I) Le symbole de la nature chez Pavel A. Florensky
Peu connu de l’Occident, Pavel (Paul) A. Florensky (1882-1937) est pourtant l’un des plus grands « philosophes religieux » russes, à l’instar des Soloviov et Berdaiev – ce qu’atteste sa présence dans l’encyclique Fides et ratio.
Florensky était un ingénieur de formation. Une fois devenu prêtre orthodoxe, il a continué à donner ses cours jusqu’après 1920 en soutane.
1) Origines de la notion de symbole
La conception que Florensky propose du symbole se fonde avant tout sur une expérience aussi riche que constante : elle concerne autant tous les aspects de l’existence, qu’elle en traverse toute la durée. Cette expérience est à la fois personnelle et universelle, profane et sacrée. Elle est d’abord une expérience de l’unité de la diversité. Mais quelle est la source de cette unité ? Cette source est intérieure, dit le second type d’expérience.
a) Expériences de l’unité de la diversité
Florensky s’est toujours senti uni à la création entière [1] et a toujours perçu que l’unité de toutes choses, de toutes les différences et multiplicités extérieures n’était pas intramondaine mais intérieure [2].
Quatre expériences, notamment, lui ont révélé cette unité (intérieure) dans la diversité (sensible) :
- La famille de Florensky habitait, à Tiflis, dans deux appartements séparés et reliés tout à la fois par une cour. Or, à l’âge de 2-3 ans, le jeune Pavel était habité par une triple perception, très vive : d’une part, il s’agissait bien de deux appartements spatialement séparés ; d’autre part, ils étaient mystérieusement unis, ne faisaient qu’un : ne parlait-on pas de « notre appartement » ? la famille n’était-elle pas une, au-delà des différences physiques : « le ‘chez soi’, la famille est l’unité vivante » ; enfin, la différence est à l’unité, ce que l’apparence extérieure est au fond caché : « la division spatiale peut seulement apparaître, et […] malgré l’apparence extérieure, l’unité intérieure est possible – non pas l’union, mais l’unité [3] ». Précisément, Florensky n’a pu formuler les choses de manière distincte et conceptuelle que bien plus tard, mais l’intuition était déjà là très tôt, ainsi qu’on le reverra.
- Florensky est double dans sa provenance : ses parents sont de deux nationalités, russe et arménienne et appartiennent à deux Églises, orthodoxe et arménienne apostolique. Or, il a toujours ressenti la forte unité de sa famille élargie (rod) [4].
- Florensky a vécu son enfance dans un paysage à la fois double et un :
« Je suis né à Evlakh où la steppe, regorgeant de richesses naturelles et d’une lourde abondance de splendeur, est prise en tenaille entre deux groupes de montagnes enneigées […]. Dans cette double nature qui m’a formé, j’ai tendance à voir l’expression de ma propre ‘dualité’ : l’alliance du nord et du sud, du plus neuf et du plus ancien que j’ai dans le sang ; ils s’opposent en moi en une tension profonde, sans se mélanger, mais au contraire en s’incitant l’un l’autre à s’affirmer davantage [5] ».
- Ce qui est vrai de l’espace l’est aussi du temps : celui-ci est à la fois diversité du passé, du présent et du futur et unité du temps. Voici une autre expérience de son enfance que rapporte Florensky dans une lettre à sa mère, en 1935 : « Tout passe, mais tout reste. C’est ma perception la plus chère : que rien ne s’en va complètement, rien n’est perdu, mais tout se conserve quelque part et de quelque manière. La valeur demeure même si nous cessons de la percevoir. Et les exploits eux aussi, quand bien même ils seraient oubliés de tous, demeurent de quelque manière et produisent leurs fruits. Voilà pourquoi, bien qu’on regrette le passé, le sentiment vivant de son éternité demeure [6] ». Et ici, plus clairement que pour l’espace, il apparaît que l’unité est due non à une réalité extérieure, sensible comme le présent, mais à la réalité transcendante qui s’y manifeste, à savoir l’éternel. En effet, celui-ci soutient tout le déploiement du temps, et pas seulement le présent. Par exemple le passé : « Le passé n’est pas passé : il se conserve et il demeure éternellement, mais nous l’oublions, nous nous éloignons de lui, puis au gré des circonstances, il s’ouvre à nouveau comme un éternel présent [7] ».
De manière plus générale, dans sa petite enfance, Florensky aimait beaucoup les contes et les fables ; inversement, il ressentit douloureusement le fait que ses parents l’empêchaient de les lire au nom d’une éducation au langage « clair et distinct [8] ». Or, le mythe dit le mystère à travers un récit populaire, simple, des images du monde empirique, dans un langage poétique et pittoresque [9].
b) Expériences de l’unité invisible de la diversité
1’) Dans la nature
Florensky est passionné par la nature, les expériences naturelles : il apprécie au plus haut point l’eau sous ses différentes formes (ruisseau, mer), les pierres, mais aussi les sensations : couleurs, odeurs, sons, etc. Précisément, Florensky chérissait la nature : « J’aimais l’air, le vent, les nuages, je sentais spirituellement proches les rochers, les minéraux, spécialement cristallisés, j’aimais les oiseaux, mais surtout les plantes et la mer [10] ». Il nourrissait une affection particulière pour la mer : lors de son séjour à Batoumi, il passait des heures, presque quotidiennement face à la mer. Le spectacle, notamment le rythme des vagues, ne le laissait pas. Il dit que ce sont ces rythmes qui « cherchaient » en lui « une expression consciente à travers le schéma des formules mathématiques [11] ». Le jeune Pavel était aussi un ami des fleurs qu’il observait avec attention et qu’il admirait avec jubilation [12]. Florensky garda toute sa vie cet amour de la nature, cette proximité avec la réalité sensible, depuis ses récits de promenade en montagne pendant l’adolescence [13] jusqu’à ses descriptions de la nature dans ses lettres de captivité en fin de son existence. Encore un an avant sa mort, il écrit qu’il aimerait s’occuper « de la cosmo-physique, des principes généraux de la structure de la matière, telle qu’elle est donnée dans l’expérience réelle, non pas de la manière dont elle est constituée abstraitement d’après des prémisses formelles. Plus proche de la réalité, plus proche de la vie du monde – c’est là ma tendance [14] ». L’atteste aussi son grand intérêt pour les sciences naturelles.
Or, ce savoir, loin de dissoudre l’énigme de la nature, en alimente au contraire le mystère. La nature est restée, pour lui, le symbole le plus familier et le plus cher pour évoquer l’ »autre monde », celui de Dieu. Florensky était sensible, dans la nature, à son côté inhabituel, voire incompréhensible, aux dérogations aux lois naturelles [15]. Il était par exemple attiré par des phénomènes comme les geysers, les grottes, les rochers à la forme humaine, les plantes vénéneuses ; il était aussi captivé par les anomalies de la nature, les monstruosités, les plantes vénéneuses. Dans le même ordre d’idées, au plan humain, les tours de magie ou les masques le fascinaient [16]. Or, cette attention pour tout ce qui sort de l’ordinaire est en fait préparation au mystère, ouvre à un « autre monde ».
Pour Florensky, la nature est une « fenêtre » sur un « autre monde [17] », ce qu’il perçoit de nouveau est « messager d’un autre monde [18] » ; elle est la face extérieure d’une réalité plus intérieure. Cette intériorité est régie par des forces. Et cela est vrai de tout phénomène naturel, même des phénomènes scientifiques, par exemple physiques ou chimiques. Un exemple le dira mieux que tout. Florensky rapporte dans ses Souvenirs la rencontre d’une fleur : « Je me rappelle bien cette sensation brusque et singulière, quand le regard rencontre le regard, quand l’œil se fixe sur l’œil – en scintillant vivement, puis s’interrompt ; en effet, on n’aurait pu supporter davantage cette contemplation du visage de la Nature. Même momentanée, cette sensation donnait une certitude absolue de l’authenticité de cette rencontre ; nous nous sommes vus l’un l’autre et nous nous comprenons entièrement l’un l’autre ; non seulement je le comprends, mais, d’une manière encore plus pénétrante, c’est lui [le visage de la Nature] qui me comprend. Et je sais qu’il me connaît encore plus en profondeur et me voit plus clairement que je ne le vois ; et ce qui est le plus important – il m’aime intégralement [19] ». Autre expérience. Un jour, en observant le coucher du soleil lors de la liturgie des vêpres, Florensky ressentit profondément l’unité profonde entre l’obscurité et la lumière, la mort et la naissance, le mystère du soir et du matin. En effet, le Christ est l’Etoile du Soir mais aussi l’Etoile du Matin [20] ; or, l’obscurité et la lumière, etc. s’opposent comme deux contraires.
Constamment, Florensky voit, en toutes choses, derrière la surface sensible, « le noyau dur de la création divine ». Il donne l’exemple du corps humain : celui-ci est un ensemble de divers organes et de multiples fonctions ; pourtant, il est un ; par conséquent, il ne se réduit pas à « la substance de l’organisme humain entendue comme la matière des physiciens, mais c’est sa forme ; et non pas celle de son contour extérieur, mais l’organisation de son ensemble [21] ». Et ce regard qui pénètre au-delà du sensible, voire au-delà de l’écorce souillée par le péché, discerne un « centre ontologique », une « profondeur mystique de la substance de l’homme [22] ».
Plus généralement, le peuple russe, surtout la paysannerie, a toujours été lié à la Terre. Or, il voit en celle-ci non seulement une réalité matérielle, mais une réalité vivante, spirituelle, voire personnelle : c’est ainsi que le paysan parle de « la Terre Mère » ; à l’occasion d’une maladie, il demande pardon à la terre ; etc. [23] De telles attitudes, loin d’être superstitieuses, reflètent bien plutôt un sens de la création comme miracle permanent de Dieu [24].
Nous verrons tout à l’heure l’importance de l’icône à titre d’illustration de sa théologie du symbole et du mystère.
2’) Dans le monde des hommes
Ce qui est vrai de la nature l’est aussi du monde humain sensible. Dans ses Souvenirs, Florensky raconte un souvenir très précis, comme si l’événement venait de se produire, même s’il ne sait plus à quel âge il s’est produit. Il avait deux ou trois ans et séjournait à Tiflis. Il traverse seul la cour dans le clair-obscur d’une soirée. Il entend un bruit étrange qui d’abord l’effraye. Puis, poussé par la curiosité, courageusement, il s’approche. Il voit alors une machine inconnue où quelque chose tourne, qui fait du bruit et produit des étincelles, et un homme qui tient quelque chose dans ses mains. Un adulte aurait dit, avec un air blasé : c’est un affûteur ou un aiguiseur de couteaux. Pour un petit enfant qui ignorait tout ce de ce métier, l’impression est bien différente : « J’étais fasciné comme en regardant un monstre. Devant moi s’ouvraient les terribles mystères de la nature. […] A moi se révélait la réalité vive des forces mystérieuses de la nature [25] ». Sur le coup, il maîtrisa sa grande terreur, mais plus tard, il pleura, intarissable, dans les bras de ses parents. Ceux-ci cherchèrent à le consoler en lui affirmant que c’était seulement un homme aiguisant un couteau. Mais cela ne suffit pas à le rassurer et surtout, il n’eut pas l’impression d’être compris en profondeur : « J’avais en ce moment déjà compris qu’ils ne pouvaient pas saisir le mystère qui se révélait à moi et provoquait l’horreur en moi [26] ».
3’) Dans le monde sensible
Plus généralement, le monde sensible, qu’il s’agisse de la nature ou du monde humain, est chargé de mystère.
En effet, Florensky aimait les sensations : il était « toujours enivré par les couleurs, les odeurs, les sons, et surtout par les formes et par leurs relations mutuelles », au point de s’oublier lui-même et d’entrer en extase et « ne plus pouvoir [la] quitter [27] ». Ce sens de l’observation s’accompagnait, côté du sujet, d’une capacité de perception particulièrement aiguë des stimuli sensoriels. C’est ainsi qu’il avait une excellente vue qui lui permettait de voir au loin ce que les autres ne pouvaient distinguer ; de même, il était capable de distinguer les plus fines nuances dans les couleurs [28]. À cette capacité réceptive, sensorielle et perceptive, se joignait une relation active à la vue par la pratique de la photo. Et cela, de même pour les autrse sens : notamment les odeurs qui, pour lui, étaient « l’expression de la plus profonde essence des choses » : « à travers l’odeur, on se fond avec la chose même [29] ».
Or, cette passion pour les sensations, vient aussi de leur profondeur. Par exemple, l’odorat présente, pour Florensky, une signification métaphysique et théologique [30]. Il rapporte un épisode d’apparence banale mais, pour lui, hautement significatif, qui se produisit lorsqu’il avait deux ou trois ans. Un jour, sa tante apporta du raisin, fruit dont il appréciait beaucoup et le goût et la couleur. Mais ses parents ne voulaient pas qu’il en mange trop et, pour cela, son père dessina un singe sur une grande feuille et dit à Pavel que ce singe ne permettrait pas qu’il prît le raisin. Alors, il n’osa toucher au raisin et, contre toute attente, se mit à supplier le singe de lui en donner. Il serait court d’interpréter cet épisode au seul plan moral comme une éducation réussie à l’obéissance. En fait, le raisin, avec sa couleur vert-dorée, transparente, presque fluorescente, était, pour Pavel, le symbole de l’abondance inépuisable de la nature, donc un bien d’une valeur inestimable ; dès lors, investi de la même absoluité, le singe devenait le gardien inflexible de l’abondance de la nature. [31] Ainsi, d’emblée, Florensky investissait les réalités de la nature comme des symboles d’une réalité plus profonde et mystérieuse.
) La cause : l’expérience primordiale de l’enfance
« La source qui nous paraît primordiale », écrit Z. Kijas à propos de la pensée de Florensky, est « son expérience spirituelle, voire mystique [32] ». Encore faut-il bien le comprendre : Florensky n’accède pas à l’invisible directement mais par la médiation du sensible.
En effet, chez lui, selon son propre aveu, l’expérience de la prime enfance est primordiale : « Toute la connaissance de la vie était préformée dans l’expérience de la première enfance, et quand la conscience illumina cette expérience, celle-ci était déjà bien formée, comme un bourgeon, plein de vie, qui attend seulement les conditions favorables pour s’épanouir [33] ». En effet, écrit-il, « dès ma première enfance, dans mon intellect se sont rangées les catégories de la connaissance et les concepts philosophiques fondamentaux [34] ». En négatif, il dévalue l’expérience qui naît des ouvrages : « Mes convictions religieuses et philosophiquees postérieures [à la petite enfance] ne sortent pas des livres philosophiques, que – sauf quelques rares exceptions – j’ai toujours peu lus et sans grand intérêt, mais à partir de mes observations d’enfant [35] ». Et, de fait, dans son enseignement, Florensky a toujours accordé une grande importance à l’expérience personnelle : la sienne, mais aussi celle de ses étudiants qu’il incitait à faire eux-mêmes des expériences concrètes [36].
Or, le monde de l’enfant est, par excellence, le monde symbolique, le monde de l’unité du visible et de l’invisible, de l’unité du divers dans une intériorité dépassant les sens. Très tôt, Pavel Florensky eut l’intuition que la chose sensible et le mystère qu’elle exprime sont tout un, dit autrement, l’intuition du symbole.
2) Nature du symbole
Le fondement ontologique du symbole est le mystère. Peut-on dire que le mystère est au symbole ce que l’ontologique est à l’épistémologique ?
a) Côté objet connu le mystère
Florensky décrit cette réalité duelle extérieure-intérieure de la nature, des êtres comme un « mystère ». Il parle aussi à l’occasion de « demi-miracle [37] ». Phénoménologiquement, existentialement, il éprouve ce mystère à la fois comme une surprise, et comme une familiarité [38]. Or, la surprise dit la profondeur, mais la familiarité dit la proximité. Cette expérience se vérifie pour les réalités de la nature. Pour Florensky, elles présentent, dans leur profondeur cachée, une « âme », une « vie intérieure » ; voilà pourquoi, parfois, il fait appel à des personnifications pour parler de la nature, parlant par exemple de la terre comme de notre seconde mère [39]. Mais elle vaut encore davantage pour le monde des personnes. En effet, l’homme est plus que le seul corps matériel : « Au-delà de cette enveloppe, il y a la profondeur mystique de notre substance [40] ». Dans la deuxième « lettre » de la Colonne de la vérité, Florensky explique que, face aux personnes aimées, il est habité par un double sentiment : celui de leur présence, mais aussi de leur absence.
Dit autrement, Florensky est habité par la conviction qu’il est entouré non pas d’un monde, mais de « deux mondes » : l’un sensible et l’autre spirituel [41]. Pourquoi ? Parce que la réalité est riche, pluridimensionnelle ; or, l’apparence sensible ne constitue qu’une dimension, un monde ; donc, la réalité déborde le sensible : « l’image pluridimensionnelle ne peut pas être contemplée dans son intégrité dans un monde ou, plus précisément, dans une expérience comportant un moins grand nombre des dimensions ; justement à cause de son degré supérieur de réalité, à cause d’une réalité plus grande, de la plénitude de son contenu, elle ne peut pas être enfermée dans les limites trop étroites d’une existence inférieure [42] ».
En quoi consistent ces deux mondes ? Le monde invisible, spirituel, est inexprimable, il est au-delà de tout concept et de toute expression. Il est cependant au moins aussi réel que le seul sensible : le « centre spirituel du monde » est « quelque chose d’authentiquement réel [43] ». Voire, il est plus réel. Et Florensky de donner un exemple : « Les visions des prophètes sont des contemplations concrètes et non point des constructions abstraites, des exigences de la science théologique. Ce qu’a vu le prophète Ezéchiel, nous ne pouvons pas nous l’imaginer – non pas, parce que cela serait difficilement compréhensible, mais parce que l’expérience du prophète est résolument étrangère par rapport à la nôtre [44] ».
Pour autant, cette vision duelle n’est pas dualiste. Voilà pourquoi Florensky s’oppose autant à un faux naturalisme matérialiste qu’à un symbolisme idéaliste désincarné, pour proposer un véritable réalisme [45]. Un signe en est que cette perception « mystérique » du réel caractérise l’enfant, à commencer par l’enfant qu’était Florensky. Or, la vision synthétique, non abstraite, caractérise l’intelligence de l’enfant, par opposition à la raison analytique de l’adulte.
b) Côté sujet connaissant
Telle étant la structure, « mystérique », de la réalité, comment le sujet l’appréhende-t-il ? La connaissance est proportionnée à l’objet à connaître. Or, Florensky introduit une conception nouvelle de la réalité extramentale. Donc, l’épistémologie aussi doit changer.
1’) Première raison
Précisément, la réalité connue apparaît comme douée d’une vie personnalisée, intérieure et un tel être ne peut être objectivé ; or, la conception classique de la connaissance est analytique, abstraite ; mais l’analyse dissout la vie, l’abstraction perd la richesse intérieure, elle semble prendre possession de son objet. « Ainsi la connaissance n’est pas la saisie d’un objet inanimé par un rapace sujet connaissant ». En revanche, l’on ne connaît un être comme personnalisé qu’en entrant en communion respectueuse avec lui. Voilà pourquoi Florensky continue : « c’est une communion morale et vivante entre des personnes, dont chacune est l’objet et le sujet de chacune ». Et cela se vérifie avant tout des relations de connaissance entre personnes : « A proprement parler, seule la personne est connaissable et seulement par une personne. En d’autres termes, la connaissance substantielle, entendue comme acte du sujet connaissant, et la vérité substantielle, entendue comme l’objet connu réel, sont en fait une seule et même chose, quoique la raison abstraite les distingue [46] ».
Mais si l’on doit conclure à ce partage entre le monde du connaissable et ce monde mystérieux, comment s’opère l’unité ? C’est le rôle du symbole.
Traitant des icônes des saints, Florensky rappelle l’étymologie du terme ‘symbole’ comme tesserae hospitalitatis : objet brisé dont les moitiés conservées sont la preuve de l’alliance conclue. Plus généralement, le ‘symbole’ sera donc l’union de deux parties différentes. Mais Florensky va éclairer la signification du symbole, en relation étroite avec sa conception du mystère. Précisément, il fait usage du mot ‘symbole’ en deux sens différents. a) Le sens banal, courant : est symbole ce qui renvoie à une réalité plus profonde ; en ce sens, ‘symbole’ s’identifie à signe d’une réalité au-delà. b) Un sens technique, précis : celui-ci est une réalité unissant le visible et l’invisible. C’est ainsi que Florensky parle des « symboles vivants de l’unité » du monde visible et invisible [47]. Or, il le mystère distingue et unifie à la foi ces deux mondes. Le symbole est donc en corrélation avec le mystère.
2’) Seconde raison
Le symbole présente une raison d’être non seulement informative mais relationnelle. En effet, l’une des finalités de la vie est la rencontre des personnes, rencontre qui passe par la communication. Or, on sait combien les concepts sont difficilement transmissibles et rencontrent peu l’autre personne, son cœur. En revanche, le symbole rejoint l’être profond de l’autre : non pas parce qu’il transmet une vérité, mais parce qu’il conduit à l’autre à faire une expérience personnelle, suscite chez lui le goût d’une connaissance plus vitale [48]. Par exemple, tout le monde ne comprendra pas une définition que nous pourrions donner de l’amour ; en revanche, tout le monde comprendra si nous disons : « mon cœur brûle d’amour pour toi ». Ce que nous perdons en contenu conceptuel, nous le gagnons en capacité communicationnelle.
c) Les parties du symbole
1’) Les parties intégrales
Le symbole présente deux faces, deux dimensions : le symbolisé et le symbolisant (mais Florensky parle de ‘symbole’). Ces deux aspects sont unis dans une relation de manifestation et d’enveloppement. Le symbolisé exprime le symbole : « Dans le nom est présent ce qui est nommé, dans le symbole ce qui est symbolisé, dans l’image ce qui est représenté, et par conséquent le symbole est ce qui est symbolisé [49] ». C’est grâce au symbole que l’on accède à la vie profonde de ce qui est caché, invisible.
En même temps, le symbole se cache dans le symbolisé : par exemple la nature visible cache un monde mystérieur « plus grand [50] », comme le germe qui cache la beauté de la fleur [51]. Le symbole donne donc à connaître beaucoup plus que sa simple apparence extérieure. Florensky parle même d’une « pudeur » qui protège le « fond mystérieux de la vie [52] », qui garde la transcendance du mystère ; or, la pudeur à la fois manifeste et enveloppe.
2’) L’unité du symbole
Les relations entre symbolisé et symbolisant supposent une unité du symbole. Au fond, il n’y a pas deux mondes mais un seul. Florensky l’exprime en parlant d’un contact entre eux : le symbolisé visible permet d’entrer en « contact avec l’autre monde [53] ». En effet, les deux mondes, loin d’être hétérogènes, se « touchent [54] ». Le philosophe russe va même jusqu’à comparer l’ « unité spirituelle » entre les deux mondes avec l’union de l’âme et du corps constituant un unique être humain [55].
3’) Les espèces de symbole
On sait que Florensky était aussi mathématicien. Or, les symboles mathématiques, géométriques élémentaires sont aussi porteurs, pour Florensky, d’une vérité plus profonde. En effet, le point, la ligne, la figure triangulaire, circulaire, etc., représentent graphiquement des symboles : par exemple, le point symbolise la semence, la ligne verticale l’arbre. Or, on sait que le symbole renvoie lui-même au mystère. Il a développé cette théorie dans un essai, Symbolarium [56].
3) Applications du symbole
a) Le culte
Ce qui est vrai du symbole en général l’est aussi de la relation à Dieu, précisément de la relation de prière. Or, la liturgie est la prière que l’Église adresse à Dieu. De fait, la logique « mystérique » et symbolique se vérifie aussi pour le culte. Celui-ci, comme le mystère et le symbole, lie les deux mondes, humain et divin. C’est ainsi que Florensky dit que le culte est « le système des actions qui peuvent réaliser la sortie [de l’être humain hors de son subjectivisme] et orienter toute la vie vers l’Inconditionné, vers l’Invisible et l’Eternel [57] ». Plus simplement, le culte est « l’unité réalisée du temporel et de l’éternel [58] ». Et, pour le cas de la liturgie orthodoxe, Florensky développe : elle est « une union vivant et de l’infini et du fini, de l’éternel et du transitoire, de l’absolu et du corruptible, du nécessaire et du contingent : le nœud du monde idéal et du monde réel, le lieu de deux mondes [59] ».
Nous retrouvons ainsi pour la culte ce qui fut dit de la ‘structure’ du symbole. D’un côté, Dieu ne nous parvient qu’à travers les humbles réalités sensibles : les gestes, les objets de culte : le signe de la croix, l’icône, etc. De l’autre côté, nous avons vu que l’unité du sensible est dans l’intériorité invisible. Comme le culte tourne l’homme vers Dieu, comme l’essentiel de la liturgie n’est pas dans l’extériorité des gestes mais dans la relation profonde qu’il établit entre l’homme et Dieu, Florensky voit dans la théurgie le cœur unifiant toutes les activités humaines [60].
« Plus notre représentation des idées religieuses est ‘massive’, métaphysiquement grossière et archaïque, plus profond apparaît le symbolisme de leur expression et, donc, plus près de nous nous trouvons d’une perception authentique de l’expérience proprement religieuse [61] ».
b) L’icône
Il vaut la peine de s’attarder sur ce sujet, car plusieurs ouvrages originaux de l’ingénieur Florenski portent sur l’icône : les deux plus importants sont Iconostase et Perspective inversée. Sans étonnement, nous allons retrouver ce qui fut dit du symbole puis du culte comme unité des deux mondes, à propos de l’icône.
1’) Nature de l’icône
D’un côté, l’icône est bien entendu une réalité extérieure, une œuvre d’art. En même temps, de l’autre côté, l’icône dit beaucoup plus que ce qu’elle représente immédiatement. Elle est une « fenêtre grande ouverte sur la réalité [62] », c’est-à-dire sur le divin, plus concret que toute extériorité sensible. Son objet est « le monde créé par Dieu dans sa beauté supraterrestre [63] ». Enfin, l’unité relève non de l’instance visible, mais de l’invisible, car c’est le monde divin qui est source du monde terrestre et non l’inverse : la « vision » à partir de laquelle l’icône est peinte, « est plus objective que les objectivités terrestres, plus pleine et plus riche : elle est le point d’appui de la création terrestre, laquelle devient ainsi le symbole du monde spirituel [64] ».
En réalité, les termes en présence sont au nombre non pas de deux mais de trois : l’icône, le visage ou le corps peint et la personne. De prime abord, on pourrait croire que le visage réel manifeste mieux la personne. Or, avec une audace toute orthodoxe, Florensky estime tout au contraire que l’icône exprime la personne mieux que son visage : elle est « manifestation de son essence spirituelle plus clairement, plus directement que l’aspect du visage lui-même [65] ». En effet, le visage du Saint tel qu’il a pu exister vivait d’une vie seulement terrestre ; mais l’icône peint le visage et le corps glorieux ; or, en théologie orthodoxe, la seule réalité véritable est celle de la résurrection ; voilà pourquoi l’icône dit beaucoup plus le Saint que ne le ferait sa seule présence terrestre : « son corps ressuscité et rayonnant demeure dans l’éternité, et l’icône, sa manifestation, ne représente pas, de ce fait, le saint témoin, mais elle est le témoin lui-même [66] ». Ailleurs, Florensky ose la formule : « L’iconostase, ce sont les saints eux-mêmes [67] ». Une preuve en est la vénération portée aux icônes : on leur porte une vénération identique à celle que l’on porterait aux personnes si elles apparaissaient dans la gloire.
2’) Analogie avec l’art pictural en général
Pour mieux comprendre la nature de l’icône, Florensky fait appel à une comparaison avec l’activité du peintre. Soit la peinture d’une maison. L’intuition créatrice de l’artiste se porte vers la maison comme telle. Or, les sens ne montrent jamais la maison en sa totalité. C’est donc que l’image, l’intuition que porte le peintre est plus riche que la connaissance sensorielle : « Dans l’image vivante se produit un jaillissement continu, un flot, un changement, une lutte, cete image miroite sans cesse, étincelle, bat comme le pouls mais ne s’arrête jamais dans la contemplation intérieure, à un schéma inerte de l’objet. Et c’est ainsi, avec sa pulsion intériuere, son rayonnement, son jeu, que vit la maison dans notre idée ». Or, le tableau est la concrétisation de cette intuition. Par conséquent, le tableau, bien loin de copier les sens, dit plus que le seul sensible : le peintre « peut et doit donc représenter son idée de la maison, et non transporter la maison sur la toile ». Par exemple, « parmi les différentes parties de l’idée qu’il en a », il choisir « la plus brillante, la plus expressive ». Plus précisément et concrètement, l’intuition contemplative du peintre consiste à donner de la chose comme un abrégé de son essence, une forme « plus intense et plus compacte que l’image de la chose elle-même ». En effet, celle-ci se présente sur un mode étalé non seulement dans l’espace mais dans le temps, de sorte que son unité est comme dispersée ; de plus, aux éléments essentiels sont mêlés des éléments plus accidentels ; or, dans le tableau, « les moments les plus splendides observés en temps différents sont donnés à l’état pur, en condensé, et ne demandent pas d’effort psychique pour en fondre les scories [68] ».
Enfin, par son œuvre, le peintre transmet ce qu’il a ressenti au spectateur : le tableau est fait pour être vu. Pour expliquer ce processus, Florensky fait appel à la notion de « vibrations » : le peintre transmet les vibrations qu’il a ressenties au contact des objets. Là encore, c’est une métaphore quasi-tactile qui sert de médiation.
3’) Moyens mis en œuvre par l’icône pour réaliser sa fin
Mais comment l’icône peut-elle ainsi prétendre porter le divin ? Les moyens qu’elle met en œuvre vont aussi confirmer sa nature essentiellement – et même paradigmatiquement et principiellement – symbolique.
a’) La forme canonique
On le sait, les icônes suivent profondément certains canons, au point que l’Occidental la trouve figée et peu créative. La réponse est souvent que cette forme libère les possibles propres et que les plus grands peintres d’icône ont eux-même renouvelé l’iconographie. Par exemple, il existe plusieurs variantes de l’icône de la Sainte Sophie, toutes à la fois très différentes et expressives du même mystère. C’est donc que « l’iconographie sophianique était une création religieuse authentique, issue de l’âme populaire, et non pas un emprunt extérieur et formel [69] ».
Mais il faut dire plus : la forme canonique garantit non seulement la continuité de la Tradition, donc la transmissibilité, mais aussi l’universalité : « On pourrait dire que plus la vision est ontologique, plus la forme par laquelle elle s’exprime est universelle, de même que les paroles sacrées exprimant les choses les plus secrètes sont aussi les plus simples : le père et le fils, la naissance, le grain qui meurt et qui renaît, l’époux et l’épouse, le pain et le vin, le souffle du vent, le soleil avec sa lumière, etc. la forme canonique est la plus naturelle, la plus simpel qui soit, tantdis que ce qui s’écarte d’elle apparaît artificiel et gênant ». Et Florensky conclut dans une belle formule, significative de sa conviction orthodoxe : « Le canonique est l’ecclésial, l’ecclésial est le conciliaire, et le conciliaire est universellement humain [70] ».
b’) La perspective inversée
On le sait, l’icône propose une inversion de perspective ou plutôt une transgression, sciemment opérée, de la perspective linéaire classique. Pour nous Occidentaux formés à l’art de la Renaissance, ces rapports de perspective sont « en contradiction flagrante avec les règles de la perspective linéaire, et du point de vue de celle-ci, ils ne peuvent être considérés que comme une ignorance grossière du dessin [71] ».
Qu’en penser ?
Déjà, différents faits doivent attirer notre attention : les iconographes connaissent parfaitement les lois de la perspective ; meilleur est le peintre d’icône, plus forte est la transgression [72] ; les plus grands peintres de la Renaissance, comme Léonard de Vinci ou Raphaël, ne respectent jamais totalement la perspective ; plus encore, utilisent volontiers cette perspective inversée à côté de la perspective linéaire [73]. Donc, les grands peintres ne proposent jamais une pure copie géométrique du réel.
Ensuite, la perspective linéaire n’est pas plus vraie, plus artistique. En effet, l’argument implicite est le suivant : l’art imite la nature ; or, dans la nature, la perspective est linéaire. Mais, répond Florensky, cette imitation de la nature est illusoire : « le naturalisme, comme vraisemblance, comme imitation de la réalité […] est tout simplement impossible [74] ». En effet, une réalité visible est tridimensionnelle ; or, la peinture représente en surface ; donc, par nature, la peinture trahit la réalité de l’objet. Donc, la peinture a pour vocation non de reproduire le réel mais de le représenter, symboliquement : l’artiste « représente non pas une chose mais l’impression qu’il reçoit de la vie d’une chose [75] ».
Il demeure une autre difficulté : l’artiste doit peindre la nature telle qu’il la voit ; or, il la voit selon les règles géométriques de la perspective linéaire. Florensky inverse l’argument : le propre de l’artiste est de représenter la réalité telle que lui-même le veut et la voit ; c’est donc volontairement qu’il transgresse ces règles : ces prétendues fautes de perspective, par conséquent, « témoignent de la force de l’artiste plutôt que de sa faiblesse, de la force de sa perception authentique qui rompt les entraves de la pression sociale [76] ».
En positif, quel est le sens de cette perspective ? Il faudra aller voir. On connaît l’interprétation classique.
En tout cas, cohérent avec sa doctrine, Florenski a voulu introduire l’art abstrait en Russie, faisant les premières expositions : « De nouveau l’art pictural apparaît », disait-il.
c’) L’utilisation de l’or et de la lumière
On le sait, l’icône emploie abondamment l’or. Pourquoi ? On croit souvent que la finalité est esthétique, de décor : l’or brille, étincelle, attire le regard. Mais c’est manquer du tout au tout la signification profonde de l’usage de l’or, d’une toute autre profondeur.
L’icône veut dire le monde invisible, celui de Dieu. Or, Dieu est pure lumière. Mais l’or est comme du soleil, de la lumière. Aussi l’or des icônes « a trait à la manifestation directe de l’énergie divine », il exprime « ce qui est directement lié à la force divine, à une réalité non pas métaphysique et sacrée, mais à la manifestation directe de la grâce divine ». En un mot, « l’or se rapporte évidemment au spirituel et à la lumière divine [77] ». De plus, l’or représente la lumière. Or, la lumière est plus qu’un simple décor extérieur, elle constitue leur essence, plus encore leur source : la matière vient de la lumière. Or, c’est Dieu qui est principe créateur. Voilà pourquoi, une nouvelle fois, l’or dit Dieu. « l’iconographie voit dans la lumière non pas quelque chose d’externe par rapport aux choses, pas non plus une caractéristique inhérente ; en iconographie, la lumière suppose et crée les choses, elle est leur cause objective et c’est pourquoi justement elle ne peut être considérée comme purement extérieure. Elle est leur principe transcendant et créateur, se manifeste par elles mais ne s’épuise pas en elles [78] ».
Bien évidemment, comme toute réalité matérielle, l’or n’est qu’une symbolisation limitée. Florensky l’explique en prenant une image au plan des discours : « dans la conception du monde, le dogme comme formulation dorée du monde invisible s’unit, sans toutefois s’y confondre, aux formulations du monde visible appartenant à la science et à la philosophie [79] ».
L’or présente une autre signification, en fonction de l’ordre avec lequel il est appliqué : il est déposé au début pour constituer le fond, puis à la fin, dans les soulignements dorés des vêtements ; or, au début du monde est la création, œuvre de Dieu, et au terme est la gloire divine, autrement dit, Dieu est est alpha et oméga ; donc, à nouveau, l’or signifie la présence divine : « L’icône commence avec l’or de la grâce créatrice et se termine avec l’or de la grâce sanctifiante, c’est-à-dire avec un soulignement doré. La peinture de l’icône – cette ontologie visible – répète les étapes fondamentales de la création divine, du néant absolu à la nouvelle Jérusalem, création sainte [80] ».
4’) Conséquence portée philosophique de l’icône
Florensky lui-même notait le lien étroit entre l’icône et une métaphysique (du concret, aurait dit Blondel) : « L’iconographie est la métaphysique de l’existence concrète. Si la peinture à l’huile est plus apte à reproduire les données sensorielles du monde et la gravure son schéma rationnel, l’icône, elle, laisse transparaîter l’essence métaphysique de ce qu’elle représente [81] ». Plus loin : « Dans l’expérience concrète, le point d’appui de l’une et de l’autre n’est ni des considérations abstraites sur la nature des choses ni les particularités sensibles des couleurs et des lignes en tant que telles, mais l’expérience spirituelle. […] Tout y est sens incarné et réalité remplie de sens [82] ».
Enfin, ces deux aspects, loin d’être séparés sont profondément unifiés, au point qu’ici le symbolisé devient le symbolisant
c) Le nom
1’) La parole en général [83]
Habituellement, la parole, comme la peinture, est vue seulement comme une réalité sensible (un son de voix) faisant référence à une réalité elle-même extérieure. Pour Florensky, fidèle à son intuition première, la parole est une réalité qui doit aussi se comprendre à partir de sa philosophie du mystère. Un signe en est que la parole est un élément constitutif du culte ; or, celui-ci met en relation l’homme avec « l’autre monde », le mystère de Dieu ; donc, la parole présente une structure symbolique. La raison est que, pour lui, la parole, beaucoup plus que référentielle, est communionnelle : elle établit la relation entre les personnes, elle crée des liens. Or, une personne, une relation constituent une réalité spirituelle. Donc, en son essence, la parole joint un aspect sensible, extérieur et une dimension spirituelle : « la parole n’est pas un appendice extérieur de la nature humaine, ce n’est pas une marque accidentelle de l’être humain, qui resterait inchangé si elle était éliminée ; non, c’est une marque constitutive, et ce terme n’est pas encore suffisant, c’est l’essence même de l’être humain, pour autant qu’il s’ouvre aux énergies spirituelles qui lui sont propres et qu’il devient, pour lui-même et pour les autrse, un être humain véritable [84] ». Et ce qui est vrai de tous les hommes l’est plus encore du Christ : celui-ci est la Parole par excellence, celui qui est habilité à parler de Dieu ; or, bien évidemment, en son essence, le Christ est mystère.
2’) Le nom en particulier
Florensky considère ici le nom d’une personne et, plus encore, le Nom de Dieu. Le nom est une expression de la parole ; or, nous avons vu que la parole participe à la structure bipartite du monde et du symbole ; de même, le nom est aussi l’unité d’une apparence sensible et d’une profondeur spirituelle. Or, cette apparence sensible est constituée par le son de voix, le mot. C’est donc que celui-ci renvoie à une réalité essentielle, la personne : le nom est « la première et la plus profonde révélation de la personne [85] ». Ou : « le nom est le corps le plus fin, à travers lequel se présente l’essence spirituelle [86] ». Ou : « Avec le nom, le type de la personnalité est exprimé, sa forme ontologique qui, dans la suite, déterminera sa structure spirituelle et celle de l’âme [87] ».
De fait, l’étude de la littérature montre que les personnages de romans, de poésies sont plus que de simples désignations extérieures interchangeables, elles représentent l’essence des personnalités en jeu [88]. De même, dans les traditions populaires, chaque nom présente une signification particulière. Plus encore, en donnant un nom à une personne, on espère lui transmettre la force spirituelle qu’il est sensé signifier : cette affirmation s’inscrit dans la conviction plus générale selon laquelle un mot, surtout un nom de personne, ne présente pas seulement une valeur informative mais une valeur efficace ; or, cette efficace suppose une identité réelle : operatio sequitur esse. « Se faire un nom » est se faire une réputation, donc agir ; inversement, perdre son nom est grave.
3’) Conséquences
Une conséquence de cette conception du nom est que les personnes portant le même nom présentent une certaine parenté. De fait, on regarde toujours différemment les hommes s’appelant comme nous : comme involontairement, on cherche à savoir si la ressemblance dépasse la simple coïncidence onomastique.
Une autre conséquence que tire Florensky est la place particulière donnée au Nom, dans la querelle onomatodoxe [89]. On peut établir ici une analogie avec l’icône : le Nom de Dieu comme l’icône sont des réalités mystériques ; or, nous avons vu que la vénération de l’icône ne va pas à la réalité matérielle de ce monde mais au représenté, au Mystère de l’autre monde ; donc, de même, l’onomatodoxie, la vénération du Nom donne immédiatement accès à Dieu : « Prononcer le Nom de Dieu c’est entrer vitalement en Celui qui est nommé [90] ».
4) Fondements théologiques
Le symbole, nous l’avons vu, est né du regard que Florensky a posé sur le monde sensible. Mais, l’ultime fondement de la nature symbolique du créé n’est pas humain, il est divin : la ratio essendi du mystère est théologique.
Le symbole se fonde d’abord sur la grande affirmation christologique du Concile de Chalcédoine. Celui-ci affirme dogmatiquement que, dans le Christ, nature humaine et nature divine sont unies sans confusion et sans séparation. Or, l’humain est au divin ce que le visible est au mystérieux : humain et divin constituent les deux mondes. Ainsi, le Christ est l’exemplaire et le garant de toute unité.
Il se fonde aussi sur l’Esprit. Une des raisons de l’insistance de Florensky sur le symbole est la trop grande importance accordée par son époque à la rationalité, au logos. En effet, « toute notre conception du monde, toute notre science […] sont bâties sur l’idée du Logos, sur celle de Dieu le Verbe ; et non seulement la science, mais encore toute la vie, toute la structure de notre âme. Nous concevons tout dans la catégorie de la loi, selon l’harmonie [91] ». Or, « l’inspiration, la création, la liberté, le haut-fait spirituel, la beauté, la valeur de la chair, la religion et bien d’autres choses, tout cela on ne peut que l’éprouver confusément, parfois le décrire, en établir la présence, mais cela reste en dehors des méthodes et des moyens de l’étude scientifique [92] ». Or, le logos est au symbole ou à l’ouverture à un au-delà de la raison, ce que le Verbe est à l’Esprit. En ce sens, il y a un parallèle entre cet intérêt pour le symbole et une certaine prééminence accordée à l’Esprit-Saint sur le Verbe dans Colonnes et fondements.
Mais, plus encore, c’est le mystère de la Sophie qui fonde la théologie du symbole. En effet, celui-ci est le mystère de l’unité entre « deux mondes », « la correspondance entre terrestre et céleste, entre inférieur et supérieur [93] ». Or, la distinction – dans l’unité – des deux mondes est apparue dans la création, même si elle prend toute sa plénitude, elle se réalise dans le Christ, Verbe incarné. Or, comment expliquer le mystère de la création, Florensky reprend l’antique notion de la Sophia. Le fondement du symbole est donc la Sophie, la Sagesse de Dieu. Par conséquent, Florensky s’inscrit dans la lignée de ceux que l’on appelle les « sophiologues » : Vladimir Soloviov en premier [94], et Serge Boulgakov [95].
a) Pourquoi la Sophie ?
Pourquoi Florensky juge-t-il nécessaire d’introduire la Sophie en Dieu ? Avançons pas à pas.
Florensky se demande comment l’Absolu infini peut entrer en contact réel avec une créature limitée. Il faut un fondement réel qui permette à la fois l’union et la distinction, sans confusion ni séparation.
En premier lieu, la créature est vue comme une « certaine unité réelle », autonome et, pour l’homme, responsable. Florensky l’appelle « monade », pour honorer son expérience vivante, par opposition avec la substance qui évoque trop une définition logique [96]. Or, la monade, d’une part est en relation avec l’autre, d’autre part ne se fond pas avec lui. Autrement dit, elle vit l’union et la distinction, sans confusion ni séparation : « Dans les états spirituels dont il est question ici, rien ne perd son individualité. Toutes les choses sont perçues comme étant intérieurement et organiquement liées, comme étant soudées entre elles par le libre exploit du renoncement à soi, comme étant un être intimement un et intégral ; bref, elles se présentent comme un être pluri-unique. Tout est consubstantiel et tout est hétéro-hypostatique ». Or, une telle unité n’est pas « simplement donnée, élémentaire, factuelle », elle « est l’unité réalisée par un acte éternel, l’équilibre mouvant des hypostases, comparable à l’équilibre mobile de l’énerge, qui émettent un rayonnement et qui échangent constamment leur énergie ; c’est un mouvement immobile et un repos en mouvement [97] ». Précisément, pourquoi la source de cette unité ne peut-elle être immanente aux monades ? Parce que seul l’amour réciproque unit : « L’amour […] fait sortir la monade d’elle-même et il l’institue en elle et pour elle. L’amour enlève toujours pour donner toujours, il mortifie sans cesse pour vivifier éternellement. L’unité dans l’amour est ce qui dégage la monade d’un état de pure potentialité, c’est-à-dire de sommeil, de vide spirituel, où elle est informe et chaotique, et ce qui lui donne réalité, actualité, vie, l’état de veille [98] ». Or, tout amour s’enracine en Dieu. Donc, la monade n’existe que fondée dans l’amour de Dieu : « Chaque monade n’existe néanmoins que pour autant qu’elle admet l’amour divin [99] ».
Et nous voici arrivé à la Sophie : quelle est la relation entre cette création prise dans son unité et surtout dans la source interne de son unité ? C’est « la Sagesse de Dieu, Hokhmah, Sophia ». En effet, dit un texte essentiel qui résume ce qu’est la Sophia pour Florensky : « Sophie est la Grande Racine de l’ensemble du créé (cf. pasa hè ktisis : Rm 7,22, c’est-à-dire la création intégrale et non pas simplement toute la création), par laquelle il plonge dans la vie intra-trinitaire et par laquelle il reçoit la vie éternelle de la Source unique de la Vie : la Sophie est l’essence originelle du créé, l’Amour créateur de Dieu, ‘qui a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit-Saint qui nous a été donné’ (Rm 5,5) C’est pourquoi son moi authentique divinisé, son ‘cœur’ est justement l’Amour de Dieu, de même que l’Essence de la Divnité est l’Amour Intra-Trinitaire. Le tout n’existe vraiment que dans la mesure où il communie avec la Divinité-Amour, la Source de l’être et de la vérité [100] ».
b) Nature de la Sophie
Certaines affirmations de Florensky semble faire de la Sophie une « quatrième Personne » de la Trinité [101] ou un « quatrième élément hypostatique [102] ». Pour autant, on le sait, Florensky ne remet jamais en cause le dogme trinitaire. Y a-t-il seulement paradoxe ou contradiction ?
Je n’entrerai pas dans la question très délicate ici posée mais proposerai seulement une piste de réflexion autorisée par la théologie du don.
D’abord, écartons tout soupçon d’hétérodoxie. Il n’y a pas contradiction ou Quaternité divine. Florensky écrit que « la Sophie n’est pas en tout cas une Hypostase au sens strict et qu’elle n’est pas identique avec le Logos [103] ». Elle est en Dieu sans être une des trois Personnes divines ; d’où l’expression malheureuse de « Personne quaternaire [104] ». Un moment, Florensky propose une image qui souligne bien la différence existant entre Sophie et Dieu : Dieu est à Sophie comme la lumière par rapport aux couleurs ; or, la lumière n’est pas les couleurs, les couleurs ne peuvent se voir que par la lumière [105].
Il demeure le paradoxe. De fait, le propos de Florensky est ambivalent. D’un côté, la Sophia est une réalité divine : « La Sophie participe à la vie de la Divinité Tri-Hypostatique, elle entre dans les profondeurs de la Trinité et elle communie avec l’Amour divin [106] ». De l’autre, elle est « créée et donc non consubstantielle [107] ».
Je pense que Florensky veut penser l’unité du créé et de l’incréé. Ce faisant, il se heurte à la difficulté la plus centrale d’une théologie digne de ce nom, qui est au fond aussi celle de la philosophie. En effet, pour Florensky, la Sophie embrasse le terrestre et le céleste. Quant au premier aspect, elle est le cœur même de la créature : « La Sophie est la prémice et le centre de la créature rachetée, le Corps du Seigneur Jésus-Christ, c’est-à-dire l’essence de créature prise par le Verbe de Dieu ». Quant au second aspect, la Sophie est « l’Église sous son aspect céleste [108] ». Or, une pensée du don est une pensée de l’intériorité. Et, on doit à Augustin de l’avoir montré de la manière la plus rigoureuse et la plus définitive, double est cette intériorité : l’immanence propre du sujet pensant et libre à lui-même et présence immanente encore plus intime de sa source au cœur de son cœur. Sophia me semble être à cette jonction. À la différence que Florensky, avec les autres sophiologues, la pense du côté de Dieu : qu’est-ce qui, en Dieu, s’approche le plus de notre intimité, s’y proportionne pour se donner à elle ?
5) Relecture sous l’angle du don
a) Le symbole comme unité
Les penseurs du symbole sont les penseurs de l’unité. La relative séparation des penseurs analytiques abstraits (type saint Thomas) et des penseurs du symbole (plus saint Bonaventure) exprime la diversité des deux actes de l’intelligence, ratio et intellectus.
b) Le symbole, témoignage rendu à la structure du don 2
Le symbole épouse la structure du don 2.
Une crainte pourrait naître : à trop insister sur la présence de l’invisible au sein du visible, à trop souligner que l’essentiel n’est pas l’apparence sensible mais un noyau pur de création divine, ne risque-t-on pas de minimiser la consistance du don 2 ? En fait, Florensky tient conjointes les deux affirmations, du don 2 et de son enracinement dans le Don 1. D’où parfois une impression de polysémie. Tel est le cas pour le corps : « Chercher une définition univoque du corps, dans les écrits de Florensky, écrit un commentateur, appauvrirait et même fausserait, à notre avis, la pensée de cet auteur. Pour conserver totuse les harmonies suscitées dans son œuvre par ce terme, il faut lui garder cette double résonance : le corps est, d’une part, l’image et la beauté du créé sorties des mains du Créateur [voilà pour le don 1] et, tout à la fois, d’autre part, quelque chose de neutre, dépendant totalement du cœur [voilà pour le don 2] [109] ».
Florensky note aussi que, par le symbolisé, l’extérieur, on peut entrer « en contact » avec l’intérieur, le mystère plus grand qui habite chaque être.
c) Icône et unité fond-apparition
La théologie orthodoxe de l’icône nous invite à donner un réalisme beaucoup plus grand à la représentation extérieure et son identification ontologique avec l’être représenté. En cela, nous ne ferions que prolonger la réflexion des Pères d’Orient : « L’honneur rendu à l’image s’en va au modèle original », disait saint Basile de Césarée [110] ; et de l’autorité magistérielle. Après avoir cité le passage précédent, le Concile Œcuménique de Nicée II en 787 conclut : « celui qui vénère l’image vénère en elle la personne de celui qu’elle représente [111] ». Et il faudrait citer tout le passage.
Cela est vrai de toute image de piété et même de toute véritable image : « Aussi, simplement prise dans sa donnée objective, l’image de religion délivre, comme de soi, un tropisme d’au-delà ; elle tente, dans un effort de préhension souvent poignant, une concentration sacralisante de l’univers et à travers la figure humaine une attente de la présence. Ambivalente, à la fois instrument et source, de par la beauté du visible, elle offre la certitude de l’invisible. En elle donc, autant de forces sacralisantes, nouées et consacrées à rendre sensible ce que les yeux ne voient pas, à lentement susciter le latent manifeste, et ainsi à faire vivre l’approche ou la certitude la présence surnaturelle [112] ».
d) Importance de l’enracinement dans le don originaire de l’enfance
En écoutant et lisant Florensky, je me dis : que j’aimerais me souvenir ces expériences fondatrices de l’enfance. Car nous en avons tous. Seulement, nous ne vivons pas à leur niveau de profondeur, nous ne prenons pas conscience de leur richesse. La différence n’est donc pas dans la richesse de l’expérience enfantine, même s’il existe des différences de sensibilité, elle est dans l’importance et l’interprétation qu’on leur donne.
e) La Sophia comme lien entre don 2 et Don 1
Pour ma part, je retiens une double intuition : celle de l’unité de tout le créé, d’essence unique de tout le créé et d’enracinement par et dans l’amour. Mais il me semblerait plus intéressant d’en faire l’équivalent d’une Idée divine permettant d’être médiation avec Dieu. La Sophie permet d’établir un lien, au plus intime de notre cœur, entre Dieu et l’homme. Mais ne s’identifierait-elle pas alors à l’Esprit-Saint ?
6) Remarques critiques
a) Place du don 3 ?
b) Manque d’herméneutique ?
La réception, la vision de l’image comporte une part d’interprétation. Florensky ne semble pas y avoir prêté une grande attention. Ne pècherait-il par une approche un peu naïve de l’universel et un défaut d’herméneutique ? Ervin Panofsky disait que « l’expérience re-créatrice d’une œuvre d’art ne dépend pas seulement de la sensibilité naturelle du spectateur et de son entraînement visuel, mais aussi de son équipement culturel. Il n’exite rien de tel qu’un spectateur totalement ‘naïf’ [113] ».
Et cette prise en compte de l’importance du conditionnement culturel dans l’acte de voir même le plus spirituel ne date pas d’aujourd’hui, comme l’illustre un exemple révélateur :
« Lorsqu’ils vinrent en Italie en 1438 pour le Concile d’union, les Grecs ne purent prier devant les images religieuses occidentales, dont la forme ne leur était pas familière. Ainsi le patriarche Grégoire Melissenos s’opposa à l’unification relgiieuse en ces termes : ‘Lorsque je pénètre dans une église latine, je ne peux vénérer aucun des saints, car je n’en connais aucun. Ce n’est certes pas le cas du Christ, mais même lui, je ne peux l’adorer, ne sachant pas comment les inscriptions le qualifient’ [114] ».
Bibliographie
a) Ouvrages de Florensky non traduits
1’) Œuvres diverses
Imena. Malœ sobranie socinenij (Noms. Petit recueil d’œuvres), édité par l’higoumène Andronik et S. L. Kravec, tome 1, Kostroma, Kupina, 1993,
Tom IV. Stolp i utverzdenie istiny (Tome IV. Colonne et fondement de la vérité), Paris, YMCA-Press, 1989. C’est la copie de l’original de 1914. Cité Colonne.
Ikonostas. Izbrannye trudy po iskusstvu (Iconostase. Œuvres choisies sur l’art), éd. A. G. Nasledkinov, Saint Pétersbourg, Mifril, Ruskaja knjiga, 1993.
Soranie socinenij. Tom I. Stat’i po iskusstvu (Recueil des œuvres. Tome I. Les articles sur l’art), éd. N. A. Struve, Paris, YMCA-Press, 1985.
2’) Œuvres en 4 volumes
Socinenija v cetyreh tomah (Œuvres en quatre volumes), édité par l’higoumène Andronik (Trubacev), M. S. Truvaceva, P. V. Florenskij. Tome I, Moscou, Mysl’, 1994. Contient 22 articles écrits en général entre 1902 et 1909. Tome II, 1996. Contient 32 articles écrits en général entre 1909 et 1917. Tome III (1), 1999. Contient plusieurs articles écrits entre 1918 et 1924. Tome III (2), 1999. Contient plusieurs articles écrits entre 1915 et 1926. Tome IV, 1998.
« Racines de l’idéalisme » : « Obsceceloveseckie korni idealizma » (« Les racines humaines universelles de l’idéalisme »), Œuvres, tome III (2), p. 145-168.
« Smysl idealizma » (« La signification de l’idéalisme »), Œuvres, tome III (2), p. 68-144.
Philosophie du culte : « Iz bogoslovskogo nasledija » (A partir de l’héritage théologique), Bogoslovskie trudy, 17 (1977), p. 87-248.
Souvenirs : Detjam moim. Vospominan’ja proslyh dnej. Genalogiceskie issledovanija. Iz Soloveckih pisem. Zavescanie (A mes enfants. Souvenirs des jours passés. Recherches généalogiques. Extraits des lettres de Solovki. Testament), Moscou, Moskovskij Rabocij, 1992.
b) Ouvrages et articles de Florensky traduits
1’) Ouvrages en français
La Colonne et le fondement de la vérité, trad. C. Andronikof, Lausanne, L’âge d’Homme, 1975.
La perspective inversée. L’iconostase et autres écrits sur l’art, trad. et éd. F. Lhœst, intr. S. B. Bulgakov, Lausanne, L’âge d’Homme, 1992.
2’) Article en français
« Lettres de prison et du camp », Le Messager orthodoxe, 109 (1988), p. 41-67. Trad. française de certaines lettres.
3’) Autres ouvrages en d’autres langues
Die Ikonostase. Urbild und Grenzerlebniss im revolutionären Russland, Stuttgart, 1988.
Attualità della parola. La lingua tra scienza e mito, éd. E. Treu, Milan, Guerini, 1989.
Il sale della terra. Vita dello starec Isidoro, éd. E. Treu, introd. N. Kauchtschischwili, Magnano, Qiqujon, 1992.
Namen, éd. F. et S. Mierau, Berlin, Kontext, 1994.
Lo spatio e il tempo nell’arte, éd. N. Misler, Mialn, Adelphi, 1995.
Leben und Denken. I-II, éd. F. et S. Mierau, Sotfildern, Ed. tertium, 1995-1996. Biographie et anthologie des textes autobiographique et des textes caractéristiques de la pensée de Florensky.
Il cuore Cherubico. Scritti teologici e mistici, édité par N. Valentini et L’. Zak, trad. R. Zugan, Piemme, Casale Monferrato, 1999. Trad. de dix articles de spiritualité.
Il significato dell’idealismo, édité par N. Valentini, Milan, Rusconi, 1999.
Non dimenticatemi. Dal gulag staliniano le lettere alla moglie e ai figli del grande matematico, filosof e sacerdote russo, édité par N. Valentini et L’. Zak, trad. G. Guaita et L. Charitonov, Milan, Mondadori, 2000.
c) Ouvrages sur Florensky
– R. Slesinski, Pavel Florensky. À Metaphysics of Love, New York, St. Vladimir’s Seminary Press, 1984. Thèse de doctorat soutenue à Rome. Un excellent livre.
– N. Valentini, Pavel A. Florenskij: la sapienza dell’amore, Bologne, EDB, 1997. Peut-être le meilleur ouvrage.
– G. Lingua, Oltre l’illusione dell’Occidente. P. A. Florenskij e i fondamenti della filosofia russa, Turin, Silvio Zamorani Editore, 1999. Thèse de doctorat centrée sur la philosophie de Florensky.
d) Articles sur Florensky en français
– T. Lahusen, « La théorie du symbole de P. A. Florensky à la lumière de la linguistique du discours littéraire », Florensky et la culture de son temps. Actes du Colloque international, 10-14 janvier 1988 à l’Università degli studi di Bergamo, Marburg, Blaue Hörner Verlag, 1995, p. 331-340.
– S. Obolensky, « La sophiologie et la mariologie de Paul Florensky », Unitas, I, 1946, n° 3, p. 63-70.
– F. Marxer, « Le problème de la vérité et de la tradition chez Pavel Florensky », Istina, 25 (1980), p. 212-236.
Pascal Ide
[1] Cf. Detjam moim. Vospominan’ja proslyh dnej. Genalogiceskie issledovanija. Iz Soloveckih pisem. Zavescanie (A mes enfants. Souvenirs des jours passés. Recherches généalogiques. Extraits des lettres de Solovki. Testament), Moscou, Moskovskij Rabocij, 1992, p. 87. Désormais cité Souvenirs.
[2] Cf. « Smysl idealizma » (Signification de l’idéalisme), Œuvres, tome III (2), p. 68-144, ici p. 134-136. Désormais cité Signification de l’idéalisme.
[3] « Rannee detstvo » (Première enfance), Souvenirs, p. 33.
[4] Cf. « Pristan’ i bul’var » (Port et boulevard), Souvenirs, p. 67.
[5] « Priroda » (Nature), Souvenirs, p. 92.
[6] Lettre à sa mère, 6-12.4.1935, Œuvres, tome IV, p. 203.
[7] Lettre à sa femme, 27.5-5.6.1935, Œuvres, tome IV, p. 237.
[8] Souvenirs, p. 162-163.
[9] Cf. « Empireja i empirija » (Empirée et empirisme), Œuvres, tome I, p. 194-195.
[10] « Priroda » (La nature), Souvenirs, p. 70.
[11] Port et boulevard, Souvenirs, p. 51 ; cf. p. 45-57, 61-62, etc.
[12] « Priroda » (La nature), Souvenirs, p. 109-113.
[13] « Obval » (L’effondrement), Souvenirs, p. 220-238.
[14] Lettre à sa mère, 23-25.4.1936, Œuvres, tome IV, p. 453.
[15] Cf. « Priroda » (La nature), Souvenirs, p. 71 ; p. 160-189.
[16] « Osobennoe » (L’extraordinaire), p. 167-171.
[17] Cf. Souvenirs, p. 216-217.
[18] « Religija » (La religion), Souvenirs, p. 153.
[19] « Priroda » (Nature), Souvenirs, p. 88.
[20] Cf. « Na Makovce » (Sur la colline Makovets), Œuvres, tome III (1), p. 30-32. Cf. aussi Stolp i utverzdenie istiny, p. 530, trad., Colonne et fondement de la vérité, Paris, YMCA-Press, 1989, p. 337. Désormais cité Colonne.
[21] Colonne, p. 263 et 264, trad., p. 174.
[22] Colonne, p. 264-265, trad., p. 174-175.
[23] Cf. « Pravoslavie » (Orthodoxie), Œuvres, tome I, p. 653-656.
[24] Cf. Colonne, p. 317, trad., p. 207.
[25] « Rannee detstvo » (Première enfance), Souvenirs, p. 32.
[26] « Rannee detstvo » (Première enfance), Souvenirs, p. 33.
[27] « Priroda » (La nature), Souvenirs, p. 85.
[28] « Priroda » (La nature), Souvenirs, p. 71-73.
[29] « Priroda » (La nature), Souvenirs, p. 76.
[30] Philosophie du culte. « Iz bogoslovskogo nasledija » (A partir de l’héritage théologie), Bogoslovskie trudy, 17 (1977), p. 87-248, ici p. 209s.
[31] « Rannee detstvo » (Première enfance), Souvenirs, p. 34-35.
[32] Z. Kijas, Dieu mesure de l’homme selon Paul J. Florensky. Esquisse d’une anthropologie théandrique orthodoxe, Thèse de doctorat (non publiée) sous le direction d’A. de Halleux, Louvain, 1990, 3 volumes ; extraits Travaux de doctorat, tome 15, Section Théologie, n° 3, p. 38.
[33] « Priroda » (Nature), Souvenirs, p. 74.
[34] « Priroda » (Nature), Souvenirs, p. 153.
[35] Ibid., p. 99.
[36] Cf. par exemple « Lkcija i Lectio » (Leçon et lectio), Œuvres, tome II, p. 66. À noter que ce texte est l’un des plus anciens, paru dans Pervye sagi filosofii (Premiers pas en philosophie), Sergiev Posad, 1917.
[37] Cf. Souvenirs, p. 176-178.
[38] Cf. Souvenirs, p. 212-213.
[39] Cf. S. L. Kravec, O krasote duhovnoj (De la beauté spirituelle), Moscou, 1990, p. 61.
[40] Colonne, p. 264, trad., p. 175.
[41] Sur son importance chez Florensky, cf. la thèse de doctorat sur l’éthique de Florensky de L’. Zak, Verità come ethos. La teodicea trinitaria di P. A. Florensky, Roma, Città Nuova, 1998, p. 128, note 173. Sur sa présence aux commencements de la philosophie russe, cf. B. Zenkovsky, Histoire de la philosophie russe, Paris, tome 1, 1953, p. 64-82.
[42] Signification de l’idéalisme, p. 109.
[43] Ikonostas. Izbrannye trudy po iskusstvu (Iconostase. Œuvres choisies sur l’art), éd. A. G. Nasledkinov, Saint Pétersbourg, Mifril, Ruskaja knjiga, 1993, p. 427, trad. fr., p. 127. Désormais cité Iconostase.
[44] Souvenirs, p. 33.
[45] « O realizme » (Sur le réalisme), Œuvres, tome II, p. 528.
[46] Colonne, p. 74, trad., p. 54.
[47] Iconostase, p. 440-441, trad., p. 139.
[48] Cf. « Lkcija i Lectio » (Leçon et lectio), Œuvres, tome II, p. 65-66.
[49] « Rannee deststvo » (Première enfance), Souvenirs, p. 35.
[50] Cf. Souvenirs, p. 88.
[51] Cf. Ibid., p. 90-91.
[52] Souvenirs, p. 158-159.
[53] « Empireja i empirija » (Empirée et empirisme), Œuvres, tome I, p. 177-178.
[54] Iconostase, p. 419, trad., p. 121.
[55] Souvenirs, p. 153-154. Cf. Racines de l’idéalisme, p. 155-156.
[56] Symbolarium, Œuvres, tome II, p. 564-590.
[57] « Slovesnœ sluzenie. Molitva » (Liturgie de la parole. Prière), « Iz bogoslovskogo nasledija » (A partir de l’héritage théologique), Bogoslovskie trudy, 17 (1977), p. 87-248, ici p. 186. Maintenant cité Philosophie du culte.
[58] « Kult’, religija i kul’tura » (Culte, religion et culture), Philosophie du culte, p. 106.
[59] Ibid., p. 107.
[60] « Kult’, religija i kul’tura » (Culte, religion et culture), Philosophie du culte, p. 105-107.
[61] Colonne, p. 86, trad., p. 61.
[62] Perspective inversée, p. 53, trad., p. 74-75.
[63] Iconostase, p. 484, trad., p. 175.
[64] Iconostase, p. 433, trad., p. 132.
[65] Iconostase, p. 525, trad., p. 209.
[66] Iconostase, p. 526, trad., p. 209.
[67] Iconostase, p. 441, trad., p. 140.
[68] Perspective inversée, p. 97, trad., p. 119-120.
[69] Colonne, p. 370, trad., p. 240.
[70] Iconostase, p. 461, trad., p. 156.
[71] Perspective inversée, p. 46, trad., p. 67.
[72] Cf. Ibid., p. 47-50, trad., p. 68-72.
[73] Cf. Ibid., p. 63-72, trad., p. 85-95.
[74] Ibid., p. 79, trad., p. 104.
[75] Ibid., p. 95, trad., 118.
[76] Ibid., p. 78, trad., p. 103.
[77] Iconostase, p. 497, trad. p. 185.
[78] Iconostase, p. 514, trad. p. 200.
[79] Iconostase, p. 494-495, trad., p. 183.
[80] Iconostase, p. 504, trad., p. 191.
[81] Iconostase, p. 484, trad., p. 175.
[82] Iconostase, p. 515, trad., 200-201.
[83] Sur la parole chez Florensky, cf. « Termin » (Terme), Œuvres, tome III (2), p. 185-212.
[84] « Slovesnœ sluzenie. Molitva » (Liturgie de la parole. Prière), Philosophie du culte, p. 194.
[85] « Imena » (Les noms), Œuvres, tome III (2), p. 209.
[86] Ibid., p. 182.
[87] Ibid., p. 181.
[88] Cf. « Imena » (Les noms), Œuvres, tome III (2), p. 181-183.
[89] Cf. A. Nivière, Le mouvement onomatodoxe. Une querelle théologique parmi les moines russes du Mont Athos (1907-1914), Thèse de doctorat, Paris-Sorbonne, 1987.
[90] « Ob imeni Boziem » (Du nom divin), Œuvres, tome III (1), p. 362.
[91] Colonne, p. 126, trad., p. 87.
[92] Ibid., p. 127, trad., p. 88.
[93] Signification de l’idéalisme, p. 136.
[94] Vladimir Soloviov, « La Sophia », in La Sophia et les autres écrits français, Lausanne, 1987, p. 3-81.
[95] Cf. Serge Bulgakov, The Wisdom of God. À Brief Summary of Sophiology, New York, Londres, 1937. Cf. N. Bosco, « Vladimir Solov’ëv et Sergej N. Bulgakov. Due sofiologie », Filosofia e teologia, 2, 1992, p. 199-215.
[96] Cf. Colonne, p. 324, trad., p. 212.
[97] Colonne, p. 325, trad. 212-213.
[98] Colonne, p. 325, trad. 213.
[99] Le passage complet est « L’amour de Dieu qui ruisselle dans cet Etre tel est l’acte créateur par lequel celui-ci reçoit d’abord la vie ; ensuite, l’unité ; enfin, l’être. Etant non pas fait, mais acte, l’unité est la dérivée mystique de la vie, tandis que l’être est la dérivée de l’unité. L’être vrai est une relation substantielle avec autrui, un mouvement hors de soi-même, procurant l’unité aussi bien que découlant de l’unité de l’être. Chaque monade n’existe néanmoins que pour autant qu’elle admet l’amour ». (Colonne, p. 325-326, trad., p. 213)
[100] Colonne, p. 326, trad., p. 213.
[101] Colonne, p. 349, trad., p. 227.
[102] Colonne, p. 323, trad., p. 212.
[103] Colonne, p. 383, trad. 248.
[104] Colonne, p. 349, trad., p. 227.
[105] « Nebesnye znamenija. Razmyslinie o simvolike cvetov » (Les signes célestes. Réflexion sur la symbolique des couleurs), Œuvres, tome II, p. 414-418.
[106] Colonne, p. 349, trad., p. 227.
[107] Colonne, p. 349, trad., p. 227
[108] Colonne, p. 350, trad., 228.
[109] Z. Kijas, Dieu mesure de l’homme selon Paul A. Florensky, Louvain, 1990, p. 87.
[110] De Spiritu Sancto, 18, 45, PG 32, 149 ; trad., coll. « Sources chrétiennes » n° 17, Paris, Le Cerf, p. 194.
[111] Les conciles œcuméniques. Les décrets. Tome II.1. Nicée I à Latran V, Paris, 1994, p. 136.
[112] Alphonse Dupront, Du Sacré. Croisades et pélerinages, images et langages, coll. « Bibliothèque des histoires », Paris, Gallimard, 1987, p. 115.
[113] L’œuvre d’art et ses significations. Essais sur les « arts visuels », 1955, trad. M. et B. Teyssedre, Paris, Gallimard, 1969, p. 43.
[114] H. Belting, Image et culte. Une histoire de l’art avant l’époque de l’art, Paris, Le Cerf, 1998, p. 10. La citation est tirée de V. Laurent (éd.), Concilium florentinum, Rome, 1971, IX, p. 250-251.