5) Le quatrième poème : les orages de l’été ou les épreuves de l’amour (5,2-6,3)
On vient de le dire, même si l’amour est réel, consommé dans l’union, il est encore imparfait et même pécheur. C’est ce que va montrer, avec un réalisme très fin, ce nouveau poème.
a) Le péché de la Bien-Aimée (5,2-3)
1’) La source lointaine du péché, la non-unification : « Je dors, mais mon cœur veille » (v. 2a)
C’est la Bien-Aimée qui parle. Il ne s’agit pas de suspecter l’absolue sincérité de l’amour de la Bien-Aimée ni sa volonté de fidélité comme Épouse, mais « sans qu’elle en ait conscience elle-même, elle n’est pas encore pleinement unifiée dans l’amour [1] ». La décision n’est pas à la hauteur du désir. Le prophète Isaïe disait : « Ton vin est encore coupé d’eau ». (Is 1,22)
2’) Les circonstances du péché : « J’entends mon Bien-Aimé qui frappe ». (5,2b)
Notez la discrétion de la venue du Bien-Aimé qui est aussi le signe de son respect. Et il parle, utilisant quatre termes qui, progressant, sont les plus doux, les plus chers au cœur de la Bien-Aimée : « ma sœur, mon amie, ma colombe, ma parfaite ». On imagine mal comment dire mieux son amour. Or, comment va répondre la Bien-Aimée ?
Plus encore, le Bien-Aimé se présente de manière vulnérable, sous l’habit du pauvre. En effet, ces gouttes viennent de la pluie qui trempe et glace : « le propre de l’amour étant de s’abaisser », affirme sainte Thérèse de l’Enfant Jésus au seuil de son autobiographie [2]. Saint Augustin le dit admirablement : « Il est dans le besoin, comme celui qui va recevoir [3] ».
3’) Le péché lui-même : « J’ai ôté ma tunique, comment la remettrais-je ? J’ai lavé mes pieds, comment les salirais-je ? » (v. 3)
Le péché est décrit avec autant de délicatesse que de vérité. De prime abord, ces paroles de la Bien-Aimée semblent seulement exprimer un peu de paresse et d’agacement, voire d’envie, de coquetterie d’être priée, donc d’être aimée. En réalité, elles expriment quelque chose de bien plus grave. Car il faut se rappeler l’extraordinaire célébration des noces que fut le troisième poème, le don total, irrévocable du Bien-Aimé. Dès lors, surtout lorsqu’on pense à l’amour qu’il exprime ici et à la vulnérabilité qu’il affiche, la Bien-Aimée aurait dû bondir, sans résister. Au lieu de cela, elle est demeurée inerte sur son lit. Ici se démasque l’essence du péché qui n’est pas transgression, mais préférence et préférence de soi : l’Épouse s’est préférée à celui qui lui a tout donné et l’a préférée, elle. Dans le domaine de l’amour, il n’y a pas de petit péché. Elle n’a pas ouvert la porte. C’est l’unique péché qui enferme l’humanité dans les ténèbres. Comment ne pas penser à celui qui mendie l’amour sans avoir de figure (Is 53,2) : « Il est venu chez les siens, et les siens ne l’ont pas reçu » (Jn 1,11) ?
C’est ce même péché que l’Apocalypse reprochera à la négligente Église de Laodicée : « Voici, je me tiens à la porte et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui et je souperai avec lui avec moi ». (Ap 3,20)
4’) L’attitude si humble du Bien-Aimé : « Mon Bien-Aimé a passé la main par la fente » (v. 3)
Oh, ce n’est pas que le Bien-Aimé n’ait pas le pouvoir d’entrer ! Au contraire, comme il est dit ici. Cette main n’est-elle pas celle toute-puissante de celui qui fit les mondes et peut chasser les démons ? Pourtant, Dieu se refuse non seulement à user de violence, voire de ses droits d’Époux, mais à même adresser un reproche. Simplement, il s’enfonce dans la nuit et il souffre, en attendant : « il pleure en pensant qu’il est oublié », dit saint Jean de la Croix dans le très émouvant poème du Pastourau [4]. Que cela est loin de nos représentations d’un Dieu vengeur, colérique ou simplement indifférent.
b) La purification du péché (5,4b-6,1)
Déjà, de manière générale, c’est la Bien-Aimée qui parle et qui donc avoue en détail son péché. Cette narration est déjà une contrition, une reconnaissance humble de son péché.
1’) La prise de conscience du péché
Cette prise de conscience passe d’abord par un sentiment profond : « Mes entrailles ont frémi » (v. .
Ce sentiment passe dans les gestes. La Bien-Aimée se lève, affolée. Et que constate-t-elle en premier ? La trace ineffaçable du Bien-Aimé ! Nous avons dit à quel point un parfum peut être entêtant, à quel point il est une signature éminemment personnelle : on reconnaît plus sûrement quelqu’un que l’on aime à son parfum qu’à toute autre sensation. Cela montre à la fois que, si humble soit-il, il était là ; et, bien que discret, il envahit tout et demeure. « Parfum de Dieu, commente Grégoire Nysse, dont toute la création, à la manière d’un vase de parfum, conserve en elle-même l’empreinte, à travers les merveilles qu’on y voit [5] ».
Mais c’est surtout en constatant que le Bien-Aimé a disparu que la Bien-Aimée mesure l’ampleur de son péché. Cette disparition montre bien qu’il y a faute et que l’essence de celle-ci est l’absence de l’amour.
Enfin, et c’est là le plus incroyable, elle remarque qu’il « s’est éloigné sans faire entendre aucune protestation, sans adresser aucun reproche, sans exprimer même une plainte. Silencieusement [6] ». Imaginons notre propre réaction d’ami éconduit, outragé, promenant partout son honneur maculé !
Si le Bien-Aimé réagit en s’enfuyant, c’est d’une part pour montrer le plus d’amour et donc, par cette délicatesse combien son amour demeure intact. Mais c’est aussi pour se faire désirer par son absence ; or, c’est l’absence et la souffrance qu’elle entraîne qui purifie le mieux l’amour et agrandit le cœur, le fortifiant aussi pour qu’après, il pèche moins aisément : on va le redire dans un instant.
Touchée par tant de délicatesse, la Bien-Aimée va maintenant purifier son cœur pécheur, par le désir.
2’) La recherche par le désir
a’) Expression : « Je l’ai cherché, mais ne l’ai point trouvé » (v. 6)
C’est d’abord avec son corps que la Bien-Aimée va partir à la recherche de l’amour. Et, on vient de le dire, le Bien-Aimé demeure introuvable pour accroître la place en nous, selon une intuition que l’on rencontre autant chez Augustin que Grégoire de Nysse et même Grégoire le Grand : « L’Époux se cache quand on le cherche, afin que, ne le trouvant pas, l’épouse le cherche avec une ardeur renouvelée ; et l’épouse est retardée dans sa recherche, afin que ce retard augmente sa capacité de Dieu, et qu’elle trouve un jour plus pleinement ce qu’elle cherchait [7] ».
b’) Solitude : « Les gardes […] m’ont frappée, ils m’ont blessée, ils m’ont enlevé mon manteau » (v. 7)
Si la Bien-Aimée est outragée, ce n’est pas seulement car, souvent, la dureté et la persécution des hommes s’ajoutent à l’épreuve de l’absence de Dieu. C’est aussi parce que, loin de Dieu, notre cœur est plus sensible, n’est plus aussi protégé. Plus encore, nous perdons même nos propres biens. En effet, c’est la raison pour laquelle la Bien-Aimée n’a pas voulu se lever (à savoir, elle ne voulait pas remettre ses vêtements) qui devient maintenant ce qu’elle perd avec violence : « Qui n’amasse pas avec moi disperse », dira Jésus. Seul Dieu peut unifier tous nos désirs et nos possessions.
Ce rude passage montre en tout cas que la description de l’amour dans le Cantique des Cantiques n’a rien d’idyllique.
c’) Le désir jusqu’à la blessure : « je suis blessée d’amour ». (v. 8)
Autre traduction (BJ) : « je suis malade d’amour ». Désormais, la Bien-Aimée est tellement revenue de son infidélité, sa quête de l’Ami est tellement devenue centrale qu’elle souffre de son absence au point d’en être malade et blessée. Et cette souffrance, liée à la rectification de son désir désormais tout orienté vers Dieu, est celle de sa purification, de sa pénitence. Il y a ici comme un Purgatoire. En effet, après la mort, c’est l’amour qui purifiera notre cœur des traces du péché ; et aimer, c’est orienter son cœur vers celui que l’on aime, c’est dire « Oui » à l’Aimé.
Or, face à cette souffrance, ne croyons surtout pas que Dieu demeure sadiquement indifférent : « Elle l’a bien méritée ; comme elle m’a fait attendre dehors, je la ferai attendre ; elle était alanguie sur son lit, je vais la faire languir de son délit ». Au contraire, le Bien-Aimé ne peut qu’être profondément ému et désirer au plus tôt son rétablissement. Rappelons-nous comment Jésus a réagi quand lui a dit que « celui qu’il aimait était malade » (Jn 11) : très désireux de venir, mais au temps opportun, « kaïrotiquement » convenant.
3’) La célébration par la parole
a’) L’invitation : « Qu’a donc ton Bien-Aimé de plus que les autres ? » (v. 9)
Invitée par le Chœur des filles de Jérusalem à célébrer son Bien-Aimé, la Bien-Aimée n’est que trop heureuse de le louer, de le proclamer, follement, de se livrer à l’enchantement de la description détaillée. On sait combien la parole console celui qui souffre, combien, dans l’absence temporaire (qui n’est pas le deuil), il fait du bien de parler de l’Absent : car la parole est une actualisation partielle. En ce sens, le Chœur est comme un médiateur de la Miséricorde divine qui console la Bien-Aimée et anticipe sa venue.
b’) Le portrait physique (v. 10-15) : en général
C’est la seule description que nous donne la Bien-Aimée de son Époux. Il est aussi physique, concret, incarné que celui de l’Épouse. Mais il en diffère notamment par deux points essentiels. Le premier est que si l’allégorie pour décrire l’épouse est le pays de Palestine, le modèle qui sert au portrait de l’Époux est le Temple de Jérusalem : Jésus n’est-il pas le véritable Temple (Jn 2,21) ? D’ailleurs, il en a la gloire : il est « clair et vermeil » ; or, le courant apocalyptique, depuis Ezéchiel, associe la vision de l’Etre de Gloire à celle du Temple de Jérusalem.
La seconde différence est que le portrait du Bien-Aimé se fait de haut en bas alors que les descriptions de la Bien-Aimée suivait toujours l’ordre inverse.
Pourrait-on généraliser et interpréter ces remarques dans le sens de la différence masculin-féminin, ce que semble autoriser la Bible (cf. par exemple, pour la comparaison entre la Terre et l’Épouse : « Cette Terre se nommera ‘l’Épousée’ » : Is 62,4) ? Cela semblerait riche : l’homme est à la femme ce que la ville (et le Temple qui joue un rôle de gouvernement) est à la campagne ou à la terre ; l’homme est celui qui solidement implanté en terre, la femme celle qui regarde vers le ciel ou ce qui commence par le bas est ce qui s’édifie, se construit alors que le visage est le lieu de la réceptivité.
c’) Le portrait physique (v. 10-15) : en détail
La toute première caractéristique est générale, comme lorsqu’il est parlé de la Bien-Aimée : « Mon Bien-Aimé est clair et vermeil » (v. 10). Lui aussi, donc, est beau, mais avec une précision qui est la Lumière et la Gloire qui n’est pas sans évoquer le rayonnement du Transfiguré et du Fils de l’Homme décrit dans l’Apocalypse (Ap 1,14 ; 19,11-13).
Pour le détail, je renvoie au texte, très symbolique. Il n’est pas impossible d’établir une corrélation des détails corporels et du Temple, comme le fait M. Robert [8]. Voici quelques correspondances qui n’excluent pas une lecture spirituelle différente
– la tête est le Saint des Saints : les deux ne sont-ils pas d’or ? (1 R 6,20)
– les boucles noires et les palmes sont l’entrée du Saint des Saints, puisqu’il s’y trouvait de nombreuses figures de palmes et que ce lieu était obscur, comme la noirceur des boucles.
– les yeux, comme des colombes sont l’étendue d’eau, la mer d’airain présente dans le Temple.
– les bras et les ventres rappellent les hautes colonnes massives placées à droite et à gauche de l’entrée du Saint des Saints dont, de plus, la large base était d’ivoire.
Enfin, de nouveau, comme la description de la Bien-Aimée, celle de l’Époux s’achève comme elle a commencé, par une vision de synthèse, globale : « Son aspect est celui du Liban » (v. 15b). Or, on l’a dit, dans la Bible, le Liban est symbole d’une munificence insurpassable. Le cèdre, arbre du Liban par excellence, est le seul que Dieu ait planté de ses mains dans l’Écriture (Ps) : il a notamment une pérennité qui dit quelque chose de l’éternité de l’Éternel.
d’) La parole du Bien-Aimé : « Ses discours sont la suavité même ». (v.16)
Non seulement l’Époux est beau, mais en plus sa parole n’est que douceur. De la douceur même de Dieu (Ps 119,103) qui, en Jésus, sera cet homme qui parle comme aucun homme n’a jamais parlé (Jn 7,46).
e’) Conclusion : achèvement de la contrition (v.16)
On vient de le dire, la Bien-Aimée achève sa description par une reprise globale et, plus encore, par le désir renouvelé d’une communion unique. Comment un être si beau ne serait-il pas désirable ? On oublie souvent, combien Dieu est ineffablement beau et digne d’être désiré. Nous ne contemplons et nous ne célébrons pas assez sa splendeur. Appliquant à Jésus la phrase du Cantique « Que tu es beau, mon Bien-Aimé », saint Augustin commente, inspiré et amoureux : « Il est beau dans le ciel comme Verbe auprès de Dieu ; et beau sur terre, revêtu de la nature humaine ; il est beau dans les entrailles, et beau aux bras de ses parents ; il est beau dans les miracles et beau dans la flagellation ; il est beau conférant la vie, et beau ne se refusant pas à la mort ; il est beau remettant son âme, et beau la reprenant ; il est beau sur la Croix, beau dans le sépulcre, beau de retour au Ciel [9] ». Ici, la Bien-Aimée est comme envahie par une extase adorante et aimante, « l’extase de l’amour écrasé par la beauté, la force, la grandeur immense de l’objet aimé [10] ».
Notons aussi que l’Épouse répète que « tout en lui n’est que charme », car les mots lui manquent. Ce portrait ne s’est pas voulu une description fidèle, qu’une louange de Celui que l’on ne peut que célébrer et non pas nommer ou dire. Pas moins de vingt-deux termes de comparaison ont été convoqués, remarque Chouraqui qui commente ce qu’il appelle le « Cantique de l’Absent [11] ». C’est ce que dit saint Grégoire de Nysse [12]. C’est aussi ce qu’affirme saint Augustin : « C’est une vision qui dépasse toutes les beautés de la terre : de l’or, de l’argent, des bois, des campagnes, la beauté de la mer et de l’air, la beauté du soleil et de la lune, la beauté des étoiles, la beauté des anges […]. Une Beauté qui surpasse tout car c’est d’elle que toutes choses tiennent leur beauté […]. La langue dit ce qu’elle peut ; le reste, c’est au cœur de le comprendre [13] ! »
Enfin, l’Épouse choisit de nouveau son Bien-Aimé en le nommant « mon Époux ». C’est ce choix qui est la conversion et la contrition décisive et décidée. Il achève cette description émerveillée et énamourée, car dictée par l’amour. Or, une nouvelle fois, c’est l’amour qui purifie le cœur.
4’) L’assurance du pardon octroyé par le Bien-Aimé (6,1-3)
Notez combien tout (les métaphores, mais surtout la réponse sereine à la question du Chœur : « Où est-il parti ? ») exprime la paix retrouvée, d’autant plus impressionnante que, quelques versets avant, on voyait une Bien-Aimée défaite, malade, blessée à mort de sa faute. Or, pas de paix durable sans le pardon des péchés.
a’) L’invitation du Chœur : « Où es parti ton Bien-Aimé ? » (v. 1)
Une nouvelle fois, la Bien-Aimée est invitée à parler, à aller de l’avant grâce à la médiation du Chœur des filles de Jérusalem. Mais il n’est pas interdit de penser que la Bien-Aimée n’est pas sans influencer ce Chœur : son amour est contagieux, rayonne.
b’) La reconnaissance de la présence intérieure du Bien-Aimé : « Mon Bien-Aimé est descendu en son jardin » (v. 2)
En effet, le Bien-Aimé n’a point d’autre jardin que l’âme de son Épouse (cf. 5,1). Si donc il est ainsi venu en son jardin, c’est qu’il habite à nouveau avec elle. Par conséquent, la fuite est terminée ; ils ne sont plus séparés. Il suffit à la Bien-Aimée d’entrer dans son jardin intérieur : car elle n’aurait pas demandé pardon, elle ne se serait pas tournée à nouveau vers lui si elle n’était pas déjà habitée par la grâce. C’est maintenant qu’elle prend conscience qu’il ne l’a jamais quittée. Émerveillée, elle comprend que Dieu, loin de se détourner du pécheur, est toujours à sa recherche, tout près : « Il me suffit donc de rentrer en mon cœur, commente Claudel, pour que je le trouve, et pour que je cesse d’être là où il n’est pas [14] ».
Et ce n’est pas par n’importe quel mouvement que le Bien-Aimé accède à sa Bien-Aimée, entre en communion avec elle, mais par un mouvement de descente. Comment ne pas songer à l’Incarnation ? C’est là une des formules les plus admirables pour exprimer le désir qu’a Dieu d’être l’Emmanuel. Le confirment les autres expressions : « paître son troupeau » et « cueillir des lis » ou mieux « rassembler les lis ». Or, être pasteur et jardinier, c’est là deux titres christiques (Jn 10,11 et 20,15).
c’) « Je suis à mon Bien-Aimé et mon Bien-Aimé est à moi ». (v. 3)
Voici la communion enfin consommée, à nouveau.
Mais il serait trompeur de croire que nous sommes revenus au statu quo ante. L’histoire n’est pas un éternel retour du même, le pardon n’est pas un pur et simple effacement du péché, un Reset opéré dans la mémoire du pécheur contrit. En effet, l’évolution des formules l’exprime. La Bien-Aimée avait dit : « Mon Bien-Aimé est à moi, et je suis à lui ». (2,16) Or, ici, l’ordre des propositions est renversé : son don est premier, elle ne le mesure pas au don du Bien-Aimé ; de plus, la formule actuelle, plus symétrique, signale une parfaite réciprocité dans le don. On voit poindre l’objection : comment équiparer Dieu et la créature. Saint Bernard répond avec profondeur : certes, « la créature aime moins, en raison de ses limites », mais « pourvu qu’elle aime de tout son être, il ne manque rien à son amour [15] ».
Ici, c’est encore la Bien-Aimée qui parle. C’est dans le cinquième poème que l’on va recevoir l’assurance du pardon et en mesurer toute l’ampleur. Chut, le Bien-Aimé va prendre la parole.
Pascal Ide
[1] Blaise Arminjon, La cantate de l’Amour, p. 243.
[2] Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus et de la Sainte Face, Ms A, 2 v°, p. 21.
[3] Saint Augustin, Commentaire de l’Évangile de Jean, XV, 12, p. 155.
[4] Saint Jean de la Croix, Poèmes, p. 925.
[5] Saint Grégoire de Nysse, In Canticum canticorum, Homélie 1, 784a.
[6] Blaise Arminjon, La cantate de l’Amour, p. 252.
[7] Saint Grégoire le Grand, Moralium, V, 6, PL 76, 683a.
[8] André Robert et Raymond Tournay, Le Cantique des cantiques, Bible de Jérusalem, Paris, Le Cerf, 1958, p. 214s.
[9] Ennaratio in Psalmum, XLIV, PL 36, 495.
[10] Bienheureuse Élisabeth de la Trinité, Œuvres, Paris, Le Cerf, 1980, tome 1, p. 170.
[11] André Chouraqui, Le Cantique des cantiques, Paris, PUF, 1970, p. 66-67.
[12] Saint Grégoire de Nysse, In Canticum canticorum, Homélie 1, 1028b-d.
[13] Saint Augustin, Commentaire de la première épître de S. Jean, trad. et éd. Paul Agaësse, coll. « Sources chrétiennes » n° 75, Paris, Le Cerf, 1961, p. 231-233.
[14] Paul Claudel, « Cantate à trois voix », Œuvre poétique, éd. Stanislas Fumet et Jacques Petit, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », Paris, Gallimard, 1967, p. 352.
[15] Saint Bernard, Sermon 83e, p. 851.