Ad tuendam fidem est une lettre apostolique donnée sous la forme d’un motu proprio, le 18 mai 1998. La Congrégation pour la Doctrine de la Foi, dans une note doctrinale capitale, illustre la formule conclusive de la Professio Fidei [1].
Nous traiterons successivement des trois niveaux de proposition de foi et des Symboles de la foi.
1) Les trois ordres de vérité de foi
Pour résumer les importants acquis de Ad tuendam fidem explicités par la note, exposons-les en un tableau comparatif :
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Premier ordre de vérité |
Deuxième ordre de vérité |
Troisième ordre de vérité |
Énoncé dans le Code de Droit Canon (1983) |
Canon 750, § 1 : « On doit croire de foi divine et catholique tout ce qui est contenu dans la Parole de Dieu écrite ou transmise par la tradition, c’est-à-dire dans l’unique dépôt de la foi confié à l’Église et qui est en même temps proposé comme divinement révélé par le Magistère solennel de l’Église ou par son Magistère ordinaire et universel, à savoir ce qui est manifesté par la commune adhésion des fidèles sous la conduite du Magistère sacré ; tous sont donc tenus d’éviter toute doctrine contraire ». |
Canon 750, § 2 (ajouté avec le Motu proprio) : « On doit fermement accueillir et garder également toutes et chacune des choses qui sont proposées définitivement par le Magistère de l’Église quant à la foi et aux mœurs, c’est-à-dire ces choses qui sont requises pour garder saintement et exposer fidèlement ce même dépôt de la foi ; s’oppose donc à la doctrine de l’Église catholique celui qui refuse ces mêmes propositions que l’on doit garder définitivement ». |
Canon 752 : « Avec une soumission religieuse de la volonté et de l’intelligence, j’adhère aux doctrines qui sont énoncées soit par le Pontife romain soit par le Collège des évêques, lorsqu’ils exercent le magistère authentique même s’ils n’ont par l’intention de les proclamer par un acte définitif ». |
Objet de ces vérités en leur spécificité |
Les vérités concernant la foi et les mœurs divinement et formellement révélées, c’est-à-dire contenues dans la Parole de Dieu écrite ou transmise par la Tradition. |
Les vérités concernant la foi et les mœurs à tenir de manière définitive, mais non (actuellement) divinement révélées. |
Les vérités concernant la foi et les mœurs énoncées par le Pontife romaine ou le Collège des Evêques exerçant le Magistère authentique mais de manière non définitive, vérités présentées comme vraies ou au moins comme sûres. |
Condition chez le sujet croyant (foi) |
L’assentiment de la foi théologale ferme et définitif est nécessairement requis. |
« Il n’y a pas de différence au niveau du caractère plein et irrévocable de l’assentiment dû respectivement à ces diverses vérités [1er et 2nd alinéa] » : est toujours requis l’assentiment de la foi théologale ferme et définitif est donc nécessairement requis. « La différence se situe au niveau de la vertu surnaturelle de foi : dans le cas des vérités du premier alinéa, l’assentiment est fondé directement sur la foi dans l’autorité de la Parole de Dieu (doctrines de fide credenda) ; dans le cas des vérités du deuxième alinéa, l’assentiment est fondé sur la foi dans l’assistance que le Saint-Esprit prête au Magistère et sur la doctrine catholique de l’infaillibilité du Magistère (doctrines de fide tenenda) [2] ». |
Est requise « une soumission religieuse de la volonté et de l’intelligence ». |
Attitude subjective contraire |
Qui met obstinément en doute ou nie ces vérités est hérétique et doit être soumis à une juste peine |
Qui met obstinément en doute ou nie ces vérités est hérétique et doit être soumis à une juste peine : « Qui les nierait se trouverait dans la position de celui qui rejette les vérités de la doctrine catholique et ne serait donc plus en pleine communion avec l’Eglise catholique [3] ». |
« Une proposition contraire à ces doctrines peut être qualifiée d’erronée ou bien, dans le cas des enseignements de l’ordre et de la prudence, de téméraire ou de dangereuse et donc tuto doceri non potest [4] ». |
Exemples |
La note en donne la liste : les articles du Credo, les divers dogmes christologiques et marials ; la doctrine de l’institution des sacrements par le Christ et leur efficacité à conférer la grâce ; la doctrine de la présence réelle et substantielle du Christ dans l’Eucharistie et la nature sacrificielle de la célébration eucharistique ; la fondation de l’Église par la volonté du Christ, la doctrine sur le primat et sur l’infaillibilité du Pontife romain ; la doctrine sur l’existence du péché originel ; la doctrine sur l’immortalité de l’âme spirituelle et sur la rétribution immédiate après la mort ; l’absence d’erreur dans les textes sacrés inspirés ; la doctrine sur la grave immoralité du meurtre direct et volontaire d’un être humain innocent |
Quelques exemples : – de lien de nécessité logique : l’infaillibilité du Souverain Pontife, l’ordination sacerdotale exclusivement réservée aux hommes, l’illicéité de l’euthanasie, de la prostitution, de la fornication, etc. – de lien de nécessité historique : « la légitimité de l’élection du Souverain Pontife ou de la célébration d’un Concile œcuménique, la canonisation des saints (faits dogmatiques) ; la déclaration de Léon XIII dans la Lettre apostolique Apostolicae Curae sur l’invalidité des ordinations Anglicanes [5]. |
« En général les enseignements proposés par le Magistère authentique ordinaire sur un mode non définitif, qui requièrent des degrés d’adhésion divers, selon l’esprit et la volonté manifestée spécialement soit dans la nature des documents, soit dans le fait de proposer fréquemment la même doctrine, soit dans la teneur de l’expression employée [6] ». |
Modalité de la proposition |
Ces vérités peuvent être proposées de deux manières : – ou par un jugement solennel (définitoire) qui définit cette vérité comme divinement révélé – ou par une proposition infaillible par le Magistère ordinaire et universel Par conséquent, une doctrine peut être enseignée infailliblement sans être solennelle |
Comme pour les vérités du premier alinéa. Par conséquent, une vérité du deuxième alinéa peut être définie solennellement [7]. |
Ces vérités sont énoncées par le Magistère, mais ne sont pas définies par un jugement solennel (vérités du premier alinéa) et ne sont pas proposées comme définitives (vérités du deuxième alinéa) |
Origine (cause efficiente) |
Ou le Pontife Romain parlant ex cathedra ou le Collège des évêques réunis en Concile autour du Pape |
Ou le Pontife Romain parlant ex cathedra ou le Collège des évêques réunis en Concile autour du Pape |
Ces vérités sont l’« expression authentique du Magistère ordinaire du Pontife romain ou du Collège épiscopal [8] ». |
Diverses espèces |
Comme on l’a vu, deux espèces se distinguent selon la modalité du jugement. |
Comme on l’a vu, deux espèces se distinguent selon le lien de ces vérités avec la Révélation : rapport historique et connexion logique |
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Finalité |
Ce premier ordre contient toutes les vérités irréformables divinement et formellement révélées |
Ce deuxième ordre contient les « vérités qui sont nécessaires pour garder et exposer fidèlement le dépôt de la foi, même si elles n’ont pas été proposées par le Magistère de l’Église comme formellement révélées [9] ». |
« Ces enseignements […] sont proposés pour nous conduire à une intelligence plus profonde de la Révélation, ou bien pour rappeler la conformité d’un enseignement avec les vérités de la foi, ou enfin pour mettre en garde contre les conceptions incompatibles avec ces vérités ou contre des opinions dangereuses susceptibles d’induire en erreur [10] ». |
2) Le symbole de la foi
a) Origine historique
Voici comment débute la note doctrinale de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi : « Dès le début, l’Église a professé sa foi dans le Seigneur crucifié et ressuscité, et a résumé dans quelques formules les éléments fondamentaux de sa foi », à savoir « l’événement central de la mort et de la résurrection du Seigneur Jésus », comme en témoigne le kérygme, « la première profession proclamée par les disciples aussitôt après les événements de Pâques : ‘Je vous ai donc transmis en premier lieu ce que j’avais moi-même reçu, à savoir que le Christ est mort pour nos péchés selon les Écritures, qu’il a été mis au tombeau, qu’il est ressuscité le troisième jour selon les Écritures, qu’il est apparu à Céphas, puis aux Douze’ (1 Co 13,3-5) [11] ».
b) Fondement théologique
Le fondement théologique réside dans la parole du Christ promettant de donner le Saint-Esprit qui « conduira à la vérité tout entière » (Jn 16,13). Or, l’Esprit-Saint
« soutient constamment la marche de l’Église. C’est pourquoi, dans le cours de l’histoire, quelques vérités ont été définies comme désormais acquises grâce à l’assistance du Saint-Esprit et comme des étapes visibles de l’accomplissement de la promesse originelle [12] ».
Il faut souligner le principe théologique auquel le texte fait appel qui n’est pas d’abord une théologie de l’explicitation, du désenveloppement, de l’actualisation, mais une théologie biblique de la promesse et de l’accomplissement.
c) Finalité
Les divers symboles visent deux finalités : « témoigner de l’unité de la foi et de la communion entre les Églises [13] ». Mais cette finalité s’incarne dans l’épaisseur d’une histoire :
« Les Pères aussi, réunis en Concile pour affronter les nécessités historiques qui exigeaient de présenter de façon plus exhaustive les vérités de la foi ou d’en défendre l’orthodoxie, ont formulé de nouveaux Symboles qui occupent jusqu’à nos jours ‘une place toute particulière dans la vie de l’Église’. La diversité de ces Symboles exprime la richesse de l’unique foi et aucun d’entre eux ne se trouve dépassé ou annulé par la formulation d’une profession ultérieure de foi dictée par de nouvelles situations historiques [14] ».
Pascal Ide
[1] Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Motu proprio Ad tuendam fidem, 18 mai 1998 et Note doctrinale illustrative. Ces deux textes sont parus dans La Documentation catholique, 2186 (19 juillet 1998), respectivement p. 651-653 et p. 653-657.
[2] Note doctrinale illustrative, n. 8, p. 655.
[3] Note doctrinale illustrative, n. 6, p. 654.
[4] Note doctrinale illustrative, n. 10, p. 655. La citation en latin est tirée du Code de Droit Canonique, n. 752 et 1371.
[5] Note doctrinale illustrative, n. 11, p. 656.
[6] Note doctrinale illustrative, n. 11, p. 656.
[7] Cf. le commentaire de la Note doctrinale illustrative, n. 9, p. 655 : « De toute façon, le Magistère de l’Église enseigne par un acte définitoire ou non, une doctrine à croire comme divinement révélée (1er alinéa) ou à tenir de manière définitive (2e alinéa). Dans le cas d’un acte définitoire, une vérité est solennellement définie par une déclaration «ex cathedra» du Pontife romain ou par l’intervention d’un Concile œcuménique. Dans le cas d’un acte non définitoire, une doctrine est enseignée infailliblement par le Magistère ordinaire et universel des évêques dispersés de par le monde et en communion avec le Successeur de Pierre. Cette doctrine peut être confirmée ou réaffirmée par le Pontife romain, même sans recourir à une définition solennelle, en déclarant explicitement qu’elle appartient à l’enseignement du Magistère ordinaire et universel comme vérité divinement révélée (1er alinéa) ou comme vérité de la doctrine catholique (2e alinéa). Par conséquent, quand, sur une doctrine il n’existe pas de jugement sous la forme solennelle d’une définition, mais que cette doctrine, appartenant au patrimoine du depositum fidei, est enseignée par le Magistère ordinaire et universel – qui inclut nécessairement celui du Pape –, il faut l’entendre comme étant proposée infailliblement. Quand le Pontife romain, par une déclaration la confirme ou la réaffirme, il n’accomplit pas un acte nouveau qui élève cette vérité au rang de dogme, mais il atteste formellement qu’elle est déjà propriété de l’Église et par elle infailliblement transmise ».
[8] Note doctrinale illustrative, n. 10, p. 655.
[9] Note doctrinale illustrative, n. 6, p. 654.
[10] Note doctrinale illustrative, n. 10, p. 655.
[11] Note doctrinale illustrative, n. 1, p. 653.
[12] Note doctrinale illustrative, n. 3, p. 653-654.
[13] Note doctrinale illustrative, n. 2, p. 653.
[14] Note doctrinale illustrative, n. 2, p. 653.