Tempo e Dio. Aperture contemporanee a partire da Hegel e Schelling (recension)

Tempo e Dio. Aperture contemporanee a partire da Hegel e Schelling, postf. P. Sequeri

Kurt Appel
Philosophie – Recenseur : Pascal Ide

NRT 141-4 (2019)

Laïc marié, enseignant la théologie fondamentale et la philosophie de la religion à l’Univ. de Vienne, tout en donnant des cours à Milan et Trente, Kurt Appel (à ne pas confondre avec son célèbre homonyme Karl-Otto Apel qui a élaboré, de concert avec Habermas, l’éthique de la discussion) offre ici une version complètement réécrite, rédigée par ses soins, de son ouvrage Zeit und Gott (Paderborn, Schöningh, 2008). L’intention de ce livre conceptuellement dense, mais toujours clair et pédagogique, est de proposer une nouvelle vision du temps. En effet, ayant abandonné le pseudo-temps mythique de la circularité, l’homme d’aujourd’hui oscille entre le temps sécularisé, linéaire, progressant à l’infini, sans futur et donc désespéré de la postmodernité, et la fuite dans le temps de la virtual reality qui, n’étant que la répétition illimitée du même, retrouve, sur mode déréalisé, la circularité archaïque. À l’écoute aussi des aporétiques du temps thématisées par Agamben et Ricœur, Appel propose un long parcours à l’école des grands représentants de l’idéalisme allemand (surtout des deux derniers) auxquels il consacre, tour à tour, une section : Leibniz qui, avec la monade, a pour la première fois représenté un être non seulement temporel, mais engendrant une temporalité ; Kant qui, le premier aussi, a pensé le temps à partir de la liberté ; Heidegger qui radicalise l’intuition kantienne et notamment l’inscription de l’homme dans la finitude ; le dernier Schelling qui joint le temps à l’histoire, lui offrant une origine, la création, et un eschaton, en le relisant à la lumière de l’histoire biblique (mais aussi du muthos) ; enfin, Hegel qui, loin d’éliminer le temps, selon une opinion erronée, le connecte à l’Autre, dans une dialectique avec l’éternité.

Reste à l’A., dans la dernière et longue section, d’élaborer sa propre conception du temps. Si les philosophies précédentes ont congédié le temps cosmologique des Anciens, elles l’ont considéré du point de vue du sujet, c’est-à-dire dans une perspective anthropologique. Appel leur substitue une lecture résolument biblique et donc théologique. En effet, le nom biblique de Dieu, Jhwh, n’est pas un mot, mais un verbe, donc est intrinsèquement temporel. La proposition d’Appel peut se caractériser par quatre notes : un temps non plus représenté, mais expérimenté comme altérité de Dieu, dans son nom irreprésentable ; un temps qui se révèle comme acte performatif dans l’acte liturgique ; un temps qui réside dans le monde du texte canonique ; un temps concret que Dieu donne à l’homme pour surmonter la violence et la misère.

L’étude est assurément séduisante, ainsi que le dit Paolo Sequeri, qui signe la postface et dans le sillage de qui s’inscrit manifestement Appel. Mais fallait-il congédier si radicalement les approches objective et subjective, comme si la temporalité ne s’expérimentait pas comme succession, extérieure et intérieure, et leur préférer la seule herméneutique liturgique ? Appel est héritier de l’attitude, trop réactive à l’égard de toute immédiateté, que ce soit celle des métaphysiques de l’être et de l’esprit ou celle de la phénoménologie, pour y substituer la seule médiation longue du texte, comme si celui-ci ne surgissait pas de l’être en devenir, représenté autant qu’éprouvé. — P. Ide

28.8.2022
 

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