Larguées, comédie française d’Eloïse Lang, 2018. Avec Camille Chamoux, Camille Cottin, Miou-Miou.
Thèmes
Bonheur, sexualité, plaisir.
Assurément, comment ne pas se réjouir de montrer le chemin et la transformation de ces deux filles aussi contrastées de caractère qu’identiques en leur prénom d’actrices. Certes, l’opposition d’Alice, Mrs tout-contrôle, rangée et arrangée, tournée vers l’autre, mais mode Sauveteur, et de Rose, Miss hors-contrôle, anarchico-rocky et encombrée de son ego, dont le psychisme aussi troué que son short, n’évite pas la caricature. Mais celle-ci appartient au genre burlesque, surtout lorsque la bipolarité reprend les grands couples, Surmoi-Ça (de la deuxième topique freudienne), éthique (psychorigide)-esthétique (des étapes kierkegaardiennes sur le chemin de la vie), fils aîné-fils cadet (de la parabole de l’enfant prodigue).
Il est aussi heureux de montrer que ces filles si bigarrées se retrouvent autour d’un bien propre, l’issue de leur mère hors de sa dépression qui devient bien commun, l’unité inattendue du trio féminin qu’est devenue la famille ; avec, en bonus : pour Rose, la sortie de l’emprise, donc le souci de l’autre, et, pour Alice, le lâcher-prise, donc le souci de soi.
Mais comment peut-on encore nous servir l’ingénu discours sur l’affranchissement sexuel comme chemin et terme de la liberté, voire de la félicité ? Le sommet (les images sont discrètes) du bonheur est, en effet, confisqué (et offusqué) par la seule libido : du naturisme passager d’Alice à la fornication immédiate de Rose, en passant par l’onanisme de Françoise… Certes, le cadre idyllique fait rimer érotique et romantique, mais le fond demeure hédoniste, utilitariste et foncièrement égotiste. De sorte que la joie authentique de l’altruisme, pourtant attestée, s’affaisse, voire s’efface dans cette recherche régressive – à quel âge la personne va-t-elle enfin découvrir qu’elle ne se trouve qu’en se donnant (cf. Gaudium et spes, n. 24, § 3) ? Il est d’ailleurs significatif que cette confusion du moi et de l’autre qu’est la régression archaïsante s’étende à la confusion des générations – Thierry (Johan Heldenbergh) sera l’amant de la fille, puis de la mère.
Si le film montre – sans surprise abyssale, étant donné la déclinaison plurielle du titre – que les plus larguées (les filles) ne sont pas celle que l’on croit (la mère), en revanche, la réalisatrice n’a pas eu le recul et la liberté de larguer la principale amarre : l’égalisation si naïve, et pourtant si réfutée, du bonheur et du plaisir, a fortiori sexuel, a fortiori à la seconde puissance, solitaire. Il suffit de relire, entre autres, le Prix Renaudot 1998, La tyrannie du plaisir (Jean-Claude Guillebaud, rééd. coll « Points-Essai » n° 588, Paris, Seuil , 2008) ou L’amour en morceaux (Gérard Leclerc, Paris, Presses de la Renaissance, 2000).
Pascal Ide
Rose (Camille Cottin) et Alice (Camille Chamoux), deux sœurs tout en contraste, sont pour une fois d’accord sur deux points : remonter le moral de Françoise, leur mère (Miou-Miou), en pleine dépression réactionnelle depuis que son mari l’a « larguée » pour une femme qui a l’âge de ses filles ; « sauver maman » en partant dans un club de vacances sur l’île de la Réunion. Bien entendu, rien ne va se passer comme Rose et Alice se le sont imaginé, mais ce qui arrivera sera peut-être mieux que ce qu’elles avaient rêvé…