La vertu en général 1/3

« Loin d’être une utopie, la vertu nous insère dans la réalité. Elle conduit toutes nos activités corporelles et mentales suivant l’ordre imposé par leur structure. Un individu vertueux est semblable à un moteur en bon ordre de marche [1] ».

1) Exemple : la vertu de Rocky

Rocky, Drame américain de John G. Avildse, 1976.

Les scènes se déroulent de de 1 h. 07 mn. 32 sec. à 1 h. 10 mn. 40 sec., puis de 1 h. 26 mn. 50 sec. à 1 h. 29 mn. 25 sec.

a) Histoire

Dans les quartiers populaires de Philadelphie, Rocky Balboa (Sylvester Stallone) collecte des dettes non payées pour Tony Gazzo, un usurier, et dispute de temps à autre, pour quelques dizaines de dollars, des combats de boxe sous l’appellation de « l’étalon italien ». Jusqu’au jour où Apollo Creed, le champion du monde de boxe catégorie poids lourd, recherche un nouvel adversaire pour remettre son titre en jeu. Son choix se porte sur Rocky. Pour lutter contre lui, il va devoir s’entraîner.

b) Analyse des deux scènes

La première scène le montre commencer l’entraînement. En revanche, dans la deuxième scène, nous le voyons lors d’un deuxième entraînement, après des semaines. Quelles différences observe-t-on entre les deux ?

Avant : Rocky n’arrive pas à son but (la montée finale est lamentable) ; ce qu’il fait lui est coûteux, difficile ; enfin, il souffre.

Après : Rocky arrive, triomphal, à son but ; les mouvements sont faciles, huilés ; la joie couronne son acte : à deux reprises, il sourit. La musique, célèbre, le confirme.

Entre : l’acquisition d’une compétence, d’une vertu. Celle du boxeur : la vertu du sportif.

2) Introduction : la vertu, entre mésamour et redécouverte

a) Désamour

De prime abord, le terme « vertu » a mauvaise presse. Il est devenu

 

« un de ces mots magiques, plus évocateurs que précis, sur lesquels on s’attendrit, comme devant un tableau de Greuze. Il est très dangereux pour un mot d’avoir eu la vedette : quand cet engouement est passé, on ne peut plus l’entendre prononcer. Depuis lors, celui de vertu est quelque peu rentré dans le silence, mais il a gardé je ne sais quelle saveur bourgeoise, qui suggère quelque chose de tranquille, de ‘raisonnable’, d’inentamable et d’un peu bête [2] ».

 

Pourtant, à l’origine, il n’en était pas ainsi.

 

« Chez les Grecs, la vertu, aretè, était la manière d’être de l’homme noble et cultivé ; pour les Romains, virtus désignait la fermeté dans l’État et la vie de l’homme éminent ; le Moyen Âge entendait par vertu l’attitude du chevalier. Mais, peu à peu, cette vertu devint convenable et utile, jusqu’à prendre cette résonance étrange qui provoque, chez l’homme ayant atteint sa croissance naturelle, une contraction intérieure [3] ».

 

Le tableau pourrait être nuancé, puisque Kant, au siècle des Lumières [4], et le philosophe français Alain, au vingtième siècle, affirment que la vertu se trouve du côté de la force et de la puissance [5].

Quoi qu’il en soit de ce débat sur l’affadissement ou l’appauvrissement de la notion de vertu, nous l’entendrons en son sens premier et étymologique qui vient du latin vis, « force » : la vertu est une force, une énergie ; non pas brute ou violente, mais orientée vers l’accomplissement du bien ; non pas innée, mais acquise par répétition ; non pas transitoire, mais stable.

En fait, comme on peut se passer d’un mot, mais pas de la chose qu’il désigne, son contenu sémantique a dérivé. Les mots (le signifiant) passent ou en tout cas évoluent mais la réalité (le signifié) demeure. Quelles sont les notions à partir desquelles on pense la vertu aujourd’hui ? Principalement la culture. Celle-ci présente, certes, un sens formel, institutionnel ; mais elle désigne aussi une réalité intérieure. Ne parle-t-on pas d’un homme cultivé ? Mais ici le sens est trop restreint à la seule intelligence. La culture est la construction de l’homme qui lui permet de devenir ce qu’il est, en vue de conquérir une autonomie de plus en plus grande contre toutes les servitudes internes et externes. Or, telle est l’œuvre de la vertu : humaniser l’homme, lui permettre de se prendre de plus en plus complètement en mains.

b) Redécouverte

1’) En général : en philosophie, en théologie et en sciences humaines

Après une longue éclipse [6], celle-ci connaît de nos jours un regain d’intérêt : dans le monde anglo-saxon d’abord, en philosophie – à partir des travaux précurseurs d’Elizabeth Anscombe [7] et de quelques autres [8], d’où s’ensuivit, après un délai, un débat fécond [9] – puis en théologie [10], et maintenant en sciences humaines, surtout en psychologie [11] ; avec délai, sur le continent, notamment en France [12], non sans enthousiasme [13], sauf, peut-être, en théologie [14]. Il est temps que le monde de l’éducation vive aussi son « virtuous turn »… [15]

Enfin, on ne peut que s’étonner et se réjouir de la redécouverte des vertus dans un troisième champ, celui des sciences humaines. Par exemple, un certain nombre de courants psychothérapeutiques actuels, notamment les thérapies cognitivistes et comportementales parlent le langage de la morale arétique (la morale des vertus) comme M. Jourdain faisait de la prose : sans le savoir. Nous en verrons un exemple en parlant du courage. De fait, pour le dire brièvement, apparue dans les années 60 aux États-Unis en réaction et contre la psychanalyse et contre le comportementalisme ou behaviorisme, cette nouvelle approche a valorisé la liberté, contre le double déterminisme, intérieur de l’inconscient (la psychanalyse) et extérieur du milieu (behaviorisme).

2’) En particulier : la psychologie « morale »

En réalité, il existe depuis un certain nombre de décennies un courant de psychologie qualifié de « morale » qui ne l’ignore pas [16]. On peut faire commencer ce courant dans les années 1930 avec Jean Piaget qui lui a donné ses lettres de noblesse. En effet, le penseur suisse a commencé par élaborer une méthode d’épistémologie et de psychologie génétique scientifique. Puis il eut l’idée de l’appliquer à la question du jugement moral des enfants [17]. Dans les années 70, la théorie de Lawrence Kohlberg – dite théorie du « développement moral » ou théorie de Harvard – s’est inscrite dans la mouvance des intuitions de Piaget [18]. Enfin, dans les années 1980, ce courant fut critiqué, notamment par le professeur Martin E. P. Seligman, de l’université de Pennsylvanie, en coopération avec tout un réseau de chercheurs [19], fondant une nouvelle école qui s’auto-intitule « psychologie positive ». Tout en intégrant bien des éléments mis en place par Piaget et par l’école du « développement moral » de Kohlberg, ces critiques soulignent notamment les limites de l’anthropologie piagétienne qui est essentiellement axée sur la cognition. Dès lors, la question morale se concentre sur les jugements touchant la justice, à l’exclusion d’une approche plus émotionnelle, volitive et… vertueuse du développement de la personne.

Détaillons quelque peu ce dernier aspect. Le parcours du pionnier, Seligman, est significatif : après s’être intéressé à la déréliction [20] puis la psychopathologie [21], il a changé de direction et s’est mis à étudier l’optimisme [22]. Devenu président de l’Association américaine de psychologie en 1998, il a affirmé que la psychologie devait connaître une transformation radicale, sans en rien nier ses fondements empiriques. C’est ainsi qu’il a proposé d’abord de se tourner vers les réalités positives comme l’épanouissement [23] et d’ouvrir un chemin de développements de nos ressources pour asseoir notre santé mentale. Or, ces ressources résident justement dans les vertus [24]. Parmi ces vertus, deux furent singulièrement développées : l’espoir [25] et la force [26]. Nous le détaillerons plus bas.

3’) En particulier : au sein de la psychologie morale, la psychologie positive

La psychologie dite positive [27] s’approprie la tradition des vertus. Elle adopte une liste de sept vertus majeures qui, associées à d’autres, combinent les vertus intellectuelles, les vertus morales et les vertus théologales (laïcisées), non sans rappeler les classifications d’Aristote et de saint Thomas. Par exemple, la sagesse pratique est, avec la connaissance, une des deux vertus majeures d’ordre intellectuel. Voici comment il la décrit : « Elle représente un niveau supérieur de connaissance, de jugement de capacité à donner des conseils. Elle permet à la personne d’aborder des questions importantes et difficiles sur le comportement et le sens de la vie. Elle est employée pour le bien de soi et d’autrui [28] ». Comment ne pas lire ici une description pragmatique (plus qu’une définition) de la prudence (phronésis) en laquelle Aristote discernait une sagesse pratique ?

Mais ce courant psychologique ne se contente pas de retrouver les acquis antérieurs de l’éthique des vertus. Là encore, il enrichit considérablement la philosophie traditionnelle, faisant appel à nombre de courants actuels, par exemple sur le sens de la vie ou la psychologie cognitive (Robert Sternberg, à Yale). En effet, en abordant chaque vertu, le manuel de psychologie positive présente : les traditions théoriques (philosophiques et psychologiques) ; les résultats des études empiriques contemporaines ; les moyens de développement de la vertu, c’est-à-dire ce qui l’habilite et ce qui, inversement, l’inhibe ; les aspects liés à la culture ou à la sexualité (masculinité-féminité) ; les recherches qui sont encore à opérer. Par exemple, traitant de la sagesse pratique, Seligman montre que le développement de cette vertu dépend des facteurs suivants : l’éducation reçue ; les étapes charnières de la vie ; la maîtrise de l’adversité et la réponse aux stress ; la profession et la situation sociale ; la réponse aux conflits [29].

3) Les grandes objections à la vertu

 

L’on m’a rapporté l’histoire suivante. Au restaurant, une famille avec un couple et trois enfants d’apparence insoupçonnable, style cadre. Un seul trait particulier : leur agitation. Tantôt la mère se lève avec un enfant, tantôt deux parents avec deux enfants. Pour différents motifs : un jouet, etc. Ils laissent toujours quelque chose sur la table : un briquet, un paquet de cigarettes. Soudain, le garçon s’adresse aux voisins : « Avez-vous vu la famille ? » De fait, elle avait bel et bien disparu. Et on la reverra jamais.

 

Comment est-ce possible ? Cette anecdote peut s’analyser du point de vue moral comme anesthésie coupable du sens moral : l’injustice et la ruse (la fausse prudence). Par exemple, la présence d’objets permet de prévenir l’objection d’une fuite. Elle peut aussi s’interpréter du point de vue psychologique. Plusieurs processus sont en jeu : la très grande rareté de la malhonnêteté, surtout des enfants ; l’habitude : si au début, l’agitation agace ou au moins étonne, au bout d’un moment, le voisinage s’habitue et ne s’étonne plus.

La vertu a l’homme pour sujet. Or, l’être humain est un être complexe qu’une anthropologie adéquate aborde d’au moins quatre points de vue : somatique, psychologique, éthique et spirituel (au sens de surnaturel). Les objections, vécues ou pensées, contre la vertu peuvent être empruntées à ces différents champs, souvent absolutisées.

a) Difficultés d’ordre somatique

Les neurosciences analysent de plus en plus finement non seulement les mécanismes cognitifs, mais aussi les mécanismes volitifs, à partir des processus neuronaux. Or, ceux-ci sont déterminés par la fine biochimie des échanges moléculaires. La liberté et la vertu sont donc des apparences. L’introduction de l’épigénétique complexifie le modèle et pourfend le dogme du « tout génétique », mais le déterminisme n’a fait que s’élargir, voire changer de camp, en passant du gène à l’environnement, de sorte que le réductionnisme, voire le soupçon, ne désarment pas : si macroscopiquement, l’homme se dit et se croit libre, microscopiquement, il est lié. [30]

b) Difficultés d’ordre psychologique

Selon certains courants psychologiques qui débordent vers l’anthropologique, l’homme est, au fond, peu éducable – même si cette aporie n’est jamais formulée aussi brutalement. La raison de ce pessimisme est notamment double : l’homme est clivé, de manière irrésorbable et irréversible [31] ; il est incliné vers le mal [32] – « Si vous désirez une image de l’avenir, imaginez une botte piétinant un visage humain […] éternellement [33] » –, voire habité par le mal [34]. Aussi toute vertu est-elle une illusion et, dans la perspective soupçonneuse née de Freud, mais aussi de Nietzsche, doit-elle être déconstruite afin que soient démasqués les mécanismes de défense ou le ressentiment qui la justifient [35].

Inversement (Rousseau n’est jamais loin de Hobbes), selon certains, l’homme n’a pas besoin, à proprement parler, d’être éduqué [36]. Bon par nature, l’enfant doit seulement être accompagné. Une conséquence en est que l’enfant ne doit pas être puni [37] – cet interdit, que l’on a voulu inscrire dans la loi française [38], valant singulièrement pour la punition corporelle [39].

Les sciences sociales dénoncent aussi l’illusion puissante de la vertu qui n’est que le masque emprunté par le conditionnement du groupe. La puissance de la contrainte sociale est si grande et peut si bien singer la vertu, que le sociologue français Pierre Bourdieu a repris le terme latin d’habitus pour la désigner [40] ; or, depuis Aristote et les longs développements que lui consacre son Éthique à Nicomaque, la vertu est définie comme un habitus (exis) bon [41]. Les moralistes français ont déjà abondamment glosé sur cette illusoire vertu [42], et Bergson oppose à la morale fermée des habitudes, qui sent le renfermé, la morale ouverte du grand homme, qui respire l’air du large [43].

À ces objections théoriques (pensées) se joignent l’objection pratique (vécue) du « tout psy ». Aujourd’hui, il n’est pas rare de rencontrer des personnes qui multiplient les psychothérapies, les retraites de guérison, etc. Or, une attitude passive se solde par un sur-place qui se transforme rapidement par une régression. En tout cas, elle exclut la vertu qui requiert effort.

Bien évidemment, ce n’est pas l’approche psychologique qui est ici en cause – elle est utile et souvent très bienfaisante –, mais sa manipulation, donc son détournement. D’ailleurs, nous venons de le voir, de plus en plus d’approche thérapiques intègrent la volonté de changement et, sans même le savoir, la vertu.

c) Difficultés d’ordre éthique

D’autres difficultés naissent au ras même de l’éthique. Alors que la psychologie et la sociologie parlent des conditionnements humains, la philosophie morale traite et prend soin de la liberté en acte.

1’) Minimisation éthique de la liberté

Mais la vertu n’asservit-elle pas notre libre-arbitre ? Ne serait-elle pas l’ennemie de la liberté ? Au terme, elle pétrifie le jaillissement du volontaire : profitable pour économiser l’énergie dépensée dans nos actions élémentaires, elle entrave en revanche la créativité ; réaction sécuritaire, l’habitude vertueuse s’oppose à la création audacieuse. Au principe, la vertu est une habitude, et « l’habitude, c’est un retour de la liberté à la nature », selon le mot fameux de Félix Ravaisson [44], dont l’influence est plus grande que l’on ne sait – par exemple sur Paul Ricœur [45]. En son ressort profond, la morale des vertus ne serait-elle pas un héritage de la via cosmologica antico-médiévale que la via anthropologica des modernes se doit de dépasser pour partir du lieu propre de l’homme qu’est son auto-possession et son auto-détermination ?

On peut illustrer ce discrédit de l’habitude de multiples manières, dans la vie quotidienne. L’habitude constitue une restriction mentale, un économisateur d’énergie qui libère l’esprit de lourds conditionnements et lui permet de s’adonner à des tâches plus importantes. S’il fallait constamment penser aux mécanismes de la marche, de la parole, etc., notre vie serait d’une lourdeur insensée qui lui interdirait toute ouverture à la gratuité de l’esprit. Mais ce que l’habitude fait gagner en énergie, elle le perd en liberté. L’utilité de l’habitude sonne le glas de sa dignité. Toute sa valeur tient à ce qu’elle est cantonnée aux zones inférieures de la vie, est au service de la vie supérieure qu’elle permet mais où elle n’entre pas. Elle est une servante députée aux cuisines, son office n’est pas d’être au salon pour s’entretenir avec les grands.

À la frontière entre psychologie et éthique, l’éducateur se doit de prendre en compte une donnée sociopsychologique nouvelle : la présence croissante, en nos sociétés, d’addictions qui annulent l’exercice effectif de la vertu, voire, selon certains, détruisent la liberté [46].

2’) Déconstruction de la vertu

Les moralistes ont déconstruit la vertu pour plusieurs raisons. D’abord, en suspectant sa nature : « Les vices entrent dans la composition des vertus comme les poisons entrent dans la composition des remèdes », disait François de La Rochefoucauld dans ses Maximes, 1665. Pascal renchérira, affirmant systématiquement .

D’autres suspectent sa motivation. Au fond, la vertu n’est-elle pas toujours intéressée ? Celui qui agit vertueusement trouve déjà sa récompense dans sa joie, la maîtrise de soi.

d) Difficultés d’ordre spirituel

On ne doit pas négliger, enfin, les résistances venues du plan spirituel – entendu au sens de surnaturel.

1’) La maximisation de la liberté et de la vertu ou le pélagianisme

D’une part, le pélagianisme demeure la tentation permanente du christianisme, par exemple sous la figure du stoïcisme ; vouloir s’améliorer en acquérant les vertus nourrit notre orgueil et retarde l’abandon à la grâce filiale, ce qui faisait s’écrier Marguerite Porete, qui s’est opposée à une morale antique cherchant des vertus sans l’amour : « Vertus, je prends congé de vous pour toujours [47] ! ». Au total, la vertu de l’homme sans Dieu est-elle plus qu’un équilibre de vices contraires [48] ?

2’) La minimisation de la liberté et de la vertu ou le spiritualisme (le quiétisme)

D’autre part, de même que nous avons rencontré la tentation du tout somatique, du tout « psy », du tout éthique (volontariste), existe la tentation du tout « spi » qui n’est rien d’autre que le spiritualisme ou le quiétisme : Dieu sera ma vertu. D’une manière toute autre, nous pouvons éviter l’onéreux travail de la mise en place de la vertu, en déclarant que c’est du volontarisme. Le chrétien attend alors tout de la Providence dans une attitude que l’on pourrait donc qualifier de providentialiste. Nous verrons plus bas que, par exemple, nous pouvons lui demander d’ôter les obstacles de notre route et d’ainsi nous dérober à l’exercice de la prudence ; nous pouvons aussi lui demander d’éviter toute peur, et alors de nous dérober à l’exercice de la force. Or, la Providence divine n’éliminera pas les difficultés ou les craintes ; seulement elle sera toujours là pour nous accompagner. Jésus ne crée pas le pain, il le multiplie ; il ne crée pas le vin, il change l’eau en celui-ci. Autrement dit, il transforme notre bonne volonté et porte nos pauvres vertus à incandescence.

Le « tout-psy » comme le « tout-spi » veut faire l’économie du véritable changement intérieur, donc du travail de la vertu dont nous verrons plus bas l’efficacité réelle.

L’éducation humaine aux vertus (morales) apparaît soit inutile – la grâce suffit et constitue l’unique terreau d’une vertu digne de ce nom –, comme nous venons de le voir, soit impossible – le péché originel a laissé en nous un foyer d’anarchie incompressible, le fomes concupiscentiæ (« foyer de concupiscence ») qui rend l’affectivité sensible (sexualité et violence) trop désordonnée, l’intellect trop aveuglé et la volonté trop faible pour que l’homme soit enseignable [49]. De même, si la vertu n’est pas l’ennemie de l’amour, ne peut-elle l’être de l’espérance ? L’héroïcité des vertus qu’affiche la vie des Saints et qui est requise pour leur canonisation n’est-elle pas décourageante ? Un prêtre disait ne plus demander de résolution à ses pénitents parce que la résolution est justement ce que l’on ne tient jamais… Impossible vertu.

Pascal Ide

[1] Alexis Carrel, Réflexions sur la conduite de la vie, Paris, Plon, 1950, p. 112.

[2] Marie-Michel Labourdette, Les principes des actes humains, Ia-IIae, q. 49-70, in Cours de théologie morale, polycopié, Toulouse, s. d., p. 53.

[3] Romano Guardini, Morale au-delà des interdits, trad. Jeanne Ancelet-Hustache, Paris, Le Cerf, 1970, p. 11 et 12.

[4] « La vertu désigne […] la force morale de la volonté d’un homme dans l’accomplissement de son devoir » (Emmanuel Kant, Métaphysique des mœurs (1797), 2e partie. Doctrine de la vertu, trad. Alexis Philonenko, Paris, Vrin, 1968, p. 77).

[5] Alain souligne d’abord : « Tout le monde comprend ce que c’est que la vertu d’une plante : c’est une efficacité qui est attachée à la plante […]. Vertu, de quelque façon qu’on l’entendre, est toujours puissance ». Toutefois, « d’un autre côté, vertu est toujours renoncement ». La tempérance qui est renoncement ne contredit-elle pas la vertu ? Alain résout cette « admirable ambiguïté » ainsi : « Vertu n’est assurément pas renoncement par impuissance, mais plutôt renoncement par puissance. Si je suis peureux ou trop timide pour faire l’escroc, ce n’est pas vertu. Si je suis courageux par folle colère, ce n’est point vertu. […] Ce qui est vertu c’est pouvoir de soi et sur soi » (Alain, Minerve ou de la Sagesse, Paris, Paul Hartmann, 1939, p. 126).

[6] Elle fut évoquée ci-dessus. Pour une histoire détaillée au plan théologique, cf. les remarquables travaux de Servais-Thomas Pinckaers, Les sources de la morale chrétienne. Sa méthode, son contenu, son histoire, coll. « Recherches morales », Paris–Fribourg, Cerf–Academic Press Fribourg, 42007 ; cf., le résumé dans l’opuscule du même auteur : La morale catholique, coll. « Bref », Paris, Le Cerf, 1991.

[7] En effet, dans un article fameux paru à la fin des années 50 (Gertrude Elizabeth Margaret Anscombe, « Modern Moral Philosophy », Philosophy, 33, [1958], n° 124, p. 1-19 ; repris dans Collected Philosophical Papers, Oxford, Oxford University Press, 21981, vol. 3, p. 26-41), elle affirme que le lexique traditionnel de l’obligation morale est devenu inutilisable : la norme ne peut plus être mesurée par la Bible, ni par une référence philosophique tenue comme incontestable. La conséquence en est qu’il n’existe plus d’actes intrinsèquement mauvais et qu’une opération est mesurée à ses seules conséquences – d’où le terme de « conséquentialisme » qu’elle a inventé. D’où, surtout, comme seule option alternative à l’éthique déontologique est l’éthique téléologique, le retour à la vertu, mais aussi au caractère, donc à l’anthropologie fondant l’éthique. Voilà pourquoi Anscombe a réintroduit la notion de vertu dans la philosophie morale contemporaine et ainsi promu l’éthique des vertus.

[8] Toujours dans une perspective analytique, une amie d’Elizabeth Anscombe a largement contribué à l’essor de la philosophie des vertus (cf. Philipa Ruth Foot, Virtues and Vices, and Other Essays in Moral Philosphy, Berkeley, University of California Press, Oxford, Blackwell, 1978 ; Le bien naturel, trad. John E. Jackson et Jean-Marc >tétaz, coll. « Logos », Genève, Labor et Fides, 2014, chap. 5 et 6). D’ailleurs, bien qu’athée, Philipa a davantage tiré de Thomas que d’Aristote. Il faut ajouter les travaux de Finnis sur le droit naturel, à la frontière de la philosophie morale et de la philosophie du droit (cf. John Finnis, Natural Law and Natural Rights, Oxford, Oxford University Press, 1980). Il se fonde, avec Germain Grisez, sur les inclinations naturelles ; de là, ils déduisent l’existence de biens fondamentaux ; enfin, ils en font le lieu de franchissement du hiatus entre « is » et « ought » (cf. Germain Grisez, « The first princile of practical reason. À Commentary on the Summa theologiæ, 1-2, Question 94, article 2 », Natural Law Forum, 10 [1965], p. 168-201. Cet article fut repris dans de nombreuses anthologies. Germain Grisez, John Finnis et Joseph Boyle, « Practical Principles, Moral Truth and Ultimate Ends », American Journal of Jurisprudence, 32 [1987], p. 99-151).

[9] Le débat philosophique ne prendra forme que durant les années 1970 : cf. Edmund Pincoff, « Quandary Ethics », Mind, 80 (1971), p. 552-571 ; les échanges entre Frederick Carney et William Frankena, Journal of Religious Ethics, 1 (1973) et 3 (1975). Enfin, l’éthique des vertus a acquis sa légitimité philosophique dans le courant néo-aristotélicien dont l’ouvrage programmatique est celui d’Alasdair MacIntyre, Après la vertu. Étude de théorie morale, trad. Laurent Bury, coll. « Léviathan », Paris, p.u.f., 1997.

[10] Cf., notamment, Stanley Hauerwas, Vision and Virtue, Notre Dame, University of Notre Dame Press, 1981 ; Id., A Community of Character: Toward a Constructive Christian Social Ethics, Notre Dame, University of Notre Dame Press, 1981 ; James F. Keenan, Goodness and Rightness in Thomas Aquinas’ Summa Theologiae, Washington D.C., Georgetown University Press, 1992 ; Id., Les vertus, un art de vivre, trad. Claire Ferras-Douxami, coll. « Tout Simplement » n° 5, Paris, Éd. de l’Atelier, 2002 ; Gilbert C. Meilaender, The Theory and Practice of Virtue, Notre Dame, University of Notre Dame Press 1984 ; Jean Porter, The Recovery of Virtue: The relevance of Aquinas for Christian Ethics, Louisville, Westminster, John Knox Press 1990 ; Stephen Pope, The Evolution of Altruism and the Ordering of Love, Washington D.C., Georgetown University Press, 1994 ; Stephen Pope (éd.), The Ethics of Aquinas, Washington D.C., Georgetown University Press, 2002.

[11] Je fais allusion ici à un courant de psychologie qualifié de « moral » qui existe depuis un certain nombre de décennies. En fait, il est né dans les années 1930 avec Jean Piaget qui lui a donné ses lettres de noblesse, avant de passer outre-Atlantique dans les années 70, dans la théorie de Lawrence Kohlberg – dite théorie du « développement moral » ou théorie de Harvard – puis, dans les années 1980, dans le courant de « psychologie positive » créé par le professeur Martin E. P. Seligman, auquel il sera fait référence plus bas. Pour le détail et les références, cf. Pascal Ide, « La psychologie à la recherche de l’homme », Cahiers de l’IPC, 72-73 (janvier 2010), p. 101-142, ici p. 115-118.

[12] Pour une première bibliographie, cf. Nicholas Dent, « Vertu. Éthique de la vertu », in Monique Canto-Sperber (éd.), Dictionnaire d’éthique et de philosophie morale, coll. « Quadrige », Paris, p.u.f., 2004, p. 2011-2019. Cf. les diverses contributions rassemblées par Sandra Laugier (éd.), La voix et la vertu. Variétés du perfectionnisme moral, coll. « Éthique », Paris, p.u.f., 2010. Cf. l’ouvrage classique de Vladimir Jankélévich, Traité des vertus. 1. Le sérieux de l’intention. 2. Les vertus et l’amour. 3. L’innocence et la méchanceté, coll. « Études Supérieures » n° 11-13, Paris, Bordas, 1949, rééd., 1968-1972.

[13] Que l’on songe au succès inattendu de l’ouvrage d’André Comte-Sponville, Petit traité des grandes vertus, coll. « Perspectives Critiques », Paris, p.u.f., 1995, rééd., coll. « Points-Seuil », Paris, Seuil, 2006, et des volumes de la coll. « Morale » aux éditions Autrement (Paris).

[14] Si l’on met à part quelques ouvrages, comme ceux, déjà cités de Servais Pinckaers (on peut ajouter : Plaidoyer pour la vertu, Paris, Parole et silence, 2007) ou celui de Laurent Sentis, De l’utilité des Vertus, Éthique et Alliance, coll. « Le point théologique » n° 61, Paris, Beauchesne, 2004 (je me permets aussi de citer Pascal Ide, Construire sa personnalité, Paris, Le Sarment-Fa­yard, 1991), il est significatif que deux récents dictionnaires de théologie aient confié la notice sur la vertu à des auteurs anglosaxons : Jean Porter, « Vertus », in Jean-Yves Lacoste (éd.), Dictionnaire critique de théologie, Paris, p.u.f., 1998, p. 1218-1220 ; Craig Steven Titus, « Vertus », in Laurent Lemoine et al. (éds.), Dictionnaire encyclopédique d’éthique chrétienne, Paris, Le Cerf, 2013, p. 2073-2093. Je renvoie à ces articles pour une bibliographie complémentaire.

[15] En revanche, l’on est en possession de quelques travaux théologiques sur l’éducation aux vertus. Par exemple : Juan J. Perez Soba et Oana Gotia, Il cammino della vita. L’educazione, una sfida per la morale, Roma, Lateran University Press, 2007 ; José Granados et Juan Antonio Granados, La alianza educativa. Introduccion al arte de vivir, Burgos, Monte Carmelo, 2009. Cf. aussi Maurizio Malaguti, « Le virtù tornano alla sorgente », AA.VV. La coscienza morale e l’evangelizzazione oggi, Bologna, Edizioni Studio Domenicano, 1992, p. 190-201.

[16] Pour tout le développement qui va suivre, cf. l’article dont je me suis largement inspiré de Craig Steven Titus, « Le développement moral dans la psychologie morale de Lawrence Kohlberg et de Martin Seligman », Revue d’éthique et de théologie morale, n° 251 (septembre 2008), p. 33-50. À noter que cet article ne prend pas en compte toute l’amplitude de la psychologie morale et des branches soit issues de la psychanalyse, non sans distanciation critique, comme le passionnant ouvrage de Charles Odier, Les deux sources consciente et inconsciente de la morale, Neuchâtel, 1942, soit en réaction à son égard, comme la Reality Therapy fondée par le psychiatre américain William Glasser avec G. L. Harrington (William Glasser, La thérapie par le réel, trad. Marie-Thérèse d’Aligny, Paris, Épi, 1971) ou les travaux du psychiatre français Henri Baruk (cf., notamment, son grand ouvrage : Psychiatrie médicale, physiologique et expérimentale, Séméiologie-thérapeutique, Paris, p.u.f., 1938), soit antérieurement à la psychanalyse (comme l’aliéniste et philosophe Philippe Pinel (Nosographie philosophique ou la méthode de l’analyse appliquée à la médecine, Paris, Richard, Caille et Ravier, 1798, 3 vol.) ou le psychiatre suisse Paul Dubois (Les psychonévroses et leur traitement moral, trad., Paris, Masson, 1909).

[17] Jean Piaget, Le jugement moral chez l’enfant, Paris, Félix Alcan, 1932.

[18] Essays on Moral Development. 1. The Philosophy of Moral Developmen. Moral Stages and the Idea of Justice. 2. The Psychology of Moral Development. The Nature and Validity of Moral Stages, New York, Harper and Row, 1981 et 1984.

[19] Cf. Charles R. Snyder et Shane J. Lopez (éd.), The Handbook of Positive Psychology, Oxford, Oxford University Press, 2002 ; P. Alex Linley et Stephen Joseph (éd.), Positive Psychology in Practice, Hoboken (New Jersey), John Wiley and Son, 2004 ; Stephen Joseph et P. Alex Linley, Positive Therapy. À Meta-Theory for Positive Psychological Practice, Londres, Routledge, 2006 ; Charles R. Snyder et Shane J. Lopez, Positive Psychology. The Scientific and Practical Exploration of Human Strengths, Thousand Oaks (California), Sage, 2007.

[20] Cf. Martin E. P. Seligman, Helplessness. On Depression, Development and Death, New York, W. H. Freeman, 1975.

[21] Cf. Martin E. P. Seligman, Elaine F. Walker & David L. Rosenhan, Abnormal Psychology, New York, W. W. Norton, 1982.

[22] Cf. Martin E. P. Seligman, Jane Gillham, Karen Reivich & Lisa Jaycox, The Optimistic Child: A Proven Program to Safeguard Children Against Depression and Build Lifelong Resilience, New York, Harper et Collins, 1996 ; Id., Learned Optimism, New York, Simon and Schuster, 1998.

[23] Cf. Martin E. P. Seligman, Authentic Happiness. Using the New Positive Psychology to Realize Your Potential for Lasting Fulfillment, New York, Free Press, 2002.

[24] Cf. Charles Peterson et Martin E. P. Seligman (éd.), Character Strengths and Virtues. À Handbook and Classification, Oxford, Oxford University Press, 2004.

[25] Cf. Charles R. Snyder, The Psychology of Hope. You can Get There from Here, New York, Free Press, 1994. Cet espoir se fonde notamment sur la résilience.

[26] Cf. Craig Steven Titus, Resilience and the Virtue of Fortitude. Aquinas in Dialogue with the Psychosocial Sciences, Washington, Catholic University of America Press, 2006.

[27] Ces insistances sur le positif en l’homme (et non sur les pathologies) expliquent que l’adjectif « positif » ait été choisi pour caractériser ce courant. En effet, la psychologie classique souligne davantage la dimension curative ; la psychologie positive cherche aussi à développer le volet préventif. La première s’intéresse à corriger ce qui ne va pas, la seconde présente une dimension éducative et même normative. Ensuite, la conception classique de la santé est négative : la disparition des symptômes, alors que la conception positive souligne la présence de qualités et d’un sens dans la vie du sujet.

[28] Charles Peterson et Martin E. P. Seligman (éds.), Character Strengths and Virtues, p. 182.

[29] Ibid., p. 190-192.

[30] Pour le détail, je me permets de renvoyer à Pascal Ide, « Liberté et corps. Un état de la question à la question », Association des scientifiques chrétiens, Liberté et cerveau. Quelle liberté à l’heure des neuro-sciences ?, Collège des Bernardins, Colloque 23 février 2013, Paris, Parole et Silence, 2015, p. 67-122.

[31] Même la notion freudienne de sublimation ne permet pas de réunifier un homme irrémédiablement voué aux pulsions de mort et à l’éclatement pulsionnel (cf. Antoine Vergote, La psychanalyse à l’épreuve de la sublimation, coll. « Passages »,. Paris, Le Cerf, 1997).

[32] « Le dynamisme fondamental serait donc, à mon sens, d’ordre violent » (Jean Bergeret, La Violence fondamentale. L’inépuisable Œdipe, coll. « Psychismes », Paris, Dunod, 1984, p. 222). Comment expliquer « crimes, massacres, génocides, ainsi qu’angoisses et terreurs », sans y voir « un fait de structure, qui désigne l’homme comme étant fondamentalement, primordialement, un être de violence, homo violens » ? (Roger Dadoun, La violence. Essai sur l’homo violens, coll. « Optiques Philosophie », Paris, Hatier, 1993, p. 73).

[33] George Orwell, 1984, trad. Amélie Audiberti, coll. « Folio », Paris, Gallimard, 1980, p. 377.

[34] « Dans son fond », l’inconscient demeure « le mauvais objet », « quelque chose qui se présente tout de suite avec un caractère tout particulier de méchanceté, de mauvaise incidence » (Jacques Lacan, Le Séminaire. Livre VII. L’éthique de la psychanalyse, Paris, Seuil, 1986, p. 220). Pour le détail, cf. Jacques Le Brun, Le Pur Amour de Platon à Lacan, coll. « La librairie du xxie siècle », Paris, Seuil, 2002, p. 305-340.

[35] « L’esprit comme la vertu s’est cent fois égaré » (Frédéric Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, trad. Geneviève Bianquis, coll. « Bilingue », Paris, Aubier, 1962, p. 171 ; cf. p. 171-173).

[36] Denis de Rougemont parlait de l’aberration qui « pousse le respect de la liberté de l’élève jusqu’au refus de le former » (Lettre ouverte aux Européens, Paris, Albin Michel, 1970, p. 80).

[37] Cf. Thomas Gordon, Comment apprendre l’autodiscipline aux enfants ? Éduquer sans punir, coll. « Actualisation », Montréal, Le Jour, 1990 ; Elisabeth Maheu, Sanctionner sans punir. Dire les règles pour mieux vivre ensemble, Lyon, Chroniques Sociales, 2005.

[38] Fin 2009, la pédiatre et députée UMP Edwige Antier a déposé un projet de loi visant à interdire la fessée et suscitant un véritable débat de société en France. Notamment, 88 % des professionnels de santé se sont opposés à l’adoption d’une loi interdisant la fessée, selon un sondage du Journal international de médecine auquel ont répondu 460 personnes, entre le 31 mai et le 8 juin 2010. Cf. Edwige Antier, L’autorité sans fessée, coll. « Réponses », Paris, Robert Laffont, 2010.

[39] Cf. notamment les ouvrages d’Olivier Maurel : La fessée. Questions sur la violence éducative, Sète, La Plage, 2004 ; Oui la nature humaine est bonne !, Paris, Robert Laffont, 2009.

[40] Cf., avant tout, Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron, La reproduction, Paris, Minuit, 1970.

[41] Cf. Aristote, Éthique à Nicomaque, L. II, 6, 1106 a 15.

[42] Tout le propos de François de La Rochefoucauld, dans ses Maximes, est de montrer « la fausseté de tant de vertus apparentes » (n. 504). Une citation parmi des centaines : « Les vices entrent dans la composition des vertus comme les poisons entrent dans la composition des remèdes » (Réflexions ou Sentences et Maximes morales, La Haye, Jean et Daniel Steucker, 1665, n. 174). L’ouvrage est accessible sur le site consulté en février 2014 : http://www.artsphilo.ca/larochefoucauld/Duc_de_La_Rochefoucauld.html

[43] Cf., par exemple Les deux sources de la morale et de la religion, dans Œuvres, éd. du Centenaire, Paris, p.u.f., 1959, p. 990. Mais aussi, déjà dans : Les données immédiates de la conscience, p. 111 ; L’énergie spirituelle, p. 823 ; etc.

[44] De l’habitude, Paris, H. Fournier, 1838, rééd., coll. « Quadrige » n° 283, Paris, p.u.f., 1999, p. 158.

[45] Paul Ricœur cite (et, pour une part, suit) le philosophe français dans sa Phénoménologie de la volonté. 1. Le volontaire et l’involontaire, coll. « Philosophie de l’esprit », Paris, Aubier, 1950, p. 269 ; Id., Soi-même comme un autre, coll. « L’ordre philosophique », Paris, Seuil, 1990, p. 146.

[46] Cf. Tony Anatrella, La liberté détruite, Paris, Flammarion, 2001.

[47] Le miroir des âmes simples et anéanties, introd. et notes de Max Huot de Longchamp, Paris, Albin Michel, 1997, p. 136. Si l’on doit regretter sa fin (elle sera brûlée à Paris au début du xive siècle), on n’en dira pas de même de sa prise de position théorique et pratique.

[48] Une citation parmi beaucoup : « Nous ne nous soutenons pas dans la vertu par notre propre force, mais par le contrepoids de deux vices opposés, comme nous demeurons debout entre deux vents contraires » (Pensées, éd. Lafuma, n. 674 ; cf. le début de la Cinquième Provinciale).

[49] « La nature est corrompue. Sans JC [Jésus-Christ], il faut que l’homme soit dans le vice et dans la misère. Avec JC [Jésus-Christ], l’homme est exempt de vice et de misère. En lui est toute notre vertu et toute notre félicité. Hors de lui il n’y a que vice, misère, erreurs, ténèbres, mort, désespoir » (Blaise Pascal, Pensées, éd. Lafuma, n. 396).

7.1.2020
 

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