La nature nous fait du bien 4/6

7) Comparaison entre les bienfaits sensoriels

Nous venons de voir que la nature exerce ses différents effets vivifiants à travers les cinq sens (ou du moins les quatre étudiés). Peut-on les classer en fonction de leur efficacité ? De prime abord, intuitivement, nous aurions tendance à privilégier la vue. Pourtant, plusieurs études (se limitant aux deux sens les plus informatifs, la vision et l’audition) ont montré qu’il vaut mieux entendre la nature que la voir. Des chercheurs de l’université de Lund l’ont ainsi montré à propos de la forêt, soit seulement entendue, soit seulement vue. La raison, telle qu’elle est rapportée par les récits, tient à ce que les participants craignaient de voir surgir quelque chose de menaçant de cette forêt silencieuse [1].

Les expériences montrent aussi (et surtout) que le retentissement de la nature est d’autant plus significatif que les canaux sensoriels se multiplient. Par exemple, si l’on combine la vue, l’ouïe et l’odorat. C’est ce qu’a indiqué une étude des chercheurs de l’Université des sciences de l’agriculture de Suède [2].

Une méta-analyse comparative concernant l’influence des sensations sur le bien-être psychique révèle que, entre 2008 et 1018, furent publiés 1 500 recherches sur la vue et, par exemple, seulement 40 sur le toucher, qui arrive en quatrième position [3]. Le tableau de la page suivante résume les résultats pour les deux études concernant les modalités sensorielles de la mémoire.

Pour expliquer ce visuocentrisme, l’on fait souvent appel à la plus grande richesse d’informations apportées par la vue. De fait, les zones cérébrales impliquées sont plus importantes.

Toutefois, cette explication comporte un présupposé : la priorité accordée à la connaissance sur les autres activités comme l’amour. Or, l’interaction relationnelle, émotionnelle, a fortiori amative, met en jeu tous les sens ; l’audition, l’olfaction et la palpation sont au moins aussi essentielles que la vision.

 

8) Les bienfaits des promenades en forêt

Considérons maintenant les activités synthétiques qui font interagir l’être humain avec les espaces verts. Une impressionnante étude a passé au crible quelque 14 321 articles universitaires. Et les résultats sont convergents : les interventions en plein air dans la nature améliorent la santé mentale, quelle que soit la gravité des atteintes [4] ; et elles doivent être préférées aux activités en intérieur seulement [5]. L’on peut distinguer activités plus théorétiques, comme la balade (en forêt ou en ville), ou plus pratiques, comme le jardinage.

 

Les effets thérapeutiques de la forêt sont connus depuis bien longtemps, peut-être des millénaires, du Japon qui, depuis longtemps, prescrit ce qu’il appelle Shinrin-yoku, ce que l’on peut traduire littéralement sylvothérapie ou, mieux encore, « absorber par tous nos sens l’atmosphère de la forêt ». Aujourd’hui, les livres se multiplient, japonais [6] et occidentaux [7], avec leur déclinaison : thérapeutique [8], pratique [9], familiale [10].

D’éminents chercheurs japonais se sont penchés sur le sujet et ont démontré avec un nombre impressionnant de participants que, après seulement un quart d’heure de marche en forêt, comparée à la même durée en ville, le taux de cortisol, hormone du système sympathique, avait diminué en moyenne de 16 % et l’activité nerveuse parasympathique avait augmenté ; or, le système sympathique est au système parasympathique, ce que l’accélérateur (donc au stress) est au frein. Ainsi, la promenade forestière déstresse – ce que confirme l’amélioration de l’humeur générale qui fut également évaluée [11].

Pascal Ide

[1] Cf. Matilda Annerstedt, Peter Jönsson, Mattias Wallergård, Gerd Johansson, Björn Karlson, Patrik Grahn, Ase Marie Hansen & Peter Währborg, « Inducing physiological stress recovery with sounds of nature in a virtual reality forest–results from a pilot study », Physiology & Behavior, 118 (2013), p. 240-250.

[2] Cf. Marcus Hedblom, Bengt Gunnarsson, Behzad Iravani, Igor Knez, Martin Schaefer, Pontus Thorsson & Johan N. Lundström, « Reduction of physiological stress by urban green space in a multisensory virtual experiment », Scientific Reports, 9 (2019), p. 1-11.

[3] Cf. Fabian Hutmacher, « Why is there so much more research on vision than on any other sensory modality? », Frontiers in Psychology, 10 (2019), p. 2446. Le tableau suivant est tiré de l’article qui se trouve en ligne, par exemple : https://pmc.ncbi.nlm.nih.gov/articles/PMC6787282/

[4] Cf. Peter A. Coventry, Jennifer V. E. Brown, Jodi Pervin, Sally Brabyn, Rachel Pateman, Josefien Breedvelt, Simon Gilbody, Rachel Stancliffe, Rosemary McEachan & Piran C. L. White, « Nature-based outdoor activities for mental and physical health: Systematic review and meta-analysis », SSM-population Health, 16 (2021), n. 100934.

[5] Cf. Jo Thompson-Coon, Kate Boddy, Ken Stein & Rebecca Whear, « Does participating in physical activity in outdoor natural environments have a greater effect on physical and mental wellbeing than physical activity indoors? A systematic review », Environmental Science & Technology, 45 (2011) n° 5, p. 1761-1772.

[6] Cf. avant tout, Yoshifumi Miyazaki, Shinrin Yoku. Les bains de forêt, le secret de santé naturelle des Japonais, trad. Caroline Roptin, Paris, Guy Trédaniel, 2018 ; Qing Li, Shinrin Yoku. L’art et la science des bains de forêt, trad. Christophe Billon, Paris, First, 2018.

[7] Pour une introduction, cf. Alix Cosquer, La sylvothérapie, coll. « Que sais-je ? : psy » n° 4197, Paris, Que sais-je ?, 2021 ; Laurence Monce, Découvrir la sylvothérapie, coll. « Découvrir », Malakoff, InterÉditions, 2018.

[8] Cf. Annette Lavrijsen, Shinrin yoku. La forêt qui guérit le corps et l’esprit, Paris, Larousse, 2018.

[9] Cf. Annie Casamayou, Mon cahier bain de forêt, ill. Isabelle Maroger et Mademoiselle Ève, Paris, Solar Éd., 2018.

[10] Cf. Isabelle Boucq, Le shinrin-yoku en famille, ill. Carole Xénard, coll. « Le labo du bonheur », Paris, Hatier, 2018.

[11] Cf. Margaret M. Hansen, Reo Jones & Kirsten Tocchini, « Shinrin-Yoku (Forest Bathing) and Nature Therapy: A State-of-the-Art Review », International Journal of Environmental Research and Public Health, 14 (2017) n° 8, n. 851.

7.1.2025
 

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