D’un mot, nous voudrions montrer que le corps humain possède cette propriété singulière d’être un corps rythmique [1].
Une des questions disputées entre chercheurs est celle de savoir si l’origine de ce rythme spontané se trouve dans le corps ou dans l’esprit. Certains accentuent l’origine corporelle du rythme : celui-ci ébauche des formes motrices. D’autres situent la source du rythme d’abord dans le psychisme qui, à partir d’une forme intérieure, douée d’une « activité interne » organise le « matériau » corporel : « Le rythme d’un mouvement a pour centre la sphère expérientielle psychico-mentale [2] ».
Si la seconde explication consonne avec la structure ontophanique, la première honore la loi de bouillonnement (ebullitio), c’est-à-dire de jaillissement ébauchant, essayant le geste sans le déterminer, sans le préformer. Mais c’est à l’expérience de trancher cette question. Probablement aussi, la vérité suppose-t-elle l’intégration de ces deux interprétations, ce que permet la distinction entre la cause matérielle (les ébauches de mouvement jaillissant du corps) et la cause formelle (l’idea figurative).
1) Induction. Le fait
a) Chez l’enfant
L’enfant exécute spontanément des mouvements harmonieux, donc rythmiques. D’abord, l’enfant bouge beaucoup plus que l’adulte. Voire, pour un certain nombre de chercheurs, c’est là une spécificité trop méconnue de l’enfant. Par ailleurs, leur corps « est rythmisant d’emblée [3] ». Enfin, en s’ajustant rythmiquement à l’adulte, le nourrisson éprouve une grande joie [4].
b) Chez l’adulte
1’) Le rythme personnel
Cette expérience rythmique s’éprouve avec son corps. Et le signe de cette naturalité en est aussi la joie éprouvée lors de la mise en œuvre de ces mouvements harmonieux [5]. Mais entrons dans le détail de quelques actions rythmiques.
a’) L’expérience de la marche
Le psychiatre Oliver Sachs décrit une telle expérience alors qu’il marche dans une salle, sans penser. Soudain, il ressent une joie. Mais écoutons-le décrire cette expérience :
« La joie du simple agir – sa beauté, sa simplicité – était pour moi une révélation : c’était la chose la plus facile, la plus naturelle au monde – qui dépassait pourtant les calculs, les programmes les plus complexes qui soient. Ici, en agissant, je parvenais à la certitude d’un coup, par une grâce qui surpassait les mathématiques les plus complexes, ou peut-être les intégrait pour les transcender. Et là, simplement, tout tombait en place, sans effort, tout était bien, tout respirait la facilité et le plaisir [6] ».
Dans cette passionnante expérience, Sachs décrit plusieurs éléments : l’unité, la joie, la spontanéité, l’harmonie, l’intégration de dynamismes particulièrement complexes. Or, le rythme est une unité harmonieuse. Donc, il fait l’expérience de ce que son corps est en acte du rythme qui l’habite : « la mélodie et le rythme naturels, inconscients, liés à la marche », de ce que son corps « est devenu musique, musique solide incarnée [7] ». Et la joie étant le marqueur de l’acte (entéléchéia), le rythme est donc la perfection du corps.
De manière plus générale, dans le mouvement, se produisent des alternances et même simultanément, de contraction et de relâchement, de tension et de détente [8] ; or, cette symétrie, cette « loi de compensation [9] », produit de la rythmicité.
b’) L’expérience du sport
Dans le sport, le corps effectue souvent une répétition de gestes élémentaires (par exemple, dans la nage ou la course). Mais il y a plus, le geste d’un sportif, dans sa complexité, comporte trois éléments : la préparation, l’accent et l’écho. Par exemple, le lancer d’un objet (disque, poids, javelot), un virage skis parallèles, conjuguent ces trois moments. Or, ils sont harmonisés : la préparation et l’écho sont en résonance avec le geste principal. Donc, le corps sportif épouse une « véritable phrase rythmique [10] ».
c’) L’expérience de l’artisan
L’artisan imprime une figure à un matériau, notamment par le geste des mains. Mais, en retour, la matière impose aussi un certain nombre de contraintes, liées à sa propriété. Or, cette rencontre suscite un rythme : l’art prolonge et intensifie les gestes naturels du corps ; et cette intensification est une répétition rythmique [11].
d’) L’expérience du corps esthétique en général
L’expérience du rythme s’éprouve singulièrement dans l’esthétique du geste, donc du corps moteur. Or, la grâce du corps humain peut s’interpréter de différentes manières [12] qui, toutes, convergent vers le rythme. Certains valorisent plus la cause formelle, c’est-à-dire ici la figure : la beauté vient à la fois d’une forme pleine, unifiée et d’un excès « inépuisable » [13] ; or, l’unité dit une harmonie intérieure, donc un rythme et l’excès, un débordement de cette harmonie. D’autres soulignent plus la cause efficiente, c’est-à-dire le comportement moteur du corps [14]. Or, la beauté naît lorsque les mouvements sont rythmés, symétriques, etc. Dès lors, le mouvement devient une « mélodie kinétique [15] ». Ces deux interprétations sont objectives. Une autre, enfin, est phénoménologique ou du moins subjective [16]. L’esthétique naît alors d’une part d’une conscience de la participation du corps entier, d’autre part, de l’incarnation dynamique d’une forme symbolique ; or, cette unité symbolique est vécue comme une harmonie de mouvements partiels. Donc, le corps humain, en sa beauté, est aussi rythme. C’est ainsi que, indépendamment de la musique qu’ils produisent, les mains d’un virtuose semblent danser sur le piano ; plus encore, à l’harmonie de la mélodie se joint celle des deux mains qui évoluent comme un duo de chorégraphes [17].
e’) L’expérience du corps esthétique en particulier. La danse
Faut-il le préciser ? Tout ce qui vient d’être dit sur le corps moteur rythmique se vérifie au plus haut point dans la danse. Nous en parlerons plus bas à propos de l’origine de ce rythme.
2’) Le rythme interpersonnel
Le rythme est aussi une réalité interpersonnelle. Les chercheurs en cinétique humaine ont observé que, lorsqu’il rentre en interaction avec un autre, l’homme tend à se mettre en synchronicité. Or, qui dit rythme dit périodicité, symétrie. Donc, l’homme est spontanément incliné à un rythme – ici interpersonnel. C’est ainsi que certains parlent de la conversation comme d’une valse [18]. Certes, ce rythme moteur est acquis et déterminé par les facteurs culturels et environnementaux ; mais il s’enracine dans une tendance innée, naturelle [19]. Certes, le rythme reflète les valeurs d’un groupe ; mais il suppose aussi l’appropriation de ces valeurs et la traduction dans le corps propre [20].
Ces rythmes interactifs sont divers et varient selon les partenaires en jeu [21]. Bien évidemment, ils sont très particulièrement en jeu entre deux danseurs ; mais on les rencontre aussi entre plusieurs musiciens interprétant une pièce du répertoire de musique de chambre [22].
2) Détermination causale
a) Chez l’enfant
Les chercheurs pensent que le rythme s’acquiert chez l’enfant dans son interaction avec sa mère [23]. En effet, la relation avec la mère est essentielle, vitale. Or, l’enfant est prédisposé à l’imitation. Plus encore, table vierge, il reçoit tout de son environnement. Donc, l’enfant s’ajuste tout de suite aux manifestations de la mère, en particulier sa voix et ses gestes. Donc, l’enfant entre en résonance avec les signes maternels.
b) Chez l’adulte
1’) Le mouvement est signe de la personne
Le rythme est d’abord une propriété de la personne. En effet, on observe que, au-delà des aptitudes motrices primaires, des gestes élémentaires, le corps humain possède une propension à organiser ses gestes en des formes harmonieuses et des configurations rythmiques [24].
En ce sens, le rythme dit la personne : « Tout rythme est d’abord et avant tout une projection de la personnalité. Le rythme exprime ce que je suis [25] ». L’on a même constaté que ce rythme caractérise les types d’action d’un homme : « Tout homme a son rythme qui s’exprime dans les différentes opérations, naturellement de différentes façons, mais dans une opération déterminée, toujours d’une façon déterminée [26] ».
La rythmicité (par exemple la synchronisation) est aussi une propriété interactive. En effet, elle présente différentes finalités capitales : elle permet l’anticipation des gestes posés par l’autre [27] ; elle favorise la communion.
2’) Le mouvement comme jaillissement
Contrairement à ce que l’on pense spontanément, la danse n’est pas d’abord, ou en tout cas pas seulement, un exercice de la raison dominant le corps. Mais elle est une confiance dans la vitalité et la sagesse du corps, un abandon du « contrôle sûr de la raison [28] ». Certes, la danse est une « grammaire » répondant à « un ensemble de règles précisant la manière dont les mouvements peuvent être combinés de manière significative [29] », mais cette rythmicité jaillit de notre corps ingénieux. En effet, le danseur exécute une suite coordonnée de mouvements ; or, ceux-ci s’articulent à partir d’une logique non pas mentale, mais physique, comme une « sorte de logique singulière des muscles », selon une « logique physique [30] ». Plus encore, il faut comprendre que les mouvements s’enchaînent, plus qu’ils ne sont aspirés par une fin : chaque acte du danseur « s’effectue par un cycle d’actes musculaires qui se reproduit, comme si la conclusion ou l’achèvement de chacun d’eux engendrerait l’impulsion suivante. Sur ce modèle, nos membres peuvent exécuter une suite de figures qui s’enchaînent les unes aux autres [31] ».
« Vous devez concevoir – dit Merce Cunningham – que le mouvement vient de quelque chose, non pas d’une chose expressive, mais d’un élan, d’une énergie, et qu’il doit se dessiner clairement, pour permettre au mouvement suivant de se concrétiser. Si vous ne commencez pas à voir les choses de cette façon, vous ne saisirez pas une progression dans le mouvement, le passage d’un mouvement à un autre, qui semble logique. Par logique, j’entends, non pas le parcours d’un raisonnement, mais une logique du mouvement [32] ».
Ce qui vaut du mouvement, vaut aussi du temps qui surgit de la danse au lieu de lui préexister comme une forme a priori de la sensibilité, comme une réalité la précédant : « Puisque le temps n’est pas une chose qui préexiste et attend d’être taillé par le danseur, puisqu’il est une chose créée par la danse elle-même, il n’existe spécifiquement qu’en relation avec un mouvement spécifique à l’intérieur de la danse [33] ».
Dès lors, le rythme caractéristique de la danse n’est pas un déjà-là, mais un pas-encore qui se produit à partir de ce que ressent celui qui danse : « Le rythme n’est jamais le rythme à moins que l’on sente qu’on le crée soi-même ou, ce qui peut paraître contradictoire, que l’on soit porté par sa propre création [34] ». Toutefois, l’incise au passif (« que l’on soit porté par sa propre création »), en soulignant la réceptivité, amoindrit la toute-puissance d’une conception nietzschéenne de l’art comme création de soi par soi, délié de toute écoute. Ce que nous sommes en train de développer comme conception de la locomotricité ne vise pas à opposer à la toute-puissance apollinienne de la raison une toute-puissance dionysiaque de la terre ou du sens, mais un pathos premier, où le mouvement puise son énergie [35].
Faut-il le préciser, cette interprétation privilégie l’approche ascendante, ce que nous avons appelé la loi d’ebullitio, et non l’approche descendante, plus platonicienne, qui valorise l’idée, voire la maîtrise ? Ajoutons qu’elle a pour conséquence de valoriser la danse naturelle, telle qu’elle est illustrée par Malkovsky ou Isadora Duncan, sur la danse classique, qui est une application du modèle dualiste introduit par Descartes.
Quoi qu’il en soit, la danse n’étant pas « le produit de ma volonté », mais « le jeu des corps dans l’espace – et le temps », la conséquence concrète doit en être l’abandon aux ressources du corps [36]. Toutefois, cette herméneutique ne nie pas la vérité des autres déterminants du mouvement. D’abord, pour que le rythme naisse, il est nécessaire que la personne donne son libre accord, autrement dit réponde à cet appel du corps moteur [37] ; ensuite, le corps rentre aussi en interaction avec l’environnement, des contraintes du lieu, des lois physiques, et des acquis de la culture, de l’éducation ; enfin, l’esprit élabore son projet qui, de manière descendante, vient aussi informer l’activité chorégraphique.
Pascal Ide
[1] La bibliographie se trouve dans les notes. Bon nombre de références sont empruntées à Gabor Csepregi, Le corps intelligent, trad. Pierrot Lambert, coll. « Kairos. Série Essais », Québec, Presses de l’Université Laval, 2008, chap. 5 : « Rythme ».
[2] Peter Röthig, Rhythmus und Bewegung. Eine Analyse aus der Sicht der Leibserziehung, Shorndorf, Karl Homann, 21984, p. 93. Cf. Inge Heuser, « Rhythmus als Ausdruck des Lebendigen », Peter Röthig éd., Beiträge zur Theorie und Lehre vom Rhythmus, Schorndorf, Karl Hofman, 1966, p. 122-136.
[3] Nicolas Abraham, Rythmes. De l’œuvre, de la traduction et de la psychanalyse, Nicholas T. Rand et Maria Torok éds., Paris, Flammarion, 1985, p. 86.
[4] Cf. Manfred Pohlen, « Über die Beziehung zwischen rhythmischer Einstimmung und frühzeitiger Differentzierung des Gehörsinns bein der Entstehung des Ich un dder Sprache », Jahrbuch für Psychologie, Psychotherapie und medizinische Anthropologie, 17 (1969), p. 288.
[5] Frederik J. J. Buytendijk, Wesen und Sinn des Spiels. Das Spielen des Menschen und der Tiere als Erscheinungsform der Lebenstriebe, 1933, rééd. : New York, Arno Press, 1976, p. 79.
[6] Oliver Sachs, A Leg to Stand On, p. 149.
[7] Ibid., p. 148.
[8] Cf. Roderyk Lange, The Nature of Dance. An Anthropological Perspective, London, Macdonald & Evans, 1975, p. 33.
[9] Paul Souriau, Aesthetics of Movement, trad. Manon Souriau, Amherst, University of Massachusetts Press, 1983, p. 23.
[10] Paul Souriau, Aesthetics of Movement, p. 25.
[11] Lewis Mumford, Art and Technics, New York, Columbia University Press, 1960, p. 62.
[12] Cf. la topique proposée par Peter Röthig, « Betrachtungen zur Körper- und Bewegungsästhetik », Eva Bannmüller & Peter Röthig, (éds.), Grundlagen und Perspektiven ästhetischer und rhythmischer Bewegungserziehung, Stuttgart, Ernst Klett, 1990, p. 88-95.
[13] Cf. Frédérick J. J. Buytendijk, Allgemeine Theorie der menschlichen Haltung und Bewegung, Berlin, Springer, 1956, p. 357-364 ; Wim J. M. Dekkers, « The lived body as aesthetic object in anthropological medicine », Medicine, Health Care and Philosophy, 2 (1999) n° 2, p. 122.
[14] Cf. Raimund Sobotka, Formgesetz der Bewegungen im Sport, Schorndorf, Karl Hofmann, 1974, p. 109-122.
[15] Cf. Paul Guillaume, La formation des habitudes, Paris, p.u.f., 1968, p. 104-109.
[16] Cf. Susanne K. Langer, Philosophy in a New Key. A Study in the Symbolisme of Reason, Rite, and Art, Cambridge (Massachusetts), Harvard University Press, 1957, p. 293.
[17] Cf. Paul Valéry, Philosophie de la danse, in Œuvres, éd. Jean Hytier, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », Paris, Gallimard, 1957, 2 vol., tome 1, p. 1390-1403, ici p. 1400. Cf. aussi Id., L’âme et la danse, Ibid., tome 2, 1960, p. 148-176
[18] Cf. Jeremy Campbell, « The conversational walz », Winston Churchill’s Afternoon Nap, New York, Simon and Schuster, 1986, p. 229-246.
[19] Cf. Edward T. Hall, « Rythmes et mouvements corporels », Au-delà de la culture, trad. Hélène Hatchuel, Paris, Seuil, 1979, p. 74.
[20] Cf. Leonard C. Feldstein, « The human body as rhythm and symbol. A study in practical hermeneutics », The Journal of Medicine and Philosophy, 1 (1976), p. 141-143.
[21] Cf. Albert E. Scheflen, « Comments on the significance of interaction rhythms », Martha Davis (éd.), Interaction Rhythms. Periodicity in Communicative Behavior, New York, Human Sciences Press, 1982, p. 17.
[22] Cf. Albert Schutz, « Making music together. A study of social relationship », Studies in Social Theory. Vol. 2. Collected Papers, Maurice Natanson éd., La Haye, Martinus Nijhoff, 1964, p. 176.
[23] Cf. Manfred Pohlen, « Über die Beziehung zwischen… ».
[24] Cf. Peter Röthig, « Zur Theorie des Rhythmus », Eva Bannmüller & Peter Röthig, (éds.), Grundlagen und Perspektiven ästhetischer…, p. 51-71.
[25] Carl E. Seashore, Psychology of Music, New York, Dover, 1967, p. 139.
[26] Kurt Goldstein, La structure de l’organisme. Introduction à la biologie à partir de la pathologie humaine, trad. Emil Burkhardt et Jean Kuntz, coll. « tel », Paris, Gallimard, 1951, réédité en 1983, p. 309.
[27] Cf. Carl E. Seashore, Psychology of Music, p. 138-148.
[28] Rudolf Arnheim, « Concerning dance » Toward a Psychology of Art. Collected Essays, Berkeley, University of California Press, 1966, p. 264.
[29] Judith Lynne Hanna, To Dance is Human. A Theory of Nonverbal Communication, Chicago, University of Chicago Press, 1987, p. 34.
[30] Paul Taylor, « Down with choregraphy », Selma Jeanne Cohen éd., The Modern Dance. Seven Statements of Belief, Middletwon (Connecticut), Wesleyan University Press, 1969, p. 95.
[31] Paul Valéry, « Degas Danse Dessin », Œuvres, tome 2, p. 1171.
[32] Jacqueline Lesschaeve, The Dancer and the Dance. Conversation with Merce Cunningham, New York, Marion Boyars, 1999, p. 68.
[33] Maxine Sheets-Johnson, The Phenomenology of Dance, New York, Books for Libraries, 1980, p. 102.
[34] Carl E. Seashore, Psychology of Music, p. 142.
[35] Cf. Ursula Fritsch, Tanz, Bewegung, Gesellschaft. Verluste und Chancen symbolisch-expressiven Bewegens, Frankfurt-am-Main, AFRA Verlag, 1988, p. 41-48.
[36] Merce Cunningham, « The impermanent art », 1952, Merce Cunningham. Fifty Years, chronique et commentaire de David Vaughan, éd. Melissa Harris, New York, Aperture, 1997, p. 86.
[37] Cf. Bernard Waldenfels, « Von Rhythmus der Sinnen », Sinnesschwellen. Studien zur Phänomanologie des Fremden, Frankfurt-am-Main, Suhrkamp, 1999, p. 79-83.