

b’) Stimuler le sommeil

Peut-on même stimuler la nature pour lui permettre de porter un meilleur fruit ? Tous ces passionnants acquis scientifiques ont conduit à développer certaines techniques pour favoriser l’apprentissage. Ainsi, des musiques de bruits lents stimuleraient les rythmes cérébraux de consolidation. Surtout, des chercheurs ont cherché à augmenter certains apprentissages en stimulant des réactivations sélectives. Pour cela, ils ont parfumé une salle de classe par une odeur entêtante de rose. Puis, pendant le sommeil profond, ils ont pulvérisé la même odeur dans la chambre. Le résultat fut patent : la personne qui avait dormi dans la chambre avec odeur avait bien mieux intégré l’apprentissage que celle n’en ayant pas bénéficié [54]. L’expérience a été confirmée avec un stimulus relevant d’un autre sens, en l’occurrence l’ouïe : la mémorisation d’une cinquantaine d’images associée à un son (tâche difficile) sera favorisée par l’écoute totalement inconsciente, la nuit suivante, de ces sons [55].

En revanche, soyons bien clair sur les limites. Automatiser le souvenir n’est pas mémoriser. En effet, mémoriser, c’est créer de nouveaux souvenirs ; or, pendant la nuit, le psychisme n’intègre pas des informations inédites, mais consolide celles déjà présentes. D’ailleurs, l’expérience montre que les enregistrements audio que certains charlatans vendent pour apprendre une langue étrangère pendant la nuit ne présentent aucune efficacité [56]. Cela se comprend philosophiquement : l’apprentissage du nouveau requiert l’attention, donc la conscience et la liberté ; or, celles-ci sont abolies pendant le sommeil.

d) Espacer progressivement les apprentissages

Nous venons de voir que l’apprentissage est grandement aidé par la répétition. Quel est l’intervalle de temps optimal entre deux répétitions ? Autrement dit, quel est l’espacement permettant la meilleure mémorisation ?

1’) Exposé

L’équipe du psychologue américain Harold Pashler distingue les intervalles en fonction de la finalité et donc subordonne cette question à la suivante : combien de temps le sujet désire-t-il garder l’information en mémoire ? La réponse est alors la suivante :

  1. Pour se souvenir d’une information pendant quelques jours ou quelques semaines, l’intervalle idéal est d’un jour ; autrement dit il est préférable de répéter tous les jours. Nous allons le redire : cela est dû au travail de la mémoire.
  2. Pour se souvenir d’une information pendant une longue durée (quelques mois à quelques années), voire le plus longtemps possible (les diagnostics en médecine, les grands énoncés de lois, les principales dates en histoire, etc.), il convient de rallonger progressivement l’intervalle de révision. Concrètement, il faut commencer par répéter tous les jours (nous avons vu combien respecter une nuit de sommeil est essentiel) ; puis toutes les semaines ; puis tous les mois ; enfin tous les ans. Il est établi que cette stratégie permet la meilleure disponibilité des souvenirs non seulement sur le long terme, mais aussi à chaque instant [57].
2’) Interprétation philosophique

Il y va de la loi ontochronique : pour les substances matérielles, donc mobiles, le temps révèle et incarne l’être.

3’) Application pédagogique

Souvent, l’on procède de manière anarchique (on révise au petit bonheur) ou, au contraire, univoque (le même intervalle, par exemple, d’une semaine).

e) Dormir pour inventer ?
1’) Le problème

Mais avançons d’un dernier pas : le sommeil stimule-t-il les découvertes ? De prime abord, non. Nous avons vu que nous ne pouvions rien apprendre de nouveau en dormant ; or, découvrir est une activité encore plus exigeante que mémoriser.

Là contre, un certain nombre de témoignages attestent que des découvertes et des grandes découvertes furent faites en dormant, c’est-à-dire au réveil. L’exemple le plus fameux est peut-être celui du chimiste allemand Fredrich August Kekulé von Stradonitz qui, lors d’un congrès scientifique en 1890, raconte avoir découvert la structure annulaire tout à fait inhabituelle (et de prime abord incompréhensible) du benzène (C6H6) dans un rêve :

 

« Une fois encore les atomes tourbillonnaient devant moi […]. Dans mon esprit, qui était empli d’innombrables images semblables, je voyais de grandes formes étranges et de longues chaînes. Les formes se tordaient comme des serpents. Soudain, quelque chose se passa. Un serpent se mordit la queue et engendra une forme semblable à un anneau qui tournait devant mes yeux. Je me sentis comme frappé par une illumination et je me réveillai ».

 

Et Kekule de conclure ainsi sa conférence : « Apprenons à rêver, mesdames et messieurs, et seulement alors, nous pourrons apprendre la vérité [58] ».

Qu’en penser ?

2’) La solution

L’hypnologue allemand Jan Born déjà rencontré a tenté de résoudre la question [59]. Pour cela, il a enseigné pendant le jour un algorithme complexe à des volontaires. Et celui-ci comportait un raccourci caché permettant de réduire considérablement le temps de calcul, mais ce raccourci n’était pas révélé. Les sujets le découvriraient-ils ? Avant de dormir, seul un tout petit nombre l’a démasqué ; après une bonne nuit de sommeil, ce nombre doublait ; après une nuit sans dormir, la quantité était aussi faible qu’avant. Conclusion : l’eurêka ne dépend pas du temps donné pour trouver la solution, mais du sommeil.

Ainsi, le sommeil ne se contente pas de consolider les connaissances déjà existantes, mais ouvre à des connaissances inédites. Peut-on passer du fait à la cause ? Comme les savoirs sont déjà stockés et qu’aucune information en tout cas consciente n’entre pendant le sommeil, il faut donc émettre l’hypothèse que celui-ci engendre une reconfiguration ou un recodage des informations déjà présentes. Est-ce par le rejeu qui, soudain, ferait apparaître des coïncidences, permettrait que se rencontre ce qui était éloigné ? Est-ce par l’accélération et la compression ? Sur ce point, Dehaene reste bien flou [60].

Certains chercheurs, eux, se tournent vers le rôle du rêve : celui-ci ne serait pas une reproduction de la réalité, mais plutôt une reconstitution nouvelle qui expérimenterait des possibles pour mieux explorer les différents possibles. Autrement dit, le psychisme opèrerait l’équivalent des expériences de pensée chères aux philosophes analytiques. N’est-ce pas ce qu’ont fait un certain nombre de physiciens parmi les plus géniaux, au premier rang desquels Albert Einstein dont les deux théories de la relativité sont nées d’expérience de pensée (mais aussi Galilée qui, semble-t-il, n’a jamais fait choir d’objets de la tour de Pise, ou Newton qui, de fait, n’a jamais pu faire tomber la Lune sur la Terre, comme une pomme de son arbre…).

Quoi qu’il en soit, les informaticiens ont conçu des modèles de machine dont les algorithmes imitent l’alternance de la veille et du sommeil [61].

4’) Interprétation philosophique

L’on pourrait verser au dossier de cette hypothèse la conception de l’imaginaire que l’on trouve parmi les plus grands mythopoïètes contemporains (Tolkien et Lewis) : l’imaginaire subcrée un monde qui explore des possibles irréalisables.

Pascal Ide

[1] Alexandre Grothendieck, Récoltes et Semailles. Réflexions et témoignage sur un passé de mathématicien, Université Paris 6, Grothendieck Circle, 1987, p. 263 et 264. Le texte est inédit en français, mais il est disponible en ligne : https://jmrlivres.files.wordpress.com/2009/11/recoltes-et-semailles.pdf

[2] Cf. Robert Rescorla & Allan Wagner, « A theory of Pavlovian conditioning : Variations in the effectiveness of reinforcement and nonreinforcement », Classical Conditioning II: Current Research and Theory, 2 (1972), p. 64-99.

[3] Cf. Aimee E. Stahl & Lisa Feigenson, « Observing the unexpected enhances infants’ learning and exploration », Science, 348 (2015) n° 6230, p. 91-94.

[4] Cf. Mélanie Strauss, Jacobo D. Sitt, Jean-Rémi King, Maxime Elbaz, Leila Azizi, Lionel Naccache, Virginie Van Wassenhove, Marco Buiatti & Stanislas Dehaene, « Disruption of hierarchical predictive coding during sleep », Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America, 112 (2015) n° 11, p. e1353-1362 ; Ana Todorovic & Floris P. de Lange, « Repetition suppression and expectation suppression are dissociable in time in early auditory evoked fields », The Official Journal of the Society for Neuroscience, 32 (2012) n° 39, p. 13389-13395.

[5] Cf. Travis Meyer & Carl R. Olson, « Statistical learning of visual transitions in monkey inferotemporal cortex », Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America, 108 (2011) n° 48, p. 19401-19406.

[6] Cf. John Hattie, Visible Learning: A Synthesis of Over 800 Meta-Analyses Relating to Achievement.

[7] Je renvoie aussi à ce que j’en dis dans l’étude déjà citée : « Les lois de l’éducation selon Céline Alvarez ».

[8] Cf. Karl J. Friston, « A theory of cortical responses », Philosophical Transactions of the Royal Society of London, Series B, Biological Sciences, 360 (2005) n° 1456, p. 815-836 ; Risto Naatanen, Petri Paavilainen, Teemu Rinne & Kimmo Alho, « The mismatch negativity (MMN) in basic research of central auditory processing : A review », Clinical Neurophysiology, 118 (2007) n° 12, p. 2544-2590 ; Wolfram Schultz, Peter Dayan & P. Read Montague, « A neural substrate of prediction and reward », Science, 275 (1997) n° 5306, p. 1593-1599.

[9] Cf. Émile Simard, Nature et portée de la méthode scientifique. Exposé et textes choisis de philosophie des sciences, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 21958, p. 215-219. Cf. cours de philosophie des sciences.

[10] Cf. John Hattie, Visible Learning, Londres/New York, Routledge, 2008.

[11] Daniel Pennac, Chagrin d’école, Paris, Gallimard, 2007, p. .

[12] Cf. Pico Caroni et al., « Structural plasticy upon learning… » ; Flavio Donato et al., « Parvalbumin-expressing basket-cell network plasticity induced by experience regulates adult learning ».

[13] Stanislas Dehaene, Apprendre !, p. 276.

[14] Cf. Stefano Palminteri, Emma J. Kilford, Giorgio Coricelli & Sarah-Jayne Blakemore, « The computational development of reinforcement learning during adolescence », PLoS Computational Biology, 12 (2016) n° 6, p. e 1004953.

[15] Cf. Mark Carrier & Harold Pashler, « The influence of retrivial on retention », Memory and cognition, 20 (1992) n° 6, p. 633-642 ; Jeffrey D. Karpicke & Henry L. Roediger, « The critical importance of retrieval for learning », Science, 319 (2008) n° 5865, p. 966-968 ; Henry L. Roediger & Jeffrey D. Karpicke, « Test-enhanced learning : Taking memory tests improves long term retention », Psychological Science, 17 (2006) n° 3, p. 249-255 ; Karl K. Szpunar, Novall Y. Kahn & Daniel L. Schacter, « Interpolated memory tests reduce mind wandering and improve learning of online lectures », Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America, 110 (2013) n° 16, p. 6313-6317 ; Franklin M. Zaromb & Henry L. Roediger, « The testing effect in free recall is associated with enhanced organizational processes », Memory and cognition, 38 (2010) n° 8, p. 995-1008 ; John Dunlosky, Katherine A. Rawson, Elizabeth J. Marsh, Mitchell J. Nathan & Daniel T. Willingham, « Improving students’ learning with effectivelearning techniques : Promising directions from cognitive and educational psychology », Psychological Science in the Public Interest : A Journal of the American Psychological Society, 14 (2013) n° 1, p. 4-58.

[16] Cf. Henry L. Roediger & Jeffrey D. Karpicke, « Test-enhanced learning : Taking memory tests improves long term retention ».

[17] Cf. Alison M. Robey, Michael R. Dougherty & Daniel R. Buttaccio, « Making retrospective confidence judgments improves learners’ ability to decide what not to study », Psychological Science, 28 (2017) n° 11, p. 1683-1693.

[18] Cf. Susana Claro, David Paunesku & Carol S. Dweck, « Growth mindset tempers the effects of poverty on academic achievement », Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America, 113 (2016) n° 31, p. 8664-8668 ; Carol S. Dweck, Mindset : The New Psychology of Success, New York, Random House, 2006 ; Aneeta Rattan, Krishna Savani, Dolly Chugh & Carol S. Dweck, « Leveraging mindsets to promote academic achievement : Policy recommendations », Perspectives on Psychological Science, 10 (2015) n° 6, p. 721-726 ; Victoria F. Sisk, Alexander P. Burgoyne, Jingze Sun, Jennifer L. Butler & Brooke N. Macnamara, « To what extent and under which circumstances are growth mind-sets important to academic achievement ? Two meta-analyses », Psychological Science, 29 (2018) n° 4, p. 549-571.

[19] En fait, j’ai modifié l’ordre de présentation de Dehaene en injectant dans ce chapitre ce qui le concerne déjà et est traité à partir de la page 285 : la règle d’espacement des apprentissages. Mais cette règle (que j’ai d’ailleurs subdivisée en deux lois : « Espacer les apprentissages » et « Espacer progressivement les apprentissages ») doit être précédée par la règle antérieure plus universelle de répétition ou renforcement.

[20] Cf. Pierluigi Zoccoletti, Maria De Luca, Enrico Di Pace, Filippo Gasperini, Anna Judica & Donatella Spinelli, « Word length effect in early reading and in developmental dyslexia », Brain and Language, 93  (2005) n° 3, p. 369-373.

[21] Cf. Claire Chang, Christophe Pallier, Denise Wu, Kimihiro Nakamura, Antoinette Jobert, W.-J. Kuo, & Stanislas Dehaene, « Adaptation of the human visual system to the statistics of letters and line configurations », NeuroImage, 120 (2015), p. 428-440 ; Stanislas Dehaene, Felipe Pegado, Lucia W. Braga, Paulo Ventura, Gilberto Nunes Filho, Antoinette Jobert, Ghislaine Dehaene-Lambertz, Régine Kolinsky, José Morais & Laurent Cohen, « How learning to read changes the cortical networks for vision and language », Science, 330 (2010) n° 6009, p. 1359-1364 ; Mariano Sigman, Hong Pan, Yihong Yang, Emily Stern, David Silbersweig & Charles D. Gilbert, « Top-down reorganization of activity in the visual pathway after learning a shape identification task », Neuron, 46 (2005) n° 5, p. 823-835 ; Marcin Szwed, Stanislas Dehaene, Andreas Kleinschmidt, Evelyn Eger, Romain Valabregue, Alexis Amadon & Laurent Cohen, « Specialization for written words over objects in the visual corthex », NeuroImage, 56 (2011) n° 1, p. 330-344 ; Marcin Szwed, Emilie Quiao, Antoinette Jobert, Stanislas Dehaene & Laurent Cohen, « Effects of literacy in early visual and occipitotemporal areas of Chinese and French readers », Journal of Cognitive Neuroscience, 26 (2014) n° 3, p. 459-475.

[22] Cf. Fabien Vinckier, Stanislas Dehaene, Antoinette Jobert, Jean Philippe Dubus, Mariano Sigman & Laurent Cohen, « Hierarchical coding of letter strings in the ventral stream. Dissecting the inner organization of the visual word-form system », Neuron, 55 (2007) n° 1, p. 143-156 ; Jeffrey R. Binder, David A. Medler, Chris F. Westbury, Einat Liebenthal & Lori Buchanan, « Tuning of the human left fusiform gyrus to sublexical orthographic structure », NeuroImage, 33 (2006) n° 2, p. 739-748 ; Stanislas Dehaene, Laurent Cohen, Mariano Sigman & Fabien Vinckier, « The neural code for written words: A proposal », Trends in Cognitive Sciences, 9 (2005) n° 7, p. 335-341 ; Jonathan Grainger & Carol Whitney, « Does the huamn mnid raed wrods as a wlohe ? », Trends in Cognitive Sciences, 8 (2004) n° 2, p. 58-59 ; Fabien Vinckier et al., «  Hierarchical coding of letter strings in the ventral stream… ».

[23] Cf. Stanislas Dehaene, Antoinette Jobert, Lionel Naccache, Philippe Ciuciu, Jean B. Poline, Denis L. Bihan  & Laurent Cohen, « Letter binding and invariant recognition of masked words. Behavioral and neuroimaging evidence », Psychological Science, 15 (2004) n° 5, p. 307-313.

[24] Cf. Ghislaine Dehaene-Lambertz, Karla Monzalvo & Stanislas Dehaene, « The emergence of the visual word form. Longitudinal evolution of category-specific ventral visual areas during reading acquisition », PLoS Biology, 16 (2018) n° 3, e2004103.

[25] Cf. Laurent Cohen, Stanislas Dehaene, Fabien Vinckier, Antoinette Jobert & Alexandra Montavont, « Reading normal and degraded wods. Contribution of the dorsal and ventral visual pathways », NeuroImage, 40 (2008) n° 1, p. 353-366 ; Fabien Vinckier, Lionel Naccache, Caroline Papeix, Joaquim Forget, Valerie Hahn-Barma, Stanislas Dehaene & Laurent Cohen, « What and where in word reading: ventral coding of written words revealed by parietal atrophy », Journal of Cognitive Neuroscience, 18 (2006) n° 12, p. 1998-2012.

[26] Cf. Daniel Ansari & Bibek Dhital, « Age-related changes in the activation of the intraparietal sulcus during nonsymbolic magnitude processing : An event-related functional magnetic resonance imaging study », Journal of Cognitive Neuroscience, 18 (2006) n° 11, p. 1820-1828 ; Susan M. Rivera, Allan L. Reiss, Mark A. Eckert & Vinod Menon, « Developmental changes in mental arithmetic : Evidence for increased functional specialization in the left inferior parietal cortex », Cerebral Cortex, 15 (2005) n° 11, p. 1779-1790 ; Shaozheng Qin, Soohyun Cho, Tianwen Chen, Miriam Rosenberg-Lee, David C. Geary & Vinod Menon, « Hippocampal-neocortical functional reorganization underlies children’s cognitive development », Nature Neuroscience, 17 (2014) n° 9, p. 1263-1269.

[27] Je me permets de renvoyer à Pascal Ide, Construire sa personnalité, Paris, Le Sarment-Fa­yard, 1991 ; « L’éducation aux vertus », Éducation et nouvelle évangélisation, colloque de Rome, 31 janvier au 2 février 2014, Paris, L’Emmanuel, 2015, p. 65-118.

[28] C’est ce que Paul Ricœur a développé dans son ouvrage : Philosophie de la volonté. I. Le volontaire et l’involontaire, coll. « Philosophie de l’esprit », Paris, Aubier, 1950.

[29] Stanislas Dehaene, Apprendre !, p. 295.

[30] Cf. Nicholas J. Cepeda, Noriko Coburn, Doug Rohrer, John T. Wixted, Michael C. Mozer & Harold Pashler, « Optimizing distributed practice : Theoretical analysis and practical implications », Experimental Psychology, 56 (2009) n° 4, p. 236-246 ; Nicholas J. Cepeda, Harold Pashler, Edward Vul, John T. Wixted & Doug Rohrer, « Distributed practice in verbal recall tasks : A review and quantitative synthesis », Psychological Bulletin, 132 (2006) n° 3, p. 354-380 ; Doug Rohrer & Kelli Taylor, « The effects of overlearning and distributed practise on the retention of mathematics knowledge », Applied Cognitive Psychology, 20 (2006) n° 9, p. 1209-1224 ; Richard A. Schmidt & Robert A. Bjork, « New conceptualizations of practice : Common principles in three paradigms suggest new concepts for training », Psychological Science, 3 (1992) n° 4, p. 207-217.

[31] Cf. Margaret M. Bradley, Vincent D. Costa, Vera Ferrari, Maurizio Codispoti, Jeffrey R. Fitzsimmons & Peter J. Lang, « Imaging distributed and massed repetitions of natural scenes : Spontaneous retrieval and maintenance », Human Brain Mapping, 36 (2015) n° 4, p. 1381-1392 ; Daniel E. Callan & Nicolas Schweighofer, « Neural correlates of the spacing effect in explicit verbal semantic encoding support the deficient-processing theory », Human Brain Mapping, 31 (2010) n° 4, p. 645-659.

[32] Cf. Doug Rohrer & Kelli Taylor, « The effects of overlearning and distributed practise on the retention of mathematics knowledge » ; Id., « The shuffling of mathematics problems improves learning », Instructional Science, 35 (2007) n° 6, p. 481-498.

[33] Cf. Andrew C. Butler, Jeffrey D. Karpicke & Henry L. Roediger, « Correcting a meta-cognitive error : Feedback increases retention of low-confidence correct responses », Journal of Experimental Psychology: Learning, Memory, and Cognition, 34 (2008) n° 4, p. 918-928.

[34] Cf. Hermann Ebbinghaus, Über das Gedächtnis. Untersuchungen zur experimentallen Psychologie, Leipzig, Dunker Humbolt, 1885 : La Mémoire. Recherches de psychologie expérimentale, trad. Serge Nicolas, coll. « Encyclopédie psychologique », Paris, L’Harmattan, 2010. Cf. Serge Nicolas, « Hermann Ebbinghaus et l’étude expérimentale de la mémoire humaine », L’Année psychologique, 92 (1992) n° 4 , p. 527-544. Disponible en ligne sur Persée.

[35] Cf. John Jenkins & Karl Dallenbach, « Obliviscence during sleep and waking », The American Journal of Psychology, 35 (1924) n° 4, p. 605-612.

[36] Cf. Avi Karni, David Tanne, Barton S. Rubenstein, Jean J. M. Askenasy & Dov Sagi, « Dependance on REM sleep of overnight improvement of a perceptual skill », Science, 265 (1994) n° 5865, p. 966-968.

[37] Cf. Reto Huber, M. Felice Ghilardi, Marcello Massimini, Fabio Ferrarelli, Brady A. Riedner, Michael J. Peterson & Giulio Tononi, « Local sleep and learning », Nature, 430 (2004) n° 6995, p. 78-81 ; Robert Stickgold, « Sleep-dependent memory consolidation », Nature, 437 (2005) n° 7063, p. 1272-1278 ; Mattew P. Walker, Tiffany Brakefield, J. Allan Hobson & Robert Stickgold, « Dissociable stages of human memory consolidation and reconsolidation », Nature, 425 (2003) n° 6958, p. 616-620 ; Matthew P. Walker & Robert Stickgold, « Sleep-dependent learning and memory consolidation », Neuron, 44 (2004) n° 1, p. 121-133.

[38] Cf. Matt Wilson & Bruce McNaughton, « Reactivation of hippocampal ensemble memories during sleep », Science, 265 (1994) n° 5172, p. 676-679 ; Daoyun Ji & Matthew A. Wilson, « Coordinated memory replay in the visual cortex and hippocampus during sleep », Nature Neuroscience, 10 (2007) n° 1, p. 100-107.

[39] Cf. Zhe Chen & Matt Wilson, « Deciphering neural codes of memory during sleep », Trends in Neurosciences, 40 (2017) n° 5, p. 260-275.

[40] Cf. Susanne Diekelmann & Jan Born, « The memory function of sleep », Nature Reviews. Neuroscience, 11 (2010) n° 2, p. 114-126.

[41] Cf. Dhakshin S. Ramanathan, Tanuj Gulati & Karunesh Ganguly, « Sleep-dependent reactivation of ensembles in motor cortex promotes skill consolidation », PLoS Biology, 13 (2015) n° 9, e1002263. Et, pour un effet direct du sommeil sur la plasticité synaptique, cf. Hiroaki Norimoto, Kenichi Makino, Mengxuan Gao, Yu Shikano, Kazuki Okamoto, Tomoe Ishikawa, Takuya Sasaki, Hiroyuki Hioki, Shigeyoshi Fujisawa & Yuji Ikegaya, « Hippocampal ripples dow-regulate synpases », Science, 359 (2018) n° 6383, p. 1524-1527.

[42] Cf. Xi Jiang, Isaac Shamie, Werner K. Doyle, Daniel Friedman, Patricia Dugan, Orrin Devinsky, Emad Eskandar, Sydney S. Cash, Thomas Thesen & Eric Halgren, « Replay of large-scale spatio-temporal patterns from waking during subsequent NREM sleep in human cortex », Scientific Reports, 7 (2017) n° 1, p. 17380.

[43] Cf. Reto Huber et al., « Local sleep and learning ».

[44] Cf. Matthew P. Walker, Robert Stickgold, David Alsop, Nadine Gaab & Gottfried Schlaug, « Sleep-dependent motor memory plasticity in the human brain », Neuroscience, 133 (2005) n° 4, p. 911-917.

[45] Cf. Victor Ngo Hong-Viet, Thomas Martinetz, Jan Born & Matthias Mölle, « Auditory closed-loop stimulation of the sleep slow oscillation enhances memory », Neuron, 78 (2013) n° 3, p. 545-553.

[46] Cf. Jean-Louis Chrétien, De la fatigue, coll. « Philosophie », Paris, Minuit, 1996 ; Pascal Ide, Le corps à cœur. Essai sur le corps, coll. « Enjeux », Versailles, Saint-Paul, 1996, 4e partie, chap. 3.

[47] Cf. Charles Péguy, Œuvres poétiques complètes, éd. François Porché, coll. « Bibliothèque de la Pléiade » n° 122, Paris, Gallimard, 1957, p. 655-670.

[48] Le tout dans la lumière de la deuxième théologale pratiquée théo-logiquement.

[49] Cette parole est citée par Joseph Ratzinger dans l’homélie des funérailles de son ami Balthasar.

[50] « L’habitude, c’est un retour de la liberté à la nature » (Félix Ravaisson, De l’habitude, Paris, Henri Fournier, 1838, rééd., coll. « Quadrige » n° 283, Paris, p.u.f., 1999, p. 158).

[51] Cf. Manuela Friedrich, Inès Wilhelm, Jan Born & Angela D. Friederici, « Generalization of word meanings during infant sleep », Nature Communications, 6 (jan. 2015), p. 6004  ; Sabine Seehagen, Carolin Konrad, Jane S. Herbert & Silvia Schneider, « Timely sleep facilitates declarative memory consolidation in infants », Proceedings of the National Academy of Sciences, 112 (2015) n° 5, p. 1625-1629.

[52] Cf. Laura Kurdziel, Kasey Duclos & Rebecca M. C. Spencer, « Sleep spindles in midday naps enhance learning in preschool children », Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America, 110 (2013) n° 43, p. 17267-17272 .

[53] Cf. American Academy of Pediatrics, « Scholl start times for adolescents », Pediatrics, 134 (2014) n° 3, p. 642-649.

[54] Cf. Björn Rasch, Christian Büchel, Steffen Gais & Jan Born, « Odor cues during slow-wave sleep prompt declarative memory consolidation », Science, 315 (2007) 5817, p. 1426-1429.

[55] Cf. James W. Antony, Eric W. Gobel, Justin K. O’Hare, Paul J. Reber & Ken A. Paller, « Cued memory reactivation during sleep influences skill learning », Nature Neuroscience, 15 (2012) n° 8, p. 1114-1116 ; Daniel Bendor & Matthew A. Wilson, « Biasing the content of hippocampal replay during sleep », Nature Neuroscience, 15 (2012) n° 10, p. 1439-1444 ; John D. Rudoy, Joel L. Voss, Carmen E. Westerberg & Ken A. Paller, « Strengthening individual memories by reactivating them during sleep », Science, 326 (2009) n° 5956, p. 1079.

[56] Cf. Anat Arzi, Limor Shedlesky, Mor Ben-Shaul, Khitam Nasser, Arie Oksenberg, Ilana S. Hairston & Noam Sobel, « Humans can learn new information during sleep », Nature Neuroscience, 15 (2012) n° 10, p. 1460-1465.

[57] Cf. Sean H K. Kang, Robert V. Lindsey, Michael C. Mozer & Harold Pashler, « Retrieval practice over the long term : should spacing be expanding or equal-interval ? », Psychonomic Bulletin and Review, 21 (2014) n° 6, p. 1544-1550.

[58] Raconté par Peretz Lavie, Le monde du sommeil, trad. Romain Clément, Paris, Odile Jacob, 1998, p.

[59] Cf. Ullrich Wagner, Steffen Gais, Hilde Haider, Rolf Verleger & Jan Born, « Sleep inspires insight », Nature, 427 (2004) n° 6972, p. 352-355.

[60] Stanislas Dehaene, Apprendre !, p. 305.

[61] Cf. Geoffrey E. Hinton, Peter Dayan, Brendan J. Frey & Radford M. Neal, « The ‘wake-sleep’ algorithm for unsupervised neural networks », Science, 268 (1995) n° 5214, p. 1158-1161 ; Geoffrey E. Hinton, Simon Osindero & Yee-Whye Teh, « A fast learning algorithm for deep belief nets », Neural Computation, 18 (2006) n° 7, p. 1527-1554.

8.4.2020
 

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