Jean-Marc Ferry discerne avec profondeur un retrait progressif du rôle de l’État [1] en matière économique – analyse confirmée par d’autres observateurs [2]. Pour cela, il distingue trois moments.
Au départ, l’État jouait un rôle opérateur : il exerçait un large spectre de compétences en matière tant sociales qu’économiques, administratives ; un signe en était qu’il s’aidait des entreprises dont il nationalise certaines. À partir du milieu du siècle dernier, l’État devient régulateur. Cette nouvelle fonction se caractérise par la délégation au secteur privé d’une bonne partie de la vie économique, le politique conservant son activité décisionnaire sur les finances et les conventions avec les partenaires sociaux. Enfin, aujourd’hui, l’État ne joue plus qu’un rôle ordonnateur. Ce troisième temps se caractérise par le désinvestissement total à l’égard de l’activité économique : se contentant de fixer un cadre normatif et très formel, non seulement il laisse le marché à sa propre logique, mais il favorise la libre circulation et la concurrence, au profit (dans tous les sens du terme) d’une hyperconsommation dérégulée. Bref, un tel État a totalement inversé les relations du politique et de l’économique, faisant de la première le serviteur de la seconde. Avec toutes les conséquences profondément injustes et insécurisantes dénoncées depuis des décennies par la doctrine sociale de l’Église.
Pascal Ide
[1] Cf. Jean-Marc Ferry, La question de l’État européen, Paris, Gallimard, 2000.
[2] Cf. Robert Stiglitz, Quand le capitalisme perd la tête, trad. Paul Chemla, Paris, Fayard, 2007.