b) L’oral, mieux que l’écrit ?
L’oral semble préférable à l’écrit. C’est ainsi que, dorénavant, les enseignants du primaire, du secondaire et du supérieur, proposent des vidéos éducatives plus que la lecture d’ouvrages. Voire, certains avancent qu’une méta-analyse a démontré que l’écrit ne présente pas plus d’avantages que l’oral [1].
Résolvons d’abord l’argument avancé par l’objection. Elle confond deux données. D’abord, elle n’est vraie que pour la compréhension et non pas pour les autres actes : mémorisation, attention, interaction, etc. Ensuite, elle ne vaut que pour les tout jeunes enfants qui ont encore du mal à lire seul. De fait, si une étude sur des écoliers de CE1 a établi qu’ils comprennent mieux un énoncé oral qu’un énoncé écrit, cette différence s’annule en CM2 et sixième, pour s’inverser à partir de la quatrième [2].
Répondons ensuite à la question posée. Comme pour la précédente interrogation, la réponse est-elle conditionnelle ? Il ne semble pas.
1’) L’écrit valorise plus la compréhension
Trois études réentes ont montré que l’écrit accroît plus la compréhension que l’oral [3]. Par exemple, l’étudiant qui a eu accès au texte donnera les bonnes réponses dans 82 % des cas, et celui qui a écouté un podcast seulement dans 59 %. Par ailleurs, plus un énoncé est long et complexe, mieux il vaut le lire que l’écouter un énoncé ou un texte. Il en est de même pour les supports audiovisuels [4].
Tel étant le fait, quelles en sont les raisons ? Primo, la compréhension requiert une adaptation au contenu, c’est-à-dire à la proportion entre l’objet à connaître et l’intelligence connaissante. Or, cette proportion est d’abord rythmée par le temps, c’est-à-dire la quantité d’informations, mais aussi la qualité. Or, la lecture contrôle le temps, alors que la vidéo l’impose. Par exemple, la première permet de ralentir aux passages plus difficiles, voire de revenir sur eux, ce que la seconde interdit.
Secundo, cette proportion est ensuite rythmée par l’espace, c’est-à-dire par sa structuration. Or, l’écrit propose des segmentations et organisations nombreuses et diversifiées comme des titres, des plans, des paragraphes, des encadrés. Mais, inscrit dans le temps, l’oral est dénué de toutes ces possibilités de configuration.
Tertio, la compréhension (et d’ailleurs aussi la mémorisation) est liée à l’attention. Et, l’homme est régulièrement sujet à des déficits de concentration – qui, aujourd’hui, se multiplient, du fait du multitasking. Or, ces fautes ponctuelles se corrigent par des retours en arrière qui sont possibles à la lecture, mais non à l’oral.
Quarto et surtout, formulons la raison dans l’autre sens. Plus d’attention favorise plus d’intelligence et plus de mémoire [5]. Or, le traitement de l’écrit requiert plus de vigilance que l’oral. L’expérience le montre : s’il est facile d’entendre sans écouter, il est impossible de lire sans regarder. Les études le confirment : face à un même contenu, l’esprit est plus distrait s’il est présenté sur un support audio que s’il l’est sur un support écrit [6]. Valorisons donc le livre.
2’) L’écrit valorise plus la mémoire
Considérons maintenant la mémoire (au sens passif), c’est-à-dire la richesse des univers écrits comparativement aux univers oraux. Toutes les études l’assurent : les premiers sont beaucoup plus profus que les seconds [7].
L’écrit est plus riche que l’oral quant au vocabulaire [8]. Dans la conversation informelle, 94 % des mots appartiennent au répertoire des 5 000 mots les plus utilisés et 6 % au registre des termes plus rares (voire, dans une conversation entre adultes éduqués, 50 % des termes sont issus des 500 mots les plus employés !). Dans un roman, le pourcentage de ces derniers est de 12 %. Ce doublement peut paraître peu signifiant. Mais, pour Germinal ou Notre-Dame de Paris, cela fait tout de même pas moins de 20 000 mots n’appartenant pas au lexique de base…
L’écrit est supérieur à la conversation aussi pour la grammaire [9]. En effet, la grammaire a pour objet la structure syntaxique, c’est-à-dire l’organisation des mots en phrases. Or, les corpus écrits comportent des phrases plus longues, des tournures plus complexes, des formulations plus variées (par exemple, ils utilisent plus la forme passive et la diversité très nuancée des temps passés comme le passé simple, le passé antérieur, l’imparfait, le plus-que-parfait de l’indicatif, sans rien dire de l’imparfait et du plus-que-parfait du subjonctif).
Une étude particulièrement suggestive atteste l’entropie qu’implique le passage d’un roman à l’écran. Il appauvrit la richesse linguistique et grammaticale de l’œuvre écrite. Prenons un exemple, le roman Les Hauts de Hurlevent qui fut écrit par Emily Brontë en 1847 et porté à l’écran, entre autres, par William Wyler en 1939 – film qui fut huit fois oscarisé. Or, la version cinématographique comporte 1,7 fois plus de termes monosyllabiques que le roman, de sorte que si la lecture de l’ouvrage requiert le niveau de la première, la vision du film, elle, est possible par des élèves de CM2…
c) Le livre numérique, au moins aussi bien que le livre papier ? En général
Une dernière difficulté semble massive : ne faut-il pas préférer le livre numérique au livre imprimé ? Si tout le monde s’entend sur ce qu’est un livre imprimé, il est bon de préciser que nous entendons ici par livre numérique tout support ou écran affichant un texte numérique, de la tablette à la liseuse, en passant par le smartphone ou l’ordinateur. Pour répondre à la question, nous nous affronterons à un certain nombre d’objections.
1’) Le cerveau actuel serait plus adapté au format numérique
L’opinion (qui, pour nous, est objection) est que l’écran a transformé le cerveau de la nouvelle génération et que celui-ci n’est plus adapté à l’ennuyeuse lenteur de « l’ancien monde » [10] ; le livre imprimé est un vestige, certes mémorable et honorable, mais dorénavant, archaïque et dépassé [11].
Nous répondrons tout simplement que les évolutions biologiques sont beaucoup plus lentes que les évolutions culturelles. Or, le cerveau est un organe. Et même s’il a évolué très rapidement depuis les grands singes et les anthropiens, ce progrès s’étale sur plusieurs millions d’années. Peut-on raisonnablement imaginer que le cerveau de nos têtes blondes connaît une (r)évolution comme celle que fantasment des films comme Le règne animal ?
2’) La lecture numérique serait préférée à la lecture papier
La réponse est double. Elle concerne d’abord le fait de la lecture sur support électronique. Deux résultats massifs sont justement invoqués [12]. Tout d’abord, seul 20 à 40 % des 6-18 ans a expérimenté la lecture numérique. Ensuite, 50 à 70 % disent préférer le livre imprimé et seulement 5 à 15 % le livre numérique. L’obsolescence programmée du premier semble plus fantasmée que réalisée…
Passons du fait à la cause, ou plutôt aux causes, car multiples sont les raisons de cette préférence. Certes, les deux types de supports présentent des atouts, mais ceux de l’imprimé sont largement supérieurs. Énumérons les avantages respectifs :
a’) Avantages du livre imprimé
Certains bénéfices sont liés au support, d’autres directement liés au lecteur, en l’occurrence ses activités mentales.
1’’) Bénéfices liés au support
- L’annotation (surlignage, etc.) est beaucoup plus aisée avec l’imprimé que l’électronique.
- L’autonomie du livre écrit est plus grande que celle du livre imprimé, qui requiert non seulement batterie, mais connexion pour le téléchargement et la mise à jour.
- Le livre écrit est la propriété de son lecteur, qui peut ainsi le prêter, le donner, le revendre, le mettre à disposition, alors que l’imprimé ne lui appartient pas, avec les conséquences opposées que cela comporte. Qu’adviendra-t-il le jour où un régime totalitaire interdira l’accès à certaines catégories de livres ? Aujourd’hui, la dictature ne concerne donc plus seulement les supports papiers.
- L’ouvrage imprimé est matériellement plus robuste et le livre numérique beaucoup plus fragile que l’on hésitera à emporte à la plage, à confier à un jeune enfant, etc.
- La conséquence en est que le livre écrit est beaucoup plus durable. S’il est placé dans un endroit sec, sombre en position verticale ou horizontale (et non pas oblique), il se conserve presque indéfiniment sans altération ni déformation. En revanche, le texte numérique n’est pas seulement vulnérable, mais condamné par une obsolescence programmée, liée à la perpétuelle évolution des modalités de stockage autant qu’à des impératifs commerciaux beaucoup moins avouables.
- Seul le livre écrit se conserve dans une bibliothèque qu’il est loisible d’explorer. Or, une bibliothèque, c’est une histoire qui nous inscrit dans une continuité, voire permet des découvertes, autorise des surprises, qui sont autant de (micro-)événements. Qui n’a pas un jour fait l’expérience de découvrir, le cœur battant, tel livre annoté dans une marge ou telle lettre oubliée entre deux pages ? Donc, l’imprimé guérit les actuelles tendances à la rupture et à la détraditionalisation, tout en conjurant le misonéisme.
- De plus, et pour la même raison, cette bibliothèque est un héritage. Or, qui dit héritage dit don. Le livre écrit permet donc d’acutiser notre conscience de la gratuité, d’autant qu’elle est mise à mal par les propensions actuelles au narcissisme.
- La compétence requise par le lecteur de l’écrit est moindre que celle demandée au lecteur du numérique, qui doit être familiarisé avec les usages informatiques.
2’’) Bénéfices liés au lecteur
Considérons maintenant les avantages de l’ouvrage papier pour les activités mentales du lecteur [13].
- Le livre imprimé déploie mieux l’attention. Les raisons objectives en ont été données et seront exposées. Le fait est si patent que les lecteurs eux-mêmes en ont conscience : ils préfèrent le format papier pour les lectures longues et exigeantes, mais aussi pour les lectures distractives dont le plaisir est accru par « l’immersion » [14]. C’est ainsi qu’une étude transnationale couvrant États-Unis, Japon, Inde, Allemagne et Slovaquie, a montré que 92 % des lecteurs se concentraient mieux avec des livres papiers [15] – étude qui fut confirmée pour 21 pays [16]. Ce qui est vrai des lecteurs adultes l’est aussi des écoliers de maternelle [17]. On leur a demandé d’interagir soit avec un imagier alphabétique, soit en format papier, soit en format électronique enrichi. Concrètement, dans le cas de support numérique, quand l’enfant de 3-4 ans passait le doigt sur la lettre C, il entendait « C comme chat » ; quand il touchait le mot chat, celui-ci était prononcé ; quand il effleurait l’image du chat, une petite vidéo le montrait. De prime abord, un tel produit est beaucoup plus attractif et devrait être plus prometteur d’apprentissage. En réalité, la compréhension est fonction de l’attention. Or, le support papier focalisait le petit enfant sur la seule tâche qui était l’apprentissage des lettres, alors que le support numérique l’en distrayait en l’incitant à activer les contenus secondaires et en le détournant du temps et de l’énergie consacrés à la nomination des lettres. Cette étude fut confirmée avec des imagiers imprimés quand ils ajoutent des éléments distractifs comme des rabats à soulever, des languettes à tirer [18].
- Le livre imprimé favorise la mémorisation. Nous le verrons, le numérique conduit à multiplier les digressions. Or, celle-ci finissent par saturer nos ressources intellectuelles. Un autre processus rentre en jeu. Aujourd’hui, la majorité des mémoires sont visuelles. Or, celles-ci intériorisent, avec le contenu, le lieu du livre où il apparaît : par exemple, au bas d’une page de droite ou au début de tel chapitre [19]. Mais ces caractéristiques qui sont structurantes de l’imprimé disparaissent avec le numérique.
- Le format papier aide l’intelligence. Nous avons vu qu’il aide mieux l’annotation. Or, tout en soutenant la vigilance, celle-ci dispose à une meilleure compréhension du texte. De plus, le livre imprimé permet un meilleur traitement des informations. De fait, les études montrent que les formats digitaux prédisent une saisie plus superficielle des énoncés [20]. De plus, la saisie du texte n’est pas linéaire : elle requiert des allers-retours avec la table des matières, une synthèse antérieure, voire une annotation [21]; or, il est bien plus aisé de naviguer dans un livre papier que dans un ouvrage numérique. Un autre processus est la corrélation entre structure spatiale et organisation temporelle d’un récit. Or, celle-ci est plus épaulée par l’écrit que par le numérique. Une recherche a par exemple montré que des adultes restituaient mieux le déroulement d’une histoire (en l’occurrence courte) lorsqu’ils l’avaient lu dans un livre imprimé que sur une liseuse [22]. Comment le comprendre ? Partons d’un exemple, le roman policier d’Agatha Christie, les Dix petits nègres (aujourd’hui, wokisme oblige, rebaptisés Ils étaient dix…). La cadence des meurtres est rythmée par le récit ; or, elle se matérialise dans le nombre de pages séparant chaque crime ; donc, le support papier favorise mieux la carte mentale que le support électronique. Enfin, un mécanisme est la similitude : de même qu’on lit plus vite une information sur Facebook, de même le fera-t-on avec un livre numérique et une lecture survolée engendre une compréhension elle-même effleurée [23] ; de même que les énoncés sont plus sommaires, plus pauvres, moins exigeants sur les réseaux sociaux, de même le lecteur de format électronique s’attend à un contenu de faible difficulté [24].
b’) Avantages de l’ouvrage numérique
Ils sont réels. Mais minces. Ils se limitent à deux qui, de surcroît, suscitent des limites intrinsèques.
- Grâce aux hyperliens, il autorise la compréhension de noms, d’expressions, voire d’informations inconnus, ce qu’interdit le support imprimé.
Encore faut-il ajouter que ce bénéfice, qui paraît considérable, se paie d’un certain nombre de difficultés : la dispersion de l’attention ; donc sa diminution ; une intelligence moindre liée à la structuration arborescente, ainsi que nous l’avons vu ; une tentation permanente de distraction (consulter son compte Instagram, aller voir les nouvelles sur sa page Twitter, scroller TikTok) ; aviver un affect si fréquent que les chercheurs le désignent par son acronyme, le Fomo (Fear Of Missing Out, « peur de manquer quelque chose »). Les études montrent que la présence d’un téléphone même éteint devant soi [25] ou d’un voisin qui surfe sur son écran [26] suscite une tentation ou d’ouvrir son téléphone ou de regarder la tablette du voisin. Or, écarter la tentation requiert de l’énergie dont la quantité, finie, est dérobée à l’activité en cours.
- Il permet d’agrandir les caractères et donc d’accroître la lisibilité, ce qui est précieux pour les malvoyants.
Encore faut-il ajouter que ce bienfait, qui est loin d’être négligeable, n’est opérationnel que sur un format ad hoc, c’est-à-dire sur un écran suffisamment grand. Il est bien sûr inapplicable sur un format téléphone et même sur une liseuse.
3’) Le livre numérique serait moins coûteux que le livre imprimé
Cette affirmation est trompeuse et conditionnelle. D’abord, le support numérique n’est moins cher que si on l’oppose à la première édition papier, non à l’édition poche. Ensuite, rappelons-le, le lecteur de l’imprimé bénéficie d’un droit de propriété, alors que celui du support électronique n’a qu’un droit d’usage. On ne compare donc pas le même produit.
4’) Le livre numérique serait plus écologique que le livre imprimé
En réalité, le numérique ne respecte l’environnement que dans les conditions rares d’un gros lecteur dont le support serait très durable et comparativement à un livre papier qui circulerait peu [27].
5’) Le livre numérique est plus pratique
La raison invoquée tient à l’immatérialité du support. De fait, je connais une personne qui a massicoté les 6 000 livres de sa bibliothèque personnelle, les a tous numérisés pour les avoir à sa disposition sur son ordinateur. L’on imagine aisément le gain de temps et d’espace, pas seulement lors de ses voyages, mais aussi pour son logement.
Là encore, la réponse est nuancée et demande de peser les avantages et les inconvénients. D’un mot, l’intérêt de la dématérialisation en compense-t-il les méfaits ? Quasi immatériel, un livre numérique ne fait plus appel qu’à un seule sens, la vue. Inversement, l’ouvrage convoque les autres sens externes, notamment le toucher, l’odorat, et l’ouïe. Or, les sensations sont riches : par soi et proprement (le poids d’un livre, sa senteur, etc.), par soi et communément (la forme du livre), par accident. Développons ce dernier point. Aux perceptions sont associées d’abord des représentations : par exemple, un livre « gros » et « pesant » est corrélée au sérieux et à l’importance de son contenu et suscite une attention plus grande du lecteur [28] ; ensuite, des émotions : par exemple, un ouvrage au papier granuleux ou souple suscite chez le lecteur une impression de rudesse ou de rigidité de l’histoire ou de tel personnage [29] ; en outre, des cognitions, des intellections : les perceptions physiques modulent les processus mentaux, [30] autrement dit, ainsi que Marcel Jousse l’a si bien montré, l’on « intussusceptionne » avec son corps ; enfin, des volitions : celui qui touche un livre s’en perçoit plus proche, établit « une connexion directe et plus intime avec le produit [31] » et donc se l’approprie davantage. Donc, l’expérience du livre imprimé est infiniment plus riche en informations que celle du livre numérique et, en plus d’être une « expérience multisensorielle [32] », favorise toute une vie intérieure mobilisant l’intégralité de nos capacités. Enfin, comme toute activité, la sensation est porteuse d’un plaisir propre [33].
c) Le livre numérique, au moins aussi bien que le livre papier ? En particulier pour la lecture partagée
Comme pour les jeunes et les adultes, les parents choisissent moins le support numérique [34]. Mais, quand ils optent pour lui, cette décision est-elle bénéfique ? En effet, nous ne pouvons pas faire jouer les raisons avancées ci-dessus. Il est donc légitime de se poser la question à frais nouveau. Les études sont unanimes à répondre négativement [35]. Les raisons principales, qui sont nouvelles, sont au nombre de deux. Une première a déjà été évoquée : l’écran cesse d’être une médiation pour devenir l’objet de l’attention principale et détourne donc de l’objectif pédagogique. Concrètement, au lieu de s’intéresser à ce que fait le lapin, le bambin s’intéresse au maniement du support (« Appuie là pour changer d’image »). Disons-le autrement : plus un objet est attrayant, moins l’enfant comprend pourquoi il est moins intéressant que ce qu’il représente [36]. Or, tel est l’être du signe : ce qui, étant connu, fait connaître autre chose que lui-même. Et il est le fondement de la vie intellectuelle.
La seconde est nouvelle : l’écran, contrairement au livre, peut être contrôlé. Or, l’enfant désire accéder à l’autonomie. Donc, l’enfant tend peu à peu à vouloir s’approprier le support numérique. Mais le parent souhaite garder le contrôle du contenu. Donc, la présence d’un écran fait émerger une dynamique inconnue de tension qui, bien évidemment, nuit à l’interaction paisible requise par l’éducation.
Voilà pourquoi un groupe de spécialistes conclut que « les livres électroniques tels qu’ils existent actuellement sont peu susceptibles d’offrir des avantages par rapport aux livres imprimés pour les jeunes enfants et sont même plutôt de nature à entraver les interactions qui sont d’une importance cruciale pour préparer l’entrée à l’école [37] ».
Pascal Ide
[1] Virginia Clinton-Lisell, « Listening ears or reading eyes: A meta-analysis of reading and listening comprehension comparisons », Virginia Review of Educational Research, 92 (2022) n° 4, p. 543-582.
[2] Irene-Anna N. Diakidoy, Polyxeni Stylianou, Christina Karefillidou & Panayiota Papageorgiou, « The relationship between listening and reading comprehension of different types of text at increasing grade levels », Reading Psychology, 26 (2005) n° 1, p. 55-80.
[3] Anisha Singh & Patricia Alexander, « Audiobooks, Print, and Comprehension », Educational Psychology Review, 34 (2022) n° 2, p. 677-715 ; Naomi S. Baron, How we read now, Oxford, Oxford University Press, 2021.
[4] Adrian Fumham, « Remembering stories as a function of the medium of presentation », Psychological Reports, 89 (2001) n° 3, p. 483-486 ; Ladislao Salmerón, Agnese Sampietro & Pablo Delgado, « Using Internet videos to learn about controversies », Computers & Education, 148 (apr. 2020), p. 103796 ; Hesham Mesbah, « Reading is Remembering », Speaker & Gavel, 42 (2005) n° 1, art. 6.
[5] Cf. Peter C. Brown, Henry L. Roediger III & Mark A. McDaniel, Make it stick.
[6] Trish L. Varao Sousa, Jonathan S. A. Carriere & Daniel Smilek, « The way we encounter reading material influences how frequently we mind wander », Frontiers in Psychology, 4 (nov. 2013), art. 892.
[7] Kate Nation, Nicola J. Dawson & Yaling Hsiao, « Book Language and Its Implications for Children’s Language, Literacy, and Development », Current Directions in Psychological Science, 31 (2022) n° 4, p. 375-380.
[8] Donald P. Hayes & Margaret G. Ahrens, « Vocabulary simplification for children », Journal of Child Language, 15 (1988) n° 2, p. 395-410 ; Dom W. Massaro, « Two Different Communication Genres and Implications for Vocabulary Development and Leaming to Read », Journal of Literacy Research, 47 (2015) n° 4, p. 505-527 ; Jessica L. Montag, Michael N. Jones & Linda B. Smith, « The Words Children Hear », Psychological Science, 26 (2015) n° 9, p. 1489-1496 ; Nicola J. Dawson, Yaling Hsiao, Alvin Wei Ming Tan, Nilanjana Banerji & Kate Nation, « Features of lexical richness in children’s books », Language Development Research, 1 (2021) n° 1, p. 9-53.
[9] Jessica L. Montag, « Differences in sentence complexity in the text of children’s picture books and child-directed speech », First Language, 39 (2019) n° 5, p. 527-546 ; Jessica L. Montag & Maryellen C. McDonald, « Text exposure predicts spoken production of complex sentences in 8 – and 12-year-old children and adults », Journal of Experimental Psychology: General, 144 (2015) n° 2, p. 447-468 ; Thea Cameron-Faulkner & Claire Noble, « A comparison of book text and Child Directed Speech », First Language, 33 (2013) n° 3, p. 268-279 ; Douglas Roland, Frederic Dick & Jeffrey L. Elman, « Frequency of Basic English Grammatical Structures », Journal of Memory and Language, 57 (2007) n° 3, p. 348-379 ; Yaling Hsiao, Nicola J. Dawson, Nilanjana Banerji & Kate Nation, « The nature and frequency of relative clauses in the language children hear and the language children read », Journal of Child Language, 50 (2023) n° 3, p. 555-580 ; Boris New, Christophe Pallier, Marc Brysbaert & Ludovic Ferrand, « Lexique 2 : a new French lexical database [version effectivement utilisée : lexique 3.83] », Behavior Research Methods, Instruments & Computers, 36 (2004) n° 3, p. 516-524.
[10] Marc Prensky, Teaching Digital Natives, Newcastle upon Tyne, Corwin, 2010 ; Don Tapscott, Grown Up Digital, New York, Mc Graw Hill, 2009 ; Jean-Michel Fourgous, Réussir à l’école avec le numérique, Paris, Odile Jacob, 2011.
[11] Jason T. Edwards, « Reading Beyond the Borders: Observations of Digital eBook Readers and Adolescent Reading Practices », in Jeff Whittingham, Stephanie Huffman, Wendy Rickman & Cheryl Wiedmaier (éds.), Technological Tools for the Literacy Classroom, Hershey (Pennsylvanie), IGI Global, 2013.
[12] CNL/Ipsos, « Les jeunes Français et la lecture (7-25 ans) », centrenational- dulivre.fr, 2022 ; Id., « Les Français et la BD (7 -75 ans) », centrenationaldulivrefr, 2020 ; Id., « Les jeunes et la lecture (7-19 ans) », centrenationaldulivre. fr, 2016 ; Scholastic, « Kids & Family Reading Report Canadian Edition (0-17 ans) », scholastic.ca, 2017 ; id., « Kids & Family Reading Report Australia (0-17 ans) », scholastic. com, 2016 ; id., « Kids & Family Reading Report United Kingdom (0-17 ans) », scholastic.com, 2015.
[13] Diana DeStefano & Jo-Anne LeFevre, « Cognitive load in hypertext reading », Computers in Human Behavior, 23 (2007) n° 3, p. 1616-1641 ; Ferris Jabr, « Why the brain prefers paper » ; Erik M. Altmann, J. Gregory Trafton & David Z. Hambrick, « Momentary interruptions can derail the train of thought », Journal of Experimental Psychology: General, 143 (2014) n° 1, p. 215-226 ; Jinghui Jove Hou, Justin Rachid & Kwan Min Lee, « Cognitive map or medium materiality? Reading on paper and screen », Computers in Human Behavior, 67 (fev. 2017), p. 84-94 ; Naomi S. Baron, « Know what? How digital technologies undermine learning and remembering », Journal of Pragmatics, 175 (2021) n° 1, p. 27-37 ; Pablo Delgado & Ladislao Salmerón, « The inattentive on-screen reading », Learning and Instruction, 71 (février 2021), art. 101396.
[14] Anne Mangen & Don Kuiken, « Lost in an iPad », Scientific Study of Literature, 4 (2014) n° 2, p. 150-177 ; Sakari Taipale, « The affordances of reading/writing on paper and digitally in Finland », Telematics and Informatics, 31 (2014) n° 4, p. 532-542 ; Manuela Farinosi, Christopher Sze Chong Lim & Julia Roll, « Book or screen, pen or keyboard? », Telematics and Informatics, 33 (2016) n° 2, p. 410-421.
[15] Naomi S. Baron, Rachelle M. Calixte & Mazneen Havewala, « The persistence of print among university students », Telematics and Informatics, 34 (2017) n° 5, p. 590-604.
[16] Diane Mizrachi, Alicia M. Salaz, Serap Kurbanoglu & Joumana Boustany, « Academic reading format preferences and behaviors among university students worldwide », PLoS One, 13 (2018) n° 5, p. e0197444.
[17] Mary Ann Evans, Sarah N. Nowak, Brittany Burek & David Willoughby, « The effect of alphabet e-books and paper books on preschoolers’ behavior », Early Childhood Research Quarterly, 40 (jul. 2017), p. 1-12.
[18] Cynthia Chiong & Judy DeLoache, « Leaming the ABCs », Journal of Early Childhood Literacy, 13, 2013) n° 2, p. 225-241.
[19] Ernst Z. Rothkopf, « Incidental memory for location of infonnation in text », Journal of Verbal Learning and Verbal Behavior, 10 (1971) n° 6, p. 608-613.
[20] Pablo Delgado, Cristina Vargas, Rakefet Ackerman & Ladislao Salmerón, « Don’t throw away your printed books », Educational Research Review, 25 (novembre 2018), p. 23-38 ; Logan E. Annisette & Kathryn D. Lafreniere, « Social media, texting, and personality », Personality and Individual Differences, 115 (septembre 2017), p. 154-158.
[21] Yiren Kong, Young Sik Seo & Ling Zhai, « Comparison of reading performance on screen and on paper », Computers & Education, 123 (aug. 2018), p. 138-149 ; Virginia Clinton-Lisell, « Reading from paper compared to screens », Journal of Research in Reading, 42 (2019) n° 2, p. 288-324.
[22] Anne Mangen, Gérard Olivier & Jean-Luc Velay, « Comparing Comprehension of a Long Text Read in Print Book and on Kindle », Frontiers in Psychology, 10 (janvier 2019), accès en ligne : https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpsyg.2019.00038/full
[23] Lauren Singer Trakhman, Patricia Alexander & Lisa E. Berkowitz, « Effects of Processing Time on Comprehension and Calibration in Print and Digital Mediums », The Journal of Experimental Education, 87 (2019) n° 7, p. 1-15 ; Wolfgang Lenhard, Ulrich Schroeders & Alexandra Lenhard, « Equivalence of Screen Versus Print Reading Comprehension Depends on Task Complexity and Proficiency », Discourse Processes Online First, 54 (may 2017), p. 427-445.
[24] Logan E. Annisette & Kathryn D. Lafreniere, « Social media, texting, and personality ».
[25] Bill Thornton, Alyson Faires, Maija Robbins & Eric Rollins, « The mere presence of a cell phone may be distracting », Social Psychology, 45 (2014) n° 6, p. 479-488.
[26] Fara Sana, Tina Weston & Nicholas J. Cepeda, « Laptop multitasking hinders classroom learning for both users and nearby peers », Computers & Education, 62 (mars 2013), p. 24-31.
[27] Qi Kang, Jinyi Lu & Jianhua Xu, « Is e-reading environmentally more sustainable than conventional reading? », Library & Information Science Research, 43 (2021) n° 3, p. 23-31 ; Ran Liu, Andreas R. Koehler, Peter Gailhofer, Carl-Otto Gensch & Franziska Wolff, Impacts of the digital transformation on the environment and sustainability, Öko-Institut e.V., 2019 (texte en ligne) ; ADEME, « Évaluation de l’impact environnemental de la igitalization des services culturels », ademe.fr, 2022.
[28] Nils B. Jostmann, Daniël Lakens & Thomas W. Schubert, « Weight as an embodiment of importance », Psychological Science, 20 (2009) n° 9, p. 1169-1174.
[29] Joshua M. Ackerman, Christopher Nocera & John A. Bargh, « Incidental haptic sensations influence social judgments and decisions », Science, 328 (2010) n° 5986, p. 1712-1715.
[30] Lawrence W. Barsalou, « Grounded cognition », Annual Review of Psychology, 59 (jan. 2008), p. 617-645.
[31] Charles Spence & Alberto Gallace, « Multisensory design », Psychology and Marketing, 28 (2011) n° 3, p. 267-308.
[32] Charles Spence, « The Multisensory Experience of Handling and Reading Books », Multisensory Research, 33 (2020) n° 8, p. 902-928.
[33] Cf. Ferris Jabr, « Why the brain prefers paper » ; Naomi S. Baron, « Know what? How digital technologies undermine learning and remembering ».
[34] Victoria Rideout & Michael B. Robb, « The Common Sense census: Media use by kids age zero to eight » ; Gabrielle A. Strouse & Patricia A. Ganea, « A print book preference », International Journal of Child-Computer Interaction, 12 (février 2017), p. 8-15 ; Id., « Toddlers’ word leaming and transfer from electronic and print books », Journal of Experimental Child Psychology, 156 (apr. 2017) p. 129-142.
[35] Cynthia Chiong, Jinny Ree, Lori Takeuchi & Ingrid Erickson, « Comparing Parent-Child Co-Reading on Print, Basic, and Enhanced E-Book Platforms », New York, The Joan Ganz Cooney Center, 2012 ; Julia Parish-Morris, Neha Mahajan, Kathy Hirsh-Pasek, Roberta Michnick Golinkoff & Molly Fuller Collins, « Once Upon a Time », Mind, Brain and Education, 7 (2013) n° 3, p. 200-211 ; Marina Krcmar & Drew P. Cingel, « Parent-Child Joint Reading in Traditional and Electronic Formats », Media Psychology, 17 (2014) n° 3, p. 262-281 ; Tiffany G. Munzer, Alison L. Miller, Heidi M. Weeks, Niko Kaciroti & Jenny Radesky, « Differences in Parent-Toddler Interactions With Electronic Versus Print Books », Pediatrics, 143 (2019) n° 4, p. e20182012 ; Id., « Parent-Toddler Social Reciprocity During Reading From Electronic Tablets vs Print Books », JAMA Pediatrics, 173 (2019) n° 11, p. 1076-1083.
[36] Judy S. DeLoache, « Dual representation and young children’s use of scale models », Child Development, 71 (2000) ) n° 2, p. 329-338 ; Id., « Symbolic functioning in very young children », Child Development, 62 (1991) n° 4, p. 736-752.
[37] Suzy Tomopoulos, Perri Klass & Alan L. Mendelsohn, « Electronic Children’s Books », Pediatrics, 143 (2019) n° 4, p. e20190191.