Le don à vue de nez : pour une ontologie de l’odorat 3/3

7) Ouverture théologique

a) Les parfums dans les différentes religions

L’usage des parfums, par exemple, de l’encens, traverse les différentes religions. Ce parfum particulier semble singulièrement adapté aux dieux. Par exemple,

 

« en égyptien, le mot qui désigne l’encens (sonter) est précédé de l’idéogramme du dieu ou du domaine divin (ntr). Il n’y a là rien d’étonnant puisque tout encens vient de la ‘terre du dieu’, porte au ciel les aspirations des hommes et divinise tout ce qu’il enveloppe de ses nuages [1] ».

 

Il en est de même chez les Grecs. Dans sa Théogonie, Hésiode répartit la nourriture entre, d’un côté, la fumée des os calcinés et le fumet des graisses brûlées pour les dieux, de l’autre, la chair du bœuf pour les hommes. Nul mépris ou revanche prométhéenne dans cet usage. Tout au contraire, les dieux sont valorisés, du fait de leur immortalité, ainsi que le comprend Marcel Détienne :

 

« En abandonnant aux olympiens les os et la graisse, en ne leur laissant qu’odeurs et fumées, le premier sacrificateur consacrait la supériorité des Immortels sur leurs partenaires humains. Parce que le besoin de manger est en rapport inverse avec la vigueur vitale, parce que faim et mort sont comme frères jumeaux, les dieux manifestent leur condition surnaturelle en se réservant les super-nourritures inaccessibles aux êtres de chair et de sang qui ne peuvent pas plus se nourrir de la seule odeur des viandes que se contenter pour vivre du parfum de la myrrhe et de l’encens [2] ».

 

Empruntons un troisième exemple au Mexique préhispanique. Différentes senteurs végétales, telles que le copal, le tabac, l’estafiate ou l’œillet d’Inde, étaient employées dans les rituels religieux. Par exemple, les cultes de Quetzalcoatl, le serpent à plumes, et de Tlaloc, le dieu de la pluie, convoquent des offrandes parfumées. Et l’importance de ces effluves était telle que les insignes spécifiques des prêtres étaient une gourde à tabac portée dans le dos ou un sac à encens tenu à la main. Comment l’expliquer ? La raison en est que le religieux requiert la nette distinction des hommes mortels et des dieux immortels ; or, ces parfums n’ont rien de commun avec les fonctions physiologiques humaines ; donc, ces senteurs sont appropriées à la nature des dieux et aux rituels [3].

Retenons de ces développements une vérité profonde : le parfum est offert à l’être spirituel car il lui est proportionné ; donc, l’odeur est considérée comme ce qu’il y a de plus spirituel dans le monde matériel. Or, cet esprit est ce qui peut pénétrer le corps jusqu’au cœur. A l’instar du souffle, il peut donc établir une communion entre le dehors et le dedans, entre l’un et l’autre, voire entre le transcendant et l’immanent. Nous y reviendrons en traitant de la loi de pneumatisation.

On ne peut en revanche, purement et simplement, étendre ces notations à l’encens employé dans nos églises. Même si l’on ne peut nier des continuités, ainsi que l’observait déjà Michel de Montaigne : « L’invention des encens et des parfums aux églises si anciennes et espandues en toutes nations et religions, regarde à cela de nous réjouir, éveiller, purifier le sens pour nous rendre plus propre à la contemplation [4] ».

b) L’odorat dans le christianisme

Là encore, il y aurait tant à dire, en convoquant les ressources non seulement de la liturgie mais de l’anthropologie des sens spirituels (Origène, Bonaventure, etc.). Je m’arrêterai à quelques notations sommaires.

1’) Le nez et l’espérance

Commentant la parole du Cantique des Cantiques sur le « nez » de la bien-aimée (Ct 7,4), Geoffroy d’Auxerre « rapporte le nez à l’espérance, puisque espérer, dans un grand souffle, c’est aspirer à ce qui n’est pas visible [5] ».

2’) L’odeur, essence de la rose qui est la chose de Dieu

Dans sa Cantate à trois voix, Paul Claudel imagine un dialogue entre Laeta (Joyeuse) et Beata (Bienheureuse) :

 

« O rose !

Eh quoi ! Lorsque nous respirons cette odeur qui fait vivre les dieux,

N’arriverons-nous qu’à ce petit cœur insubsistant

Qui, dès qu’on le saisit entre ses doigts, s’effeuille et fond,

Comme d’une chair sur elle-même toute en son propre baiser

Mille fois resserrée et repliée ?

Ah, je vous le dis, ce n’est point la rose ! C’est son odeur

Une seconde respirée qui est éternelle !

Non le parfum de la rose ! C’est celui de toute la Chose que Dieu a faite en son été [6] ! »

3’) L’odorat dans le jardin monastique

Le lien est fait particulièrement avec le plus passif des sens, l’odorat, dont Derrida disait que les « sensations » sont « pures » et même « purement intérieures [7] »

 

« Au Mont-Dieu – écrit Guillaume de Saint-Thierry, à propos de la vie solitaire, dans un discours poétique sur la bonne odeur de Dieu –, dans l’air pur des sommets, dans l’odeur régnante des choses célestes, la santé de l’âme et la vie spirituelle sont assurées éternellement. […] Le Mont-Dieu est un jardin fleuri avec un puits d’eau vive, un verger aux arbres remplis de fruits. Le vent de l’Aquilon, c’est-à-dire la grâce du Saint-Esprit, y souffle et porte partout l’odeur des vertus qui y embaument [8] ».

 

D’ailleurs, les odeurs agissent de deux manières : elles sont agréables ; elles signalent la puissance médicinale de la plante. « Les aromates ne sont pas seulement agréables par l’odeur, ils sont utiles par leurs vertus médicinales [9] ».

La symbolique du jardin va jusqu’à l’identifier à l’épouse :

 

« L’épouse est appelée ‘jardin’, rempli de roses qui fleurent bon. Ce jardin est dit ‘fermé’, pour que nul rival ou proche n’obtienne un brin d’amour vrai, sauf celui-là seul qui en raison de sa beauté éclatante n’enlève absolument rien, mais restaure plutôt, et dont il est dit dans le Cantique des cantiques qu’il se rend ce joyeux témoignage : ‘Je suis la fleur des champs et le lys des vallées’ [10] ».

8) Détermination philosophique. L’odorat en clé de don

Affrontons-nous pour finir à la question : dans la perspective d’une anthropologie de l’homme-don, c’est-à-dire de l’homme comme être d’amour-don, qu’est-ce qui caractérise en propre l’odorat ?

L’odeur épouse les trois moments du don, mais non sans une originalité singulière.

a) L’autocommunication de l’odeur

1’) La diffusion

L’odeur est d’abord une incarnation de la loi d’autocommunication. En effet, avant toutes choses, l’odeur est une émanation matérielle de l’« objet », en l’occurrence ici de la personne. Bien des auteurs l’ont noté : « L’odeur est un débordement sensible du corps hors des frontières de la peau [11] » ; « En se diffusant, le parfum forme un halo autour de la personne qu’il prolonge et magnifie [12] » ; « L’odeur d’un corps, c’est ce corps lui-même que nous aspirons par la bouche, le nez, que nous possédons d’un seul coup comme sa substance la plus secrète et pour tout dire sa nature [13] ». Et cela vaut même pour l’odeur d’un objet : « Parfois on trouve un vieux flacon qui se souvient / D’où jaillit toute vive une âme qui revient [14] » ; « Un invincible arôme hante l’armoire et le tiroir, / Pénètre en une chose qui nous sert, insinue dans les draps pliés / Ce qui des roses nous saisit, ce qui dans les roses sombra [15] ».

Plus encore, l’odeur émane du corps d’autrui non pas physiquement, mais chimiquement. Or, alors que le devenir physique est seulement un déplacement, le devenir chimique est une altération. Autrement dit, une odeur provient de molécules qui échappent à l’être odorant. Donc, si faible soit le nombre de molécules émises, si infime soit la signature détectée par un chromatographe en phase gazeuse, le donateur odoriférant n’en a pas moins donné de son être, arraché à sa substance quelque chose de son intégrité. Si minime soit le cadeau du parfum ou du fumet, il est une déperdition irréversible. Alors que, par la couleur, le son ou la caresse, la substance sensible n’abandonne rien en se donnant, l’odorant, lui, paie de sa substance, il consent à se livrer en s’altérant.

2’) La gratuité

Le parfum est un don gratuit. Voilà pourquoi, tout à l’inverse, l’avare le déteste. C’est ce que rapporte l’événement tristement célèbre de l’onction de Béthanie où Judas, tout en dévoilant sa vénalité, se dissimule dans un mensonge.

 

« Marie avait pris une livre d’un parfum très pur et de très grande valeur ; elle versa le parfum sur les pieds de Jésus, qu’elle essuya avec ses cheveux ; la maison fut remplie de l’odeur du parfum. Judas Iscariote, l’un de ses disciples, celui qui allait le livrer, dit alors : ‘Pourquoi n’a-t-on pas vendu ce parfum pour trois cents pièces d’argent, que l’on aurait données à des pauvres ?’ Il parla ainsi, non par souci des pauvres, mais parce que c’était un voleur: comme il tenait la bourse commune, il prenait ce que l’on y mettait [16] ».

 

De même, ce type social qu’est le bourgeois replié sur son ego et son argent déteste le parfum : « Le parfum est immoral pour le bourgeois, car par essence il se dilapide et part en fumée. Il symbolise la perte et le gâchis [17] ».

3’) La symbolisation de la personne

Non seulement l’odeur concrétise la loi de gratuite autodonation, mais elle incarne aussi la loi de symbolisation. De fait, elle dit à l’être sentant quelque chose de l’être senti. Et c’est l’une des merveilles, voire l’un des paradoxes de l’odorat : que si peu donne tant ; qu’un cadeau si (apparemment) superficiel offre si profond ; qu’un prélèvement si minime permette l’accès au tout.

Voilà pourquoi la légende attribuait à Alexandre le Grand, que l’on considérait comme divin, « une odeur suave [18] ». En effet, il existe une nécessaire proportion entre l’odeur et l’odorant qu’elle symbolise, qu’elle représente.

Ce qui est vrai en général l’est particulièrement de l’amour. Combien les amoureux aiment sentir l’aimé et vivent son odeur comme son substitut. Osons citer Sade, non point celui des romans nauséeux, mais celui qui, de sa prison, écrit à sa femme :

 

« Charmante créature – vous voulez mon linge sale, mon vieux linge. […] Ah, juste ciel ! Si par une voie aussi courte et aussi facile, il m’était possible de me procurer tout plein de choses de toi… comme je dirais : ‘Donnez, donnez, Monsieur, cela vient de celle que j’adore ! Je respirerai les atomes de sa vie ; ils enflammeront le fluide qui coule dans mes nerfs ; ils porteront quelque chose d’elle au sein de mon existence [19] ».

 

Certains soulignent cette loi de symbolisation à travers l’odeur, mais pour aussitôt s’en distancier :

 

« Sentir l’être aimé, c’est être pendant quelques instants dans l’illusion de sa présence. C’est croire qu’il est possible d’accéder à son intérieur, c’est-à-dire finalement avoir accès à son âme. Les odeurs de l’amour sont quelque chose comme des épiphanies de l’âme. Mais l’odeur, comme l’âme, est pur leurre. On s’en repaît, on s’y vautre, on s’y abîme, mais jamais on ne s’en trouve possesseur. En ce sens, l’odeur est bien ce qui de l’autre signe son irréductibilité [20] ».

 

L’intuition est belle et juste : l’odeur donne bien accès à l’autre ; mais la crainte d’une indifférenciation, jointe à un refus de l’âme, conduit à manquer la possible communion sans fusion.

L’odeur ne symbolise pas seulement une personne, mais aussi un environnement. De fait, ainsi que nous l’avons vu, l’odorat est singulièrement lié à la réminiscence (via l’affectivité) ; or, dans notre mémoire, nous portons notre histoire et les lieux de notre histoire : « Par les odeurs que l’on garde en mémoire, on porte en soi son pays, le souvenir des années écoulées ou des silhouettes familières qui ne sont plus [21] ». C’est ce dont témoigne Roland Barthes : « De ce qui ne reviendra plus, c’est l’odeur qui me revient. Ainsi le monde de mon enfance bayonnaise […]. Tout Bayonne est ramassé dans une odeur composée […] : la corde travaillée par des sandaliers, l’épicerie obscure, la cire de vieux bois, les cages d’escalier sans air [22] ».

4’) La pneumatisation de la personne
a’) Preuve philosophique

Le parfum dit encore autre chose : la personne sur le mode de l’esprit. En effet, l’odeur est une molécule portée par l’air ; de plus, elle est respirée, de sorte que, par l’air inhalé, elle pénètre chez celui qui inhale. Or, l’élément pneumatique est médiateur de l’esprit ; plus encore, il en est l’une des présences analogiques, il est l’esprit dans l’ordre des substances matérielles. Sartre ne s’y est pas trompé qui poursuit la citation faite ci-dessus : « L’odeur en moi, c’est la fusion du corps de l’autre à mon corps. Mais c’est ce corps désincarné, vaporisé, resté, certes, tout entier à lui-même, mais devenu esprit volatil [23] ».

Dit autrement, l’odeur se distingue des autres objets sensibles en ce qu’elle ne demeure pas extérieure au sujet, mais le pénètre, du fait de sa subtilité, c’est-à-dire son esprit. Voire, des deux sens chimiques (le goût et l’olfaction), l’odeur est celle qui entre le plus avant dans l’organisme et, par lui, dans la personne. Kant qui commence par définir l’odorat comme « une sorte de goût à distance », corrige en précisant ensuite : « L’absorption par l’odorat (dans les poumons) est encore plus intime que celle qui se fait dans les cavités réceptrices de la bouche et du gosier ». Voilà pourquoi l’odeur peut susciter une répulsion plus forte que le goût : « La saleté paraît moins éveiller le dégoût par ce qu’elle a de rebutant pour les yeux et la langue, que par la mauvaise odeur qu’elle paraît supposer [24] ».

b’) Preuve scientifique

Ce qui est vrai de la personne l’est plus encore de la personne aimante. Il est significatif pour l’hypothèse d’un esprit d’amour que l’attrait ressenti utilise de manière privilégiée la médiation des phéromones. Celles-ci sont des substances comparables aux hormones émises par des vivants (humains, animaux et même végétaux) agissant en vue de communiquer des informations à des individus de la même espèce. Particulièrement importantes dans l’attraction sexuelle, elles sont émises par l’aimé, disséminées dans l’air et reçues par les récepteurs olfactifs de l’aimant – le plus souvent à son insu. Une des expériences princeps est celle de Martha McKlintock qui a démontré que les cycles de femmes garde-côtes vivant ensemble sur une longue période, au début totalement asynchrones, se synchronisent sur quatre jours, après trois mois. Cette expérience fut reproduite et confirmée, par exemple avec des jeunes femmes pensionnaires cohabitant dans une même chambre [25].

Plusieurs expériences attestent l’influence des phéromones sur l’amour interpersonnel : dans ses manifestations physiques – une jeune fille rencontrant plus souvent un homme, et même seulement exposée à des vêtements portés par des hommes, voit la durée de son cycle menstruel diminuer significativement [26] – ou dans les manifestations comportementales – des femmes et des hommes exposés à de l’androstérol (présente dans la sueur d’aisselle masculine) se jugent plus chaleureux et amicaux que s’ils sont exposés à un placebo [27] ; des hommes soumis à l’action d’une phéromone présente dans un flacon d’après-rasage (dans une étude en double aveugle) manifestent une augmentation très significative de leur vie sentimentale et sexuelle [28] ; il en est de même chez les femmes [29], même d’un certain âge, en l’occurrence d’une moyenne de 57 ans [30] ; des femmes ayant respiré des phéromones masculines jugent plus positivement l’attrait des photographies de visages d’hommes [31].

Le fait étant établi, certaines études permettent de mieux préciser la finalité de la médiation hormonale. Relevons-en seulement trois. 1. La similitude. Certains chercheurs ont émis l’hypothèse que l’odeur permet de reconnaître les proximités entre systèmes HLA, donc la compatibilité [32], les orientations sexuelles [33]. Or, l’on sait que l’attrait se fonde sur la similitude. Donc, l’odeur serait médiatrice de préférences biologiques. 2. L’asymétrie sexuée. D’autres scientifiques ont tenté de mesurer si l’odeur permettait de repérer la dominance masculine, c’est-à-dire non pas la domination phallocratique, mais la capacité de réussite et de protection que la femme attend de l’homme [34] – cela en continuité avec de nombreuses espèces animales où les femelles repèrent les mâles dominants à leurs odeurs [35]. 3. La bonté ontologique de l’aimé, notamment sa capacité à propager la vie. L’odeur permettrait de repérer le degré de symétrie physique des hommes, c’est-à-dire la similitude des caractéristiques corporelles latérales, droites et gauches [36]. Or, plus la symétrie somatique est grande, plus importants sont les paramètres physiques de longévité, de fécondité, donc de santé [37], mais aussi psychiques d’aptitudes intellectuelles [38], voire éthiques ou esthétiques – un homme au physique plus symétrique est évalué comme étant plus beau et a davantage d’activité sexuelle [39].

c’) Confirmation littéraire

Au terme du Lys dans la vallée, lorsqu’Henriette est morte, Félix demande au prêtre s’il croit que « ce beau lys refleurira dans le ciel [40] ». S’il n’exprime pas la foi, si admirablement développée par Gabriel Marcel, d’une survivance réelle de la personne aimée, du moins le jeune homme est-il animé par la conviction que sa bien-aimée ne peut pas ne pas continuer à vivre dans le cœur de celui qui aime. Or, cette existence est celle de l’esprit d’amour. De fait, l’intériorisation (« Une âme est en mon âme ») doit être comprise de manière non pas statique, mais dynamique, comme le transfert, le transvasement d’une âme dans l’autre (ce qu’il traduit par « la douce loi d’une métempsychose », le terme « loi » indiquant qu’il s’agit non pas d’une croyance, mais de l’expression symbolique d’un mécanisme ou plutôt d’un dynamisme). Par ailleurs, l’intériorisation opère par le battement du cœur (« palpitations »), donc par la respiration, c’est-à-dire l’esprit.

 

« Il est des personnes que nous ensevelissons dans la terre, mais il est de plus particulièrement chéries qui ont eu notre cœur pour linceul, dont le souvenir se mêle chaque jour à nos palpitations ; nous pensons à elles comme nous respirons, elles sont en nous par la douce loi d’une métempsychose propre à l’amour. Une âme est en mon âme. Quand quelque bien est fait par moi, quand une belle parole est dite, cette âme parle, elle agit ; tout ce que je puis avoir de bon émane de cette tombe, comme d’un lys les parfums qui embaument l’atmosphère [41] ».

 

Nous reviendrons plus loin sur cet admirable passage.

d’) Confirmation théologique

Cette pénétration de l’esprit d’amour s’exprime par l’huile ou le parfum. On pourrait l’établir à partir de la symbolique du saint-chrême. Empruntons une illustration à la spiritualité :

 

« La dévotion de ce sacré Cœur ne doit point être forcée, mais il veut lui-même s’insinuer doucement et suavement, par sa charité, dans les cœurs à la façon d’une huile ou plutôt d’un baume précieux dont l’odeur et la liqueur se répand doucement [42] ».

5’) La réception de l’odeur

L’odeur présente un statut existentiel important : elle décide ou, du moins, influence grandement, notre accueil de la personne. En effet, ainsi que nous l’avons dit, l’odeur de la personne est inévitable. Je peux en effet éviter de toucher, mais aussi de voir et, pour une part, d’écouter. Je ne peux me défaire, ni m’habituer à une odeur qui me déplaît. De surcroît, l’odeur insupportable agresse plus que le son ou la vision.

La prime philosophie de l’odorat présente chez les présocratiques l’avait déjà noté : l’olfaction est comprise comme la pulsation d’une exhalaison – autre nom pour dire la communication – et d’une réception. Démocrite l’a implicitement évoqué en traitant des corps subtils, mais Héraclite l’a montré beaucoup plus explicitement. En effet, pour l’Éphésien, le feu élémentaire est le principe de tous les corps – il est d’ailleurs aussi le terme auquel retournent tous les éléments du monde. Or, parmi ces corps se trouve l’âme du monde et l’âme humaine. Donc, d’une part, « Héraclite disait que l’âme du monde est une exhalaison provenant des principes humides qui sont en lui, et que celle qui est dans les animaux provient à la fois de l’exhalaison extérieure et de l’exhalaison interne, les deux étant de même nature [43] ». D’autre part, l’âme humaine est une exhalaison humide qui s’épanche à la manière d’un fleuve [44]. Or, l’odorat est le sens qui permet de connaître les exhalaisons. Précisément, l’odorat connaît les exhalaisons fumeuses et non les exhalaisons humides. Mais peu importe ici le détail ; pour Héraclite, le nez est premier à l’égard de la vue. Et il doit sa primauté non seulement à ce qu’il permet de connaître ce qui est invisible, mais à ce qu’il est proportionné à ce qui est exhalé, donc à ce qui émane, c’est-à-dire se diffuse ou se donne. Tel est peut-être le sens de ce fragment énigmatique d’Héraclite rapporté par Plutarque : « Les âmes flairent chez Hadès [45] » – le terme Hadès ne présentant pas forcément un sens eschatologique ou mythologique, mais un sens topographique : « Plutarque, citant le fragment, ne localise l’Hadès que dans l’exhalaison invisible qui monte vers les âmes sèches ‘d’en haut’ [46] » – autrement dit qui se communique. Quoi qu’il en soit de l’interprétation de ce passage obscur, Héraclite conçoit donc la connaissance comme la réception d’un don, donc sur le modèle de l’odorat et de la respiration : « C’est en attirant à nous par la respiration cette raison divine que, selon Héraclite, nous devenons intelligents [47] ». Autrement dit, connaître, c’est accueillir le Logos qui est communiqué, c’est respirer le divin [48].

Ce modèle rythmique ouvre sur une communion qui sera développée par un autre présocratique, Empédocle d’Agrigente.

b) L’odeur appropriée

Considérons maintenant le deuxième moment de la dynamique du don, l’intériorisation de l’odeur chez celui qui la sent et la ressent.

1’) La pénétration à l’intime

Dans le peu recommandable roman déjà cité, Le parfum, le pervers Jean-Baptiste Grenouille  fait le rêve suivant :

 

« Il entendait être le Dieu tout-puissant du parfum, comme il l’avait été dans ses rêveries, mais que cette toute-puissance s’exerce dorénavant dans le monde réel et sur des hommes réels. Et il savait que cela était en son pouvoir. Car les hommes pouvaient fermer les yeux devant la grandeur, devant l’horreur, devant la beauté, et ils pouvaient ne pas prêter l’oreille à des mélodies ou à des paroles enjôleuses. Mais ils ne pouvaient se soustraire à l’odeur. Car l’odeur était sœur de la respiration. Elle pénétrait dans les hommes en même temps que celle-ci ; ils ne pouvaient se défendre d’elle s’ils voulaient vivre [c’est-à-dire respirer]. Et l’odeur pénétrait directement en eux jusqu’à leur cœur, et elle y décidait catégoriquement de l’inclination et du mépris, du dégoût et du désir, de l’amour et de la haine. Qui maîtrisait les odeurs maîtrisait le cœur des hommes [49] ».

 

L’odeur ravit le cœur de celui qui la sent pour deux raisons principales. D’abord, on l’a dit et redit, nul ne peut se dérober à une odeur lorsqu’elle se présente. Ensuite, la senteur pénètre jusqu’à ce cœur par la médiation de la respiration ; or, celle-ci non seulement est vitale, donc nécessaire, mais pénètre au centre (et j’ajouterai : est ubiquitaire).

2’) La puissance de transformation

L’odeur possède une puissance de transformation. Cela est vrai au plan biologique chez les animaux : par moments, le chien semble s’identifier à sa truffe, ou plutôt son être à son opération et celle-ci à son olfaction. Qu’on se souvienne de l’expérience rapportée par Sachs sur l’accès aux multiples caractéristiques odoriférantes de l’environnement.

Cela est aussi vrai au plan spirituel. Nicolas Cabasilas parle de l’onction spirituelle et de son parfum où les membres du Corps mystique sont plongés : « Il ne s’arrête pas simplement à les parfumer, et se contente moins encore de ne leur faire que respirer ce parfum ; non, il transforme leur substance propre dans ce parfum qui pour nous a été répandu. ‘Nous sommes la bonne odeur du Christ’ (2 Co 2,15) [50] ». De fait, beaucoup de saints furent gratifiés d’un charisme de « bonne odeur [51] ».

3’) La médiation de l’identité

Si l’odeur m’advient au plus intime, si mon odeur jaillit du plus cordial, elle est donc le marqueur de mon haeccéité. L’essence du parfum exprime mon essence singulière.

C’est ce que la littérature montre. Ainsi, dans le roman inclassable de Gaston Leroux, entre drame et policier, dont le titre en résume le « thème », Le parfum de la dame en noir, le journaliste Rouletabille n’a jamais pu voir le visage de sa mère. En revanche, il se souvient de son parfum : « N’ayant jamais pu distinctement voir son cher visage, et m’étant enivré jusqu’à en défaillir, lorsqu’elle me serrait dans ses bras, de son parfum, je vivais moins avec son image qu’avec son odeur [52] ». Confirmation va lui en être offerte dans un événement inattendu. Rouletabille reçoit la visite d’une femme voilée dont il reconnaît aussitôt le parfum : c’est celui de sa mère, sous les traits inconnus de Mathilde Stangerson. Le parfum est donc le marqueur infaillible de l’identité de la personne. D’ailleurs, il porte avec lui les traits qui notifient Mathilde : c’est une « odeur pleine de mélancolie », un « parfum pour tristesse intime [53] ».

 

« Quand on avait saisi une fois cette mélancolique et captivante, et adorablement désespérante odeur, – eh bien, c’était pour la vie ! et le cœur devait en être embaumé, si c’était un cœur de fils comme celui de Rouletabille ; ou embrasé, si c’était un cœur d’amant, comme celui de M. Darzac ; ou empoisonné, si c’était un cœur de bandit, comme celui de Larsan [54] ».

 

Ce que la littérature montre, l’anthropologie le confirme – tout en ajoutant que c’est à titre exceptionnel. Les Ongee des îles Andaman se saluent en disant : « Konyune ? Onorange tanka ? Où, quand, comment, pourquoi est ton nez ? », ce qui est l’équivalent à notre « Comment vas-tu ? ». De plus, si la personne répond qu’elle se sent avoir changé d’odeur, l’interlocuteur la renifle poliment pour s’en imprégner… [55] Derrière ces pratiques de prime abord étranges, voire pour nous dérangeantes, il y a la conviction que la vie est liée au souffle et que la respiration est associée à l’odeur.

Dans le monde arabo-musulman, nous l’avons vu, le parfum joue un rôle essentiel [56]. Par exemple, le rituel du mariage s’accompagne de soins complexes de la chevelure. En effet, estime le philosophe Avicenne, tout en étant des ornements, les cheveux sont considérés comme des zones de passage entre l’intérieur du corps et le monde extérieur. Or, du corps sortent des odeurs, qui sont autant de signes de déchet, et au corps arrivent les émanations du dehors. Donc, il est nécessaire que le système capillaire soit purifié. Aussi fait-elle l’objet de soins à la fois hygiénique et symbolique :

 

« Les soins accordés aux cheveux ont pour objet la consommation heureuse du mariage. Pour cela, la fiancée doit acquérir un état de pureté parfaite et le conserver par des pratiques journalières ; celles-ci consistent à lui laver tous les jours les cheveux, après les avoir imprégnés d’un mélange de poudre et de safran, tous deux chargés de baraka, de pétales de roses, de girofle, de mosuse de chêne, de coriandre, de souchet (cyperus), de lavande, de mélilot, toutes plantes parfumées et par là même pleines de pouvoir [57] ».

 

Quoi qu’il en soit du détail, la philosophie sous-jacente à ces pratiques symboliques est que l’odeur et le parfum sont une exhalaison qui exprime l’essence du corps et, plus encore, la personne et sa vie (ici le mariage).

c) L’odeur redonnée

Considérons enfin le rôle du parfum dans le troisième moment du don.

1’) Le parfum comme don de soi

Une jeune religieuse hongroise, Monika Timar, que Balthasar, non, sans quelque excès, à mon sens, compare à sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, a composé une belle prière le 19 mai 1962 :

 

« Seigneur, je me donne comme les fleurs répandent leur parfum un soir d’été. Silencieusement, simplement, naturellement. Personne ne doit s’en apercevoir, pas même moi. Car ce dont ils ‘s’aperçoivent’ n’existe pas. Ce n’est que l’éclat de verre de ma vanité, de mon confort, de mon orgueil. […] Je voudrais seulement avec une âme toute de souplesse me glisser comme un outil dans Ta main. Je veux uniquement ce que Tu veux. Et je ne considère pas ma vie comme un sacrifice, elle ne me paraît pas pénible ou difficile. Une seule chose est pénible : quand Tu n’es pas là. Dans ma vie, dans mes prières – et c’est la seule chose dont je sois certaine – Tu es toujours là. Tu es le Roi, la Boussole et le Créateur de mes jours et de mes heures. Que bien des choses m’échappent ? C’est sans importance ! Ceci ou cela peut avoir fin – mais non finis quærendi –, nous devons dans cette vie Te chercher sans cesse [58] ».

 

J’en retiens notamment la comparaison si parlante du parfum comme don de soi, comme épanchement de son être, comme prière. C’est ainsi que la religieuse écrit à la Nativité de la Vierge, le 8 septembre 1962, alors qu’elle est devant Jésus exposé dans le Saint Sacrement : « Une tubéreuse s’élève par-derrière, son parfum fin et doux est une prière [59] ».

2’) Le don de soi comme retour

Nous avons commenté plus haut l’un des passages qui clôt Le Lys dans la vallée. Il nous faut en achever l’interprétation. Non seulement Félix a intériorisé l’esprit d’Henriette (loi de pneumatisation), mais il vit par elle (loi de retour ou de répétition du don). Le don immense de la personne aimée dont il est chéri en retour, loin de replier Félix sur lui-même, se transforme en donation active. Le don reçu devient don offert, selon une dynamique souvent décrite dans l’Évangile : « Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement » (Mt 10,8) ; « L’eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d’eau jaillissant pour la vie éternelle » (Jn 4,14).

3’) L’odeur comme juste distance

On objectera que l’amour authentique est autant attirance que respect : trop d’attrait qui conduit à la fusion qui elle-même est le prélude de la fission, voire de la destruction.

On répondra que, contrairement à ce que l’on pourrait croire, l’odorat n’est pas seulement un marqueur de la similitude ou du rapprochement, mais aussi de la différence. C’est ainsi, par exemple, que, chez les Desana de la Colombie amazonienne, le choix des conjoints se fait en fonction des odeurs et des parfums. En effet, selon le principe d’exogamie, le mariage doit s’effectuer avec des personnes d’un autre groupe tribal. Or, celui-ci se caractérise par une odeur reconnaissable. Donc, la prohibition de l’inceste est signalée par la prohibition de l’homosmie. Ainsi, « les Desana disent que le territoire habité par une tribu est imprégné de mahsa seriri, terme qui signifie à la fois une odeur tribale et un sentiment tribal, une sympathie [60] ». Par exemple, leurs voisins pêcheurs, les Tupaya, sentent le poisson, alors que d’autres voisins qui sont agriculteurs, les Tukano, sentent les parfums des racines [61].

d) Le rythme olfactif

La communion qui est l’achèvement du don est un échange des dons. Le don qui provient du cœur de l’aimant et est accueilli par le cœur de l’aimé, qui le retourne tout aussi gratuitement. Or, nous avons vu que non seulement l’effluve est une essence qui sourd du cœur même d’un être, mais qu’elle pénètre celui qui la reçoit, par la médiation de la respiration, jusqu’à l’intime du cœur. Le Cor ad cor loquitur de saint François de Sales, retrouvé et magnifié par le bienheureux John Henry Newman, s’accomplit dans une pulsation dative ab immo corde ad immum cordem.

Et cette communion prend la figure harmonieuse du rythme. Empédocle développe ce modèle rythmique dont nous avons vu qu’Héraclite l’a ébauché. En effet, il articule souffle et odeur ; or, la respiration est à l’olfaction ce que l’émission est à la réception ; donc, il interprète l’odorat à partir de la pulsation de la donation et de la réception. Plus encore, il intériorise cette oscillation par la médiation du sang et l’ouvre à l’histoire comme alternance de vie et de mort. Bollack résume ainsi ce battement universel qu’il comprend à partir du modèle même qu’est l’odeur :

 

« L’air inspiré irrigue le corps et refroidit le sang. Il répare les pertes, tandis que l’odeur et l’expiration sont le signe du dépérissement interrompu des êtres. Le souffle et l’odeur s’opposent et se complètent. La vie des mélanges oscille entre le maintient et la mort par l’apport et le départ des effluves [62] ».

 

Certes, cette philosophie de la respiration peine à honorer la différence matière-esprit – « Le sang circulant chez les hommes dans la région du cœur, c’est cela la pensée [63] » –, mais son mérite insigne est d’intussusceptionner [ajouter note de bas de page : Marcel Jousse] la dynamique oscillatoire, donc dative, qui anime le monde. D’ailleurs, loin d’être théorique, la philosophie d’Empédocle présente des retombées pratiques. C’est ainsi que, à au moins deux reprises, la panosmie empédocléenne sauva son pays de la catastrophe :

 

« Empédocle, le philosophe de la nature, obtint la célébrité pour avoir, en obturant un col de montagne par lequel s’engouffrait un air lourd et pestilentiel qui dévalait sur les plaines, mis fin à la peste qui s’abattait sur la région [64] ».

« Un jour que les vents étésiens soufflaient violemment au point de mettre à mal les récoltes, il [Empédocle] ordonna d’écorcher des ânes pour confectionner des preaux, et les fit disposer tout autour sur les collines et les sommets afin de retenir le vent ; le vent ayant cessé, on l’appela ‘Empêche-vent’ [65] ».

9) Conclusion

Nous avons vu que l’odorat est un sens à part entière qui ne démérite pas à l’égard des autres sens externes, est loin d’être atrophié chez l’homme, et fait l’objet d’un perfectionnement particulier, donc d’une vertu qu’ignorent d’autres sens. Nous avons aussi vu qu’il gagnait à être approché dans une perspective ontodative. En retour, l’olfaction confirme la dynamique du don.

Pascal Ide

Bibliographie indicative sur l’odorat

Cette bibliographie indicative, classée selon les perspectives, est surtout francophone.

Pluridisciplinaire

– Jacqueline Blanc-Mouchet (éd.), Odeurs, l’essence d’un sens, Paris, Autrement, 92 (septembre 1987).

– Francine Boillot, Marie-Christine Grasse et André Holley (éds.), Olfaction et patrimoine, quelle transmission ?, Aix-en-Provence, Édisud, 2004.

– Pascal Lardellier (éd.), À fleur de peau. Corps, odeurs et parfums, Paris, Belin, 2003.

– Danielle Musset et Claire Fabre-Vassas (éds.), Odeurs et parfums, Paris, Éd. du CTHS, 1999.

– Diana Rey-Hulman & Michel Boccara (éds.), Odeurs du monde, Paris, L’Harmattan, 1998.

– Catherine Rouby, Benoist Schaal, Danièle Dubois, Rémi Gervais & André Holley (éds.), Olfaction, Taste and Cognition, New York, Cambridge University Press, 2002.

– Roland Salesse et Rémi Gervais (éds.), Odorat et goût. De la neurobiologie des sens chimiques aux applications, Versailles, Quæ, 2012. Fait le point sur toutes nos connaissances des deux sens chimiques.

– Benoist Schaal (éd.), Enfance. I. L’odorat chez l’enfant. Perspectives croisées, Paris, p.u.f., 1997.

– Frédéric Walter, Extraits de parfums. Une anthologie de Platon à Colette, Paris, Éd. du regard, 2003.

Philosophie

Outre les ouvrages classiques qui sont cités dans le cours du texte, voici quelques livres actuels qui traitent spécifiquement du sujet.

– Chantal Jaquet, Philosophie de l’odorat, Paris, p.u.f., 2010. C’est actuellement le seul ouvrage contemporain qui élabore, avec audace, une olfactologie philosophique. Nous l’avons évalué ci-dessus.

– Annick Le Guérer, Les pouvoirs de l’odeur, Paris, Odile Jacob, 2002 ; Le parfum, des origines à nos jours, Paris, Odile Jacob, 2005. La perspective est historique, cherchant à montrer que l’histoire de la philosophie est celle de l’éclipse du nez, et non pas ontologique, c’est-à-dire tournée vers l’élaboration d’une sagesse des odeurs.

– Michel Onfray, L’art de jouir. Les contempteurs du nez, Paris, Le Livre de poche, 1991.

– Michel Serres, Les cinq sens. Philosophie des corps mêlés, Paris, Grasset, 1985.

Histoire

– Louise Boudonnat et Harumi Kushizaki, La voie de l’encens, Arles, Éd. Philippe Picquier, 2000.

– Alain Corbin, Le miasme et la jonquille. L’odorat et l’imaginaire social, xviiie-xixe siècles, Paris, Flammarion, 1982, coll. « Champs » n° 165, 1986.

– Marcel Détienne, Les pardins d’Adonis. La mythologie des aromates en Grèce, Paris, Gallimard, 1972, 21996.

– Paul Faure, Parfums et aromates de l’Antiquité, Paris, Fayard, 1987.

Physiologie

– Catherine Bouvet, Manipulations olfactives, Biarritz, Atlantica, 2010. Aussi mal écrit que mal référencé, l’ouvrage de cette journaliste donne les résultats de nombreuses études récentes.

– André Holley, Éloge de l’odorat, Paris, Odile Jacob, 1999. S’il est comme son analogue sur le goût, l’ouvrage est de peu d’intérêt.

– Jacques Le Magnen, Odeurs et parfums, coll. « Que sais-je ? » n° 344, Paris, p.u.f., 1949.

Psychologie

– Benoist Schaal, Camille Ferdenzi et Olivier Wathelet (éds.), Odeurs et émotions. Le nez a ses raisons…, coll. « Sciences », Dijon, éd. Universitaires de Dijon, 2013. Gros ouvrage scientifique.

– Ruth Winter, Le livre des odeurs, trad. Marie-France de Paloméra, Paris, Seuil, 1978.

Anthropologie

– Constance Classen et David Howes, Aroma. The Cultural History of Smell, London, Paperback, Routledge, 1993.

– Pascal Lardellier (éd.), À fleur de peau. Corps, odeurs et parfums, Paris, Belin, 2003.

Sociologie

– Joël Candau, Mémoire et expériences olfactives, coll. « Sociologie aujourd’hui », Paris, p.u.f., 2000.

Écologie

– Ademe, Pollutions olfactives. Origine. Législation. Analyse. Traitement, coll. « Technique et Ingénierie », Paris, Dunod/L’Usine Nouvelle, 2005, 22008. Ouvrage collectif de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie expliquant les mécanismes des pollutions malodorantes et la lutte contre elles.

Littérature

– Julia Kristeva, « Baudelaire, ou de l’infini, du parfum et du punk », Histoires d’amour, coll. « Folio essais », Paris, Denoël, 1983, p. 394-422.

– Jean-Paul Sartre, Baudelaire, Paris, Gallimard, 1963.

Technique (esthétique et médicinale) du parfum

– Vittorio Bizzozero, L’univers des odeurs. Introduction à l’olfactologie, coll. « Janus », Genève, Georg éditeur, 1997.

– Maurice Chastrette, L’art des parfums, coll. « Questions de scienec », Paris, Hachette, 1995.

– Nelly Grosjean, L’aromathérapie, Paris, Albin Michel, 1993.

– Pierre Lazlo et Sylvie Rivière, Les sciences du parfum, coll. « Que sais-je ? » n° 3322, Paris, p.u.f., 1997.

– Menjot (éd.), Les soins de beauté. Moyen Âge, début des temps modernes. Actes du 3e colloque international (Grasse, avril 1985), Nice, 1987.

– Edmond Roudnitska, Le parfum, coll. « Que sais-je ? » n° 1888, Paris, p.u.f., 1980 ; Une vie au service du parfum, Paris, Thérèse Vian Éd., 1991.

[1] Paul Faure, Parfums et aromates de l’Antiquité, Paris, Fayard, 1987, p. 18.

[2] Marcel Détienne, Les pardins d’Adonis. La mythologie des aromates en Grèce, Paris, Gallimard, 1972, 21996, p. 87.

[3] Cf. Élisabeth Motte-Florac, « Le rôle des odeurs dans l’histoire de la thérapeutique au Mexique », Danielle Musset et Claire Fabre-Vassas (éds.), Odeurs et parfums, p. 143-157.

[4] Essais, L. I, 55, « Des senteurs ».

[5] Geoffroy d’Auxerre, Exposé sur le Cantique des cantiques, L. V, 99, 2 vol., trad. Pierre-Yves Emery, coll. « Pain de Cîteaux » n° 27 et 28, Oka (Québec), Abbaye cistersienne Notre-Dame-du-Lac, distr. Paris, Le Cerf, 2008 et 2009, tome II, p. 215.

[6] Cité par Pierre Talec, La sérénité, Paris, Centurion, Bayard et Novalis, 1993, p. 171 et 172. C’est moi qui souligne l’articulation entre l’être et l’agir.

[7] Le toucher. Jean-Luc Nancy, Paris, Galilée, 2000, p. 171-172.

[8] Marie-Madeleine Davy, « Un sermon inédit sur le Mont-Dieu », Revue d’ascétique et de mystique, octobre 1933, p. 349-368, ici p. 358.

[9] Saint Bernard, Sermons sur le Cantique des cantiques, Homélie XXIII, Œuvres mystiques, trad. Albert Béguin, Paris, Seuil, 1953, p. 276.

[10] Hugues de Balma, Théologie mystique, trad. Francis Ruello et Jeanne Barbet, coll. « Sources chrétiennes » n° 408, Paris, Le Cerf, 1995, 2 vol., tome 1, p. 231.

[11] David Le Breton, « Les mises en scènes olfactives de l’autre », p. 117.

[12] Annick Le Guérer, « Les parfums à Versailles au xviie-xviiie siècles », Danielle Musset et Claire Fabre-Vassas (éds.), Odeurs et parfums, p. 133.

[13] Jean-Paul Sartre, Baudelaire, Paris, Gallimard, 1963, p. 21.

[14] Charles Baudelaire, « Le flacon », Les fleurs du mal, dans Œuvres complètes, Claude Pichois éd., coll. « Bibliothèque de la Pléiade », Paris, Gallimard, 2 vol., tome 1, 1975, p. 48.

[15] Rainer Maria Rilke, « Dédicaces. Pour Veronika Erdmann », Œuvres poétiques et théâtrales, trad. Rémy Colombat, Jean-Claude Crespy, Dominique Iehl, Rémy Lambrechts, Marc de Launay, Jean-Pierre Lefebvre, Jacques Legrand, Marc Petit et Maurice Regnaut, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », Paris, Gallimard, 1997, p. 1067.

[16] Jn 12,1-8.

[17] Thorstein Veblen, « Théorie de la classe de loisir », 1899, cité par Frédéric Walter, Extraits de parfums, p. 75.

[18] Cette réputation rapportée par Plutarque est citée par exemple par Montaigne, dans son chapitre intitulé « Des senteurs », Essais, L. I, 55, coll. « Folio », Paris, Gallimard, 1975, p. 436.

[19] Marquis de Sade, Lettre du 23-24 novembre 1783, Lettres à sa femme, éd. Marc Buffat, coll. « Babel/Les épistolaires », Arles, Actes Sud, Actes Sud, 1997, p. 417.

[20] Bernard Marcadé, « Odor di femina », dans Jacqueline Blanc-Mouchet (éd.), Odeurs, l’essence d’un sens, Paris, Autrement, 92 (septembre 1987), p. 146.

[21] Hélène Mainet et Nicole Mainet-Delair, « Lou boun Diou mé lécho l’âmo. Cuisine d’odeurs en Sarladais », Danielle Musset et Claire Fabre-Vassas (éds.), Odeurs et parfums, p. 61.

[22] Roland Barthes par Roland Barthes, dans Œuvres complètes, Paris, Seuil, tome 5, 1995, p. 198.

[23] Jean-Paul Sartre, Baudelaire, Paris, Gallimard, 1963, p. 21.

[24] Emmanuel Kant, Anthropologie d’un point de vue pragmatique, § 21, p. 39.

[25] Cf. Martha McKlintock, « Menstrual synchrony and suppression », Nature, 229 (1971), p. 244-245.

[26] Cf. Winnifred B. Cutler, George Preti, George R. Huggins, Celso-Ramon Garcia & Henry Lawley, « Human Axillary secretions influence women’s menstrual cycles : The Role of Donor Extract from Men », Hormones and Behavior, 20 (1986) n° 4, p. 463-173.

[27] Cf. Karl Grammer, Bernhard Fink & Nick Neave, « Human pheromones and sexual attraction », European Journal of Obstetrics, Gynecology and Reproductive Biology, 118 (2005) n° 2, p. 135-142.

[28] Cf. une étude de Winnifred B. Cutler (et al.) dont je n’ai pas la référence.

[29] Cf. Norma L. McCoy & Lisa Pitino, « Pheromonal influences on sociosexual behavior in young women », Physiology & Behavior, 75 (2002) n° 3, 367-375.

[30] Cf. Susan Rako & Joan Friebely, « Pheromonal influences on sociosexual behavior in postmenopausal women », The Journal of Sex Research, 41 (2004) n° 4, p. 372-380.

[31] Cf. Frances Thorne, Nick Neave, Andrew Scholey, Mark Moss & Bernhard Fink, « Effects of putative male pheromones on female ratings of male attractiveness: influence of oral contraceptives and the menstrual cycle », Neuroendocrinology Letters, 23 (2002) n° 4, p. 291-297.

[32] Cf. Suma Jacob, Martha K. McClintock, Bethanne Zelano & Carole Ober, « Paternally inherited HLA alleles are associated with women’s choice of male odor », Nature Genetics, 30 (2002) n° 2, p. 175-179

[33] Cf. Yolanda Martins, George Preti, Christina R. Crabtree, Tamar Runyan, Aldona A. Vainius & Charles J. Wysocki, « Preference for human body odors is influenced by gender and sexual orientation », Psychological Science, 16 (2005) n° 9, p. 694-701.

[34] Cf. Jan Havlicek, Tamsin K Saxton, S. Craig Roberts, Eva Jozifkova, Stanislav Lhota, Jaroslava Valentova & Jaroslav Flegr, « Women’s preference for dominant male odor effects of menstrual cycle and relationship status », Biology Letters, 1 (2005) n° 3, p. 256-259.

[35] Cf. Leonard Morris Gosling & S. Craig Roberts, « Scent-marking by male mammals : Cheat-proof signals to competitors and mates », Advances in the Study of Behavior, 30 (2001), p. 169-217.

[36] Cf. Randy Thornhill & Steven W. Gangestad, « The scent of symmetry : A human sex pheromone that signals fitness? », Evolution and Human Behavior, 20 (1999) n° 3, p. 175-201.

[37] Cf. la méta-analyse de Brian Leung & Mark R. Forbes, « Fluctuating asymmetry in relation to stress and fitness : Effects of trait type as revealed by meta-analysis », Écoscience, 3 (1996) n° 4, p. 400-413.

[38] Cf. F. Bryant Furlow, Tara Armijo–Prewitt, Steven W. Gangestad & Randy Thornhill, « Fluctuating asymmetry and psychometric intelligence », Proceedings of the Royal Society, 264 (1997) n° 1383, p. 823-829.

[39] Cf. Randy Thornhill, Steven W. Gangestad & Randall Comer, « Human female orgasm and mate fluctuating asymmetry », Animal Behaviour, 50 (1995) n° 6, p. 1601-1615.

[40] Honoré de Balzac, Le Lys dans la vallée, p. 1196.

[41] Ibid., p. 1220.

[42] Sainte Marguerite-Marie Alacoque, Lettre 112, Vie et Œuvres de sainte Marguerite-Marie Alacoque, Paris, De Gigord, 41920, 3 vol., vol. 2, p. 479, Fribourg (Suisse), Saint-Paul, 51990-1991, 2 vol., tome 2, p. 377

[43] Aetius, Opinions, IV, iii, 12, dans Les présocratiques, A, xv, p. 141.

[44] Cf. Eusèbe, Préparation évangélique, XV, 20, B, xii, p. 149.

[45] Plutarque, La face visible de la lune, 28, 943e, B, xcviii, p. 162.

[46] Selon Jean Bollack et Heinz Wisman, Héraclite ou La séparation, Paris, Minuit, 1972, cité par Jean-Paul Dumont, Les écoles présocratiques, coll. « Folio. Essais », Paris, Gallimard, 1991, p. 98.

[47] Sextus Empiricus, Contre les mathématiciens, L. VII, 128, A, xvi.

[48] Il serait intéressant, de ce point de vue, d’enquêter du côté des stoïciens : ont-ils élaboré une philosophie de l’olfaction ?

[49] Patrice Süskind, Le parfum, p. 172. Souligné par moi.

[50] Nicolas Cabasilas, La vie en Jésus Christ, IV, section C, trad. Serge Broussaleux, coll. « Irénikon », Chevetogne, éd. Chevetogne, 1962, p. 108.

[51] Cf., par exemple, Crisogno de Jesus, Jean de la Croix. Sa vie, trad. Pierre Sérouet, Paris, Le Cerf, 1982, p. 370-371.

[52] Gaston Leroux, Le parfum de la dame en noir, Paris, Gallimard, p. 38.

[53] Ibid., p. 167.

[54] Ibid., p. 168.

[55] Constance Classen et David Howes, Aroma. The Cultural History of Smell, London, Paperback, Routledge, 1993, p. 114.

[56] Cf. Françoise Aubaile-Sallenave, « Les soins de la chevelure chez les musulmans au Moyen-Âge. Thérapeutique, fonction sociale et symbolique », Denis Menjot (éd.), Les soins de beauté. Moyen Âge, début des temps modernes. Actes du 3e colloque international (Grasse, avril 1985), Nice, Faculté des lettres et sciences humaines, Université de Nice, 1987, p. 347-365 ; Id., « Le monde traditionnel des odeurs et des saveurs chez le petit enfant maghrébin », Benoist Schaal (éd.), Enfance. I. L’odorat chez l’enfant. Perspectives croisées, Paris, p.u.f., 1997, p. 186-208.

[57] Françoise Aubaile-Sallenave, « Le souffle des parfums… », p. 107.

[58] Monika Timar, Journal. 1957-1962, trad. inconnue, coll. « Spiritualité », Paris, Nouvelle Cité, 1989, p. 188-189. Préface de Hans Urs von Balthasar pour la publication originale dans sa maison d’édition. « non finis quærendi : Il n’est pas de fin à la recherche » est une citation de Thomas Merton, que Monika Timar est en train de lire (p. 187).

[59] Ibid., p. 239.

[60] Constance Classen et David Howes, Aroma. The Cultural History of Smell, London, Paperback, Routledge, 1993, p. 98.

[61] Cf. Gerardo Reitchel-Dolmatoff, « Desana animal categories, food restrictions, and the concept of color energies », Journal of Latin American Lore, 4 (1978) n° 2, p. 243-291.

[62] Jean Bollack, Empédocle. I. La métamorphose du sang, coll. « Le sens commun », Paris, Minuit, 1965, p. 236-237.

[63] Empédocle, B, cv.

[64] Diogène Laërce, Vie des philosophes illustres, L. VIII, 60, A, 1.

[65] Plutarque, De la curiosité, I, 515c, A, xiv.

8.5.2018
 

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