La compassion suppose la présence plus que la parole, ainsi que le rappelle le père Matthieu Dauchez. Face à une petite fille de neuf ans, Mary-Joy, atteinte d’une dengue hémorragique, dont l’état ne cesse de s’aggraver, le prêtre auprès des enfants des rues et des habitants des bidonvilles de Manille multiplie les paroles d’encouragement : « Comment te sens-tu, Mary-Joy ? Tu vas voir, ça va aller. Repose-toi bien surtout, pour puiser l’énergie dont tu as besoin et tordre le cou de cette foutue dengue. Est-ce qu’il y a quoi que ce soit que je puisse faire pour t’aider ? » Mais, soudain,
« je sentis une petite pression de sa main dans la mienne et, me fixant du regard, elle esquissa sans un mot un très léger sourire, donnant à son visage l’expression d’une grande douceur. Je compris qu’il fallait simplement me taire. Être là, à ses côtés, et me taire. C’est une présence qu’elle désirait, pas de longues tirades. Mary-Joy ferma les yeux, tout en tenant ma main, puis elle s’endormit alors que je laissais couler quelques larmes en silence [1] ».
Deux leçons de vie : certaines paroles de consolation adressées à l’autre sont en fait adressées à soi-même ; celui qui souffre en sait plus que nous sur ce dont il a besoin.
Pascal Ide
[1] Matthieu Dauchez, « Pourquoi Dieu permet-il cela ? » Les enfants des rues face à la question du mal, Perpignan-Paris, Artège, 2018, p. 81.