Éthique du corps épandu, suivi de Une chair épandue sur le divan
Emmanuel Falque Sabine Fos-Falque
Philosophie – Recenseur : Pascal Ide
Il n’est pas fréquent qu’un philosophe et un psychanalyste écrivent de concert et à part égale un même ouvrage. Il l’est encore moins que leurs concepts et leurs lexiques se croisent au point de se confondre dans une thèse commune, celle du corps épandu, sur un lit d’hôpital en soins palliatifs et sur le divan de la cure analytique. Il est définitivement unique que les deux A. soient mari et femme : l’époux, doyen honoraire de la Fac. de philosophie de l’Inst. cath. de Paris, est un médiéviste et phénoménologue reconnu dont l’œuvre a déjà fait l’objet de colloques et d’études ; son épouse, psychanalyste enseignant au CHU de Tours, a déjà rédigé deux ouvrages au Cerf.
EF poursuit ici une réflexion depuis longtemps entamée sur le corps (la première trilogie ; Dieu, la chair et l’autre). Riche de l’expérience d’un stage médical dans l’unité de soins palliatifs du CHU de Tours, son intention, originale, tente de tenir ensemble le corps-sujet (la chair) de la phénoménologie et le corps-objet ou organique de la philosophie classique : « Entre le “corps étendu” (Descartes) et le “corps vécu” (Husserl), se tient (…) un troisième type de corps – que nous nommons ici “corps épandu” » (p 17). La thèse de SFF, pas moins inédite, défend qu’une thérapie, dont on sait combien elle est portée par la parole de l’analysant, écoutée-interprétée par l’analyste, présente une dimension in-consciemment incarnée.
Le lect. peinera souvent aux multiples jeux de mots qui émaillent le texte (et dont les précédents ouvrages d’EF sont coutumiers) : non pas tant à comprendre ce qu’ils signifient, qu’à se demander s’ils sont éclairants, c.-à-d. à démontrer ce qu’ils aspirent à montrer. Plus encore, il s’étonnera d’un manque d’étonnement : que, le plus souvent, le corps ne souffre pas. La définition fameuse de Leriche, « la santé est le silence des organes », qui peut aisément s’étendre à la santé psychique – comme silence de l’égo, mais non du moi –, s’atteste dans le fait hautement signifiant qu’il y ait une science de la maladie (la pathologie), mais non de la santé. N’est-elle pas riche d’un autre enseignement : l’harmonie du corps-objet et de son autre intérieur et vivifiant, que résumait la formule intraduisible de Gaudium et spes : « corpore et anima unus ». — P. Ide