L’espérance, arrachement au désespoir 2/2

c) Les critères de la véritable espérance

1’) Le passage par le dépouillement

Nombre d’auteurs russes ont montré que l’espérance ne se lève que lors du désastre. L’écriture du désastre n’est pas le dernier mot. L’un des grands écrivains danois du passage entre le xixe siècle et le xxe, Jakob Knudsen (1858-1917), montre dans diverses œuvres ce passage par la pauvreté pour passer de l’espoir à l’espérance. Tel est le cas d’une de ses nouvelles écrite en 1887 : « Peder Mortensen, meunier et boulanger » [1]. Elle narre l’histoire d’un homme, Peder Mortensen, qui se trouve confronté à la concurrence d’un nouveau meunier et boulanger s’installant dans sa région ; progressivement, il perd son moulin, sa boulangerie, sa maison et tout son avoir. Cette situation le conduit au désespoir. Or, dans ce désastre matériel et psychologique va poindre la véritable espérance. Avec profondeur spirituelle et grande finesse, Knudsen en décrit la difficile naissance, les étapes, les tentations.

  1. Dès que l’épreuve commence apparaît l’espérance. En effet, Mortensen éprouve le besoin de prier ; or, la prière est l’acte par excellence de l’espérance.
  2. Néanmoins la mise en œuvre de la prière n’est pas à la hauteur de ce désir. En effet, celui-ci rencontre des obstacles, non pas extérieurs, puisque Mortensen est démuni, mais intérieurs : la souffrance du passé et plus encore un christianisme piétiste qui lui interdit de prier car il en est indigne. En fait, le véritable obstacle intérieur est autre : si Mortensen ne prie pas, c’est qu’il a encore l’espoir (humain) que les choses vont s’arranger : « c’est tout de même probable que » quelque chose arrivera et le tirera d’affaires.
  3. Arrive un moment où tout espoir humain le quitte ; le meunier et boulanger sombre alors dans « le désespoir le plus farouche ». Seul non seulement devant l’abîme, mais dans celui-ci, englouti par le néant, Mortensen découvre alors que ne demeure rien de créé ; seul demeure Dieu ou plutôt sa Parole qui donne vie. Et cette Parole est source d’espérance inconditionnelle. Mortensen fait alors une véritable expérience théologale : « Il sentait […] qu’il n’avait pas parlé dans le vide, ô non, il avait parlé à une personne ».
  4. Pour autant, nous ne sommes pas arrivés au bout de nos peines. En effet, Knudsen a fait l’expérience qu’une fois réellement découverts, l’espérance, et son acte qu’est la prière, peuvent être détournés, récupérés au profit des espoirs tout humains. Cette tentation, la plus subtile de toutes, va étreindre Mortensen. En effet, l’espérance a des effets humains, elle revigore ; or, l’homme est toujours tenté de désolidariser sa consistance humaine de la cause qui la sous-tend, autrement dit d’autonomiser les dons qui lui sont faits, de devenir amnésique de leurs sources ; donc, Mortensen est tenté d’échafauder un espoir. Précisément et plus subtilement, il vient de faire l’expérience que Dieu répond à la prière. Il est donc assuré que Dieu va répondre à la prière qui monte de son cœur : écarter de lui et de sa famille le terrible avenir qui les attend ; or, le malheur en question est humain (il existe des malheurs vraiment théologaux comme le péché) ; par conséquent, l’objet de sa prière l’est aussi et cette assurance de même. Ainsi, furtivement, l’espoir vient à nouveau se mêler à son espérance théologale : « Plus l’espoir prend le dessus, plus s’éloigne l’espérance. L’espoir oublie son point de départ, l’existence horizontale se ferme sur elle-même [2] ».
  5. Mais la prière s’élève apparemment dans le vide et n’est pas exaucée. Alors Peder Mortensen accède enfin à la conscience de la véritable espérance : sa prière n’était à nouveau dictée que par l’espoir illusoire et mensonger ; plus encore, il avait récupéré le don de Dieu en oubliant le Donateur : « Il se sentait à peu près comme un chien qui, ayant reçu un os de son maître, s’enfuit dans un coin et se met à le ronger, tout en regardant son maître d’un œil méfiant, craignant qu’il ne vienne lui prendre son os ».
  6. Or, une fois la tentation de l’espoir vaincu, Peder Mortensen, loin de se sentir désarmé et triste, accède au véritable courage et à la joie durable : il peut enfin regarder la réalité en face sans se leurrer. Seule l’espérance donne de s’ouvrir au réel dans toute sa Sauvagerie. Comme le Christ qui, sur la Croix, supporte de plein fouet toute la violence et la haine destructrice de l’homme.
2’) La paix

Dans Le premier cercle, Soljénitsyne donne le témoignage de ceux qui n’ont plus d’illusion sur l’enfer, tuent tout espoir humain et accèdent au-delà :

 

« L’enfer, c’est là que nous allons […]. Oui, ils avaient devant eux la taïga et la toundra, Oï-Miakon, pôle du froid, et les mines de cuivre de Djezkazgan. Et encore la binette, la brouette, une ration de misère de pain mal cuit, l’hôpital, la mort. Le pire, rien que le pire.

« Mais leurs âmes étaient en paix avec elles-mêmes.

« Ils possédaient l’intrépide fermeté de ceux qui ont tout perdu, jusqu’au bout, courage qui est dur d’acquérir mais qui tient bon [3] ».

 

En trois lignes, Soljénitsyne exprime l’essentiel sur l’espérance vraie : sa cause qui est l’absolu dépouillement « de ceux qui ont tout perdu », sa conséquence qui est la stabilité, « l’intrépide fermeté » et son fruit qui est la « paix avec » soi.

3’) Le détachement de son détachement

Ecoutons sur ce point le témoignage de Gustave Thibon sur cette figure exemplaire mais pas totalement purifiée qu’est Simone Weil : « Détachée jusqu’aux entrailles de ses goûts et de ses besoins, elle n’était pas détachée de son détachement. Et la façon dont elle montait la garde autour de son vide témoignait encore d’un terrible souci d’elle-même. Dans le grand livre de l’univers posé devant ses regards, son moi était comme un mot qu’elle avait peut-être réussi à effacer, mais qui restait souligné ». Il donne un autre signe : « Tout cela – et il faudrait encore parler d’une certaine aura d’étrangeté et de malheur qui émanait d’elle et qui, plus encore que ses paroles et ses actes, composait son personnage – n’était pas reposant ». D’où un premier jugement : « Il est deux sorte d’êtres élevés : ceux qui adhèrent à leur propre altitude et s’y isolent et ceux qui, montés jusqu’au ciel par amour, savent redescendre sur la terre par miséricorde. Simone Weil appartenait à la seconde catégorie par son idéal […], mais, par sa nature, elle penchait vers la première ».

D’où un second jugement qui fait la différence entre une belle auto-possession du don 2 et une totale ouverture au don 1 : « Simone Weil était toute vérité et, à un certain niveau, tout amour ; elle n’était pas encore tout accueil. La pureté est blessante par elle-même ; la seule présence d’un saint fait saigner à nouveau les vieux péchés cicatrisés – et seules une douceur, une compassion infinies peuvent panser les plaies causées par la lumière [4] ». L’effort, l’attention avait, chez elle, quelque chose de surhumain, de crispé, qui ne parle pas de la douceur de Dieu, c’est-à-dire de la totale soumission de l’être à son Créateur et Sauveur. « La Grâce seule eût pu achever de rendre flexibles les arêtes de ce caractère et de cette intelligence de diamant… » D’ailleurs, Gustave Thibon n’hésite pas à y discerner des racines psychologiques : « Elle est restée, en un certain sens, toute sa vie l’enfant inflexible qui s’asseyait dans la neige et refusait d’avancer parce que ses parents avaient confié à son frère les bagages les plus lourds ».

4’) La différence avec le quiétisme

Ayant compris que l’espérance véritable est l’envers du souci, un laisser-faire Dieu, le risque est grand de tomber dans une autre tentation, subtile, qu’est le quiétisme, et ainsi de croire que Dieu nous demande de cesser de combattre. Or, il s’agit de cesser de vivre d’espoir, d’agir par espoir, mais non pas d’agir tout court. C’est ce que montre admirablement une superbe œuvre d’imagination de l’écrivain britannique Chesterton, empruntant au genre littéraire de la ballade héroïque, La ballade du cheval blanc [5]. Le poème conte l’histoire du roi chrétien Alfred, roi de Wessex et des Anglo-Saxons qui a vécu au ixe siècle, et que la postérité appelle saint Alfred le Grand. Peut-être parce qu’il a su passer lui aussi du faux espoir à la vraie espérance. Son pays est envahi par des guerriers danois aussi païens que cruels. Et il va de défaite en défaite. Mais le roi ne cesse de se relever, combattant sans se décourager pour la défense de son pays et de sa foi bafouée par les hommes idolâtres. Pourquoi ? Parce que, au départ, Alfred avait « endurci son cœur avec l’espoir », dit Chesterton dans une formule stupéfiante de vérité [6]. Or, la Vierge lui a donné le message suivant :

 

« Je n’ai rien à te dire pour te consoler,

Non, rien qui te plaise,

Sinon que le ciel s’assombrira davantage

Et la houle sera encore plus forte.

Les ténèbres s’épaissiront autour de toi,

Le ciel te pèsera comme un couvercle de fer.

Connais-tu la joie sans cause,

Connais-tu la foi sans espoir [7] ? »

 

On le voit, rien, dans le message, ne donne l’assurance d’une quelconque victoire humaine. Si donc le roi Alfred continue à se battre, c’est qu’il est animé désormais par une espérance sans motivation horizontale, terrestre, mais théologale : en l’occurrence en Dieu. Le Roi est désormais libéré du double souci très humain de la victoire comme de la défaite ; or, le premier est objet d’espoir et le second de désespoir ; vivant dans l’espérance, il vit donc au-delà des épuisantes alternatives de l’espoir et du désespoir. C’est ainsi qu’il se présente comme le « Roi souvent vaincu / Dont l’échec remplit le pays [8] » !

On pourrait objecter que la Ballade se termine « bien », puisque sa dernière ligne est la suivante : « Et le Roi prit la ville de Londres [9] ». Mais justement le caractère abrupt de la finale doit nous mettre la puce à l’oreille : l’absence de commentaire en souligne l’insignifiance. Pour le roi Alfred, cette victoire n’est que provisoire ; rien n’assure qu’elle est définitive et qu’elle durera longtemps. Car son espérance est désormais tendue vers un tout autre bien que cette fragile conquête : l’assurance que, dans le Christ et en lui seul « qui est plus que Melchisédech / Et mort et ne meurt jamais [10] », tout est donné.

Mais, le Roi ne trouve pas non plus sa consolation dans un Au-delà dans lequel il se reposerait pour ne plus combattre : le signe qu’il vit véritablement d’espérance est qu’il continue à combattre. Il ne cherche pas à se consoler avant terme, en cessant d’avancer : non, il chemine dans la ténèbre de la foi, sans rien savoir du terme : il vit de la joie des « hommes marqués de la Croix du Christ / [Qui] marchent joyeusement dans les ténèbres [11] ». Et ils demeurent sans autre « signe » que « le sang et la fumée [12] ». Or, l’homme ne peut accéder à une telle espérance agissante que s’il renaît, par la grâce. En effet, arrivé au-delà de toutes ressources humaines, encerclé par la mort, plombé par la peur, Alfred va vivre l’expérience la plus décisive de la Ballade : celle d’un enfantement à la grâce d’espérance. D’abord, par sa position physique : il se retrouve « recroquevillé dans les ajoncs et la fougère » ; or, c’est la position d’un enfant lové dans le sein maternel ; voilà pourquoi le poème continue en disant : « Il recommença sa vie encore une fois [13] ». A cette symbolique corporelle est jointe une image qui donne son titre à la Ballade :

 

« Au loin, dans le désert en bas de la Colline du Cheval Blanc,

Un enfant seul, à son loisir […]

Pendant ces heures de l’enfance, longues comme des jours,

Il bâtissait une tour en vain,

Il empilait de petites pierres les unes sur les autres pour en faire une ville.

Et aussitôt qu’elles se fussent effondrées

Il se remit à l’ouvrage […].

L’enfant que le Temps ne saurait jamais lasser [14] ».

 

Le signe de la véritable espérance divine est donc qu’elle ne se fatigue jamais de recommencer. Ce don inlassable, toujours renouvelée nous rappelle un autre don, parfait, le par-don, « soixante-dix sept fois sept fois ».

4) Conséquences pratiques

a) La difficulté de l’espérance

« Pourquoi ne m’avez-vous pas dit que la vie était aussi difficile ? », disait l’héroïne d’un film réaliste sur l’histoire des pionniers aux Etats-Unis (pas exactement la Petite maison dans la prairie). Or, cette phrase exprime, certes l’expérience de l’arduité de la vie : « La vie est difficile », disait Scott Peck dans Le chemin le moins fréquenté. Mais elle dit aussi une déception. Or, quelles sont douloureuses les illusions perdues d’un enfant ! Ce deuil est véritablement la sortie de la toute-puissance enfantine.

Un prêtre disait à une pénitente qui demandait à Dieu de vivre dans l’abandon et la confiance : « Savez-vous ce que vous demandez ? C’est ce qu’il y a de plus difficile ». Voilà pourquoi Charles Péguy se disait étonné de l’espérance. Bernanos ne dit pas autre chose :

 

« L’espérance est un risque à courir. C’est même le risque des risques. L’espérance n’est pas une complaisance envers soi-même. Elle est la plus grande et la plus difficile victoire qu’un homme puisse remporter sur son âme [15] ».

b) Le discernement entre espoir et espérance

L’auteur danois cité ci-dessus, Peter Knudsen accorde une place importance au discernement spirituel dans un de ses romans, Le vieux prêtre [16] : il a en effet un sens aigu du caractère très mêlé de nos motivations et du caractère nullement spontané mais progressif de notre obéissance à « la seule loi de l’amour » du Christ.

Saint Ignace nous l’a enseigné. Une prière qui ne manipule pas Dieu, mue par la seule espérance théologale est fondée sur une véritable indifférence.

c) La purification des fausses demandes

De ce point de vue, un certain nombre de témoignages, dans le Renouveau, sont trompeurs qui s’achèvent, systématiquement, par la réussite ou l’exaucement : ils entretiennent la confusion entre espoir et espérance, entre ce que Kierkegaard appelle l’attente de l’éternité et une superstition concernant l’avenir [17]. Dieu n’est pas un grigri conjurant les épreuves ni une assurance tout-risque. Combien notre regard sur Dieu demande à être purifié.

d) L’espoir se nourrit de la poésie

Dans un essai intitulé L’acte et le lieu de la poésie, le poète français Yves Bonnefoy a cette formule programmatique audacieuse : « Je voudrais réunir, je voudrais identifier presque la poésie et l’espoir [18] ».

e) L’espérance est le grand remède contre l’acédie

C’est ce qu’estime saint Jean Climaque : « L’espérance est un trésor fait de trésors qui n’apparaissent pas encore […]. Un moine plein d’espérance est le meurtrier de l’acédie, qu’il repousse armé de ce glaive [19] ».

f) La vérité des humanistes athées d’aujourd’hui

Ce discernement entre plusieurs degrés d’espérance ne permet-il pas de sauver la parole d’un certain nombre d’humanistes athées ? En effet, ceux-ci désirent tordre le cou à l’espérance dont ils ont constaté, avec une lucidité sans pareille, combien elle déçoit constamment. Notamment Albert Camus avait bien vu que cet espoir s’identifie à « l’esquive mortelle [20] ». Seulement, ils n’ont pas vu combien l’espérance théologale se distingue de ces espoirs ; surtout, ils estiment que tout regard eschatologique, vers l’au-delà est une fuite vers l’utopie et l’illusoire.

5) Reprise dans la perspective du don

a) Exposé

On l’aura compris, l’espérance est, par excellence, la vertu du don 2. En effet, en un premier temps, l’espoir permet d’enraciner l’action dans l’intime du cœur : déjà, l’espoir affectif ; mais plus encore l’espoir effectif, agissant. Mais, une fois conjuré le risque de quiétisme (et de fatalisme), il faut écarter la tentation, pour nous encore plus redoutable d’immanentisme et d’indépendance. Pour cela, l’espoir laisse la place à l’espérance théologale qui enracine le cœur humain, la liberté agissante dans la présence autrement stable et encore plus intime au don 2 de l’Esprit qui donne l’opération autant que l’être.

Or, le passage de l’espoir à l’espérance se fait par l’occultation des assurances de l’espoir humain. Le dépouillement de la foi, condition d’ouverture au Don 1 de la Vérité divine, se redouble ici, peut-être de manière encore plus radicale d’un appauvrissement d’espérance. C’est en ce sens que saint Maxime le Confesseur voyait en toute vertu une kénose, un dépouillement de notre humanité pour qu’elle soit habitée par la divinité : « L’essence de toute vertu c’est Notre Seigneur Jésus Christ [21] ».

Si Dieu, dans sa pédagogie, ne nous donne apparemment pas de stabilité dans la vertu morale, c’est pour que nous nous attachions d’abord à lui dans la pauvreté, par les vertus théologales. En effet, nous risquerions de nous laïciser et d’à nouveau convertir les dons en possessions indépendantes, asseyant notre vie sur notre seule vertu humaine au lieu de la recevoir de Dieu. Que l’équilibre entre autoconsistance et dépendance est délicat à tenir !

b) Précision

Pourquoi la foi est-elle nécessaire pour fonder l’espérance ? Afin de ne pas faire dériver celle-ci vers un rêve fusionnel ou égoïste. C’est ce que Lewis exprime dans une formule profonde et paradoxale : « L’existence du Ciel est plus importante que la possibilité d’y arriver [22] ». Bien évidemment, nous ne pouvons abandonner la certitude de notre finalité ultime ; sans désir de bonheur, nous n’agirions pas : l’obéissance ne suffit pas, quoi qu’en pense un certain volontarisme. Mais nous ne pouvons désirer que parce que nous sommes certains qu’existe l’objet de notre bonheur, à savoir Dieu. Or, seule la foi donne Dieu. Précisément, la foi nous donne une représentation juste du Ciel, de notre finalité ultime. Voilà pourquoi la foi fonde l’espérance comme le don 1 fonde le don 2.

c) Confirmation

Il y a, chez l’homme désespéré, une tentation de retourner à l’animal, dont témoigne notamment la lucidité des poètes. Autrement dit, l’homme qui ne fixe pas son espérance aussi haut que Dieu ne demeure pas un être humain, maudit le don 2 qu’il est et se ravale au niveau des bêtes. Quelques témoignages parmi beaucoup.

Baudelaire avoue :

 

« Je jalouse le sort des plus vils animaux

Qui peuvent se plonger dans un sommeil stupide

tant l’écheveau du temps lentement se dévide [23] ».

 

Dans Une saison en enfer, Arthur Rimbaud écrit qu’il désire être une larve et une taupe.

Rainer Maria Rilke est tenté par « la bête libre de la mort » :

 

« Ce qui est dehors, nous ne le savons que par le regard des animaux ;

car très jeune nous retournons l’enfant,

l’obligeant de voir des formes derrière lui.

Car nous n’avons d’yeux que pour la mort.

Il n’apercevra point l’ouverture profonde dans le regard de la bête libre de la mort.

La bête libre a toujours sa fin derrière elle et Dieu devant ;

lorsqu’elle marche, elle va d’un pas éternel, comme s’écoulent les fontaines [24] ».

Pascal Ide

[1] Jakob Knudsen, « Moeller og Bager Peder Motensen », dans Jyder : Elleve Fortellinger. Ny Samling, Koebenhavn, Gyldendal, 1917, p. 236-276. Cf. le résumé (un peu trop entrelardé de commentaires) de Monica Papazu dans son bel article : « De Profondis… », Institut Catholique d’Etudes Supérieures, L’espérance. Actes du colloque international de novembre 2000, Paris, F.-X. de Guibert, 2001, p. 211-237, ici p. 217-219.

[2] Monica Papazu, « De Profondis… », art. cité, p. 218.

[3] Alexandre Soljénitsyne, Le premier cercle, trad. Henri-Gabriel Kybarthi, Œuvres complètes, Paris, Fayard, 1982, p. 669-670. Souligné par moi.

[4] Témoignage de Jean-Marie Perrin et Gustave Thibon, Simone Weil telle que nous l’avons connue, Paris, La Colombe, 1952, cité dans Simone Weil, Œuvres, éd. Florence de Lussy, coll. « Quarto », Paris, Gallimard, 1999, p. 1256-1259. Souligné dans le texte.

[5] « The Ballad of the White Horse », 1911, Georg Keith Chesterton, The Works, Wordsworth Poetry, 1995, p. 163-241. Là encore, j’emprunte au résumé substantiel qu’en donne Monica Papazu, « De Profondis… », art. cité, p. 220-227.

[6] Ibid., p. 167. « Hardened his heart with hope ».

[7] Ibid., p. 173. C’est moi qui souligne.

[8] Ibid., p. 178.

[9] Ibid., p. 241.

[10] Ibid., p. 164.

[11] Ibid., p. 172.

[12] « Quel signe avons-nous sauf le sang et la fumée ? » (Ibid., p. 191)

[13] Ibid., p. 221.

[14] Ibid., p. 220.

[15] Georges Bernanos, La liberté pour quoi faire ?, Paris, Gallimard, 1953, p. 132.

[16] Cf. Peter Knudsen, Den gamle Praest, Udgaver, Det nordiske Forlag, 1899.

[17] Sören Kierkegaard, « L’attente d’une félicité éternelle », Dix-huit discours édifiants, IV, 164, Œuvres complètes, p. 237.

[18] Yves Bonnefoy, « L’acte et le lieu de la poésie », 1959, L’improbable, Paris, Mercure de France, 1980, p. 105-131, ici p. 130.

[19] Saint Jean Climaque, L’Échelle Sainte, degré XXX : De la charité, n. 30 et 34, trad. P. Placide Deseille, coll. « Spiritualité orien­tale » n° 24, Abbaye de Bellefontaine, 21987.

[20] Albert Camus, Le mythe de Sisyphe. Essai sur l’absurde, coll. « Les Essais » n° 12, Paris, Gallimard, 1942, p. 21.

[21] Ambiguorum Liber, PG 91, 1081d.

[22] Clive Staples Lewis,  Surpris par la joie, trad. Marie Tadié, Paris, Seuil, 1964, ch. 13 et 14.

[23] Charles Baudelaire, « De profundis clamavi », Spleen et idéal, Les fleurs du mal, dans Œuvres complètes, éd. Claude Pichois, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », Paris, Gallimard, 2 volumes, tome 1, 1975, p. 32.

[24] Rainer Maria Rilke, Huitième élégie, Œuvres 2. Poésies, trad., coll. « L’intégrale », Paris, 1972, p. 366.

28.6.2024
 

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