De la peur mal aimée à la crainte si aimable 3/3

Pascal Ide, « De la peur mal-aimée à la crainte si aimable », Sources vives, 149 (janvier 2010), p. 5-41.

3) La peur, puissance d’amour

Nous avons montré combien la peur est une richesse, en soi comme émotion partagée avec l’animal et dans la condition d’anarchie (consécutive à la chute, mais aussi à nos blessures et nos péchés), lorsqu’elle est intégrée par la vertu ou canalisée par ces thérapies qui retrouvent celle-ci sans le savoir. Cette bonté ontologique explique déjà pourquoi elle doit être sauvée, selon la parole de Bernanos citée en exergue : toute la création aspire en effet à la « rédemption » (cf. Rm 8,19 s). Mais la crainte mérite d’être rédimée pour une raison plus profonde. Tournée vers soi, elle est puissance de vie. Tournée vers l’autre, elle est aussi puissance d’amour. Or, dans le monde nouveau, seul l’amour demeure (cf. 1 Co 13,8-13). Il sera donc accompagné de sa petite sœur qu’est la peur.

a) L’amour, moteur de la vertu

L’étroite corrélation entre peur et amour s’observe déjà au plan naturel. Déjà, toute passion naît à l’ombre de l’amour et la crainte n’échappe pas à cette loi : « l’amour est principe de la crainte [1] ». Surtout, l’amour est la puissance par excellence qui intègre la peur et enrôle sa formidable capacité cognitive et active. Seul il conjure le risque toujours renaissant du volontarisme qui est affin du stoïcisme.

Là encore, un exemple emblématique – choisi entre des dizaines [2] – vaudra bien des explications. Qui ignore le geste de Guillaumet et son incroyable courage ? Qui a oublié les quelques mots lâchés par une bouche ravagée par le gel et pieusement recueillis, juste après son incroyable expédition, par son ami Saint-Exupéry qui les considérait comme les plus beaux qu’un homme ait prononcés : « Ce que j’ai fait, je te le jure, jamais aucune bête ne l’aurait fait ». Or, cette bravoure inouïe, incomparable, était entièrement commandée par l’amour.

Une tempête a obligé l’aviateur à atterrir en catastrophe dans les Andes. Il commence à marcher dans un froid atroce, par moins 40°, escaladant des cols de 4500 mètres, sans piolet, sans cordes, sans vivres, « ne t’accordant aucun repos, car tu ne te serais pas relevé du lit de neige. […] Il disait : ‘Après deux, trois, quatre jours de marche, on en souhaitait plus que le sommeil. Je le souhaitais plus que le sommeil. […] Mais je me disais : Ma femme, si elle croit que je vis, croit que je marche. Les camarades croient que je marche. Ils ont tous confiance en moi’. Et tu marchais, et, de la ponte du canif, tu entamais, chaque jour un peu plus, l’échancrure de tes souliers, pour que tes pieds qui gelaient et gonflaient, y pussent tenir. ‘Je souffrais trop, et ma situation était par trop désespérée. Pour avoir le courage de marcher, je ne devais pas la considérer. Malheureusement, je contrôlais mal mon cerveau, il travaillait comme une turbine. Mais je pouvais lui choisir encore ses images’. Une fois cependant, ayant glissé, allongé à plat ventre dans la neige, tu renonças à te relever. […] Tes scrupules mêmes s’apaisaient. […] Les remords vinrent de l’arrière-fond de ta conscience. Au songe se mêlaient soudain des détails précis. ‘Je pensais à ma femme. Ma police d’assurance lui épargnerait la misère. Oui, mais l’assurance…’ Dans le cas d’une disparition, la mort légale est différée de quatre années. Ce détail t’apparut éclatant, effaçant les autres images […] … un rocher émergeait à cinquante mètres devant toi : ‘J’ai pensé : si je me relève, je pourrai peut-être l’atteindre. Et si je cale mon corps contre la pierre, l’été venu on le retrouvera’. Une fois debout, tu marchas deux nuits et trois jours. ‘Ce qui sauve, c’est de faire un pas. Encore un pas. C’est toujours le même pas que l’on recommence…’ En tout il marcha cinq jours et quatre nuits [3] ».

b) La pudeur

Il faut dire plus. La peur n’est pas seulement une énergie canalisée par l’amour. Elle est une forme de l’amour de soi. Bien des craintes de l’homme lui sont communes avec l’animal mais sont humanisées par la vertu : tel est par exemple le cas des frayeurs liées à la souffrance physique. D’autres peurs sont proprement humaines par leur objet : par exemple la mort. Il demeure que l’animal meurt lui aussi, même s’il n’en a pas conscience. En revanche, il existe une crainte qui est immédiatement liée à la dignité ontologique de l’homme et qui donc lui est éminemment propre : la pudeur. Voilà pourquoi Vladimir Soloviov affirmait que l’homme pourrait être « défini comme l’animal capable de honte [4] ».

Nous limitons souvent aujourd’hui la pudeur à la seule sexualité. Pourtant, nombre d’expériences nous montrent qu’elle peut s’éveiller sans que la sexualité soit mise en jeu. Saint Thomas remarquait : « De même que l’honneur est le témoignage rendu à la supériorité de quelqu’un, et surtout ce qui concerne la vertu, de même le blâme que redoute la pudeur [verecundia] est le témoignage rendu à quelque défaut, et surtout en rapport à quelque faute [5] ». Plus globalement, ce sentiment de crainte naît lorsque la personne se sent menacée d’être réduite à l’état d’objet, d’instrument ou de moyen. Là encore, partons d’un exemple. Dans une pièce de théâtre, le philosophe Gustave Thibon met en scène des personnes que la science a doté de l’immortalité. Mais un tel monde de toute-puissance scientifique ne s’accommode d’aucune ignorance, veut l’évidence illimitée et chasse partout le mystère, donc la pudeur. Pourtant, l’héroïne, Amanda, ressent l’attitude du savant, le Dr. Weber, qui sait tout de son âme, comme un viol. Aussi s’insurge-t-elle devant Hélios, son fiancé : « Son regard me gêne. J’y retrouve l’impudeur glacée de ces instruments qui dévoilent et guident les âmes. J’ai honte d’être nue devant lui comme devant toi ». Complice de Weber, Hélios objecte : « Tu confonds les plans. Il n’y a ni pudeur ni impudeur, dans le regard du savant » et ajoute, ce qui paraît décisif, que Dieu voit tout, lui aussi. Amanda répond avec profondeur : « Dieu voyait tout, mais il était intérieur à tout – et son amour allait aussi loin que son regard ». En revanche, le savant « pénètre en moi et il reste étranger à moi – comme dans un viol ». Ainsi, « il mesure mes frissons, ce n’est pas lui qui frissonne en moi. […] Il connaît la longueur d’ondes de mon amour, il n’est pas amoureux de toi [6] ». La pudeur surgit donc lorsque la personne se sent objectivée ou instrumentalisée, donc menacée d’être déchue de sa dignité de sujet ou de fin. Elle protège l’intimité pour l’offrir au seul regard qui n’en profane pas la splendeur : le regard de l’amour [7].

On objectera que ce sentiment est éminemment culturel et peut par exemple être aboli : certaines personnes exhibent la nudité de leur corps ou racontent en détail leur vie intime sur des chaînes publiques à des heures de grande écoute sans éprouver la moindre pudeur. Il est hors de question de répondre en détail à cette objection [8]. Nous observerons seulement un fait : tel qui peut s’étaler avec complaisance sur les détails de sa sexualité éprouvera une gêne voire une indignation à parler de sa relation à Dieu. La pudeur ne se serait-elle pas déplacée de bas en haut ? Quoi qu’il en soit, elle atteste à chaque fois sa fonction de custodie à l’égard de l’être humain.

La pudeur naît donc dans une relation qui met en jeu deux êtres se considérant comme des sujets et donc comme des biens. Or, l’amour est attrait du bien et volonté de bien. Par conséquent, la pudeur s’inscrit dans une relation d’amour, plus encore en constitue l’une des composantes ineffaçables. C’est ce que suggère le Catéchisme de l’Église catholique qui ne lui consacre pas moins de quatre articles : « La pudeur préserve l’intimité de la personne […]. La pudeur protège le mystère des personnes et de leur amour […]. Les formes revêtues par la pudeur varient d’une culture à l’autre. Partout, cependant, elle reste le pressentiment d’une dignité spirituelle propre à l’homme [9] ».

c) Le don de crainte

Si la pudeur apparaît dans la relation d’amour interpersonnel, elle est encore tournée vers soi. Mais il existe une peur qui est tournée vers l’autre, une peur qui est tout entière puissance d’amour. Tel est l’ultime pas qu’il nous faut franchir pour comprendre ce don proprement divin qu’est la peur.

Cette crainte ne tremble plus de la peine qui peut lui arriver mais de celle qui, par sa propre faute, pourrait nuire à l’aimé. Elle atteste l’exquise délicatesse de l’amitié ou de l’amour qui non seulement cherche le bien de l’autre mais, à chaque pas, veut lui éviter le moindre mal. C’est ce qu’illustre une fable justement fameuse de La Fontaine, Les deux amis (« Qu’un ami véritable est une douce chose ! », dit la morale). En pleine nuit, l’un des amis se lève, tout alarmé et vient trouver son ami, le réveille. Celui-ci s’étonne, s’enquiert du motif de sa visite impromptue et déjà prévient ses tourments : as-tu besoin d’argent, de soutien, de compagnie ? Et l’ami de répondre :

« Ce n’est ni l’un ni l’autre point : Je vous rends grâces de ce zèle.

Vous m’êtes, en dormant, un peu triste apparu ;

J’ai craint qu’il ne fût vrai ; je suis vite accouru.

Ce maudit songe en est la cause [10] ».

Si cette crainte comme manifestation de l’amour se rencontre au ras de l’expérience humaine, elle n’est pleinement révélée et vécue que dans le cadre de la foi chrétienne. En effet, les docteurs médiévaux ont développé toute une doctrine de la crainte comme don de Dieu [11]. Comme si souvent, saint Thomas en offre une synthèse toute en nuance. Reprenant la distinction de Pierre Lombard, il distingue notamment la crainte servile de la crainte filiale (ou chaste) [12]. À l’instar de toute peur, elle a pour objet un mal à venir et ici un mal qui concerne Dieu. Or, double est le mal : le mal subi de la peine et le mal voulu du péché. Ainsi, l’homme peut craindre soit la peine que le Dieu juste inflige, soit d’être séparé de lui et de l’offenser. Dans le premier cas, on parle de crainte servile et dans le second de crainte filiale. Bien que celle-là puisse être le fruit de la charité, celle-ci seule mérite d’être considérée comme un don de l’Esprit-Saint [13].

Or, cette crainte, pour être classiquement corrélée à la vertu théologale d’espérance (craindre Dieu, c’est craindre de lâcher sa main secourable), n’en est pas moins voire plus encore liée étroitement à l’amour : « la crainte grandit quand la charité grandit [14] ». Joseph Ratzinger corrèle le don de crainte à l’amour comme sa « conséquence » : « la crainte de faire de la peine à l’Aimé, et de détruire par sa propre faute les fondements de l’amour ». Si cette raison est classique, sa justification par contraste est inédite et atteste le lien intime avec l’agapè. En effet, « le libéralisme et la philosophie des Lumières veulent nous faire croire à un monde sans crainte [15] ». On a pu définir notre société comme celle du risque zéro, de la maîtrise totale de la menace et du droit à une sécurité absolue (en matière de soins, etc.). Or, la crainte me rappelle que tout n’est pas encore arrivé, que je ne peux pas contrôler le cosmos ou autrui, bref que je suis dépendant de la Providence. Se définissant comme le « oui » à l’autre [16] et l’acceptation d’une dépendance (libérante et non pas aliénante), l’amour héberge donc en son sein une juste crainte.

Plus encore, si claire soit la distinction de la crainte servile et de la crainte filiale, elle masque une asymétrie : dans le premier cas, Dieu est l’auteur du mal, dans le second, j’en suis l’auteur. Il est donc plus précis de faire appel à la distinction de l’action et de la passion : la timor servilis craint la souffrance que Dieu pourrait lui infliger et la timor filialis la souffrance qu’elle pourrait infliger à Dieu, au moins analogiquement. Or, en affirmant cela, je suis passé du registre de l’espérance à celui de l’amour : j’envisage le bien qui pourrait arriver non plus à moi-même, mais à Dieu. De fait, on observe chez saint Thomas un flottement entre deux explications. Parfois, il affirme que la crainte « nous fait redouter de le quitter ». Parfois, il note que la crainte redoute d’offenser Dieu : l’épithète filiale vient de ce que « les fils craignent d’offenser leur père ». Parfois, enfin, il noue les deux motivations sans noter leur dénivellation : « plus on aime quelqu’un, plus on craint de l’offenser et d’être séparé de lui [17] ». Or, la première raison – la perte de la présence divine –, toute tournée vers notre « récompense », relève de l’espérance, alors que la seconde – la crainte d’offenser Dieu –, entièrement tournée vers Tout-Autre, caractérise la délicatesse de la charité. Cette oscillation impensée atteste donc que Thomas lie la crainte à la charité non seulement en sa cause mais en son objet – et même davantage à l’agapè, car la motivation est ici plus haute.

Enfin, cette crainte sainte – davantage que sacrée – demeure jusque dans la Patrie, ainsi que le chante le psalmiste : « La crainte du Seigneur est pure qui demeure à jamais » (Ps 19,10). Or, si l’espérance disparaît au Ciel, l’amour demeure, ainsi que nous l’avons rappelé. La crainte sera donc le fruit de l’amour. Faisons une dernière fois appel à un non-dit des analyses de saint Thomas. À la suite de saint Augustin, il hésite sur la permanence de la crainte au Ciel [18]. Pourtant, une de ses remarques pourrait ouvrir à une interprétation qui introduira au cœur même du lien entre amour et crainte. Le Docteur angélique a évidemment perçu la contradiction entre l’espérance qui passera dans la béatitude future et la crainte qui ne disparaîtra pas. Il répond : « L’espérance implique un défaut, l’état futur de la béatitude, ce que la présence de celle-ci fera disparaître. Mais la crainte implique un défaut qui tient à la nature créée, du fait de son infinie distance de Dieu [in infinitum distat a Deo], défaut qui demeurera dans la patrie [19] ». Le Docteur commun accepte donc la présence de la crainte au Ciel au nom d’une imperfection (ontologique) et non pas d’une perfection. Sans aller jusqu’à faire de la finitude un mal métaphysique, il déroge à sa vision habituelle qui célèbre dans le fini son achèvement. Or, cette conclusion vient de ce qu’il considère dans la distance ce qui sépare. Mais la phénoménologie nous a aussi appris à considérer dans la distance ce qui autorise la proximité, donc à la qualifier positivement. Voilà pourquoi, elle convoque la pudeur – autrement dit la crainte – : « La pudeur ne s’effraie pas de la proximité, mais de l’abolition de la distance qui ferait perdre la proximité ». Elle la leste même d’un sens onto-logique : « Lorsqu’elle concerne, non plus […] notre existence d’homme […], mais le rapport à l’éclat de l’Être dans la beauté, la pudeur est le pas en arrière, le recul et le retrait qui laissent être ce qui se tourne vers nous, l’origine. Elle est la vraie proximité qui sait que seul est proche ce dont elle ne s’empare pas et ne ramène pas à soi. […] C’est en elle, et en elle seule, que se décide l’humanité de l’homme comme regard recouvré vers l’Être [20] ».

Mais, où la phénoménologie, non sans recueillir la révélation que le christianisme fait de l’essence de la pudeur et de la crainte, s’arrête au registre cognitif, la Tradition chrétienne invite à la déchiffrer comme l’expression même de l’amour. Celui-ci « se fait nuit », il s’enveloppe de crainte en voilant la munificence excessive de l’être aimé et de l’amour qui en rayonne [21]. L’amour qui s’épanche se refuse au rapprochement destructeur en équilibrant la recherche d’une unité toujours plus grande par celle d’un respect de l’autre lui aussi toujours croissant. Ce faisant, loin de contrarier ou d’offusquer son élan, l’amour l’approfondit. De même qu’un l’unique processus de constitution de la matière-énergie requiert forces d’attraction et de répulsion, de même la mise à distance naît de l’intime même de l’amour.

Conclusion

Nous avons tenté de montrer que la peur, puissance de vie et d’amour, constitue une ressource de grand prix qui demande à être éprouvée (peur-émotion), déchiffrée (peur-information) et enrôlée (peur-motion). Rappelons trois acquis, parmi d’autres, de nos différentes analyses. 1. Jusque dans la médiation de nos circuits cérébraux, nous pouvons déchiffrer que la peur est destinée à être contrôlée et intégrée. Attestant notre continuité avec le monde animal, elle est humanisable – voire divinisable. 2. Une compréhension adéquate de la vertu de courage ne cherche pas seulement ni d’abord à freiner la peur, mais à l’intégrer sans s’identifier à elle, à l’instar de la colère. 3. Le don de crainte, traditionnellement corrélé à l’espérance, doit se comprendre, au moins tout autant en clé d’amour : la crainte est l’amour qui se fait pureté et respect.

Ci-dessus, nous avons fait un constat riche de sens : le vécu de la peur ne va jamais sans une vision du monde. L’importance des enjeux autour de la crainte dit l’importance de celle-ci. Un regard de sagesse montre qu’il y a au fond trois et seulement trois représentations du monde : matérialiste (seul le fini existe), non-dualiste (seul l’infini existe) et duelle (conjuguant fini et infini). Elles comportent chacune une option théologique : athée, panthéiste et monothéiste.

Or, la troisième perspective est l’unique qui sauvegarde pleinement la peur de tous ses ennemis. La vision matérialiste athée croit pouvoir l’abolir par la toute-puissance de sa technique, et avec elle, le risque et l’échec. La conception moniste (le bouddhisme en Orient ou le stoïcisme en Occident) efface la peur comme une maladie, source de toutes les souffrances, née de l’illusion du multiple. Enfin, contrairement à la religion innommée de l’utilitarisme et aux religions de sagesse, les religions monothéistes du salut – et plus exactement le christianisme qui, selon le mot de Kierkegaard, seul fait pleinement la « synthèse du fini et de l’infini », dans l’amour –, loin d’amputer la crainte, la purifie et la surélève. Mais une telle déclaration demeure abstraite tant que nous ne voyons pas Dieu lui-même prendre soin de la peur, voire l’assumer. La phrase citée en exergue était précédée, quelques lignes auparavant, d’une autre parole de l’abbé Chevance : « La peur est tout de même la fille de Dieu, rachetée la nuit du Vendredi saint ». En sauvant la peur et la faisant entrer dans le Ciel, le Christ nous révèle qu’elle est l’un des visages de l’amour.

Pascal Ide

[1] ST, IIa-IIæ, q. 19, a. 9, ad 3um.

[2] Cf. par exemple le témoignage de Viktor Frankl, Un psychiatre déporté témoigne, trad., Le Chalet, 1973, p. 72-73. Voici la conclusion : « Alors, une pensée lumineuse traverse mon esprit : pour la première fois de mon existence, je vis cette vérité que tant de penseurs ont mise en évidence comme le faîte de la sagesse, et que tant de poètes ont chantée, cette vérité : que l’amour est en quelque sorte la fin souveraine et le plus haut sommet vers lesquels puisse tendre la destinée humaine. Je saisis en ce moment la signification de ce que pensée, poésie et foi humaines peuvent exprimer de plus profond, de plus sublime : le salut des créatures, par l’amour et dans l’amour ! »

[3] Antoine de Saint-Exupéry, Terre des hommes, in Œuvres, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », Paris, Gallimard, 1959, p. 160 à 167.

[4] Vladimir Soloviov, La justification du bien. Essai de philosophie morale, trad. T.D.M., Paris, Aubier, 1939, p. 141-142. « Possédant cette aptitude à avoir honte, que n’ont pas les autres animaux, l’homme pourrait être défini comme l’animal capable de honte ; cette définition, meilleure que bien d’autres, n’aurait cependant pas manifesté que l’homme est le citoyen d’un monde différent, qu’il porte en lui un nouvel ordre d’existence. Mais le fait que l’homme a honte au-dessus de tout et plus que tout de ce qui est de l’essence de la vie animale, de la manifestation principale et suprême de l’existence naturelle, prouve directement qu’il est un être supra-naturel et supra-animal. C’est en cette pudeur que l’homme se révèle pleinement humain ».

[5] ST, IIa-IIæ, q. 144, a. 3. Sur la pudeur comme espèce de crainte, cf. ST, Ia-IIæ, q. 41, a. 4. René Descartes affirme aussi qe la honte est « fondée aussi sur l’amour de soi-même, et qui vient de l’opinion ou de la crainte qu’on a d’être blâmé » (Les passions de l’âme, art. 205, in Œuvres et Lettres, éd. André Bridoux, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », Paris, Gallimard, 1953, p. 274).

[6] Gustave Thibon, Vous serez comme des dieux, Acte III, scène 1, Paris, Fayard, 1985, p. 95 et 96.

[7] « Cette lumière artificielle » de la science, « je sais ce que nous lui devons, je la respecte », « mais je ne veux pas qu’elle me pénètre, qu’elle me possède tout entière ; je veux garder au fond de moi un refuge intact, un réduit secret où l’amour n’ouvre qu’à l’amour, un dernier voile que toi seul puisses dénouer ! » (Ibid., III, 3, p. 102)

[8] Cf. la thèse bien documentée d’Inès Pélissié du Rausas, La pudeur, le désir et l’amour humain, Thèse en vue du doctorat de philosophie, Paris-IV, 1992. Reprise partiellement avec le même titre Nouan-Le-Fuzelier, Éd. des Béatitudes, 1997.

[9] N. 2521-2524. Cf. aussi les passionnants développements sur la signification de la pudeur dans les catéchèses de Jean-Paul II sur le corps humain (14 mai 1980 au 18 juin 1980) ; cf. Pascal Ide, « Don et théologie du corps dans les catéchèses de Jean Paul II sur l’amour dans le plan divin », in Jean Paul II face à la question de l’homme, Actes du 6ème Colloque International de la Fondation Guilé, octobre 2003, Zurich, Guilé Foundation Press, 2004, p. 159-209, ici p. 184-193.

[10] Fables, L. VIII, n. 11. Souligné par moi.

[11] Cf. les développements très documentés d’Ephrem Boularand, art. « Crainte », Dictionnaire de spiritualité, Paris, Beauchesne, tome 2, 1953, col. 2463-2511.

[12] Cf. ST, IIa-IIæ, q. 19, a. 2.

[13] Cf. Ibid., a. 4, 6 et 9.

[14] Ibid., a. 10.

[15] Joseph Ratzinger, Regarder le Christ. Exercices de foi, d’espérance et d’amour, trad. Bruno Guillaume, Paris, Fayard, 1992, p. 98. Cf. p. 97-102.

[16] Ibid., p. 104-106.

[17] ST, IIa-IIæ, q. 19, respectivement a. 9, a. 2, a. 10.

[18] Cf. Ibid., a. 11. « S. Thomas hésite », commente le père Antonin-Marcel Henry (S. Thomas d’Aquin, Somme théologique, Paris, Le Cerf, tome 3, 1985, p. 138, note 15).

[19] Ibid., a. 11, a. 2.

[20] Jean-Louis Chrétien, L’effroi du beau, coll. « La nuit surveillée », Paris, Le Cerf, 1987, p. 69 ; sur la pudeur, cf. p. 64 à 71. Dans une optique plus heideggérienne, cf. le splendide texte du même auteur, « La réserve de l’être », in Martin Heidegger, Cahier de l’Herne, Éd. Michel Haar, coll. « Le Livre de poche » n° 4048, Paris, Éd. de l’Herne, 1983, p. 233-260.

[21] Cf. Hans Urs von Balthasar, La Théologique. I. La vérité du monde, trad. Camille Dumont, Namur, Culture et Vérité, 1994, p. 225 ; cf. p. 223-225.

26.1.2018
 

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