La tempérance : une vertu de casa ou de papel ? (Billet du 3 avril 2020)

Hier, nous avons parlé film. Aujourd’hui, parlons série télé ! Les aficionados savent de quoi je parle (la série la plus regardée sur la plateforme Netflix, plus de 35 millions de vues, soit pas moins que 5 % de la planète !) : aujourd’hui sort la quatrième saison de La Casa de Papel.

Elle a tout de la série addictive : un scénario innovant, un rythme haletant, des héros attachants – si l’on passe sur l’idéologie gay et une baisse de régime dans la troisième saison.

Pourquoi vous en parler ? Pour introduire une des vertus les plus utiles à pratiquer pendant le confinement : la tempérance.

Expirant l’haleine acétosique du jeûneur ascétique, elle a mauvaise réputation ! Il est vrai que le mot commence mal : encore nous tempérer, alors que, partout, nous sommes dans les fers ? Et il finit mal : le goût de rance, qui a donné rancœur, non merci !

Bien entendu, se tempérer, c’est freiner nos ardeurs, consentir au manque et donc renoncer à la toute-puissance du plein permanent. Mais la tempérance dit plus que la seule modération ; elle dit l’intégration : celle du plaisir dans notre bien. Ainsi, être sobre en matière de nourriture, c’est se nourrir d’abord pour son bien (choisir la quantité et la qualité en fonction de notre santé) et faire du plaisir de ce plat sain et bien préparé, le couronnement du repas. Être tempérant, c’est faire du plaisir non pas la norme de notre vie, mais sa surabondance.

Revenons à notre série télé. Je prophétise sans risque qu’elle va battre tous les records d’audience. Que faire ?

  1. D’abord, appelons à notre secours une autre vertu, la prudence. Décidons à l’avance de la durée et du nombre d’épisodes quotidiens au lieu de laisser la série décider à notre place, c’est-à-dire tout (le rebondissement final est programmé pour cela !) et tout de suite.
  2. Souvenons-nous de nos résolutions, surtout en ce vendredi de Carême : le jeûne est d’abord un acte d’amour inspiré par l’Esprit, une humble offrande au Père, une mystérieuse participation à la souffrance rédemptrice du Christ (cf. Col 1,24).
  3. Ajoutons une tentation plus cachée : faire du visionnement de tel épisode non pas le terme, mais le but de notre journée, la récompense finale, la détente qui permet de supporter la tension. Une personne dépendante de l’alcool me disait que, pendant longtemps, elle avait trouvé la motivation dans son travail à la perspective de boire un bon coup après. Agir ainsi, c’est subtilement se rendre dépendant du plaisir seul. C’est surtout déserter une joie autrement plus haute, durable qui, de surcroît, ne peut se transformer en drogue : nous reposer et nous réjouir du travail bien fait. Prenons le temps de goûter le contentement d’avoir pu passer une heure avec notre aîné sur ses devoirs de géométrie, d’avoir écouté patiemment une personne plaintive, d’avoir rangé le tohu bohu génésiaque de ce placard honteux…

 

Alors, la tempérance : vertu pour la casa (maison) ou vertu seulement sur le papier (papel) ?

3.4.2020
 

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