Avengers : Infinity War, fantastique américain d’Anthony et Joe Russo, 2018. Inspiré du comics Marvel, Le Gant de l’Infini, 1991. Avec Robert Downey Jr., Chris Hemsworth, Benedict Cumberbatch, Mark Ruffalo, Chris Evans, Scarlett Johansson, etc., etc.
Thèmes
Bien-mal, sacrifice, travail de Pâques, personnalité narcissique.
Le succès inouï l’atteste indirectement (630 millions de dollars de recettes pour le seul premier week-end d’exploitation mondiale, la Chine exclue, soit le record absolu, soit aussi le double de l’investissement, pourtant colossal, de la maison de production Disney…), Avengers : Infinity War est une authentique réussite : il évite les pièces dans lesquels ont sombré ses deux prédécesseurs – Avengers (Joss Whedon, 2012) et Avengers 2. L’Ère d’Ultron (Joss Whedon, 2015) – ; il nous offre une excellente histoire qui oppose un super-vilain réellement et subtilement méchant, à des super-héros, difficilement, mais profondément super-héroïques.
- Les obstacles étaient nombreux. Certains étaient extrinsèques comme la tentation du spectaculaire (les effets spéciaux sont de chaque image), de la créativité dérégulée (on compte pas moins de six nouveaux mondes, comme la colonie minière de Knowhere ou Nidavellir, le monde des nains) ou du vedettariat (jamais le plateau n’a rassemblé autant de superhéros : sur 68 protagonistes, plus d’une vingtaine, précisément 22 à et sur l’affiche, viennent de franchises super-héroïques habituellement séparées).
Et pourtant, nulle loi ne convertissant la nécessité en grâce, non seulement le scénario est d’une grande lisibilité (la conquête successive des six Pierres d’éternité, elle-même expliquée avec pédagogie et sans didactisme), mais il sait commencer sans tarder et finir sans lasser, plus, en relançant l’attente autant que l’attention. En effet, il met aussitôt en scène de manière la plus efficacement effrayante un méchant, Thanos, réellement tout-puissant, techniquement (non seulement il paralyse Thor, mais il le musèle), physiquement (il terrasse Hulk sans effort et sans délai) et psychiquement (il déjoue tous les tours du retors Loki). D’emblée, le spectateur est mis en tension : comment un méchant aussi invincible et aussi motivé pourra-t-il être vaincu, même par la grande famille des Avengers ? Et le film s’achève dans une effroyable déréliction : la moitié de l’humanité, et donc la moitié des super-héros, part très littéralement en poussière – la scène post-générique offrant pour seule lumière d’espoir, un vulnérable message provenant du très énigmatique Captain Marvel s’affichant sur l’écran. Or, Tolkien, qui tire sa théorie de la fantaisie aussi de l’expérience, note que l’intrigue bien nouée, voire l’intrigue par excellence, est celle qui fait plonger ses héros dans le plus obscur des désespoirs, avant de les en faire ressusciter dans une « eucatastrophe » aussi espérée qu’inattendue.
D’autres contraintes étaient intrinsèques comme la prolifération des personnages. Certes, le film ne multiplie pas les scènes poétiques. Et si nous ne pouvons guère nous attarder à nous émerveiller et pleurer, du moins l’émotion est-elle au rendez-vous, lorsque, étreint par l’abyssale désespérance, nous nous écrions : « Tout est perdu ». Certes aussi, les nombreuses scènes d’action se donnent trop souvent la facilité de se dérouler dans l’obscurité (de l’espace aux entrailles planétaires) – hors le champ de bataille solaire, mais, il faut le dire, plutôt brouillon, du pays Wakanda. On pourrait toutefois les sauver par une lecture symbolique qui verrait dans les ténèbres extérieures l’expression de la nuit intérieure traversée par les héros ; il faudrait alors que, par cohérence, le deuxième volet, très impatiemment attendu pour le 3 mai 2019, se caractérise par une lente montée vers la lumière…
Certes, le spectateur peu familier de l’univers cinématographique Marvel peinera beaucoup à se retrouver dans le foisonnement des groupes de personnage en ce 19e long métrage qui, cherchant très intentionnellement à achever une ère, fait converger les héros découverts films après films, dans cet ultime opus en deux volets. Du moins pourront-ils goûter leur variété dans l’alternance bienvenue des styles : plus dramatique avec les Vengeurs-Avengers proprement dits comme Iron Man ou Captain America, plus décalé avec les Gardiens de la Galaxie comme Star-Lord ou Drax le Destructeur, plus épique avec les nouveaux venus comme Docteur Strange, Spider-Man, plus économico-écologique (au sens étymologique qui évoque la maison ou la famille) avec la Panthère noire et les Wakandiens.
- L’autre « bonne nouvelle », si je puis dire, réside dans la subtilité de l’adversaire. Comment ne pas se poser la question : Thanos n’est-il pas, sinon bon, du moins torturé ? Il ne paraît pas emprunter au narcissisme manipulateur d’un Loki (qui s’est racheté depuis quelques franchises) et encore moins à l’anarchie perverse du Joker de The Dark Night (Batman. II, Christopher Nolan, 2012). D’un côté, loin d’être désarticulé par l’hubris d’un orgueilleux égocentré, le Titan mélancolique conjugue la limpidité de l’intention avec la rigueur de l’exécution ; d’autre part, loin d’être une machine froide à organiser et à tuer, ce rationnel rime avec émotionnel : rien ne permet de douter de la sincérité de son attachement à sa fille adoptive et de celle de ses larmes lors de son décès violent. Le spectateur devra donc réfléchir pour résoudre l’interrogation que, dans leurs échanges les protagonistes peinent à éclairer.
Voire, celui qui serait tenté de l’accuser sans mesure, ne devra-t-il pas l’excuser avec le même empressement ? Traumatisé par l’effondrement de Titan et ravagé par la disproportion entre une humanité en droit illimitée et une nature de fait limité, il cherche la solution la plus équitable possible en se transformant en ecowarrior corrigeant son malthusianisme par une égalisation du riche (avantagé par le système libéral) et du pauvre (avantagé par le système socialiste) face à la mort. Par ailleurs, sa motivation altruiste ne jure-t-elle pas avec les mobiles égocentrés de superhéros qui peinent à s’extraire de leur narcissisme querelleur ? Enfin, la riche biographie développée dans les DC Comics nous révèle l’histoire traumatique de ce résilient surnommé le « Mad Titan » : autant son frère Éros est beau, autant Thanos est laid, avec sa peau violette et son corps massif ; en outre, réputé anormal, car il serait porteur du mal génétique dit « syndrome du déviant », il est écarté du trône de son père, le mentor Alars, et doit laisser la place à Éros ; pire encore, il est rejeté par les siens, notamment sa mère Sui-san, et trouve pour seule consolation durant toute son adolescence, l’amour de Dame Mort qui vit dans un temple souterrain oublié. En lui empruntant son nom, il rendra hommage à celle qui lui a aussi enseigné le pouvoir surpassant celui de tous les autres Titans.
Nous répondrons d’abord que, si le Titan règne sur Titan (le satellite de Saturne), nul ne l’a instauré maître du reste de la galaxie. S’autoproclamant juge et exécuteur, cet usurpateur n’est qu’un justicier, pire, un tyran aussi arbitraire que violent.
On objectera que le groupe emmené par Captain America ne brille pas non plus par l’obéissance et affirme lui aussi se passer de tout mandat officiel, en déclarant à Ross que leur autorité ne requiert pas son autorisation. Du moins, leur guerre est-elle seulement défensive, alors que celle menée par Thanos est offensive, transformant une tension entre personnes et ressources naturelles en une opposition entre personnes.
Par ailleurs, sa justification rationnelle ne leurre que lui et ses admirateurs-adorateurs. Thanos sème son double Thanatos (la « mort », en grec, dont la rencontre l’a fasciné plus encore que consolé) en convoquant une double illusion, synchronique et diachronique : la fascination pour la justice commutative et sa logique duelle (symbolisée par le don de la balance à sa fille adoptive), entraînant le choix totalement illégitime de l’extermination d’une moitié de l’humanité et des autres créatures cosmiques ; d’autre part, cette dikolâtrie barbare se traduit par et se projette dans une autre adoration, celle de l’avenir caractéristique de tous les totalitarismes, notamment ceux qui ont ensanglanté le xxe siècle : les présents qui déchantent sont sacrifiés au nom des lendemains qui (prétendument) chanteront.
Demeure l’objection de la sensibilité du Titan. Jusqu’à maintenant, tous les super-vilains étaient des célibataires aussi endurcis que leurs cœurs, sans compagnon autre que complice, ni progénitude autre que dégénérée. Or, loin d’être un monstre froid, œuvrant pour sa prétendue justice sans rien connaître ni éprouver de la chaleur des relations humaines, Thanos joindrait la passion pour l’équilibre à la compassion pour cette petite fille perdue. Aux larmes de Gomora épouvantée par la guerre, répondraient celles de Thanos la sacrifiant à contrecœur. Mais, ne nous trompons pas. L’attention hypersélective pour une enfant en détresse cherche à ratifier la carence totale d’empathie à l’égard des myriades de myriades de personnes innocentes génocidées. L’histoire nous l’enseigne. Les abominations appelées Hitler ou Staline, pour nous arrêter à eux seuls, ont elles aussi exercé une activité de fidèle et touchante compassion à l’égard d’une personne (le médecin juif qui avait sauvé sa mère pour le Führer, une vieille femme pour le « petit père des peuples »), tout en envoyant des millions d’autres à la mort la plus dégradante. La psychologie précise l’enseignement : un esprit humain ne survit au mal qu’il commet qu’en le refoulant, en l’autojustifiant et en s’apparaissant à ses propres yeux comme un être bon. Le mécanisme a un nom : le clivage. Il a un coût, exorbitant : la tranquillité du seul ego (je ne parle pas de son moi ou de son âme auquel il n’accède presque jamais) se paie de la guerre contre tous.
On opposera que la fascination pour la justice dope sa colère, mais le prémunit contre la haine et le mépris. Ce héros cornélien autant que racinien exprime dans des paroles d’une gravité impressionnante, et imprime sur des traits d’une sincérite troublante les dilemmes qui déchirent son cœur.
Mais que sait-on des motivations secrètes du Titan ? La jouissance manifeste qu’il éprouve à enrichir son Gant d’Infinité des six Pierres révèle que, derrière la poursuite de l’égal se dissimule une passion de l’ego. Le désir sagement borné par sa logique comptable (« Je ne vous en veux pas », dit Thanos aux super-héros qu’il fait mourir) masque l’infinie recherche de son pouvoir et la non moins infinie dévoration de l’autre.
- L’on pourrait enfin faire valoir que, du moins, ce démon déguisé en Hamlet écolo possède une vision de l’avenir au service du bien galactique, alors que les super-héros demeurent divisés par leur histoire passée (avec cohérence, Captain America et Ironman, encore brouillés, ne se rencontrent pas) et encombrés par leurs tension présente (la double stratégie de Quill et Thor se traduit par une séparation coûteuse des équipes et une dispersion périlleuse des énergies).
Nous avons nommé en passant la problématique qui est au cœur des super-héros : le sacrifice.
Affrontons à nouveau la précédente objection : Thanos souffre et on pourrait concéder que sa souffrance est sincère. Du moins est-il l’unique cause de la mort de sa fille bien-aimée. Cette victime est d’abord le propre bourreau de son cœur. Et son ambiguïté se traduit par un aveu significatif : « On pensera plus tard au deuil ». Cet ajournement du présent (actuel) exprime de manière limpide l’éloignement d’un autre présent (don), celui de l’autre : c’est autrui et non lui-même qu’il sacrifie sur Vormir, alors que chaque super-héros, lui, devra sacrifier quelque chose de lui. Voilà pourquoi ils paraissent si encombrés d’eux-mêmes : l’enjeu d’une vie consiste à sortir de ces jeux de morts ; s’arracher aux calculs égoïstes pour naître à un altruisme salvateur et salvifique. Autrement dit, le combat victorieux contre le méchant requiert d’abord la lutte souvent peu glorieuse contre soi-même.
Et c’est ce sacrifice que Avengers: Infinity War donne à voir depuis la première scène (en donnant sa vie, Loki permet de détourner l’attention de Thanos et de permettre à Hulk de venir) jusqu’à la presque-dernière scène (Wanda qui se résout enfin à détruire la Pierre de l’esprit, et Vision dans le même geste). Observons aussitôt que la similitude avec la mort que Thanos inflige à Gomora n’est que superficielle, voire accidentelle : certes, Wanda sacrifie aussi la personne qu’elle aime le plus au monde. Mais, d’abord, la Sorcière Rouge y est contrainte. Ensuite et surtout, lors de l’attaque inattendue de Midnight et Glaive, Wanda et Vision s’immolent l’un pour l’autre à plusieurs reprises, témoignant que, si possibilité lui en était offerte, elle se donnerait pour l’androïde.
Précisons aussi d’emblée, pour écarter toute navrante équivocité, tant des confusions délétères de vocabulaire en arrivent aujourd’hui à parler de martyrs pour les assassinats commis par des terroristes suicidaires. C’est confondre gravement deux réalités diamétralement opposées, et doublement. D’une part, le sacrifice au sens propre est agi et non subi : sacrifier n’est pas être sacrifié. Il est la libre décision de celui qui l’accomplit et non pas l’effet d’un autre qui l’inflige par violence, de surcroît en se dédouanant de tout sadisme, voire en s’attristant de la disparition. D’autre part, le sacrifice véritable et véridique porte sur sa propre personne et se refuse avec la dernière énergie à immoler celle de l’autre. Plus encore, il accepte de se perdre pour que l’autre vive : telle est sa raison d’être. Bref, liberté de la décision (cause efficiente) et gratuité de la motivation (cause finale) sont les deux cachets qui authentifient le sacrifice. Autrement dit, celui-ci est un acte d’amour, non de justice et encore moins de violence.
À cette lumière, nous pouvons brièvement passer en revue quelques figures sacrificielles.
- L’holocauste le plus patent et le plus onéreux s’identifie à celui de sa propre vie. L’appellation de super-héros s’est tellement banalisée que nous pourrions oublier qu’un héros n’est pas d’abord un surdoué mettant ses talents au service d’une noble cause, mais un homme préférant perdre son humanité pour sauver celle des autres. L’adjectif héroïque, lui, garde mieux la trace de cette glorieuse signification. Or, chaque affrontement, dans les multiples combats qui s’égrènent tout au long du film, possède un prix : il est potentiellement une offrande de sa propre existence. L’alternative le révèle : la fuite face à l’adversaire ou la soumission immédiate. Les luttes menées systématiquement par les super-héros ne doivent pas nous faire oublier que nos vies oscillent bien moins triomphalement entre fight et flight… L’évidence attendue du combat nous dissimule que l’attitude la plus habituelle face au danger réside dans la fuite ou la paralysie.
La lutte sacrificielle atteint son sommet lorsque T’Challa consent à ouvrir une partie de la barrière protectrice du Wakanda : désormais, ce n’est pas seulement des vies de soldats, mais toute une population et tout un pays qui acceptent d’être anéantis pour sauver le reste de l’humanité. Avec ce sens de la solidarité fmailiale élargie qui caractérise les peuples africains, la Panthère Noire et sa garde rapprochée sacrifient donc leur somptueux pays. En une image très symbolique qui est une sorte d’hémorrage inversée et consentie, les monstres envoyés par les enfants de Thanos pénètrent dans le Wakanda, comme une invasion massive de virus dans un magnifique organisme.
Et que l’on n’oppose pas l’invulnérabilité de certains super-héros : les obstacles auxquels ils sont affrontés sont mesurés à leur capacité. L’exemple du dieu Thor est emblématique, qui devra résister à rien moins que le rayonnement d’une étoile à neutrons pour activer la forge de Nivadellir et permettre au nain géant (oh paradoxe) Eitri (Peter Dinklage) de fondre le métal pour sa nouvelle arme, la redoutable hache Stormbreaker. Ainsi, en proportionnant l’obstacle à chaque superhéros, l’intrigue l’invite à sacrifier rien moins que sa vie.
- Plus subtilement, mais non moins réellement, certains devront sacrifier non point leur vie, mais le sens de leur vie, à savoir l’amour, conjugal ou familial : hiérarchisant le bien privé de son mariage et le bien commun de sa mission en faveur de l’humanité, Ironman s’arrache à celle qu’il commence à aimer plus que sa vie (ce qui n’est pas rien pour Tony Stark…) ; de même, subordonnant sa piété filiale au bien total de la galaxie, Gomora accepte d’éliminer son père monstrueux ; et l’on pourrait multiplier les illustrations exemplaires (Quill vis-à-vis de Gomora, Wanda vis-à-vis de Vision, etc.).
- Enfin, un dernier sacrifice qui, pour être plus spirituel, n’en est pas moins réel, voire pour être plus caché et plus spectaculaire, est encore plus décisif, car il décide du sort de l’humanité et du cosmos : celui de l’ego. On le sait, avant d’être un combat à mort contre un Supervillain mythique, la franchise Avengers a renouvelé les intrigues superhéroïques en en faisant une lutte entre les super-héros eux-mêmes. Or, la mort de l’ennemi commun exige d’abord la mise à mort de chaque intérêt propre, pour ressusciter en un bien commun qui, les fédérant, les rend à même de s’affronter au danger qui menace la Terre et le monde. Autrement dit, le film met en scène un triple combat emboîté : le plus apparent, contre l’ennemi du dehors, le Super-méchant ; intermédiaire, contre les adversaires du dedans, entre les super-héros ; le plus intérieur, contre l’ennemi du dedans, l’ego.
Certains trouvent trop hâtifs la résolution du grave dissensus entre Dr Strange et Ironman ; mais le prix à payer n’n est pas moins considérable : l’abandon du soi en vue du don de soi. La seule comparaison avec Thanos suffit à l’attester : jamais celui-ci ne cède ni ne concède rien à ses plans ; même s’il prétend être mesuré par les intérêts des autres, il mesure toujours ses actions à sa seule auto-mission. Car tel est peut-être l’un des enseignements les plus riches des super-héros.
Rappelons que ceux-ci se caractérisent par quatre traits, qui ne sont pas sans emprunter aux notes identificatoires de la figure messianique : super-pouvoirs ; double identité (apparente et secrète) ; célibat ; mission – la dernière étant la cause (finale) des trois autres. Mais comment entendre cette quatrième et peut-être plus importante condition : la mission, dans un monde où toute relation verticale est suspectée de paternalisme, voire d’intolérance et de violence, et toute relation horizontale promue comme la promesse d’un lien aussi enrichissant que fragile ? La réponse à cette difficulté introduit un heureux déplacement dans l’univers Marvel : à la figure emblématique du père qui missionne SuperMan sur la Terre, pour y jouer le rôle de protecteur, se substitue désormais une fraternité qui sacrifice sa conviction et ses intérêts propres pour une vision partagée et un service désintéressé.
La guerre infinie signalée par le sous-titre renvoie certes, matériellement, aux Pierres d’Infinité convoitées par Thanos et scénaristiquement à la multiplication constante et pourtant jamais lassante des combats. Mais, plus encore, elle renvoie spirituellement à sa condition aussi scellée que nécessaire : la guerre infinie contre la préférence de soi. Le temps pascal que nous vivons, ne signifie pas autre chose : le Christ est passé (pâque signifie « passage » en hébreu) de la mort à la vie pour que chaque fidèle passe de la violence à l’amour, de la captation à l’oblation, meure à sa philautie et ressuscite au don de lui-même. Dans sa dernière exhortation, le pape François nous rappelle, de manière très paulinienne, que « la vie chrétienne est un combat permanent » (Exhortation apostolique Gaudete et exsultate sur l’appel à la sainteté dans le monde actuel, 19 mars 2018, n. 155). Infinity War…
Pascal Ide
À la suite de la destruction d’Asgard et de leur acquisition sur la planète Xandar de la Pierre du pouvoir – une des six Pierres d’Infinité offrant le pouvoir ultime –, Thanos (Josh Brolin) et ses enfants adoptifs, Cull Obsidian (Terry Notary pour la voix), Ebony Maw (Tom Vaughan-Lawlor pour la voix), Proxima Midnight (Carrie Coon pour la voix) et Corvus Glaive (Michael James Shaw pour la voix), ont intercepté le vaisseau-amiral transportant les derniers survivants Asgardiens et la Pierre de l’espace, contenue dans le Tesseract. Thor (Chris Hemsworth) est muselé par les pouvoirs du Titan et Loki (Tom Hiddleston) tente de le convaincre qu’il peut l’aider dans sa conquête de la Terre, qui recèle deux autres Gemmes. Cette distraction permet l’arrivée spectaculaire de Bruce Banner, alias Hulk (Mark Ruffalo). Toutefois, malgré sa surpuissance, ce dernier est vite terrassé par Thanos. Il serait mort si Heimdall (Idris Elba), présent sur le vaisseau, n’utilisait ses dernières forces pour ouvrir le Bifröst et l’envoyer sur Terre, en vue de prévenir le reste des Avengers de l’arrivée imminente de Thanos. En représailles, celui-ci fait tuer Heimdall par Glaive, alors qu’il se réserve d’étrangler lui-même Loki sous les yeux de Thor, impuissant et dévasté. Puis il s’empare de la Pierre de l’espace et disparaît avec ses quatre alliés tout en pulvérisant le vaisseau.
Hulk s’écrase sur Terre, à New York City, dans le Sanctum Sanctorum gardé par Stephen Strange / Docteur Strange (Benedict Cumberbatch) et son allié, Wong (Benedict Wong !). Apprenant l’arrivée de Thanos, Strange sollicite l’aide de Tony Stark, alias Iron Man (Robert Downey Jr.), très amoureux de Pepper Potts (Gwyneth Paltrow), avec qui il doit bientôt se marier. Banner explique alors à Stark que Thanos cherche assidument les Pierres d’Infinité, dont celle qui anime l’androïde Vision (Paul Bettany). D’ailleurs, Strange, porteur et gardien de la Pierre du temps, constitue lui aussi une cible pour les disciples de Thanos. Pour le retrouver au plus vite, Banner suggère de contacter Steve Rogers, alias Captain America (Chris Evans), ignorant que Stark et lui sont en froid depuis deux ans. C’est alors que Ebony Maw et Obsidian attaquent New York City. Assistant à l’attaque, Peter Parker (Tom Holland) s’échappe de son bus de sortie scolaire et enfile son costume de Spider-Man pour prêter main forte à Stark, Banner, Strange et Wong. Malgré leurs efforts conjugués, les enfants de Thanos parviennent à capturer Strange et quittent la ville à bord de leur vaisseau. Banner décide alors de contacter les autres Avengers.
En Écosse, Wanda Maximoff, alias la Sorcière Rouge (Elizabeth Olsen), et Vision vivent une idylle entre certitude (côté Vision) et doute (côté Wanda), loin du monde et des autres Avengers. Mais les deux autres complices de Thanos, Midnight et Glaive, surgissent. Vision est sur le point d’être vaincu, lorsque Captain America, Natasha Romanoff, alias la Veuve Noire (Scarlett Johansson), et Sam Wilson, alias le Faucon (Anthony Mackie), arrivent pour les sauver.
Le quintette se rend alors au quartier général des Avengers où James « Rhodey » Rhodes, alias War Machine (Don Cheadle), tient une visioconférence avec les exécutifs à l’origine des Accords de Sokovie. À leur tête, le secrétaire d’État Thaddeus « Thunderbolt » Ross (William Hurt) rend les Avengers présents responsables des attaques de Thanos. Captain America rétorque qu’ils ne leur obéissent plus et qu’ils mettront tout en œuvre pour repousser la menace. C’est alors que Vision fait remarquer à Wanda que leurs pouvoirs respectifs proviennent de la Pierre de l’Esprit ; elle devra donc le sacrifier et détruire la pierre si Thanos menace de s’en emparer. Banner suggère une autre solution : Vision n’étant pas le seul résultat de la Pierre de l’Esprit, il serait possible de les désolidariser et donc de le maintenir en vie sans elle. Mais, pour opérer ce découplage, Rogers observe qu’il faudrait une technologie particulière, celle que possède le royaume africain secret du Wakanda, T’Challa, alias la Panthère noire (Chadwick Boseman) entouré de ses alliés Okoye (Danai Gurira), M’baku, alias L’Homme-singe (Winston Duke) et surtout sa petite sœur qui est une surdouée de l’informatique, Shuri (Letitia Wright). L’équipe décide de s’y rendre.
Pendant ce temps, les cinq Gardiens de la Galaxie, Peter Quill, alias Star-Lord (Chris Pratt), Rocket Raccoon (avec la voix de Bradley Cooper), Groot (avec la voix de Vin Diesel), Drax le Destructeur (David Bautista) et Mantis (Pom Klementieff), accompagnés de Gamora (Zoe Saldana), fille adoptive de Thanos, répondent à un message de détresse émanant du vaisseau Asgardien et tombent sur Thor dans les débris du vaisseau. Le fils d’Odin soupçonne Thanos d’être à la recherche de la Pierre de la Réalité, qui se trouve en la possession de Taneleer Tivan, alias le Collectionneur (Benicio del Toro), sur la colonie minière de Knowhere. Cependant, sa priorité est autre : obtenir une arme capable de se substituer à Mjolnir et tuer Thanos ; or, une telle arme ne peut être fondue que sur Nidavellir, la forge naine où fut créé son marteau. Le groupe se divise en deux : Rocket et Groot accompagnent Thor à Nidavellir, tandis que Quill et Gamora qu’il aime éperdument, ainsi que Drax et Mantis se rendent sur Knowhere.
Malheureusement, le deuxième groupe arrive trop tard : déjà présent, Thanos torture le Collectionneur pour qu’il lui donne la Pierre. Drax, fou de rage, veut tuer Thanos pour venger la mort de sa famille, mais Gamora prévient son geste et tranche la gorge de son père avant de s’effondrer en pleurs. Toutefois, coup de théâtre, la voix de Thanos retentit. Ayant prévu leur manœuvre, il avait déjà tué le Collectionneur et retrouvé la Pierre de la réalité, il leur a donné à voir un hologramme. Son intention était de piéger les Gardiens afin de capturer Gamora qui connaît l’emplacement de la Pierre de l’âme. L’enlevant dans son vaisseau, Thanos torture sous les yeux de Gamora sa sœur, Nebula (Karen Gillan). Cédant à cet odieux chantage, elle révèle que la Pierre de l’âme se trouve sur la planète isolée Vormir. Arrivé sur elle avec sa fille adoptive, Thanos rencontre Red Skull, envoyé par le Tesseract et gardien de la Pierre de l’âme. Nullement hostile à Thanos, il lui explique que, pour obtenir cette Pierre d’éternité particulière qu’est la Pierre de l’âme et son pouvoir, la règle est sacrifier ce qu’il aime le plus dans l’univers. Thanos, dévasté, jette Gamora dans le vide et la tue…
Désormais, tous les protagonistes sont entrés en scène, l’action ne fera que s’accélérer, s’intensifier et surtout se dramatiser.