Une lecture pneumatologique de la pandémie (Billet de la Pentecôte, dimanche 31 mai 2020)

Première coïncidence du calendrier : le déconfinement coïncide avec la fête de la Pentecôte. Osons proposer une lecture théologique, plus, pneumatologique de la pandémie.

Le mal singe le bien. Pauvre en moyens, en pénurie de créativité, il emploie les mêmes ressorts. Que fait le virus ? Il est émis par un porteur, il est reçu par celui qui est infesté, et celui-ci le transmet à son tour. Le seul pouvoir du mal est sa contagiosité, donc sa mise en circulation, donc sa manipulation des porteurs sains et parfois malades. D’ailleurs, c’est ainsi que procède le mal moral : nous écoutons une médisance et, au lieu de la stopper, nous le répétons, de sorte que la triste nouvelle qui détruit la réputation de l’autre, se « viralise », comme l’on dit à juste titre. Inversement, les Anciens et les Médiévaux l’avaient compris avant la révolution pasteurienne, arrêter une épidémie, c’est empêcher la propagation de l’agent pathogène : confiner, allonger les délais, empêcher les contacts et les émissions. Autrement dit, lutter contre le mal, c’est bloquer sa circulation.

Tout à l’inverse, l’Esprit-Saint est celui qui fait circuler les dons, donc la vie !

Avez-vous noté comme il choisit, pour se manifester, ce qu’il y a de plus fluide dans la nature : le feu, le souffle, le vent, la colombe qui est l’air fait vie, dans l’amour ? Il continue d’ailleurs à faire de même. Sainte Bernadette raconte que, avant que la blanche Dame ne paraisse dans la grotte de Massabielle, elle entendit une bourrasque de vent qui, mystérieusement, n’agitait en rien les arbres. D’ailleurs, dans les langues les plus variées, autant les deux langues bibliques, le grec et l’hébreu, que le latin, ou des langues orientales, comme le chinois et le sanskrit, le même mot qui dit l’esprit présente, fait rarissime, quatre sens étagés : le vent, la respiration, l’esprit de l’homme et l’esprit divin. De sorte que le sens premier d’esprit a toujours été « souffle », le vent à l’extérieur de moi ou la respiration en moi.

Or, le vent, c’est ce qui fait circuler les biens, les dons. Changer d’air, c’est le purifier. Et le vent, c’est ce qui remplit tout l’espace. De même, l’Esprit-Saint remplit l’univers (cf. Sg 8,1), non pas statiquement, mais dynamiquement, en donnant ses dons les plus divers (cf. 1 Co 12,7).

 

Comment vivre de l’Esprit de Pentecôte ? En faisant circuler les bienfaits de Dieu. C’est là une expérience très concrète. Qu’il est facile de bloquer cette communication des dons : en boudant, se fermant ; en ne donnant rien, en attendant que ce soit l’autre qui prenne l’initiative ; en n’acceptant pas de recevoir pour ne pas être en dette ou dépendant ; en manquant de reconnaissance pour le cadeau reçu ; en se divisant pour des questions d’héritage, préférant prendre un bien matériel (voire faire payer à l’autre) plutôt que sauvegarder le bien supérieur qu’est le don spirituel de l’unité ; en jalousant l’autre pour le bien qu’il a reçu ; etc.

Inversement, qu’il est aisé de faire ou refaire circuler la vie et ainsi de coopérer à l’Esprit-Saint : en prenant l’initative de donner sans retard, sans attendre de retour ; en recevant avec humilité ; en relançant l’invitation avec générosité et créativité ; en remerciant avec gratitude ; en répondant à ce mail annonçant une bonne nouvelle ; etc.

Hier soir, lors de la vigile de Pentecôte, le pape François nous a offert un message d’importance que l’on peut résumer ainsi : nous ne sortirons pas pareil de la crise du Covid. Nous avons le choix entre devenir pire et devenir meilleur. Que décidons-nous ? Nous, non pas l’autre, le gouvernement, etc. Mais moi, toi !

 

Deuxième hasard providentiellement guidé : la solennité de la Pentecôte tombe la fête de la Visitation, qui est le dernier jour du mois de Marie. Remplie de l’Esprit-Saint qui l’a couverte de son ombre (cf. Lc 1,35), Marie est celle qui fait circuler au maximum les dons de Dieu : elle part « en toute hâte » ; elle témoigne aussitôt du don reçu ; elle rend grâce à Dieu dans son Magnificat ; elle sert sa cousine Élisabeth pas moins de trois mois (cf. v. 39-56).

Et si, pour entrer dans cette danse des dons, nous chantions avec elle le Magnificat ?

Pascal Ide

31.5.2020
 

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