L’ambiance, un écho de l’esprit ? Les promesses d’une pneumatologie métaphysique 1/2

« Si nous voulons présenter la façon dont nous vivons primairement l’espace, nous devons nous affranchir du concept d’espace propre à la physique et aux mathématiques [1] ».

1) Introduction

a) Sujet

Professeur de philosophie à Bordeaux, Bruce Bégout s’est fait connaître en abordant notamment deux thèmes : les espaces urbains comme Las Vegas [2], le motel américain [3], l’île ou le parc [4], l’aéroport [5] ; le quotidien de l’existence [6]. Ces deux thèmes déjà corrélés, le sont à un troisième, plus général, celui d’ambiance qui est ici affronté de manière originale et englobante [7]. La thèse de l’ouvrage semble être énoncée dès la première ligne : « Notre thèse est : l’homme vit continuellement au sein d’ambiance [8] ». En réalité, il ne s’agit pas de la thèse, mais de son sujet (au sens logique du terme). L’ouvrage traite de l’ambiance.

La question va être celle de sa définition : comment caractériser l’ambiance ? Qu’est-ce qui la différencie de notions voisines comme milieu ou atmosphère ?

b) Importance

1’) En plein

L’ambiance est une expérience commune. Tout le monde la comprend intuitivement. Plus encore, tout le monde y est sensible. Enfin, cette expérience est constante : « Aucune expérience humaine n’est dépourvue de tonalité affective. Même l’attitude apparemment neutre du regard distant sur le monde relève d’une tonalité particulière, et l’absence d’ambiance est encore une ambiance [9] ». L’ambiance, transcendantal – au même titre que l’enveloppement ?

2’) En creux

Ainsi, l’ambiance est une expérience ubiquitaire. Pourtant, longtemps, le concept d’ambiance fut négligé ou réduit objectivement dans le terme de milieu (nous y reviendrons).

 

« Parce que les atmosphères sont de nature non objetive et non informative (et parce qu’elles ne paraissaient pas maîtrisables), la culture rationnelle de l’ancienne et de la nouvelle Europe les a laissées de côté dans sa longue marche vers l’objectivation et l’informatisation de toute chose et de tout état de fait. Là où ces discours déployaient leur spécificité, il devint de plus en plus impossible de prononcer ne fût-ce qu’un mot sur le caractère atmosphérique exposé, soluble, explorable qui s’attache à l’existence. Que quelque chose puisse exister en dehors des mots et des choses, quelque chose qui n’est ni l’un i l’autre, mais plus vaste, plus ancien, plus pénétrant que l’un et l’autre, les sciences objecties ont tout aussi peu voulu le percevoir que les théories du discours [10] ».

 

Aujourd’hui, le concept d’ambiance est devenu tellement omniprésent (sic !) que certains ont pu parler d’un « Atmospheric Turn » [11]. Toutefois, il est abordé par différentes disciplines : l’esthétique, l’architecture, l’urbanisme. Mais il n’a jamais vraiment été abordé pour lui-même en philosophie. Tel est donc l’objet formel de cet ouvrage : une étude philosophique de l’ambiance.

Autant, tout le monde sait qu’il y a une ambiance et peut la décrire au moins confusément, autant presque personne ne sait en déterminer l’essence, le contenu quidditatif.

c) Difficulté

L’aporie principale est la suivante. La vérité en général et la vérité philosophique en particulier sont amies de la précision et de la distinction. Bergson ouvrait ainsi La pensée et le mouvant : « Ce qui a le plus manqué à la philosophie, c’est la précision. Les systèmes philosophiques ne sont pas taillés à la mesure de la réalité où nous vivons. Ils sont trop larges pour elle [12] ». Or, quoi de plus vague qu’une ambiance ? Dit autrement, le savoir vrai est un savoir déterminé. Or, l’ambiance est une notion indéterminée désignant une réalité elle-même inexprimable [13].

Nous répondrons que l’indéterminé est lui-même une réalité dont nous faisons l’expérience : non pas en creux mais en plein. Ainsi que l’affirmait Merleau-Ponty, « il nous faut reconnaître l’indéterminé comme un phénomène positif », voire, dans la phrase suivante, il le corrèle à l’atmosphère : « C’est dans cette atsmophère que se présente la qualité [14] ».

2) Topique ou historique ?

Ce que n’est pas l’ambiance

a) Réduction objectivante : le milieu

Nous avons vu plus haut que l’ambiance est la grande oubliée des explorations philosophiques. En effet, le savoir s’est réduit à l’approche objective, quantifiable du réel. Or, l’ambiance est une donnée éminemment subjective, qualitative. De plus, notre approche occidentale valorise le cognitif sur l’affectif, toujours au nom du primat de l’objectif. Or, nous allons le dire, elle l’ambiance caractérise avant tout par l’affectivité. Donc, l’ambiance n’est pas une chose ou une substance que l’on pourrait réifier, isoler comme un être-là posé devant soi et hors de soi.

Elle se distingue donc du milieu : « Milieu, c’set un terme sobre, neutre, strict, qui se ressent toujours, plus ou moins, de sa tradition scientifique [15] ». De fait, dans l’histoire qu’il propose de la signifiation des deux termes « milieu » et « ambiance », Leo Spitzer montre que les deux termes ne se recouvrent pas. D’abord, « ambiance est un périékhon spirituel », alors que « milieu est plus concret, plus terrestre [16] ». De plus, et cette notation est de grande importance pour nous, l’ambiance présente une dimension sentimentale. En effet, elle renvoie à un englobement. Elle implique une « connotation de protection, d’éterinte chaleureuse [17] », avec une « nuance caressante [18] ». Comment s’en étonner, puique la racine indo-européenne amb- renvoie à ce qui enveloppe et étreint de tous côtés ?

b) Réduction subjectiviste : l’atmosphère

Pour autant, l’ambiance ne se réduit pas non plus à une réalité purement intérieure ou plutôt cognitive, sensible ou esthétique. Tel est le cas des approches adressées à Hermann Schmitz, Gernot Böhme, Tonino Griffero et Andreas Rauh, ainsi que nous le verrons. Elles reconnaissent toutes l’existence de l’ambiance et ne la réduisent pas à un simple espace extramental. Toutefois, elles la définissent à partir de l’aisthésis. En effet, elles ont été développées dans le cadre (ambiance !) de l’esthétique. Or, celle-ci se caractérise par la perception sensible : par exemple, à travers sa dimension médiale, air, son, lumière, etc. Mais, nous allons le voir, l’ambiance se donne d’abord par sa dimension affective. Au fond, le privilège accordé à la perception met à distance, donc est encore secrètement objectivante et abstraite : il ne prend pas en compte la totalité du vécu immédiat.

Derrière cette différence, c’est la perspective qui est en jeu. Les approches de l’atmosphère privilégient les situations esthétiques et le monde de l’art. En regard, l’ambiance relève du vécu quotidien, de l’existence de tous les jours. Or, spontanément, le sujet éprouve une ambiance.

L’ambiance n’est donc ni un simple sentiment interne, ni l’extériorisation dans un quasi-objet subsistant. Si elle ne peut s’interpréter ni à partir du pôle subjectif, ni à partir du pôle subjectif, que peut-elle être ?

3) Induction

Différents exemples permettent d’approcher ce concept à la fois fuyant et éloquent, voire essentiel, d’ambiance.

a) Expériences globales

1’) L’expérience d’une personne

Nous avons tous fait l’expérience que nous reconnaissons immédiatement une personne à son air. Or, l’air n’est réductible ni aux composantes matérielles de l’objet, ni aux éléments perceptifs affectant le sujet. Nous la reconnaissons « de manière immédiate une personne à son allure, à sa voix, à sa silhouette. Ce ne sont pas les données objectives la concernant (sa taille, les vêtements qu’elle porte, etc.) qui permettent cette identification immédiate, c’est l’air particulier qu’elle dégage par ses gestes et ses paroles [19] ».

2’) L’expérience de l’appartement

Penseur de l’entrelacs et du chiasme, Maurice Merleau-Ponty fut très tôt sensible à l’atmosphère ou l’ambiance :

 

« En entrant dans un appartement, nous pouvons percevoir l’esprit de ceux qui l’habitent sans être capables de justifier cette impression par une énumération de détails remarquables et, à plus forte raison, bien avant d’avoir noté la couleur des meubles [20] ».

 

On notera qu’il parle d’esprit et qu’il en parle même pour des artefacts. « Objets inanimés, avez-vous donc une âme… ? »

3’) L’expérience d’une gare

Voici comment le poète français Francis Ponge décrit une ambiance [21]. Non sans suspense, parce qu’il ne nomme qu’au terme ce qu’il approche de manière sybilline :

 

« Il s’est formé depuis un siècle dans chaque ville ou bourg de quelque importance (et beaucoup de villages, de proche en proche, se sont trouvés atteints par contagion),

« Un quartier phlegomneux, sorte de phlexus oude nodosité tubéreuse, de ganglion pulsatile, d’oignon lacrymogène et charbonneux,

« Gonflé de rires et de larmes, sali de fumées,

« Un quartier matineux, où l’on ne se couche pas, où l’on passe les nuits.

« Un quartier quelque peu infernal où l’on salit son linge et mouille ses mouchoirs.

« Où chacun ne se rend qu’en des occasions précises, qui engagent tout l’homme, et même le plus souvent l’homme avec sa famille, ses hardes, ses bêtes, ses lares et tout son saint-frusquin.

« Où les charrois de marchandises ailleurs plutôt cachés sont incessants, sur des pavés mal entretenus.

« Où les hommes et les chevaux en long ne sont qu’à peine différenciés et mieux traités que les ballots, bagages et caises de toutes sortes.

« Comme le nœud d’une ganse où se nouent et déjouent, d’où partent et aboutissent des voies bizarres, à la fois raides et souples, et luisantes, où rien ne peut marcher, glisser, courir ou rouler sinon de longs, rapides et dangereux monstres tonnants et grinçants, parfois gémissants hurlants ou sifflants, composés d’un matériel de carrosserie monstrueusement grossier, lourd et compliqué, et qui s’entourent de vapeurs et de fumées plus volumineuses par les jours froids, comme celles des naseaux des chevaux de poste.

« Un lieu d’efforts maladroits et malheureux, où rien ne s’accomplit sans grosses difficultés de démarrage, manœuvre et parcours, sans bruits de forge ou de tonnerre, raclements, arrachements : rien d’aisé, de glissant, de propre, de moins tant que le réseau n’a pas été électrifié ; où tremblent et à chaque instant menacent de s’écrouler en miettes les verrières, buffets à verrerie, lavabos à faïences ruisselantes et trous malodorants, petite svoitures, châsses à sandwiches et garde-manger ambulants, lampisteries où se préparent, s’emmaillotent, se démaillotent,se mouchent et se torchent dans la crasse de chiffons graisseux les falots, les fanaux suintants, les lumignons, les clignotantes, les merveilleuses étoiles multicolores – et jusqu’au bureau du chef de gare, cet irritable gamin

« C’est la gare, avec ses moustaches de chat [22] ».

4’) L’expérience d’une ville

Voici comment l’écrivain hongrois Deszo Koszolanyi décrit l’ambiance urbaine juste avant son lever :

 

« Il y a un moment dans l’aube d’été qui est encore plus fantasmagorique que ne peut l’être l’heure de minuit.

« Le jour point, sans que soit apparu le premier rayon du soleil. Le ciel est pâle, d’un blanc d’étain, même aux jours les plus lumineux, et l’air est froid, même aux jours de grande chaleur. Dans les rues, pas une âme. Les ivrognes nocturnes sont déjà rentrés et les fêtards du petit matin n’ont pas encore pris le chemin du retour. Pas une seule voiture. Le calme est si complet, si stupéfiant est le silence, on dirait que la nature a le souffle coupé, comme si elle voulait hurler et ne le pouvait pas, en proie à quelque peur panique. […]

« Celui qui surprend à l’aube de tels moments, celui qui a devant lui cette coupe tranversale de la vie, celui qui observe ces rues où se joue pendant la journée notre drame à nous et qui sont alors comme autant de scènes vides, plus désertes que des cimetières, avec les lignes immobiles de ces immeubles aux murs délabrés, aux fenêtres ouvertes, avec dans le fond d’un appartement ce meuble étrange, apparemment ne servant à rien, ou cette cheminse qui pend mollement sur les bras d’un fauteuil, celui-là aura l’impression tout à coup de voir une ville morte, dont tous les habitants jusqu’au dernier ont été tués par quelque attaque aux gaz, l’impression d’être seul à vivre et seul à foncer à travers l’espace avec cette nécropole et ses funèbres accessoires.

« Mais tout cela ne dure que quelques minutes. Des pas soudain se font entendre, une voiture passe, un réveil sonne, un oiseau siffle, et la chimère prend fin [23] ».

 

Ne nous trompons pas. Même si l’auteur se prête à des interprétations (qui, aujourd’hui, résonnent particulièrement, du fait d’images cinématographiques post-apocalyptiques et de notre expérience du premier confinement ou du couvrefeu), l’essentiel réside dans le phénomène lui-même qui possède sa propre capacité d’expression et d’auto-affirmation.

5’) L’expérience du monde

Nous faisons l’expérience du monde. Or, le monde n’est ni les sensations ni les sentis. Donc, nous éprouvons quelque chose d’autre, plus enveloppant, voire antérieur. Et cette expérience est d’abord affective, caractéristique dont nous verrons qu’elle est la note constitutive essentielle de l’ambiance.

 

« C’est premièrement la perception atmosphérique qui fait de ce monde notre monde, un lieu dans lequel et par lequel on vit, qui peut nous comber de joie ou nous affliger. Et cela consiste dès le départ en un procesus individuel et collectif. Le monde solipsiste (ou plutôt le non-monde) de l’empirisme réductionniste est le produit d’une répression de ce fait d’être ému parce que nous percevons [24] ».

b) Expériences de certaines notes

1’) Expérience contemplative

La situation s’éprouve quand nous abandonnons notre relation utilitaire au monde, ainsi que Heidegger l’avait déjà noté. En effet, l’amosphère est d’abord une expérience affective ; or, le sentiment est passif ; donc, les notes ambiancielles ne peut être reconnues dans une approche pragmatique, c’est-à-dire active.

 

« La situation, en vérité, est perçue de manière intense sous son aspect atmosphérique lorsqu’elle échappe la plupart du temps au rapport ordinairement pragmatique ; comme quand un événement climatique imprévu, affectant nos activités, attire de manière inattendue notre attention au-delà de sa propre valeur émotionnelle [25] ».

2’) Expérience non objective

En creux, « la difficulté pour former le concept légitieme d’atmosphère provient ici de l’ontologie classique de la chose [26] ». Constamment, interfère notre identification de l’étant à la substance.

En plein, cette atmosphère n’est pas connue comme l’objet est connu. En effet, jusque dans son étymologie, l’objet est posé face à nous. Or, nous sommes enveloppés par une ambiance, nous baignons en elle. C’est d’ailleurs pour cela qu’il est si difficile de la thématiser :

 

« Généralement est atmosphère, dans tous les champs sensibles reliés à un objet possible de perception, ce qui n’est justement pas objet, mais signification. La manière dont le monde est pour nous, à savoir la manière dont, à chaque instant, nous sommes liés à lui et nous nous trouvons disposés affectivement en lui, cela, nous n’en faisons pas une expérience objective, mais atmosphérique. L’atmosphère est la pertinence spécifique [die specifische Relevanz] de l’objet de la perception ou de la valeur [Werthaftigkeit] que nous éprouvons à l’égard du monde [27] ».

 

En fait, l’une des raisons principales de cette allergie à la substance et à la chose tient à sa représentation comme clôture sur soi : « Dans l’ontologie de la chose, les déterminations fondamentales de l’être comme tel montrent la chose en général comme répondant à la règle de ce qui est enfermé en soi-même [28] ». Or, l’atmosphère est éminemment poreuse tant à l’environnement qu’aux affects.

Un signe de cette irréductibilité de l’ambiance à la choséité est son excès sur les simples objets. C’est ce qu’affirme Hubertus Tellenbach :

 

« Dans presque tout expérience de nos sens se trouve un plus inexprimé. Ce plus qui dépasse le fait réel que nous nous sentons en même temps que lui, nous pouvons le nommer atmosphérique [29] ».

3’) Expérience non-subjective

Cette expérience n’est pas plus une projection de l’esprit sur la nature ou sur le monde des artefacts. C’est ce que Hermann Schmitz ne cesse de montrer que l’atmosphère précède la sphère affective :

 

« Un matin froid et humide dans l’hideuse mer urbaine d’une grande ville où dans une gare est un autre environnement favorable pour que prenne effet ce sentiment d’absurdité. La spatialitéde l’atmosphère émouvante est alors évidente lorsqu’on sent le vide qui se répand sans limite [30] ».

 

Certes, les caractéristiques de ce matin glauque vont favoriser l’apparition d’un sentiment. Mais, en soi, il ne le contient pas ni ne le renferme. Et, la raison fondamentale est, pour Schmitz, que l’émotion est une impulsion vitale (concept clé chez lui) ; or, « la simple perception de l’atmosphère sans émotion [31] » est dénuée de cette impulsion vitale.

Récusant autant la réduction objective que subjective, Griffero la décrit comme semi-chosale (semi-cosa) :

 

« De même que, dans le ‘c’est chaud’, la chaleur n’est pas un attribut d’une substance, de meêm la qualité atmosphérique n’est pas tant la propriété d’une chose qu’une demi-chose, non moins autonome par rapport aux choses que ne l’est une mélodie par rapport au simple buirt. En d’autres termes, c’est une qualité vécue, ni conjecturée ni déduite de manière analogique, mais rencontrée dans son organisation figurale antéprédicative [organizzazione gestaltica antepredicativa] et au moins au départ étrangère à l’intériorité subjective [32] ».

4’) Expérience non-relationnelle

Bruce Bégout ajoute un autre élément pour lui d’importance : l’ambiance qui ne se réduit pas à la substance (que ce soit la chose ou le sujet) ne se réduit pas plus à la relation. Nous en verrons la systématisation dans l’exposé qui va suivre.

5’) Expérience de connexion non figurale

Selon Bégout, une ambiance est dénuée de toute physionomie. L’un des artisans de la Gestalt Psychology écrit une page très proche des intuitions de l’atmosphérologie. Il y affirme que les arrière-fonds (du sujet et de l’objet) sont connectés sans passer par la médiation de la figure. Il énonce d’abord sa thèse : « Certains sens nous fournissent des ‘fonds’ [grounds] qui sont plus que du ‘vide’ [emptiness] ». Puis, il continue en l’illustrant par l’exemple de « l’atmosphère d’une pièce », avant de l’analyser :

 

« Je songe en particulier à l’odeur qui peut nous envelopper à la manière d’un manteau doux ou des murs bleus d’une rotonde dans le château royal d’un conte de fées. Il arrive souvent que le fond d’autres sens ne soit pas le fond principal des figures de ces sens, mais qu’il détermine néanmoins notre relation à ces figures et à toutes les figures ou choses qui sont données dans notre environnement comportemental. L’atmosphère d’une pièce est le meilleur exemple que je puisse en donner. Ainsi, ces arrière-fonds sont plus compréhensifs que ne le sont les fonds purement visuels, car ce sont des fonds pour l’ego aussi bien que pour les choses avec lesquelles il se trouve confronté [33] ».

 

Ainsi, non seulement les arrière-plans eux-mêmes communiquent directement, mais la distinction dualiste entre le fond et la figure se trouve dépassée.

Pascal Ide

[1] Erwin Strauss, « Les formes du spatial. Leur signification pour la motricité et la perception », 1930, Figures de la subjectivité. Approches phénoménologiques et psychiatriques, éd. Jean-François Courtine, Paris, Éd. du CNRS, 1992, p. 16.

[2] Cf. Bruce Bégout, Zéropolis, Paris, Allia, 22002.

[3] Cf. Id., Lieu commun. Le motel américain, Paris, Allia, 2003.

[4] Cf. Id., Le ParK, Paris, Allia, 2010.

[5] Cf. Id., En escale. Chroniques aéroportuaires, Paris, Philosophie Magazine Éd., 2019.

[6] Cf. Id., La découverte du quotidien, Paris, Allia, 2005.

[7] Cf. Id., Le concept d’ambiance. Essai d’éco-phénoménologie, coll. « L’ordre philosophique », Paris, Seuil, 2020.

[8] Ibid., p. 7.

[9] Bruce Bégout, Le concept d’ambiance, p. 14.

[10] Peter Sloterdijk, Bulles. Sphères I, 1998, trad. Olivier Mannoni, Paris, Fayard, 2002, p. 126.

[11] Cf. Tonino Griffero, « Is there such a thing as an ‘Atmospheric Turn’ ? Instead of an introduction », Tonino Griffero & Marco Tedeschini (éd.), Atmosphere and Aesthetics, Basingstoke, Palgrave McMillan, 2019, p. 11-62.

[12] Henri Bergson, La pensée et le mouvant, 1934, Paris, p.u.f., 1975, p. 1.

[13] Cf. Gernot Böhme, Atmosphäre. Essays zur neuen Ästhetik, Berlin, Suhrkamp, 2013, p. 21 ; Tonino Griffero, Atmosferologia. Estetica degli spazi emozionali, Roma-Bari, Laterza, 2010, p. 3 ; Jean-Paul Thibaud, En quête d’ambiances, Genève, MétisPresses, 2015, p. 7.

[14] Maurice Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, Paris, Gallimard, 1945, p. 12.

[15] Hans Nilsson-Ehle, « Ambiance, milieu et climat », Studia neophilologica, 29 (1957) n° 2, p. 180-191, ici p. 188. Souligné dans le texte.

[16] Leo Spitzer, « Milieu et ambiance », II, 1942, Conférences, n° 25 (2007), p. 405-494, ici p. 447.

[17] Id., « Milieu et ambiance », I, 1942, Conférences, n° 24 (2007), p. 113-189, ici p. 130.

[18] Ibid., p. 160.

[19] Bruce Bégout, Le concept d’ambiance, p. 199. Souligné par moi.

[20] Maurice Merleau-Ponty, Structure du comportement, Paris, p.u.f., 1942, p. 187.

[21] Cf. Luc Fraisse, « Le paysage urbain, un débat critique dans la poétique de Francis Ponge », Peter Kuon et Gérard Peylet (éds.), Paysages urbains de 1830 à nos jours, Pessac, Presses Universitaires de Bordeaux, 2004. Site consulté le 23 avril 2021 : http://books.openedition.org/pub/29148

[22] Francis Ponge, « La gare », Le grand recueil. Pièces, Paris, Gallimard, 1961, p. 77-79. Souligné dans le texte.

[23] Dezsö Kosztolányi, Cinéma muet avec battements de cœur. Histoires brèves, éd. Péter Ádám, trad. Maurice Regnaut en collab. avec Péter Ádám, coll. « Europe centrale », Paris, Souffles, 1988, p. 55-56.

[24] Michael Hauskeller, Atmosphären erleben. Philosophische Untersuchungen zur Sinneswahrnehmung, Berlin, Akademie Verlag, 1995, p. 144.

[25] Tonino Griffero, Atmosferologia. Estetica degli spazi emozionali, Roma-Bari, Laterza, 2010, p. 15.

[26] Gernot Böhme, Atmosphäre, p. 31. Cf. chap. : « Das Ding und seine Ekstasen. Ontologie und ästehtik der Dinghaftigkeit ».

[27] Michael Hauskeller, Atmosphären erleben, p. 103.

[28] Gernot Böhme, Atmosphäre, p. 232. « Cette auto-clôture de la chose devient particulièrement évidente pour les types de chose qui présupposent la différence entre les qualités premières et les qualités secondes » (Ibid., p. 233).

[29] Hubertus Tellenbach, Goût et atmosphère, p. 40.

[30] Hermann Schmitz, Brève introduction à la nouvelle phénoménologie, 2009, trad. Jean-Louis-Georget et Philippe Grosos, Paris, Le Cercle herméneutique, 2016, p. 90.

[31] Hermann Schmitz, Atmosphären, München, Karl Alber, 2014, p. 23.

[32] Tonino Griffero, Atmosferologia, p. 21.

[33] Kurt Koffka, Principles of Gestalt Psychology, New York, Harcourt, Bruce & World, 1935, p. 201.

24.4.2021
 

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