Petit exercice. À votre avis : combien de fois l’expression « colère de Dieu » se trouve-t-elle dans les deux parties de la Bible ? Si vous n’avez pas d’idées du nombre d’occurrences, ce qui serait bien compréhensible, quel est le pourcentage comparé ? Concrètement, selon vous, le syntagme « colère de Dieu » est-il présent trois fois, dix fois, vingt fois, cent fois plus dans l’Ancien Testament que dans le Nouveau Testament ?
Réponse (fondée sur la traduction liturgique qui est la plus entendue par le chrétien). On trouve sept occurrences de l’expression « colère de Dieu » (ce qui est bien sûr moins que les mentions isolées de « colère » attribuées par ailleurs à Dieu). Or, parmi elles, deux seulement sont vétérotestamentaires (Nb 22,22 ; Ps 78 [77],31) et cinq sont néotestamentaires (Jn 3,36 ; Rm 1,18 ; Ép 5,6 ; Col 3,6 ; Ap 19,15), soit presque trois fois plus !
Combien de chrétiens, encore aujourd’hui, opposent de manière gnostique, manichéenne, un Dieu de l’Ancien Testament qui serait un Dieu de colère, voire de vengeance, et le Dieu du Nouveau Testament révélé par Jésus-Christ, qui serait un Dieu de miséricorde excluant toute colère… N’allons surtout pas interpréter ce constat en inversant notre vision des relations entre l’Ancien et le Nouveau Testament ! Ce serait sombrer dans la même erreur : opposer colère et miséricorde, en croyant que la seconde exclut la première. Non ! Elle la suspend, par pur amour gratuit, pendant notre vie sur Terre et jusqu’au retour du Christ. La colère est l’expression affective de la justice qui elle-même est la réaction de refus du péché ; et la miséricorde ajourne cette juste colère pour donner au pécheur le temps de « revenir en lui-même » (Lc 15,17) afin de revenir à la maison du Père.
Et cette merveilleuse primauté, actuellement offert, de la miséricorde sur la justice, est annoncée dans l’Ancienne Alliance, et très tôt, dès la deuxième mention de l’attribution de la miséricorde à Dieu [1]. « Dieu de tendresse et de grâce, lent à la colère et plein de miséricorde et de fidélité » (Ex 34,6). Aussi, saint Jean-Paul II commente-t-il :
« Même quand, excédé par l’infidélité de son peuple, le Seigneur envisage d’en finir avec lui, c’est encore sa tendresse et son amour généreux pour les siens qui l’emportent sur sa colère (cf. Os 11,7 s ; Jr 31,20 ; Is 5-1,7 s). On comprend alors pourquoi, quand les psalmistes cherchèrent à chanter les plus hautes louanges du Seigneur, ils entonnèrent des hymnes au Dieu d’amour, de tendresse, de miséricorde et de fidélité (cf. Ps. 103 [102] et 145 [144]) [2] ».
Pascal Ide
[1] Pour le détail, cf. Pascal Ide, « Dieu miséricordieux et juste », Nova et vetera, 94 (2019) n° 2, p. 147-164
[2] Jean Paul II, Lettre encyclique Dives in misericordia sur la miséricorde divine, 30 novembre 1980, n. 4, § 8.