Les portes de l’église où je suis vicaire sont ouvertes depuis le début du confinement, de sorte que les paroissiens (et d’autres) continuent à venir se confesser régulièrement en fin d’après-midi. Et ils ne sont pas moins nombreux qu’avant !
Quelle heureuse initiative (celle de garder les portes ouvertes, mais aussi celle de se confesser !) ! Une autre que, sur le long terme, je trouve de moins en moins heureuse, est « une suggestion du cardinal Carlo Maria Martini », proposée en 1995, et dont le succès ne se dément pas. Indéniablement, elle a aidé et continue à aider certains qui désertaient le confessionnal par routine, honte et, osons ajouter, par acédie. Incontestablement, elle a raison de souligner, au début, l’importance de la gratitude (confesser la bonté de Dieu avant de confesser nos péchés), et, à la fin, l’« immersion baptismale dans la puissance de l’Esprit », c’est-à-dire la puissante transformante du sacrement. Bref, elle épaule celui qui, par culpabilité (psychologique) et par formalisme, confond le confessionnal avec un tribunal humain, ou celui qui, par besoin d’être écouté ou éclairé, croit que ce sacrement cherche d’abord à consoler nos mal-êtres et résoudre nos discernements.
Mais, à long terme, je constate que la partie centrale, sur le péché et sur la contrition, affaiblit le sens du premier et la puissance de la seconde. En parlant d’« attitudes », de « façons d’être », d’« états d’âme » versus les « péchés formels », le pénitent finit par oublier que le péché est d’abord un acte. En parlant de « dialogue pénitentiel » et non pas de contrition et d’absolution (bien sûr, les mots doivent être réexpliqués), il finit par perdre le sens de la tristesse profonde de son péché.
Prenons une analogie. Qu’est-ce qui vous blesse le plus dans l’attitude de l’autre ? Est-ce que ce sont seulement ses façons d’être, ses états d’âme ? Ne sont-ce pas plutôt ses actes : le fait que votre mari ne vous remercie pas d’avoir préparé ce bon déjeuner, que votre voisine ne réponde pas à votre « bonjour », que ce collègue vous ait menti, que votre enfant ne range pas ses affaires alors que vous le lui avez demandé, etc. ? Bref, autant d’actes précis, concrets, qui sont autant de manques au respect, à la justice, à la charité. Or, notre Dieu infiniment bon et compatissant est aussi infiniment vulnérable. Si l’acte indélicat d’autrui vous offusque, imaginez combien il peut atteindre le cœur de Dieu ! Anthropomorphisme puéril ? C’est Jean-Paul II lui-même qui parle de « la souffrance inconcevable et inexprimable, que, à cause du péché, le Livre saint semble, dans sa vision anthropomorphique, entrevoir dans les ‘profondeurs de Dieu’ et, en un sens, au cœur même de l’inexprimable Trinité [1] ? »
Donc, disons-le et redisons-le, nos péchés sont des actes concrets qui navrent au plus intime le Cœur même de la Trinité. En prendre conscience, de concert avec la certitude que nous sommes depuis toujours déjà pardonnés, est le plus sûr chemin pour parvenir à la véritable pénitence et advenir à la véritable charité, qui s’exerce d’abord à l’égard de Dieu.
C’est pour cela que les dix commandements (autant d’actes extérieurs) et les sept péchés capitaux (autant d’actes intérieurs) demeurent une base précieuse pour préparer nos confessions.
Sainte confession, donc ! Et si vous ne pouvez actuellement rencontrer un prêtre « en présentiel », rappelez-vous que le pape François parle de la confession de désir, à partir du moment où vous avez la ferme intention de bénéficier du sacrement dès la sortie du confinement.
Pascal Ide
[1] Jean-Paul II, Lettre encyclique Dominum et vivificantem sur l’Esprit-Saint dans la vie de l’Église et du monde, 18 mai 1986, n. 39, § 2.