Introduction à la théologie de la mission de Hans Urs von Balthasar 3/3

Hans Urs von Balthasar. Introduction à la mission », L’évangélisation : de nouveaux défis pour notre temps. Actes du colloque de la Faculté de théologie de l’Institut catholique de Toulouse, 23 mars 2007, coll. « Théologie spirituelle » n° 4, Toulouse, 2008, p. 7-46

  • La personne-mission comme « réalité ecclésiale » [30]

Ici, il faudrait répéter encore une fois ce que nous avons dit plus haut sur la personnalisation et la socialisation simultanées de l’homme revêtu de grâce. Tout ce qui est « privé » disparaît dans ce processus, dans lequel l’homme est désapproprié et réquisitionné pour la vie divine, mais par là aussi pour les décrets divins de salut au sujet du monde. Dans la déprivatisation, celui qui est devenu la propriété de Dieu devient un homo ecclesiasticus qui revêt non seulement psychologiquement mais ontologiquement des traits ecclésiaux. Dans cette universalisation, il se conforme au Christ ; en lui il reçoit non seulement la grâce de la nouvelle qualité d’enfant de Dieu, de la naissance avec le Fils du sein du Père, de la possession conjointe du Saint-Esprit, mais aussi celle d’une mission, qui est découpée dans la mission christologique et constitue une part de la mission de l’Église. »

Jusqu’ici, nous avons traité de la mission du Fils, mais la missio ne lui est pas plus réservée que le titre de personne. « L’homme revêtu de grâce » devient personne en participant à la personne même du Christ. Et comme celle-ci s’identifie à sa mission, la mission du chrétien est une participation à celle du Christ. Balthasar l’exprime en utilisant une de ses images spatiales qu’il affectionne tant : cette « mission » est découpée dans la mission christologique », autrement dit « constitue une part [Teil] de la mission de l’Église », étymologiquement prend part, c’est-à-dire participe. Le don de la grâce « confère à un sujet spirituel individuel » une certaine participation – dérivée et comportant différents degrés d’intensité – à l’universalité de la mission du Christ [1]« . Comment comprendre, autrement qu’en termes imagés, cette participation ? Ce point est développé dans la dernière sous-section de la section consacrée à la christologie. Intitulée « Inclusion dans le Christ » (Einschluss in Christus) [2], elle affronte le thème central du semi-volume : Les personnes dans le Christ. La question concerne la préposition dans (in) : comment le Christ inclut-il tout homme en lui ?

Balthasar fait un bref état des lieux des interprétations de cette inclusion – philosophiques, puis proprement théologiques – pour énoncer sa solution – la substitution- dont il donne ici un premier aperçu [31] et dont on a vu qu’elle sera longuement déployée dans le volume suivant [3]. Après cette topique, il développe sa réponse. L’inclusion de tous les hommes dans le Christ s’opère : dans l’admirable échange (« admirabile commercium ») du Christ avec les hommes (les Pères) ; plus précisément dans l’échange de place entre le pécheur et le Fils, qu’est la substitution (Anselme et Thomas) ; plus précisément encore dans l’Eucharistie [4]. Prolongeant cette doctrine objective de la substitution, la formule paulinienne « dans le Christ » lui ajoute l’épaisseur subjective de la réponse [5].

Telle l’analogie, la participation conjugue le même et l’autre. Nous avons vu le semblable entre la mission du Christ et la mission des personnes humaines dans le Christ. En quoi réside la différence ? Deux traits caractérisent la personne du Messie : il possède la conscience immémoriale d’être le Fils envoyé par le Père pour réconcilier le monde avec lui ; l’identité de sa personne et de sa mission est a priori et totale. En revanche, les sujets spirituels créés ne possèdent pas de conscience a priori d’une identité divine : leur esprit doit progressivement s’éveiller à l’appel du Père ; et il existe une diastase entre leurs élections et leurs missions : « la caractéristique décisive de tous ceux qui pénètrent ainsi en Christoi sur la scène théologique est que chez eux, contrairement à ce qu’on trouve dans le Christ, il n’existe aucune identité entre leur élection (éternelle) et leur vocation et mission (temporelle) [6]« . Cette différence se traduit par la nécessité de « devenir » personne ; il demeure toujours chez nous une tension – dramatique – entre le sujet et la personne, entre ce que nous sommes et ce que nous devons devenir pour correspondre au dessein de Dieu en servant autrui [7].

Enfin, il faut tirer de cette doctrine de la mission participative une conséquence de toute première importance, plus encore sa propriété [32] principale, à savoir son universalité. Celle-ci habite d’ailleurs le texte ici commenté. La mission du Christ est l’archétype de la mission universelle : le salut de tous les hommes. Or, la personne prend part à la mission du Christ. Par conséquent, la mission du chrétien participe à cette universalité : « Dans cette universalisation, il se conforme au Christ ». En termes techniques [8], la particularité est, ainsi que le nom l’indique, une part de l’universel. Donc, cette mission sera particulière. Nous retrouvons ici la problématique de l’unum – se réfractant en ses deux pôles, singulier et universel -, mais dans le cadre concret de la mission. De manière effective, le Christ appelle le fidèle à prendre part à la mission qui est la sienne. Alors que Karl Barth distingue abruptement le Christ comme « homme-pour-les autres »(Mit-Menschlichkeit) et la « co-humanité » des autres hommes, Balthasar, dans une perspective résolument catholique, accorde à la personne une participation très réelle au pro nobis christique et affirme que la grâce fait entrer le chrétien dans une réelle existence pour-les-autres [9].

Or, toujours dans cette perspective concrète, l’universalité s’identifie à l’ecclésialité (Kirchlichkeit). Puisque la grâce prend part à l’Universale concretum qu’est le Christ, elle est donc ecclésiale et la mission de même [10]: « celui qui est devenu la propriété de Dieu ‘revêt’ ontologiquement des traits ecclésiaux ». Cette ecclésialité intrinsèque constitue une nouvelle – troisième – spécificité de la conception balthasarienne de la personne et de la mission, en même temps qu’un autre de ses apports essentiels à la théologie : la personne est une réalité non seulement théologique et christologique, mais ecclésiologique [11]. [33] Comment comprendre le caractère essentiellement ecclésial de la grâce et de la mission qui lui est liée per se ? Certes, cette ecclésialité exprime l’origine de la grâce : le don du Christ nous parvient à travers la médiation de l’Église – singulièrement des sacrements, même si cette médiation déborde la visibilité de l’Église [12]. Certes, la grâce est aussi ecclésiale par sa destination qu’est la mission dont la finalité est de porter l’Évangile aux confins de la terre et d’accomplir la vocation du monde qui est de devenir Corps du Christ. Mais de telles affirmations n’ont rien que de banal et, dans le cadre de la théologie catholique, frôlent le truisme. L’expression « la personnalisation et la socialisation simultanées de l’homme revêtu de grâce » signifie quelque chose de beaucoup plus essentiel et « ontologique », à savoir que l’identité même de la personne devient ecclésiale. La grâce, donc la mission et la personne sont ecclésiales non seulement en leur source et en leur finalité, mais en leur essence.

Pour concrétiser cette doctrine, faisons appel à quelques exemples tirés notamment d’ouvrages circonstanciels écrits par Balthasar qui, pour être plus latéraux, présentent le mérite d’être plus illustratifs et donc plus accessibles.

Déjà, plus on avance dans l’Ancien Testament, plus le peuple d’Israël est représenté par des individus qui ont été élus à ce dessein. [34] C’est ce que développe Karl Barth, à propos de la doctrine biblique de l’élection, dans la dialectique de l’individu et de la communauté [13].Mais cette coïncidence de l’individualité personnelle et de l’universalisation sociale n’est accomplie qu’à partir du Christ. Le processus d’ecclésialisation du « je » s’observe singulièrement chez Paul. Un article de Sponsa Verbi étudie l’usage des pronoms personnels chez l’Apôtre [14]. Paul ne cesse d’écrire à la première personne du singulier, au point même de se présenter à l’imitation des autres. Ne court-il pas le risque de conduire à une confusion entre lui-même et le Christ, et par là-même de sombrer dans l’orgueil ? Ne tombe-t-il pas dans ce culte de la personnalité qu’il reprochait justement aux Corinthiens (1 Co 1,12s) ? En fait, l’Apôtre ne peut parler ainsi que parce que sa subjectivité s’est identifiée à la communauté ecclésiale ; et cette identification s’est produite par l’expropriation et la déprivatisation dont parlera le paragraphe suivant : « Parce que le je du Christ héberge en circumincession le Père et l’Esprit, il peut donner naissance au corps mystique avec tous ses membres personnels, ses missions de sainteté et ses fonctions d’amour, et parce que le je trinitaire du Christ veut demeurer en celui qui l’aime (Jn 14,23), le je de Paul n’est pas seulement imprégné par cette vie divine mais il héberge de son côté en lui-même les communautés qui lui sont confiées, communautés auxquelles il donne naissance dans les douleurs (Ga 4,19) et dont il est le père, la mère et la nourrice [15]« .Ce progressif recouvrement du « je de la mission » et du « je ecclésial » se poursuit dans l’Église. En effet, celle-ci se présente comme une communio et une communion des Saints. Anticipant ce qui sera développé, dans le sillage du dernier Concile, sur l’Église communion, Balthasar marque parfois sa préférence pour l’expression communio sanctorum [16] vis-à-vis d’autres titres, pourtant plus illustres, [35] comme ceux de Corps du Christ ou Peuple de Dieu, pour déterminer le spécifique de l’Église [17]. Or, et ici gît la raison du choix, la notion de communio sanctorum montre le franchissement des limites, la simultanéité entre l’individu et la communauté. Un passage de Theodramatik II.2 éclaire cette communio par quelques exemples qui sont autant de moyens : « L’interpénétration des espaces de communion appartenant à chaque personne théologique forme la réalité de la ‘Communio sanctorum’ avec les lois mystérieuses qui déterminent son ‘pouvoir-être-les-uns-pour-les-autres’ dans la prière, la substitution, la souffrance pour les autres ;c’est une communauté qui ne se limite pas à l’espace de l’Église visible mais peut atteindre aussi loin que s’étendent les mérites du Christ [18]« .

Une illustration de l’ecclésialisation de la personne est aussi fournie par la typologie très originale qu’expose le Complexe anti-romain. Balthasar l’appelle « constellation christologique » ou « carré apostolique » [19]. Pierre, Jean, Paul, Jacques sont autant d’Apôtres appelés par le Christ. Or, la mission messianique comporte différents aspects, précisément quatre : le service pastoral, la contemplation, le charisme, la tradition. Chacun des Apôtres participe respectivement à l’un de ces aspects : le principe pastoral ; principe contemplation ; principe charismatique de liberté dans l’Esprit ; principe de tradition. De même, tout fidèle, dans l’Église, s’insèrera dans le rayonnement et vivra davantage de l’un de ces principes selon les moments et les besoins de l’histoire [20]. [36]

En soulignant l’essence ecclésiale de la grâce et de la mission, Balthasar prend nettement ses distances à l’égard d’une compréhension individualiste du salut – qu’accentue la question posée par la médiation ecclésiale dans l’accès des non-chrétiens au salut – et rejoint l’intuition longuement développée dans le maître-ouvrage programmatique du cardinal de Lubac [21]. Surtout, il rejoint une intuition très traditionnelle à laquelle la formule vir ecclesiasticus fait allusion. L’expression est suffisamment célèbre pour que Balthasar n’en rappelle la source, Origine : « Pour moi – disait le père alexandrin -, mon vœu est d’être vraiment ecclésiastique [22] » – ou, pour ne pas limiter la portée de l’adjectif aux seuls clercs, « être vraiment d’Église » ou « être vraiment un homme de l’Église ». L’anima ecclesiastica se sait le réceptacle, si indigne et si médiocre soit sa vie, de la sainteté de toute l’Église : elle est, en quelque sorte, toute l’Église à elle seule [23].

  • La personne-mission comme réalité eucharistique »

Dans la mesure où un homme devient une personne dans le Christ, il acquiert aussi en lui un espace ecclésial pour abriter en lui d’autres hommes ; ici, Origène peut même parler d’une analogie de l’eucharistie : dans la mesure où un homme appartient au Christ, il peut être distribué avec le Christ comme substance nourrissante du Corps mystique ».

Nous avons vu combien la mission ne pouvait s’envisager hors d’un contexte ecclésiologique, voire était intrinsèquement ecclésiale. Il nous faut encore nous demander comment opère cette « ecclésialisation » de l’âme. Cette question peut d’ailleurs prendre la forme d’une difficulté. En effet, le sujet spirituel est par nature singularité ; or, l’ecclésialité est, virtuellement et même réellement, universelle ; la mission ne menace-t-elle pas la personne d’aliénation ? L’hétéronomie de l’appel divin (en amont) se redoublerait-elle d’une désappropriation de soi, d’un débordement du « je » (en aval) ? Une nou[37]velle fois, la théologie de la mission nous confronte à la question centrale de l’unum [24].Cette question fut déjà évoquée à plusieurs reprises. Balthasar l’a abordée, sans que nous nous attardions, en parlant de « déprivatisation » et en affirmant : « Tout ce qui est ‘privé’ disparaît dans ce processus, dans lequel l’homme est désapproprié et réquisitionné pour la vie divine » et « de salut du monde ». Il précise ici en parlant d’une entrée dans « un espace ecclésial » et de « distribution » de la personne « analogue à l’eucharistie ». Ainsi, cette dernière note fait inclusion avec la deuxième sur la personne comme insertion – tout en l’incarnant.

La mission rend l’âme ecclésiastique d’abord parce que le don divin ménage en elle « un espace ecclésial pour abriter en lui d’autres hommes ». Cette convocation du registre spatial réside une manière typiquement balthasarienne de résoudre les questions. Nous avons déjà rencontré cette manière de procéder en traitant de la distance intradivine. En effet, Balthasar accorde aux notions spatiales, omniprésentes sous sa plume, un statut épistémologique qui dépasse largement l’image ou la métaphore. Plus spécifiquement, la mission creuse en l’âme un espace pour autre qu’elle et cet espace se présente comme un abri. Cette protection constitue l’un des aspects de l’enveloppement dont il a déjà été question : envelopper n’est pas un acte indifférent de contenance, mais un geste chaleureux d’amour qui offre à l’autre un « chez-soi » [25]. Le premier abri n’est-il d’ailleurs pas celui du Cœur du Christ, d’où surgit l’Église, et auquel tout homo ecclesiasticus à la fois participe et conduit ? Voilà pourquoi, selon Balthasar, le Christ s’universalise non pas d’abord à l’incarnation mais sur la Croix : « Lui-même, en raison de sa mort, où il ouvre le plus intime de son cœur de chair et livre son Esprit, devient l’Universel, sans qu’il cesse pour autant d’être le particulier-unique [26]« . [38]

Derrière ce creusement de l’âme se dit une attitude éthico-spirituelle de portée ontologique : l’obéissance [27]. L’illustration contemporaine peut-être la plus éloquente selon Balthasar réside dans la mission de Thérèse de l’Enfant-Jésus [28]. Elle s’inscrit dans le prolongement conscient de celle de la Madre et dans le cadre général de la vie religieuse. En effet, la règle et l’obéissance n’ont pas d’autre but que la dilatation de l’âme aux dimensions même de l’Église. Voilà pourquoi la sainte de Lisieux prononce cette parole fameuse : « Je veux être fille de l’Église [29]« . « L’universalisation de l’existence qui est recherchée dans le cadre de la règle d’un Ordre, n’a dans le domaine catholique pas d’autre sens que celui d’une catholicité le plus parfaite possible [30]« . De fait, pour notre théologien, l’obéissance a pour fonction de ménager un espace vide, disponible au cœur de l’âme. Voilà pourquoi il associe au point de les confondre (du moins dans le Fils), kénose et obéissance. L’universalité ecclésiale est donc conçue de manière concrète comme un espace de disponibilité. Et celle-ci suppose la désappropriation de soi et le renoncement à soi. L’homme ne peut posséder deux centres : son cœur ne peut être habité que par soi ou par Dieu (et l’autre, en Dieu). « L’essence de l’Église est l’amour des chrétiens, qui ont les vocations les plus diverses : cette cohésion dans l’amour, cet auto-dépassement de chaque charisme dans l’acceptation des autres, ce dépassement de la charismatique (1 Co 12) dans l’amour considéré comme son fondement et son but (1 [39] Co 13) vient authentifier la démarche de l’Église renvoyant constamment à son origine située hors de sa portée [31]. »Enfin, l’élargissement de l’âme peut se comprendre d’une dernière manière qui résume tout le propos précédent : la mission donne à l’existence de la personne une « forme eucharistique [32]« . La théologie balthasarienne est, à une profondeur inhabituelle, une théologie eucharistique [33]. En effet, l’Eucharistie multiplie, universalise temporellement et spatialement le pro nobis corporel et donc situé du Christ : le sacrement, par la médiation ecclésiale, rend présent l’évènement sacrificiel de la Croix à tous les temps, à tous les lieux, à toutes les cultures. Plus encore, Balthasar envisage cette universalisation sacramentelle de l’Eucharistie à la manière d’une distribution par communication, comme un partage, proche de la liquéfaction opérée par l’ouverture du Cœur sur la Croix. Ainsi, participer à la mission du Christ, c’est « être distribué avec le Christ », c’est devenir eucharistie. De même que la personne-mission du Christ peut être dite eucharistique, de même l’identité des sujets spirituels qui y participent : « le Christ devient non seulement dans son avoir (ses ‘mérites’ par exemple), mais aussi dans son être, ‘propriété commune’ de ceux qui ont part à sa chair et à son sang [34]« .

Que devient la difficulté qui ouvrait le paragraphe ? Si l’universalité de la mission n’aliène pas l’individualité de la personne, c’est que les deux pôles se télescopent.

Le texte de Theodramatik II.2 que nous commentons parle de « la personnalisation et la socialisation simultanées de l’homme revêtu de grâce » ; il ajoute : « Cette mission est aussi bien qualitative et personnalisante que socialisante ». La désappropriation constitue paradoxalement la plus grande appropria[40]tion [35] et l’achèvement de la personne. Et ce « paradoxe de toute mission chrétienne », qui est de « quitter Dieu pour Dieu », trouve, dans le Christ, son « exemplaire » : « dans l’acte du Christ » – il s’agit ici de la Croix et de la descente aux enfers – se trouvent réunis d’une part « l’éloignement le plus extrême par rapport au Père et, d’autre part, dans l’accomplissement de la mission, l’ultime étape vers lui [36]« . Voilà pourquoi l’échec peut être vécu comme une forme d’expectative [37]. Et si cette simultanéité de la désappropriation et de l’appropriation se vérifie déjà au plan humain – l’ouverture transcendantale que permet le quodammodo omnia se convertit au plan concret de l’engagement dans la solidarité -, le fondement ultime en est, pour Balthasar, une nouvelle fois trinitaire – les Personnes existent en tant qu’elles s’exproprient elles-mêmes dans une incessante circumincession.

  • La personne-mission comme réalité mariale

Pour être complet, il faudrait ajouter, avec sobriété, un dernier élément qui n’est pas abordé explicitement dans le paragraphe de Theodramatik II.2 que nous commentons, mais qui est constamment présupposé : la personne-mission est un concept mariologique, elle présente une dimension intrinsèquement mariale [38]. En effet, nous [41] avons vu que dans la réceptivité obéissante réside l’attitude par excellence de l’anima ecclesiastica ; or, Marie constitue l’archétype incomparable de cette disponibilité. Déjà, la femme est réponse [39] et Marie est la mère et plus encore l’épouse, la femme par excellence. Plus encore, par son fiat sans réserve, Marie ouvre un espace de collaboration sans limite à l’action de l’Esprit.

Et toute sa vie s’inscrit dans le sillage de ce consentement donné à l’Annonciation.

C’est ainsi que Balthasar ose affirmer que la participation de l’Église à l’offrande et au sacrifice du Christ s’enracine dans le fiat de celle qui est immaculée conception [40]. Mais comment Marie qui est une créature finie peut-elle devenir, à l’instar du Christ un Urbild et voir sa mission s’universaliser au point d’être coextensive de la totalité ecclésiale ? Double peut être la réponse [41]. Par en haut, à partir de la cause divine : c’est l’œuvre de l’Esprit de façonner le « oui » marial afin de l’adapter à son contenu universel. En l’occurrence, grâce à sa totale impeccabilité : « Par la puissance illimitée du Dieu un et trine, ce fiat [marial] est dégagé ‘d’avance’ (dans la pré-rédemption qu’est l’’Immaculée conception’), pour que l’élément terrestre et borné – que ce soit Marie ou son Fils ou l’Église – n’offre plus, en principe, aucun obstacle à l’inhabitation de Dieu, qu’il soit infiniti capax. » Mais, faire de Marie une personne omnicompréhensive, n’est-ce pas au minimum nier les médiations humaines ? Si puissante soit le don de préservation de tout péché, il ne peut faire l’économie de l’appropriation par la liberté ; or, [42] celle-ci s’exerce dans le temps et toute grâce est appelée à croître ; elle ne peut donc être d’emblée infinie.

C’est ici qu’intervient la seconde réponse, par en bas, intégrant l’épaisseur de l’histoire. Balthasar, toujours très proche de l’Écriture, note que « c’est un caractère essentiel de cette extensibilité infinie du consentement marial, d’être constamment mené au-delà de sa propre intelligence ». En effet, Marie a dû « consentir à des choses qui ne semblent pas se situer dans le domaine de l’humainement possible » : la conception virginale chez une femme déjà mariée, et par le « elle ne comprenait pas » à propos de la réponse de l’Enfant à douze ans, jusqu’aux refus pénibles de la part de son Fils et finalement à l’abandon au pied de la Croix, où elle se trouve confiée à un autre fils ». Or, « dans ces exigences qui chaque fois défient son entendement, sa disponibilité, sans aucune résistance, se dilate sans cesse », permettant à l’anima qui chante le Magnificat de toujours plus devenir ecclesiastica, faisant coïncider le don de la grâce (personnelle) avec le charisme (social, ecclésial).

  • Conclusion

Le bref texte de Personnes dans le Christ qui ouvre l’article présente le cœur de la théologie balthasarienne de la mission avec une rare densité de propos. Plus encore, le principe d’insertion du tout dans la partie (que nous avons qualifié ci-dessus d’holographique) se redouble, puisque cette missiologie s’avère être un résumé d’une grande part de la pensée théologique de Balthasar. En effet, le concept de personne-mission intègre une sextuple dimension : théologique, christologique, pneumatologique, ecclésiologique, eucharistique et mariale. Réarticulons-les succinctement. Pour fonder l’unicité qualitative et pas seulement quantitative du sujet spirituel, les déterminations venues de la nature ou du seul sentiment d’appartenance à soi ne sauraient suffire ; il ne faut pas moins qu’une parole venue de Dieu. De plus, l’identité du sujet spirituel est toujours prise dans une tension entre les deux pôles de l’unité et de l’universalité que seul Dieu peut résoudre. Dans cette lumière théologique, le sujet devient personne humaine. Et celle-ci advient dans sa participation à la mission du Christ, par l’Esprit pour le service de la transformation du monde, dans la mesure où son « je » [43] s’ecclésialise et se laisse eucharistiquement distribuée (désappropriée) à l’image du fiat marial.

Nous remarquions, en commençant, que les traits de la figure de Frodon correspondaient à ce que Balthasar révèle de la mission et de la personne. N’était-ce pas passer sous silence que, dans la longue coda de l’œuvre, Frodon rédigera longuement le récit de ses aventures après les avoir vécues et avant de partir aux Havres gris ? N’est-ce pas, surtout, taire que le héros de la saga fantastique de Tolkien n’est peut-être pas d’abord, en tout cas assurément pas seulement, Frodon, mais son fidèle Sam Gamegie ? Or, ce dernier, s’il part sans rien (I, p. 538), s’il est transformé en profondeur lorsqu’il combat Arachne et se charge du fardeau de l’Anneau [42],doit choisir entre Frodon et Rosie sa femme, et finalement, pour être « un et entier »(III, p. 424), revenir chez lui à la Comté et assurer le passage au Quatrième âge. Le dernier mot du Seigneur des Anneaux, qui est de Samsagace, n’est-il pas : « Me voici de retour » (III, p. 427) ? La personne ne s’identifierait-elle donc pas totalement à sa mission, même si elle y trouve son achèvement fécond ?

Considérons seulement les attendus philosophiques de la question. A l’instar de toute grande théologie novatrice, la théologie balthasarienne s’emmembre d’une philosophie qu’elle renouvelle par la même occasion. L’exposé précédent a déjà croisé un certain nombre de catégories métaphysiques, telles le transcendantal unum, la distinctio realis, l’activité et la passivité. Allons directement au cœur : le concept si original de personne-mission. Balthasar désire en quelque sorte réduire le plus possible la distance existant entre l’individualité et son opérativité – sans jamais, dans le cas du sujet spirituel créé, la gommer complètement. Pour cela, il opère deux déplacements majeurs à l’égard de la doctrine scolastique de la personne entendue comme substance individuelle de nature raisonnable : il résorbe la substance dans son opération et inverse l’axiome scolastique agere sequitur esse [43]; il rabat la fécondité de l’opération sur la réceptivité primor[44]diale de l’obéissance [44]. Autrement dit, Balthasar s’oppose à la double distinction structurant la métaphysique aristotélicienne et thomasienne, d’une part, de la substance et de l’accident, d’autre part de l’acte et de la puissance. La première est menacée de clôture et de statisme, la seconde incapable de rendre compte de la liberté, de la nouveauté et de l’unité [45]. Ce faisant, sans toutefois jamais nier la primauté de l’être, il le fluidifie en le rendant totalement relatif à Dieu : l’être intra-mondain » ne subsiste pas en soi [46]« . Entre le Créateur et les créatures, « il y a comme un lien liquide [47]« . Dans les termes d’une philosophie du don qui se déploie selon une rythmique ternaire – le moment de la réception originaire, le moment de l’appropriation, le moment de la donation – [48] que Balthasar n’ignore pas, y compris quand il traite de la mission [49], celui-ci valorise considérablement le premier moment, y reconduit systématiquement la fécondité et se méfie de l’appropriation. Une nouvelle fois, le prix à [45] payer – considérable – est celui de la stabilité immanente de la créature qui s’efface au profit de la seule consistance divine – choix qui retentit jusque .Il serait toutefois injuste d’en rester à ces seules considérants négatifs. La missiologie balthasarienne – et, avec elle, toute sa théologie – présente nombre de richesses non seulement spéculatives mais pastorales d’une brûlante actualité, telles que l’enracinement sacramentel, ecclésial, le primat de l’obéissance et de l’amour de l’autre et conjure nombre de risques tels que l’activisme [50], l’horizontalisme et l’individualisme [51]. Dans son intervention finale au premier Congrès eucharistique de Bénévent, le cardinal Ratzinger constatait que « lors de la crise des années soixante et soixante-dix, de nombreux missionnaires parvinrent à la conviction que la mission, c’est-à-dire l’annonce de l’Évangile en Jésus-Christ, ne serait plus nécessaire aujourd’hui : la seule chose qui aurait encore un sens serait d’offrir un service de développement social [52]. »Cet analphabétisme religieux, continuait-il, s’accompagne d’ailleurs souvent d’un discours de tolérance : chaque peuple doit conserver sa propre religieux et qu’il ne faut pas les importuner avec la nôtre. Mais allons plus loin : s’agit-il véritablement d’un respect de la religion de chacun ? « Il s’agit au fond ici – souvent sans le savoir- d’un mépris du fait religieux en général et pas du tout d’estime pour les autres religions, comme il pourrait sembler : la religion est considérée chez la personne comme un résidu archaïque, qu’on doit lui laisser, mais qui en dernière analyse n’a rien à voir avec la véritable grandeur du développement. »

Émettons le vœu que la [46] théologie balthasarienne de la mission – en sa richesse et son actualité qui n’excluent pas certains ajustements de fond – irrigue de l’intérieur notre conception et plus encore notre manière de vivre cette dimension essentielle de la vie chrétienne.

 

[1] DD II.2, p. 218 ; TD II.2, p. 249.

[2] Cf. TD II.2 : II.B.4.

[3] Cf. II.B.4.a.

[4] Cf. II.B.4.b.

[5] Cf. II.B.4.c. Enfin, Balthasar répond à l’objection de l’exégèse historico-critique sur la diastase entre les attributs sur­éminents du Christ et le Jésus historique, en interprétant ces attributs comme autant d’expression de sa mission : la pri­mauté, la prédestination, la pré-existence et la médiation créatrice (cf. II.B.4.d.).

[6] DD II.2, p. 211 ; TD II.2, p. 241.

[7] Balthasar traduit en termes plus personnalistes et moins métaphysiques la distinction entre l’union hypostatique et l’union par grâce.

[8] La logique classique distingue trois niveaux d’extension : la singularité (un individu), la particularité (quelques-uns), l’universalité (tous).

[9] Karl Barth, Kirliche dogmatik, III.2, 1948, p. 242-264 ; cité en DD II.2, p. 219, note 3 ; TD II.2, p. 250, note 3.

[10] Cf. DD II.2, p. 225-226 ; TD II.2, p. 257-259.

[11] Cf., entre autres, Stephan Ackermann, “Person aus beantworteter Sendung (H. U. von Balthasar)”, Kirche als Person. Zur ekklesiologischen Relevanz des personalsymbolischen Verständnisses der Kirche, coll. “Studien zur systematischen und spirituellen Theologie” n° 31, Würzburg, Echter, 2001, 2ème partie, chap. 3, p. 213-290. Id., “The Church as Person in the Theology of Hans Urs von Balthasar”, Communio, XXIX (2002), p. 238- 249. José Arregui, Sans exclusion ni inclusion. La relation Israël-Église chez Hans Urs von Balthasar comme paradigme du rapport entre le christianisme et les autres religions, Thèse, Institut Catholique de Paris, 1991. Antonio Baldini, Principio petrino e principio mariano nel Complesso antiromano di Hans Urs von Balthasar, coll. “Collana di mariologia”, n° 4, Pregassona, Eupress, 2003. Tesi di licenza, Lugano, 2001. Larry S. Chapp, “Who is the Church? The personalistic categories of Balthasar’s ecclesiology”, Communio, XXIII (1996), p. 322-338. Jean-Noël Dol, “Qui est l’Église ? Hans Urs von Balthasar et la personnalité de l’Église”, Nouvelle revue théologique, 117 (1995), p. 376-395. Joseph Fessio, The Origin of the Church in Christ’s Kenosis. The ontological structure of the Church in the ecclesiology of Hans Urs von Balthasar, Regensburg, Pustet, 1974 Wilhelm Link, Gestalt und Gestaltlosigkeit der Kirche. Umrisse einer personal-geistlichen Kirchenlehre bei Hans Urs von Balthasar, Roma, Thèse soutenue à l’Université grégorienne, 1970. Giovanni Marchesi, “Carisma e instituzione della Chiesa nella teologia di Hans Urs von Balthasar”, La civiltà cattolica, 144 (1993/1), p. 14-30. Heribert Mühlen, Una Mystica Persona. Die Kirche als Mysterium der Identität des Heiligen Geistes in Christus und den Christen, München-Paderborn-Wien, Ferdinand Schöningh, 1967, p. 445-450. Achille Romani, L’immagine della Chiesa ‹Sposa del Verbo› nelle opere di Hans Urs von Balthasar, coll. “Corona Lateranensis” n° 25, Roma, Libreria Editrice della Pontificia Università Lateranense, 1979, XII, 142 p. Antonio M. Sicari, “Maria, Pietro, Giovanni. Figure della Chiesa. L’ecclesiologia di Hans Urs von Balthasar”, Communio, 290 (1991), p. 80-95. James K. Voiss, A comparison and analysis of Karl Rahner and Hans Urs von Balthasar on structural change in the Church, Notre Dame, University of Notre Dame, 1999. Cf. aussi la bibliographie sur Marie qui sera donnée plus loin.

[12] De ce point de vue, il convient d’interpréter la formule de Balthasar : “son action immédiate de grâce [du Christ] dans le domaine extra-ecclésial”, en référence à la seule “Église visible” mentionnée trois lignes plus haut (Ibid., p. 226 ; p. 259) et non pas comme une exclusion de la médiation ecclésiale constamment affirmée par Balthasar.

[13] Cf. Kirliche dogmatik, II.2, 1942, p. 215-336 ; cf. TD II.2, p. 250.

[14] Cf. une intéressante actualisation, dans un autre contexte, chez Alain Gignac, “Une approche narratologique de Ga­lates. État de la question et hypothèse générale de travail”, Science et Eprit, 58/1 (2006), p. 5-22.

[15] “Wer ist die Kirche ?”, art. déjà cité, p. 177.

[16] Cf. GC I, p. 289 (H I, p. 330) ; GC III.2 : X.2 (H III.2.II) : III.2.b) ; DD II.1, p. 359 (TD II.1, p. 376) ; DD II.2, p. 196s et p. 217s (TD II.2, p. 225s et p. 249s) ; TD III : III.C.4.b et TD IV : III.C.2.c. Cf. aussi Points de repère, op. cit., p. 68-75 ; Catholique, trad., coll. “Communio”, Paris, Fayard, 1976, p. 61-89 ; Sponsa Verbi, op. cit., p. 173-180 ; Spi­ritus Creator. Skizzen zur Theologie III, Freiburg et Einsiedeln, Johannes Verlag, 1967, p. 337 ; Pneuma und Institution. Skizzen zur Theologie IV, Freiburg et Einsiedeln, Johannes Verlag, 1974, p. 264-265, p. 316.

[17] GC III.2, p. 82-83 ; H III.2.II, p. 83.

[18] DD II.2, p. 226 ; TD II.2, p. 258-259.

[19] Le complexe antiromain. Essai sur les structures ecclésiales, trad., Paris-Montréal, Apostolat des Editions, 1976, p. 142 s. Réédité Paris, Mediaspaul, 21999.

[20] Par exemple, les figures de saints canonisés ou non comme Thérèse de l’Enfant-Jésus, mais aussi Charles de Foucauld, Josefa Ménendez, Edith Stein, Madeleine Delbrêl, rappellent à une époque menacée par l’activisme que l’essentiel réside dans la la contemplation aimante : “Au siècle de l’action catholique, c’est le rappel de l’unique nécessaire, la contemplation, et ceci sans considération des fruits et des résultats. Au siècle de la psychologie, c’est le rappel à l’anonymat non seulement du voile, mais, plus profondément, de la pure adoration liturgique de Dieu pour lui-même, à un degré tel que les adorateurs semblent interchangeables. Au siècle de l’idéal religieux de la personnalité, c’est le rappel à la vie de la mission surnatu­relle, dont les dispositions, les inclinations personnelles sont tout au plus des éléments, et qui exige la disponibilité pour le sacrifice plénier de la nature propre” (Élisabeth de la Trinité et sa mission spirituelle, op. cit., p. 21).

[21] Henri de Lubac, Catholicisme. Les aspects sociaux du dogme, coll. “Unam sanctam” n° 3, Paris, Le Cerf, 1938.

[22] In Lucam, hom. 2 et 16, éd. Rauer, p. 14 et 109, cité par Henri de Lubac, Méditation sur l’Église, in Œuvres complètes, tome VIII, Paris, Le Cerf, 2003, p. 209. Cf. notamment toute la section p. 209-222.

[23] Cf. la parole fameuse de Paul Claudel (Paul Claudel interroge le Cantique des cantiques) rapportée p. 207.

[24] L’unité et la nouveauté constituent peut-être les deux difficultés centrales auxquelles toute sagesse, théologique ou phi­losophique, bien évidemment selon des formalités différentes, doit constamment s’affronter.

[25] Cf. Pascal Ide, “L’être comme amour”, art. cité, p. 286-284.

[26] É, p. 81 ; E, p. 89.

[27] Cf. Pascal Ide, “L’amour comme obéissance dans la Trilogie de Hans Urs von Balthasar”, Annales Theologici, 2008/1, à paraître.

[28] Cf. Hans Urs von Balthasar, Thérèse de Lisieux. Histoire d’une mission, trad. Robert Givord, Paris, Médiaspaul, 1972. Le sous-titre, même s’il n’est pas de Balthasar, dit exactement le contenu et signale combien la perspective de l’au­teur est celui de la mission de Thérèse. Cf., notamment, David F. Ford, “Before the face of Christ: Thérèse of Lisieux and two interpreters”, The Way, 37 (1997), p. 254-262. Virginia Raquel Azcuy, La Figura de Teresa de Lisieux. Ensayo de fenomenología teológica según Hans Urs von Balthasar, coll. “Estudios y Documentos”, Buenos Aires, Ediciones de la Facultad de Teologia de la UCA, 1997. Id., “La «théologie vécue» de Thérèse de Lisieux. Interprétation et réception dans l’œuvre de Hans Urs von Balthasar”, Thérèse et ses théologiens, Colloque Sainte Thérèse, Toulouse, J. Baudry (ed.), Versailles, Saint-Paul et Venasque, Carmel, 1998, p. 211-227. Karin Heller, “Expérience et foi d’après Thérèse de Li­sieux. Une relecture de l’interprétation de Balthasar”, Teresianum, 53 (2002), p. 109-144.

[29] Ms A, p. 307, cité par Hans Urs von Balthasar, Thérèse de Lisieux, op. cit., p. 146.

[30] Thérèse de Lisieux, op. cit., p. 144.

[31] “Pourquoi je reste chrétien”, in Je crois en l’Église, trad., Paris, Mame, 1972, p. 188.

[32] J’emprunte l’expression à Benoît XVI, Exhortation apostolique postsynodale Sacramentum caritatis sur l’Eucharistie source et sommet de la vie et de la mission de l’Église, 22 février 2007, 3ème partie, 1ère section : “Forme eucharistique de la vie chrétienne”.

[33] Cf. Édouard Ade, “Église famille : du principe marial à l’Eucharistie”, La missione teologica di Hans Urs von Balthasar, op. cit., p. 333-344. Georg Bätzing, Die Eucharistie als Opfer der Kirche nach Hans Urs von Balthasar, coll. “Kriterien” n° 74, Einsiedeln, Johannes Verlag, 1986. Jürgen Bründl, “Braucht Gott Opfer ? Zur theologischen Frage nach dem Wesen der Eucharistie”, Theologie und Glaube, 94 (2004), p. 509-525. Luca M. Di Girolamo, “Peccato, Croce ed Eucaristia in Hans Urs von Balthasar”, Rivista teologica di Lugano, X (2005), p. 425-451.

[34] DD II.2, p. 280 ; TD II.2, p. 321.

[35] Cf., à ce sujet, le paragraphe essentiel de Neuer Bund : “l’appropriation comme désappropriation” (GC III.2 : IX.2 ; H III.2.II : III.1.b).

[36] TL II, p. 269 ; T II, p. 223.

[37] Cf. TL II : V.A.1.e : “L’échec comme expectative”.

[38] La bibliographie secondaire sur Marie étant là aussi considérable, je ne proposerai que quelques titres, à côté de la thèse sur la mariologie de Balthasar (2169 pages !) est celle de Johann G. Roten, Im Ezichen der Ellipse, Dayton (Ohio), Juillet 1987. Id., “Marian Light on Our Human Mystery”, in Bede McGregor and Thomas Norris (eds.), The Beauty of Christ. An Introduction to the Theology of Hans Urs von Balthasar, Edinburgh, T. & T. Clark, 1994, p. 112-139. Rino Fisichella, “Marie dans la théologie de Hans Urs von Balthasar”, Communio. La vie cachée, XXIX/1 (2004), p. 87-98. Luca M. Di Girolamo, “Martirio di Maria e nascita della Chiesa nella teologia di Hans Urs von Balthasar”, Fons lucis, 2004, p. 551-582. Naomi Nyquist Gray, The glory of the Lord. Mary in the æsthetics of Hans Urs von Balthasar, Thèse, Portland (Orégon), Gordon Conwell Theological Seminary, 1998. Breandan Leahy, The Marian Principle in the Church according to Hans Urs von Balthasar, coll. “European University Studies”, Series 23. Theology. Vol. 558, Frankfurt am Mainz, Peter Lang, 1996. Trad. italienne : Il principio mariano nella Chiesa, coll. “Contributi di teologia” n° 27, Roma, Città Nuova, 1999. Giovanni Marchesi, “Maria «Splendore della Chiesa» nell’estetica teologica di Hans Urs von Balthasar”, La Civiltà Cattolica, 155 (2004) n° 3688, p. 341-353. Vittorina Marini, Maria e il mistero di Cristo nella teologia di Hans Urs von Balthasar, coll. “Studi Mariologici” n° 8, Città del Vaticano, Pontificia Academia Mariana Internationalis, 2005. Hilda Steinhauer, Maria als dramatische Person bei Hans Urs von Balthasar. Zum marianischen Prinzip seines Denkens, coll. “Salzburger Theologische Studien”, n° 117, Innsbruck-Wien, Tyrolia-Verlag, 2001. Id., “Mariologie und theodramatische Personalität : die heilsgeschichtliche Identität des Menschen”, La missione teologica di Hans Urs von Balthasar, op. cit., p. 313-332. Michel T’Joen, “Marie et l’Esprit dans la théologie de Hans Urs von Balthasar”, Marianum, XLIX (1987/I-IV), p. 162-195. James K. Voiss, “The Marian Profile: in the Ecclesiology of Hans Urs von Balthasar”, Theological Studies, 62 (2001), p. 653-654. Michael Waldstein, Maria, Expression and Form. Principles of a Philosophical Æsthetics According to Hans Urs von Balthasar, Ann Arbor, U. M. I. Publications, 1981.

[39] Cf. TD II.2 : III.B.1 : “La femme comme réponse”.

[40] “Die Messe, ein Opfer der Kirche ?” (1967), Spiritus Creator, op. cit., p. 166-217, p. 214 pour la corrélation avec cette conception immaculée.

[41] Je systématise un texte de l’ouvrage de Hans-Urs von Balthasar, Le complexe anti-romain, op. cit., p. 216. Bal­thasar parle de la “disponibilité vraiment illimitée” du fiat marial, d’un “sein nuptial, matrix et mater, où le Fils de Dieu lui-même peut non seulement prendre l’existence, mais encore instituer une Église vraiment universelle”.

[42] Cf. l’analyse qu’en donne Tolkien dans l’importante lettre 131, à Milton Waldman, malheureusement amputée dans l’éd. française des Lettres (trad. Delphine Martin et Vincent Ferré, Paris, Christian Bourgois, 2005, p. 206-231), mais que l’on trouve en édition bilingue traduite par Michaël Devaux, in Tolkien, Les racines du légendaire, op. cit., p. 67 et 71.

[43] “L’adage agere sequitur esse postule en retour esse sequitur agere” (DD II.1, p. 9 ; TD II.1, p. 11).

[44] Dans l’article déjà cité “L’amour comme obéissance dans la Trilogie de Hans Urs von Balthasar”, j’expose aussi une mise en situation de la disponibilité d’obéissance vis-à-vis des autres réceptivités fondamentales et irréductibles face au vrai et face au bien, trop ignorées du théologien helvète.

[45] Chacun de ces points, on s’en doute, requerrait de très longs développements. L’auteur de ces lignes achève une thèse de théologie sur la thématique du don dans la Trilogie de Balthasar.

[46] DD II.1, p. 220 ; TD II.1, p. 231.

[47] Paul Claudel, Cinq grandes odes, Paris, Gallimard-NRF, 1936, p. 53. Cité en GC I, p. 305 ; H I, p. 348. Sur un ton plus élégiaque : “Si tu obéissais tout à fait à la loi essentielle de ton être, si tu étais pleinement toi-même, tu vivrais uniquement de ce don qui afflue vers toi – que tu es toi-même – en le restituant avec une fidélité sacrée sans l’avoir souillé en te l’appropriant” (Hans-Urs von Balthasar, Le cœur du monde, trad. Robert Givord et préface de Henri de Lubac, Paris, DDB, 1956, p. 22).

[48] Je me permets de renvoyer à quelques développements personnels. Avant tout, Eh bien dites : don ! Petit éloge du don, Paris, L’Emmanuel, 1997 (même si un certain nombre de points demanderaient à être précisés) et quelques applications à l’anthropologie du corps, philosophique (Le corps à cœur. Essai sur le corps, coll. “Enjeux”, Versailles, Saint-Paul, 1996, IIème partie, chap. 7 et IIIème partie) et théologique (“Don et théologie du corps dans les catéchèses de Jean-Paul II sur l’amour dans le plan divin”, in Jean-Paul II face à la question de l’homme, Actes du 6ème Colloque International de la Fondation Guilé, octobre 2003, Zurich, Guilé Foundation Press, 2004, p. 159-209) et à l’éthique, philosophique (“Une éthique de l’homme comme être-de-don”, Liberté politique. Sortir de l’école unique, n° 5 (été 1998), p. 29-48) et théologique (“Une théologie du don. Les occurrences de Gaudium et spes, n. 24, § 3 chez Jean-Paul II”, Anthropotes, 17/1 (2001), p. 151-180 et 17/2 (2001), p. 129-163).

[49] “Dans le concept de mission, il y a deux aspects : d’abord la relation régressive à un sujet qui envoie, qui est présent dans la mission, mais non comme identique à l’envoyé ; en­suite le regard vers l’avant, sur l’exécution de la mission qui doit être remplie avec les forces humaines de l’envoyé et, puisqu’il est libre, doit aussi éventuellement, pour le mode de l’exécution, être méditée, projetée, examinée” (DD II.2, p. 134 ; TD II.2, p. 154).

[50] Ce primat de la réceptivité invite à s’interroger sur la pertinence de certaines expressions comme “faire Église” ou “Construire le Royaume”, expressions qui, laissées à elles seules, peuvent induire un certain activisme, et demandent à être équilibrées par et plus encore fondées sur un primat de l’accueil.

[51] Le Père Mario Saint-Pierre propose deux prolongements concrets à la théologie balthasarienne de la mission, le premier dans le cadre du ministère pastoral du prêtre (“Les futurs prêtres, témoins de l’amour. Prêtres et futurs prêtres au cœur de l’Église”, Seminarium, XLIII (2003), n. 4, 997-1029), le second dans le contexte plus global de la nouvelle évangélisation (“Intégration et nouvelle évangélisa­tion de Karol Wojtyla à Jean-Paul II”, Intervention à la Faculté de théologie de l’Université de Fribourg, “Semaine interdis­ciplinaire sur la nouvelle évangélisation”, le 21 avril 2004, texte non publié mais accessible auprès de l’auteur).

[52] Cardinal Joseph Ratzinger, “Eucharistie, communion et solidarité”, Lectio magistralis du premier Congrès eucha­ristique de Bénévent, en Italie (25 mai-2 juin), le 2 juin 2002, texte dans L’Osservatore romano de langue française, n° 29 (16 juillet 2002), p. 8 et 9 et n° 30 (23 juillet 2002), p. 9 et 10, ici p. 10.

2.4.2019
 

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