John Bowlby et ses collaborateurs ont développé une théorie profonde et puissante qu’un article du site présente en détail : la théorie de l’attachement [1]. Cette brève note souhaiterait seulement revenir sur le cœur de la découverte, la distinction des trois types de comportements d’attachement : l’attachement sécure ou sécurisé ; l’attachement insécure anxieux ou résistant ; l’attachement insécure évitant. Elle fut décrite pour la première fois par Mary Ainsworth. Puis, elle fut validée par des centaines d’études qui ne l’ont jamais remise en cause.
L’enfant sécurisé a appris que ses figures d’attachement (avant tout ses parents) sont fiables. Il peut donc explorer son environnement sans crainte, c’est-à-dire se détacher de sa base d’attachement, voire affronter l’adversité sans crainte excessive, parce qu’il sera aidé.
L’enfant insécure anxieux a appris que ses figures d’attachement (avant tout ses parents) sont fiables, au moins dans une certaine mesure, quand ils sont là. Aussi redoute-t-il de les perdre. La conséquence en est qu’il ne peut explorer son environnement que s’il ne s’éloigne pas de sa base d’attachement. Il pense donc qu’il ne peut affronter l’adversité que si l’aide est constante et immédiatement disponible.
L’enfant insécure évitant n’a pas appris que ses figures d’attachement (avant tout ses parents) sont fiables. La conséquence en est qu’il ne peut explorer son environnement et que, s’il doit affronter l’adversité, il ne sera pas aidé.
Faut-il le dire ?, ces types d’attachement ne sont pas réservés à l’enfance…
Traduisons ces découvertes majeures dans les catégories du cycle de la dépendance (dépendance-indépendance-interdépendance) et de la dynamique du don (don 1 : réception ; don 2 : intériorisation ; don 3 : donation).
L’enfant sécurisé est relativement indépendant (autonome) et, sinon interdépendant, du moins en chemin vers l’interdépendance. Harmonisant les trois moments du don, il a suffisamment reçu de ses parents (don 1) pour pouvoir être autonome (don 2) et courir le risque d’une relation d’échange avec d’autres personnes que ses parents (don 3).
L’enfant insécure anxieux n’est pas indépendant et tenté par la dépendance : sollicitant constamment l’entourage, en besoin permanent de réassurance, il peut être tenté par la posture du Victimaire. Et les parents par celle de Sauveteur. Il ne reçoit pas (gratuitement), mais il prend et exige comme un dû ce qui lui est donné. Enfin, son apparente interdépendance aura en fait toutes les caractéristiques d’une dépendance. Hypertrophiant le don 1 qu’il s’est insuffisamment approprié (don 2), ce type de personnalité peine à vivre un véritable don 3 (de soi).
L’enfant insécure évitant, lui, ne croit même pas à la dépendance. Il a du mal à recevoir. Il a autant de difficulté à donner. Il se caractérise par une hypertrophie de l’indépendance, mais d’une indépendance triste et morne, car elle n’est pas alimentée par l’attachement vital aux figures parentales d’attachement et donc ne peut être ouverte à un nouvel attachement. Si l’insécure anxieux est tenté par la fusion, l’insécure évitant l’est par la fission. Hypertrophiant le don 2, ce type de personnalité qui a manqué de don 1, ne peut advenir au don 3.
Pascal Ide
[1] Cf. « La théorie de l’attachement ou l’enracinement constructeur de l’enfant dans le don parental ».