Un métier sérieux, comédie de mœurs française écrite et réalisée par Thomas Lilti, 2023. Avec Vincent Lacoste, François Cluzet, Adèle Exarchopoulos, Louise Bourgoin, William Lebghil.
Thèmes
Enseignant.
Si Un métier sérieux honore l’enseignant, en fait-il de même pour le cinéma ?
On ne peut nier que, avec l’empathie qui caractérise sa trilogie réussie sur le médecin – Hippocrate (2014), Médecin de campagne (2016) et Première Année (2018) –, le réalisateur qui est aussi scénariste a fait mouche en choisissant l’enseignement pour son nouveau film. De fait, nombreux sont les crossing over entre les deux professions. Cette parenté se retrouve bien entendu dans la motivation qui est un dévouement ressemblant fort à de l’amour, au point qu’il n’est pas si suranné de parler encore aujourd’hui de vocation (d’enseignant et de soignant). C’est ce dont témoigne tel aveu pudiquement murmuré en passant ou telle manière d’être si habituelle qu’elle n’est pas conscientisée (si Fouad vit sur place et ne sort guère, c’est parce que sa famille et ses amis, au fond, c’est l’école). C’est ce qui est vécu en action (comme une complicité partagée avec les élèves) et en passion (la joie ensoleillant le visage de Benjamin, la compassion non jugeante pour Sandrine), en plein – la solidarité avec Enzo (Bilel Souidi), l’élève intimidant – comme en creux (beaux plans de fin d’année chargés de nostalgie s’attardant sur les salles désertées), en réaction (contre un principal autoritaire) comme en action (avec le même principal dont Lilti se refuse d’offrir une vision naïvement dialectique), dans la capacité (autorité de Pierre) comme dans la vulnérabilité (même Pierre avouant craindre ennuyer ses élèves), dans la vie professionnelle (touchant moment où les collègues se retrouvent en train de jouer au Trivial Pursuit) comme dans la vie personnelle (Meriem larguée par son petit ami tout simplement parce qu’elle est enseignante…).
Mais l’affinité concerne, peut-être plus encore, l’essence même de cette profession qui est aussi un art. En effet, dans deux développements célèbres De magistro, saint Thomas d’Aquin montre que professeur et médecin sont les aides de la nature humaine qui est la cause principale de l’enseignement comme de la guérison : l’enseignant est à l’âme, ce que le médecin est au corps [1].
Demeure l’impression qu’à force de coller au plus près à la vie des enseignants, donc avec les personnages, le vidéaste semble oublier qu’une histoire, c’est-à-dire un film, c’est aussi une histoire, c’est-à-dire une intrigue. Sans être un documentaire, Un métier sérieux ressemble plus à une chronique avec ses petites tensions et ses petites résolutions, sans nous donner à voir et ressentir ce climax qui est purification gratifiante. Un signe ne trompe pas. Alors qu’on s’attendait à ce que le nouvel enseignant peu outillé et peu motivé (entre besoin alimentaire et thèse inachevée, entre loyauté personnelle et loyauté paternelle), galère de longs mois, il s’en sort trop vite et trop bien, tant avec ses élèves qu’avec ses collègues, pour susciter l’intérêt et configurer une intrigue. Ce défaut qui transparaissait déjà dans les précédents longs-métrages aux scénarios minimalistes devient particulièrement saillant dans ce dernier film.
Le réalisateur devenu microsociologue du monde des médecin et diariste de celui des enseignants doit encore devenir un authentique cinéaste, donc conteur d’histoire – surtout s’il continue à prétendre être son propre scénariste.
Pascal Ide
[1] Cf. Somme de théologie, Ia, q. 117, a. 1 ; Q. D. De Veritate, q. 11, a. 1.
Jeune doctorant en physique sans bourse d’études, Benjamin Barrois (Vincent Lacoste) a besoin d’argent. Sous la pression de son père (Bouli Lanners) et malgré son manque de formation, accepte un poste de professeur de mathématiques au collège Victor Hugo en région parisienne. Il découvre un métier difficile au sein d’une institution en péril. Il rencontre aussi un groupe d’enseignants très solidaires qui font corps les uns avec les autres et parfois contre leur principal, M. Baderos (Mustapha Abourachid), secondé par son adjoint (Hubert Myon). Benjamin est pris sous son aile par Pierre Etcheverel (François Cluzet), un professeur de français expérimenté, qui a des problèmes avec son fils Simon (Jérémy Gillet). Il se lie également avec le facétieux prof d’anglais Fouad Medaoui (William Lebghil), ainsi qu’avec Meriem Bayan (Adèle Exarchopoulos), professeur de mathématiques qui, séparée et tentant d’élever seule son fils (Ezechiel Marie), éprouve plus que de la sympathie pour son homologue. Sandrine Deleyziat (Louise Bourgoin), professeure de SVT au bord du burn-out, a également des soucis avec son fils adolescent (Elliot Daurat) violent et transgressif. Nous allons suivre les différenties péripéties de l’équipe sur une année, d’une rentrée à la suivante.