Le vêtement n’est pas qu’extérieur, il prolonge l’intériorité et devient ainsi signe de la personne [1]. Les peuples anciens en avaient une vive conscience. « Un des gestes pour sceller une alliance officielle en vigueur sous Hammurabi et plus tard aux ixe et viiie siècle avant Jésus-Christ, sous le roi araméen Panammu, consistait à empoigner le pan du manteau du souverain. On marquait ainsi l’adhésion à sa personne [2] ». La Bible n’échappe pas à cette loi commune. Ainsi, lorsque David coupe une partie du manteau de Saül, « le cœur lui battit » (1 S 24,5-6), c’est-à-dire « éprouve du remords », car « le vêtement est un substitut de la personne ; toucher au vêtement, c’est toucher à la personne [3] ». De fait, Jésus lui-même a un moment symbolisé sa kénose, voire la totalité du mouvement économique, par lequel il « est sorti de Dieu et s’en va vers Dieu » (Jn 13,4), en déposant son manteau, puis en le reprenant (Ibid. et v. 12).
Inversement, qu’on dénude l’esclave, que le nazi oblige chaque cohorte de prisonniers de se dévêtir, signe combien le vêtement atteste la dignité de l’homme, donc lui est intrinsèquement liée.
Enfin, bibliquement le vêtement fait sens aux deux extrémités de l’histoire du salut : par son absence, dans le second récit de la création ; par sa symbolique dans la gloire. Le Siracide ne parle-t-il pas d’un « vêtement glorieux » ou « d’un vêtement de gloire » dont tu te « revêtiras » (Si 6,19) ? Et l’Apôtre ne se représente-t-il pas la gloire comme un revêtement (cf. 1 Co 15,53-54 ; Ep 4,24).
Pascal Ide
[1] Cf. Martine Barbeau, Le vêtement et l’intériorité, coll. « Cahier de l’École cathédrale » n° 54, Paris, Parole et Silence, 2002.
[2] Edgar Haulotte, Symbolique du vêtement selon la Bible, coll. « Théologie », Paris, Aubier, 1966, p. 77.
[3] La Bible de Jérusalem, Paris, Le Cerf, 1974, p. 339, note c.