La foi selon Henri de Lubac 1/2

« Ceci est recevoir [le Christ], croire en lui, car ‘par la foi le Christ vit dans nos cœurs’ [Ép 3,17] [1] ».

 

Le Père Henri de Lubac est connu pour être le théologien qui a redécouvert la doctrine traditionnelle sur le surnaturel. Or, la foi est à la raison ce que la grâce est à la nature. Le cardinal théologien ne pouvait donc manquer de s’intéresser à la foi et de contribuer au déplacement dans sa compréhension. N’est-il pas signifiant que sa toute première publication traite en partie de ce sujet [2] ? Nous présenterons brièvement les apports décisifs du père de Lubac concernant l’acte de foi (1) avant de les relire à la lumière de l’amour-don qu’ils appellent (2).

1) Bref exposé de la doctrine lubacienne sur l’acte de foi

a) Problème de méthode

Une difficulté attend celui qui veut travailler sur la foi chez Henri de Lubac : l’illustre théologien n’a pas rédigé un texte systématique, article ou livre, exclusivement consacré à l’acte de foi. Par exemple, même s’il a intitulé un de ses livres La foi chrétienne, l’objet de celui-ci est plus, comme l’indique le sous-titre, la structure du Symbole des Apôtres [3]. De même, son article de 1969 sur la foi concerne aussi la croyance et la religion [4]. Plus encore, « on ne trouve pas chez » Lubac « les expressions fides qua et fides quæ [5] », alors qu’elles ont un statut technique ; en revanche, l’on trouve leur équivalent [6]. Pour mémoire, rappelons qu’il s’agit de l’abrégé de deux formules : fides qua creditur et fides quæ creditur, la première désignant l’acte de foi et la seconde, son objet.

Heureusement, une thèse de théologie – celle que cite la précédente note – a minutieusement collecté les sources de la pensée lubacienne sur la foi et les a organisées à la fois historiquement et doctrinalement. Plus encore, elle a résolu la question non dans les mots, mais dans les concepts, c’est-à-dire qu’elle a notamment cherché la doctrine sur la foi dans les débats connexes où elle s’expose indirectement touchant la philosophie chrétienne [7], le surnaturel [8], la mystique [9].

b) Les deux erreurs opposées

Par ailleurs, si Henri de Lubac n’a pas proposé un exposé ex professo sur l’acte de foi ou l avertu de foi, en revanche, il a rédigé un commentaire détaillé du prologue et du chapitre 1 de la constitution Dei Verbum, soit les six premiers numéros – commentaire autorisé puisqu’il était membre de la commission conciliaire qui a travaillé à sa rédaction. Or, le n. 5 est expressément consacré à la foi [10].

La doctrine sur la foi peut être présentée comme prise en tension entre deux options contraires. En fait, multiples sont ces tensions et, sans surprise, les opinions opposées se sont manifestées lors des débats qu’ont suscités les rédactions préparatoires successives de ce numéro 5 et les réactions qu’elles suscitent.

1’) Opposition entre approche anonyme et approche personnalisée

Une première opposition concerne le schéma établi en 1963 par la commission mixte [11]. Elle affirmait : « Revelationi divinae praestanda est oboedentia fidei : À la Révélation divine, il faut apporter l’obéissance de la foi ». Or, de nombreuses observations des Pères conciliaires demandèrent de substituer « Dieu qui révèle [Deo revelanti] » à « Révélation divine », autrement dit à passer de l’anonyme Révélation à sa personnalisation. Si cet ajout peut sembler minime (il s’agit d’expliciter l’adjectif « divine » par le substantif « Dieu »), le changement, nous le verrons, est de grande portée.

On le sait, la commission fit droit à la requête, puisque le texte définitif dit : « À Dieu qui révèle [Deo revelanti], il faut apporter ‘l’obéissance de la foi’ ».

2’) Opposition entre Dieu et l’autorité de l’Église

Le texte parle de Dieu. Or, une réaction demanda que soit mentionnée le Magistère de l’Église comme autorité proposant l’objet à croire. Telle était par exemple l’opinion de Garrigou-Lagrange [12]. Or, comme pour la première opposition, la commission a tranché unilatéralement en faveur de la première option, celle qui ne mentionne que Dieu. La raison en est clairement exposée par deux frères de Taizé que cite Lubac :

 

« La crainte, justifiée ou non, du subjectivisme et du libre examen avait habitué l’Église catholique à parler de l’accueil de la révélation en termes de soumission à l’autorité plus qu’en termes de foi personnelle. Le concile, dégagé de l’esprit apologétique ou polémique par rapport au protestantisme, expose très simplement et en premier lieu comment la foi personnelle accueille la révélation de Dieu, pour expliquer plus loin, en second lieu, comment l’Église transmet la révélation [13] ».

 

Le climat dialogal, selon le mot d’ordre de l’encyclique programmatique Ecclesiam suam, ayant succédé au climat défensif qui dominait pendant les dernières décennies, il était possible de prendre du recul et de proposer une vision moins réactive et plus ample de la source de la foi. Nous le redirons, cette nouvelle proposition passe du don au Donateur, des médiations à la Source divine.

3’) Prétendue opposition entre premier Concile du Vatican et second Concile du Vatican

Derrière cette dernière opposition, certains théologiens ont voulu ou veulent voir une opposition entre deux théologies conciliaires, en l’occurrence, celle de Vatican I, qui serait arc-boutée sur l’approche ecclésiale et magistérielle, et celle de Vatican II, qui se centrerait sur l’approche théo-logique.

Henri de Lubac se refuse à cette dialectique qui « force[…] le contraste entre les deux Conciles du Vatican [14] » et, au fond, nie la continuité magistérielle pour opter en faveur de « l’herméneutique de la rupture » dont parle Benoît XVI. En effet, d’une part, Dei Filius parle d’abord de la foi comme « hommage de l’intelligence et de la volonté à Dieu qui se révèle », et cela, bien avant de traiter du magistère ; d’autre part, en sens inverse, Dei Verbum affirme bien que la foi est « obéissance ».

4’) Opposition entre l’approche intellectuelle et l’approche personnaliste de la foi

Lors de la congrégation générale, à partir du 30 septembre 1964, un nouveau desiderata se fit jour : que soit inséeré la doctrine thomasienne de l’objet formel de la foi qui est Dieu comme Vérité première. En l’occurrence, Mgr Pierre Rougé, évêque de Nîmes, proposa qu’on ajoutât à la première phrase concernant l’obéissance de la foi à Dieu une nouvelle phrase : « Per fidem homo vocatur ad assentiendum Veritati Primae Dei revelantis : Par la foi, l’homme est appelé à consentir à la Vérité Première du Dieu qui se révèle ». Or, de même que l’intelligence a pour fin la vérité, de même, pour saint Thomas, la foi a pour objet (formel) Dieu-Vérité, c’est-à-dire Dieu en tant qu’il est vérité. Donc, cette proposition valorise l’approche plus intellectuelle de la foi.

Mais la commission ne retint pas cette suggestion. En fait, une autre tension mit clairement en présence deux options. La première, venue de nombreux Pères, souhaitait que l’on souligne plus le caractère biblique et personnaliste de la foi vivante. La seconde, venue notamment du père Pierre Smulders, l’un des rédacteurs, refuse de supprimer, ce qui était aussi une proposition des Pères, l’assentiment à la vérité révélée. De fait, il s’agit d’une citation de Vatican I qui parle de « l’hommage plénier [plenum obsequium] de l’intelligence ». En revanche, l’expression concernant la « Vérité première » ne fut pas retenue par la commission car elle fut « jugée trop scolastique [15] ». Ainsi, avec équilibre, Smulders prit en compte ces deux pôles dont nous allons bientôt voir l’importance. Et il justifia ainsi son choix :

 

« La foi, adhésion [deditio] personnelle à Dieu, comprend essentiellement l’asentiment donné à la doctrine, et d’autre part, cet assentiment est lui-même une adhésion personnelle [16] ».

 

Cette opposition ressurgira le 20 septembre 1965 lors du vote (définitif) du premier chapitre. Une nouvelle fois, l’on vit s’affronter deux désirs opposés, ici sous la forme d’une suppression. La première opinion s’attaquait à la formule : « qua homo se totum libere Deo committit : par lequel l’homme s’engage librement et entièrement envers Dieu ». Or, elle était jugée trop large et trop indifférente la dimension intellectuelle de la foi. La seconde opinion, opposée, voulait que soit rayée l’expression : « Voluntarie veritati a eo revelatae assentiens : consentant volontairement à la vérité révélée par Lui ». Or, la vérité à laquelle fait allusion la formule était considérée comme abstraite et scolastique. Nous retrouvons donc le contraste entre les deux approches, vivante ou intellectuelle, concrète ou abstraite, personnaliste ou scolastique, de la foi.

Ainsi, si l’on peut dire avec André Manaranche que cite Lubac, que le Concile Vatican II a « dépassé une problématique vieille de quatre siècles » relative à une insistance trop exclusive « à l’aspect cognitif de la foi [17] », il faut également affirmer dans l’autre sens que les Pères conciliaires n’ont pas sacrifié à une approche seulement existentielle. Autrement dit, la commission a résisté aux pressions venues des deux groupes et maintenu la présence (sans préséance) des deux pôles, cognitif et personnaliste.

5’) Opposition entre fides quæ et fides qua

En fait, si différentes paraissent-elles, toutes ces oppositions convergent vers un antagonisme de fond : celui de la fides quæ (la foi-contenu) et de la fides qua (la foi-confiance) – dont, rappelons-le, le texte lubacien ne porte pas la trace. En effet, si c’est évident pour la dernière opposition, c’est vrai aussi pour les trois premières : la tension anthropologique intelligence-volonté ou celle épistémologique abstrait-concret se superposent aux dipôles objectif-subjectif ou impersonnel-personnaliste.

Nous pouvons donc synthétiser en un tableau ces différents conflits (apparents) :

 

 

Première conception de la foi : la foi-contenu

Seconde conception de la foi : la foi-confiance

Aspects de la foi

Centrée sur la fides quæ, l’objet de la foi

Centrée sur la fides qua, l’acte de foi

Fondement théologique

Conception plus dépersonnalisée

Conception plus personnaliste

Fondement anthropologique

Intelligence

Volonté

Fondement épistémologique

Abstrait, analytique, objectif

Concret, personnaliste, subjectif

Insistance (non exclusive) des deux derniers Conciles

Plus présente à Vatican I

Plus présente à Vatican II

Source de la foi

Plus grande insistance sur l’autorité du Magistèe

Plus grande insistance sur Dieu même

Tentation

Le rationalisme et le dualisme (l’extrinsécisme)

Le fidéisme et le monisme

c) L’union des deux pôles

Comme si souvent, l’erreur est une vérité partielle, mais qui, absolutisée, devient partiale. La vérité résidera donc la totalité : « Wahre ist das Ganze : le vrai est le tout », écrivait Hegel dans la préface de la Phénoménologie de l’Esprit. Après avoir souligné ces « rédactions successives » et les tensions qui les ont marquées, Lubac montre que le texte définitif du Concile, loin de choisir entre « le double aspect de la foi », les unit, ajoutant que, d’une part, il s’agit plus que d’un « compromis » et moins que d’une synthèse théologique.

1’) Une brassée de citations

Pour l’illustrer, notre théologien va multiplier les références allant en ce sens. De nombreux auteurs, en effet, ont relevé que le Concile composait deux tendances disjointes qu’ils ont d’ailleurs nommées différemment. Relevons quelques-unes de ces tensions unifiées :

 

« [le Concile s’est tenu] à l’écart de deux conceptions incomplètes de la foi : conception d’une foi-hommage pratiquement sans contenu, et conception d’une foi-assentiment à une doctrine, mais dépersonnalisée. La foi chrétienne est à la fois don et assentiment [18] ».

 

« [L’objet de la foi], c’est tout ensemble le mystère de Dieu et le mystère de ce dialogue que nous entretenons avec lui. Le mystère est à la fois connu et vécu [19] ».

 

« La foi renferme une antinomie inévitable. Elle a besoin d’énoncés intellectuels pour naître et se fixer sur un contenu réel. Mais en même temps elle a conscience de viser non la formule, mais la vérité du Dieu vivant [20] ».

 

« Croire, c’est dire amen aux paroles, aux promesses, aux commandements de Yahvé ; amen qui est engagement total, connaissance théorique et pratique de la volonté divine et de son absolue validité [21] ».

 

« Plus la foi est vive dans une âme, plus elle dépasse le domaine des formules dogmatiques pour s’attacher à Dieu même [22] ».

2’) Le témoignage de théologiens contemporains

Permettons-nous d’enrichir ces citations de quelques-unes tirées de grands théologiens contemporains attestant combien l’articulation des deux pôles de la foi, ici formalisés dans les catégories de la fides qua creditur et de la fides quæ creditur est centrale :

 

« Le couple de notions, souvent repris par la récente théologie, de fides quæ creditur et de fides qua creditur […] ne peut servir qu’à signifier la dialectique du contenu objectif et du contenu subjectif de la foi » et ainsi « définit le problème ‘foi-objet de la foi’ [23] ».

 

« Son aspect noétique (fides quæ creditur) situe la foi au plan d’une orthodoxie d’Église, plan de la réalité collective, objectivable et communicable, tandis que son aspect existentiel de principe de conversion et de salut (fides qua creditur) relève de la vie personnelle. Mais les deux ne sauraient être dissociés [24] ».

 

« Une semblable équation suppose que la foi ne signifie pas avant tout l’acte subjectif de foi (fides qua), mais comprend aussi tout le contenu (fides quæ) que cet acte a pour objet et à partir duquel il peut être expliqué et justifié [25] ».

 

En refusant « une opposition entre le contenu de la foi (fides quæ creditur) et l’acte de croire (fides qua creditur) », il faut affirmer que « le contenu de la foi ne peut être reconnu autrement que dans l’acte de foi ; mais l’acte de foi devient absurde, s’il ne porte pas sur un contenu de foi [26] ».

2’) Le témoignage des Saintes Écritures

L’approche scripturaire de la foi confirme bien cet entrelacement de la foi cognitive (ou fides quæ ou foi-contenu) et de la foi « fiduciaire » (ou fides qua ou foi-confiance). En effet, dans l’Ancien Testament prévaut l’adhésion confiante dans le Dieu fidèle qui tient ses promesses [27], alors que, dans le Nouveau Testament, domine ce fait nouveau, que Lubac a toujours souligné avec insistance : « le Fait du Christ [28] ». Pour autant, l’autre aspect de la foi est bien présent dans l’un et l’autre Testament : Dieu révèle bien son nom à Moïse en Ex 3,14. Et He 11 souligne combien la foi est confiance. On pourrait même affirmer que, plus on avance dans le Nouveau Testament, plus transparaît l’élément noétique : « Alors que, dans sa forme première, la foi du Nouveau Testament présente les mêmes éléments [fiduciaux] que la foi prophétique : royaume de Dieu, conversion, confiance, elle intègre après Pâques l’œuvre de Dieu dans le Christ : Jésus est reconnu comme le Christ Seigneur [29] ». En particulier, chez saint Paul, la « connaissance de Dieu » embrasse d’une part, « un engagement de toute la personne envers le Christ unique et une acceptation entière de sa volonté », et d’autre part, une dimension proprement noétique, comme l’attestent des expressions comme « connaissance du Christ » ou « connaissance de la vérité » (cf. 1 Co 13,9-12 ; Ph 3,7-11 ; 2 Co 4,6 ; etc.) [30]. Ainsi,

 

« dans la sainte Écriture, la fides fiducialis est toujours accompagnée d’une profession de foi. Autrement dit, l’acte personnel, existentiel, de foi, comme choix fondamental, ne peut jamais être séparé de la ‘foi dogmatique’ où la prise de position personnelle est entièrement dominée par la réalité salvifique qui se présente. Mais l’inverse est égalemente vrai : la profession de foi dogmatique ne peut être isolée de l’acte de foi existentiel [31] ».

3’) Le témoignage du Credo ou le solécisme chrétien

Surtout, Lubac trouve confirmation de cette unité entre la foi plus subjective et la foi plus objective dans le Credo. Ailleurs, il a développé ce qu’il appelle le « solécisme chrétien » [32]. En effet, un solécisme est une incorrection de langage, c’est-à-dire une erreur de syntaxe (et non de vocabulaire comme le barbarisme). Or, l’expression centrale du Credo, répétée trois fois, « credere in » est une invention du christianisme qui se sentit obligée de trouver une forme neuve pour dire la nouveauté de son contenu [33]. En l’occurrence, en quoi consiste cet inédit ? Classiquement, la fides, le credere désigne le mouvement de confiance (donc ce que nous appelons la fides qua). Mais, pour le chrétien, cette foi n’est pas une initiative ; elle est la réponse à Dieu qui se révèle. Or, en se révélant, il dit qui il est, il apporte un contenu. Dès lors, l’acte de foi ne peut jamais être séparé d’une profession de foi. Autrement dit, croire, ce n’est pas seulement croire à quelqu’un, c’est croire en lui, entrer dans le contenu même de vérité qu’il me propose. D’un mot : credere in.

4’) Le témoignage de la Tradition

Citons enfin deux auteurs de la Tradition qui sont aussi des Docteurs de l’Église. Du premier, saint Thomas, on cite usque ad nauseam, le passage si fameux du traité de la foi : « L’acte du croyant se termine non pas à l’énoncé, mais à la chose : Actus credentis non terminatur ad enuntiabile sed ad rem [34] », sans se rendre compte que c’est là une loi générale de l’assimilation cognitive, et non pas une loi propre à la foi [35], et, pour notre sujet, que cette res est encore indéterminée et non point personnelle. En revanche, le Docteur commun affirme explicitement (et non sans susciter l’étonnement) le lien entre la foi et la personne du Christ, via la volonté, au-delà de la relation à sa parole, qui engage d’abord sa raison. Et cela, au nom d’une loi anthropologique plus générique que nous lui laissons énoncer :

 

« parce que celui qui croit adhère à la parole d’autrui, ce qui semble principal, et qui paraît jouer le rôle de fin en toute croyance, c’est celui à la parole de qui l’on adhère. Sont quasi secondaires les vérités que l’on tient du fait de cette adhésion. Ainsi donc, celui qui possède la vraie foi chrétienne adhère au Christ par sa volonté pour ce qui ressortit vraiment à son enseignement [36] ».

 

Disciple de saint Thomas en théologie, le Docteur mystique articule les deux dimensions, cognitive et substantielle, c’est-à-dire personnelle, de la foi, en commentant l’image inventée par le vers du Cantique spirituel : « Soudain dans tes traits argentés » :

 

« Elle appelle ‘traits argentés’ les articles que la foi nous propose. Pour l’intelligence de ceci et des vers suivants, il faut remarquer que l’on compare à l’argent les articles enseignés par la foi et à l’or les vérités substantielles qu’ils contiennent. Et en effet, cette même substance de vérités que nous croyons sous le voile argenté de la foi, nous la verrons et en jouirons à découvert dans l’autre vie, comme d’un or pur, dégagé du voile de la foi [37] ».

 

Nous retrouvons ainsi l’intuition de Germain Kwak qui présente systématiquement la doctrine de Lubac à partir du diptyque fides quæ-fides qua.

Pascal Ide

[1] Commentaire de saint Thomas d’Aquin sur la parole : « à tous ceux qui l’ont reçu » (Jn 1,12) : « Hoc est recipere eum, in eum credere, quia per fidem Christus habitat in cordibus nostris » (Commentaire sur l’évangile de saint Jean. I. Le Prologue. La Vie apostolique du Christ, trad. sous la dir. de Marie-Dominique Philippe, Paris, Le Cerf, 1990, chap. 1, n. 157, p. 113).

[2] Cf. Henri de Lubac, « Apologétique et théologie », Nouvelle revue théologique, 57 (1930) n° 5, p. 361-378.

[3] Cf. Id., La foi chrétienne. Essai sur la structure du Symbole des Apôtres, Paris, Aubier-Montaigne, 1969, 21970.

[4] Cf. Id., « Foi, croyance, religion », Nouvelle revue théologique, 91 (1969) n° , p. 336-346.

[5] Germain Jin-Sang Kwak, La foi comme vie communiquée. Fides qua et fides quae chez Henri de Lubac, coll. « Théologie à l’Université », Paris, DDB, 2011, p. 18.

[6] Par exemple : « Le concept formel de foi [fides qua], dans le christianisme, est inséparable de son contenu essentiel [fides quæ] ; foi [fides qua] et contenu ou objet de la foi [fides quæ] sont intrinsèquement solidaires » (Henri de Lubac, La foi chrétienne, p. 437).

[7] Germain Jin-Sang Kwak, La foi comme vie communiquée, chap. 2.

[8] Ibid., chap. 3.

[9] Ibid., chap. 6.

[10] Henri de Lubac, « La réponse de la foi », La Révélation divine, coll. « Traditions chrétiennes », Paris, Le Cerf, 31983, chap. 5, p. 106-127.

[11] Ibid., p. 106-107.

[12] « La Révélation divine est formellement [formaliter] la parole [elocutio] de Dieu par manière [per modum] de magistère » (Réginald Garrigou-Lagrange, Theologia fundamentalis secundum S. Thomae doctrinam. Prior pars apologeticae. De Revelatione per Ecclesiam catholicam proposita, Paris, Lethielleux, 31926, vol. 1, p. 152.

[13] Roger Schutz et Max Thurian, La parole vivante au Concile, Taizé, Les presses de Taizé, 1966, p. 77-78.

[14] Henri de Lubac, La Révélation divine, p. 109.

[15] Ibid., p. 110.

[16] Ibid.

[17] André Manaranche, « Constitution dogmatique sur la Révélation divine, introduction », Cahiers d’action religieuse et sociale, 435 (août 1966), p. 5.

[18] René Latourelle, art cité, p. 22.

[19] Pierre Grelot, Sens chrétien de l’Ancien Testament, Paris, Desclée, 1962, p. 145. Souligné dans le texte.

[20] Mgr Gérard Philips, « Deux tendances dans la théologie contemporaine. En marge du iie concile du Vatican », Nouvelle revue théologique, 85 (1963) n° 2, p. 225-238, p. 227. Cf. « Deux approches du mystère de la foi », p. 227-229.

[21] Léopold Malevez, « Le Christ et la foi », Nouvelle revue théologique, 88 (1966) n° 10, p. 1009-1043, ici p. 1012. Renvoie à Iohannes [Juan] Alfaro, « Fides in terminologia biblica », Gregorianum, 42 (1961) n° 3, p. 463-505, ici p. 475 ; et Hans Urs von Balthasar, « Fides Christi », Sponsa Verbi, Einsiedein, Johannes Verlag, 1961, p. 43-79, ici p. 50.

[22] André Feuillet, « Abraham, notre père dans la foi », La Vie spirituelle, 37 (juillet-septembre 1950) n° 3, p. , ici p. 23.

[23] Karl Barth, Dogmatique. Premier volume. La doctrine de la Parole de Dieu. Prolégomènes à la Dogmatique, Tome Premier*, trad. Fernand Ryser, Genève, Labor et Fides, 1953, p. 228. Souligné dans le texte. Barth fait l’historique de ces notions et souligne qu’elles problématisent la question sans la « résoudre ».

[24] Yves Congar, La foi et la théologie, coll. « Le Mystère chrétien », Paris-Tournai, DDB, 1962, p. 73.

[25] Hans Urs von Balthasar, La Gloire et la Croix. Les aspects esthétiques de la Révélation. I. Apparition, trad. Robert Givord, coll. « Théologie » n° 61, Paris, Aubier, 1965, p. 109.

[26] Walter Kasper, Jésus le Christ, trad. Jean Désigaux et Arthur Liefooghe, coll. « Cogitatio Fidei » n° 88, 1976, 51996, p. 28.

[27] Dans ce sens, cf. Michalon, « La foi, rencontre de Dieu et engagement envers Dieu selon l’Ancien Testament », Nouvelle revue théologique, 75 (1953) n° , p. 587-600.

[28] Henri de Lubac, La Révélation divine, p. 114.

[29] Max Seckler, art. « Foi », Encyclopédie de la foi. Tome 2. Espérance-Lumière, éd. Heinrich Fries, coll. « Cogitatio Fidei » n° 16, Paris, Le Cerf, 1965, p. 140-161, ici p. 143.

[30] Jacques Dupont, Gnosis. La connaissance religieuse dans les épîtres de saint Paul, Louvain, Nauwelaerts et Paris, Gabalda, 1949, p. 540-541.

[31] Edouard Schillebeeckx, Approches théologiques. 1. Révélation et théologie, trad. Paul Bourgy, Bruxelles, Éd. du Cep et Paris, Office général du livre, 1965, p. 184.

[32] Cf. Henri de Lubac, La foi chrétienne, chap. 8 : « Les solécismes chrétiens ».

[33] Il existe un « décalage entre ce que la théologie de la révélation biblique doit dire de la part de Dieu et les moyens mis à sa disposition pour dire quelque chose aux hommes » (Gabriel Widmer, « Théologie et philosophie », Revue de théologie et de philosophie, 18 [1968] n° 5-6, p. 372-380).

[34] S. Thomas d’Aquin, Somme de théologie, IIa-IIæ, q. 1, a. 2, ad 2um.

[35] Tel est par exemple le cas de Mgr Gérard Philips, dans le passage cité ci-dessus (« Deux tendances dans la théologie contemporaine.… », p. 27).

[36] Ibid., q. 11, a. 1, co.

[37] Saint Jean de la Croix, Le Cantique spirituel A, strophe 11, n. 3, in Œuvres complètes, trad. Mère Marie du Saint-Sacrement, Paris, Le Cerf, 1990, p. 397.

18.6.2024
 

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