Vous avez un mess@ge

On peut difficilement trouver deux personnages aussi opposés que Kathleen Kelly et Joe Fox dans Vous avez un mess@ge. Elle est pauvre ; lui est riche. Elle vit dans ses rêves ; lui évolue dans le monde hyperréaliste du commercial requin. Elle est figée dans le passé, incapable de changer en rien le présent (par exemple en renvoyant un personnel devenu peu opérationnel) ; lui fuit en avant, ne rêvant que d’extensions. Elle vit dans un monde féminin et lui entouré d’hommes.

Ils ont tout de même un point commun : l’inadaptation à la réalité et l’incapacité à s’engager dans une relation durable et réussie avec un partenaire.

Leur complémentarité est facteur d’aide, au moins partielle : Joe apprend à Kathleen à quitter l’édredon moelleux de ses rêves et à se battre ; elle lui fait découvrir la joie du temps donné à une lecture savoureuse.

Mais cela ne suffit pas. Et là est l’originalité de cette petite mais charmante comédie sans surprise et qui ne cherche pas à en créer : le réseau web va être le médiateur inattendu de leur rencontre. Surtout, lorsqu’on l’emprunte dans la patience de la nuit, propice aux confidences. L’idée est réellement originale et aurait pu, à mon avis, être mieux exploitée. Internet va donner à Joe et Kathleen le temps et le recul pour reconnaître leur amour. Internet sera doublement médiateur : de vérité (surtout pour Joe) et du désir (surtout pour Kathleen). Joe découvrira qu’il est meilleur qu’il ne se le dit. Kathleen osera se dire qu’elle peut aimer une personne qui doit si peu correspondre à son modèle maternel.

Intermédiaire entre l’anonymat d’une relation professionnelle et la trop grande personnalisation du face à face, le web leur permet de ne pas succomber à l’impulsivité de la parole immédiate, ici violente. On sait le rôle qu’ont joué les lettres dans la grande littérature amoureuse (des Liaisons dangereuses à la Nouvelle Héloïse). On dit souvent que la technique dessert la gratuité de l’amour. Ici, elle la sert.

Pascal Ide

Tous les deux sont libraires. Kathleen tient une échoppe au charme suranné, The Shop Around the Corner, et a initié aux joies de la lecture des ribambelles d’enfants tandis que Joe possède une chaîne de librairies de grande surface, Fox Books, qui a rapidement éliminé ses concurrentes. Kathleen hait plus que tout au monde Fox Books tandis que Joe attend nonchalamment de rayer des librairies celle de Kathlen. Ils ne se connaissent pas mais se croisent tous les jours et surtout comme dans le film de Lubitsch échangent une correspondance follement amoureuse par le biais d’Internet.