Pourquoi Pâques avant la Pâque ? (Trait d’union, 2e dimanche de Carême, dimanche 13 mars 2022)

Pourquoi donc entendons-nous l’évangile de la Transfiguration en début de Carême ? N’y aurait-il pas une erreur de timing ? Jésus manifeste déjà sa gloire, alors que nous l’attendons pour la Résurrection, à la veillée pascale. Bref, pourquoi Pâques avant la Pâque ?

Mais la question est d’abord : pourquoi Jésus a-t-il désiré se montrer transfiguré à ses Apôtres avant sa Passion ? Ou plutôt elle est : quand a-t-il décidé de le faire ?

Saint Thomas d’Aquin répond en invoquant un principe éclairant : « pour que quelqu’un marche avec assurance sur une route, il faut qu’il connaisse plus ou moins par avance le but du voyage » (cf. Somme de théologie, IIIa, q. 45, a. 1. Cf. Jn 14,5). Et il ajoute : « cela est particulièrement nécessaire quand la voie est difficile et escarpée, le trajet pénible ». Or, regardons ce qui précède l’épisode de la Transfiguration et lui succède : Jésus annonce sa Passion, à deux reprises (cf. Lc 9,22-26 ; 43b-45). Et la première fois, il affirme : « Le Fils de l’homme doit souffrir beaucoup ». Les disciples durent être très impressionnés, voire rebutés. Comment leur donner courage et persévérance ? En leur montrant le but.

Un homme avance sur un chemin où se succèdent trois personnes qui manient une pioche :

« Que fais-tu ?, demande-t-il au premier.

– Je creuse un trou.

– Que fais-tu ?, demande-t-il au deuxième.

– Je construis des fondations.

– Que fais-tu ?, demande-t-il au troisième.

– Je bâtis une cathédrale ».

C’est une vérité : nous ne pouvons embarquer pour un voyage difficultueux que si le terme en est heureux. Transformons-la en règle de vie : plus le chemin promet d’être long et pénible, plus il faut d’abord contempler longuement le but et nous laisser attirer par lui ; plus aussi, il nous faudra y revenir pour tenir pendant la traversée. La carotte (le but), pas le baton (le seul devoir) ! Vous acceptez de vous lever à deux heures du matin, d’affronter la fatigue, le froid et la ténèbre, d’arpenter ce rude sentier, parce que et seulement parce que vous avez l’assurance d’un lumineux lever de soleil et d’une vue panoramique sur les montagnes. Si pratiquer le jeûne, c’est seulement me priver, alors je ne fais que creuser un trou (cela donne faim !) ; si, au contraire, c’est offrir ma privation par amour, alors je construis une cathédrale, le corps du Christ.

Hier, 12 mars, nous avons fêté dans la joie le centenaire de la canonisation de saint François-Xavier. Le saint patron de notre chère église paroissiale, qui veille sur chacun de nous, avait appris de son maître saint Ignace de Loyola ce principe de grande portée : avant toutes choses, « considérer la fin pour laquelle je suis créé : la gloire de Dieu, notre Seigneur, et le salut de mon âme. Donc, quelle que soit la chose que je me décide à choisir, ce doit être pour qu’elle m’aide à obtenir cette fin : me gardant de subordonner et d’attirer la fin au moyen, mais dirigeant le moyen vers la fin » (Exercices spirituels, n. 169).

Que la situation actuelle, internationale et nationale, peut susciter notre découragement ! Avouons-le, que la perspective de cette longue quarantaine de Carême, avec ses pénitences, ses exigences, son invitation à la conversion, nous pèse souvent !

La semaine dernière, nous avons appris du Christ tenté dans le désert que la vie est un combat et que, comme Lui, nous triomphons du Tentateur en lui opposant la parole de Dieu.

Cette semaine, nous apprenons de Lui que nous ne pouvons endurer l’épreuve du rude chemin que si nous contemplons longuement le but, la béatitude à laquelle nous sommes tous appelés. À Marthe dont le frère Lazare vient de mourir, Jésus promet : « Je te dis que si tu crois, tu verras la gloire de Dieu » (Jn 11,40).

Pascal Ide

14.3.2022
 

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