Vermines, épouvante français réalisé et co-écrit par Sébastien Vaniček, 2023. Avec Théo Christine, Sofia Lesaffre, Lisa Nyarko, Jérôme Niel et Finnegan Oldfield.
Thèmes
Monstre.
On veut faire de Vermines un film d’épouvante. Mais est-ce (seulement) le cas ?
- De prime abord, le long-métrage semble pouvoir se ranger dans ce genre quasi inexploré par le cinéma français (d’ailleurs, c’est le premier à mettre en scène des araignées). En effet, il joue des différentes causes de peur (les méchantes bêtes adoptent toutes les voies possibles : des conduits d’aération aux vêtements et même sous la peau ; elles adoptent aussi toutes les formes, toutes les tailles, toutes les tactiques), comme des différentes formes de peur (souffrir, être infesté par ce quasi-xénomorphe, mourir, mourir seul, voir les autres mourir). Il a compris que, notre tolérance aux émotions extrêmes étant limitée, il faut croiser la croissance dans la tension d’une alternance avec la détente, d’autant que, se déroulant en milieu méditerranéen, il surenchérit dans les cris et les larmes.
Voire, face aux imposants modèles – qui ne sont pas si nombreux que cela, au total [1] –, au tout premier chef, l’excellent et humoristique Arachnophobie (Frank Marshall, 1990), il réussit à s’imposer avec sa marque propre : il joint un arachnide original (une espèce venimeuse à la taille impressionnante qui provient du Laos, la Heteropoda maxima), filmé en partie sans trucage en partie en images de synthèse et animatronique, à un cadre lui-même inédit qui adopte une configuration réticulaire arachnéenne (Les Arènes de Picasso, qui ont été conçues par l’architecte russo-espagnol Manuel Núñez Yanowsky et construites en 1985 à Noisy-le-Grand, la ville où le cinéaste-coscénariste a grandi).
- Toutefois, la crainte durable et obsessionnelle ne prend pas. Certes, l’imagination sort de la salle chauffée à blanc par ces grouillements de pattes. Mais l’intelligence n’adhère pas. Passons l’absence d’araignées mortellement venimeuses en Europe et en Afrique du Nord. Comment expliquer cette prolifération exponentielle dans un milieu aussi peu nutritif (cet arthropode est un charognard) qu’un immeuble même insalubre de banlieue ? Comment adhérer au mantra ridicule « mode Darwin » pour interpréter les mutations ?
Sans doute le spectateur de ce genre de film ne se pose pas ces questions et n’interpose pas ces objections. Je me risque toutefois à une lecture métaphorique. Certes, Sébastien Vaniček, qui signe ici son premier film, a insisté sur le fait qu’il ne souhaitait pas sombrer dans les stéréotypes du film de banlieue antiflic. Mais, le choix exclusif et discutable du parler-banlieue et du verlan permet d’en douter. Ensuite, la longue et pénible scène d’affrontement avec les CRS casqués et bas-du-front qui agissent comme des robots ultraviolents contredit la déclaration de principe (une exception contre cette vision manichéenne des forces de l’ordre : le personnage humain d’un policier municipal). Enfin, la charge finale contre les protocoles obtus et mortifères plaide décidément en faveur d’une lecture au second degré : la pullulation des araignées tueuses ne serait-elle pas à l’image de la viralité des préjugés qui sèment la mort (symbolique) dans les banlieues ?
Pascal Ide
[1] Cf. entrée « Liste de films d’horreur avec des arachnides », Encyclopédie en ligne Wikipédia.
Kaleb (Théo Christine), un jeune homme d’une vingtaine d’années, partage, depuis la mort de sa mère, un appartement avec sa sœur Manon (Lisa Nyarko) dans une tour d’habitation de banlieue parisienne. En conflit avec Manon, mais aussi avec son meilleur ami, Jordy (Finnegan Oldfield), il se sent seul.
Pourtant, grâce à son sens de la débrouille, il fait commerce de baskets Nike et autres chaussures de sport, afin de pouvoir sortir de ce milieu étouffant. Mais l’orphelin a une autre passion : la collection des animaux exotiques dans des vivariums. Un jour, dans une boutique de son quartier, il fait l’acquisition, sans le savoir, d’une araignée issue d’un trafic et achetée sous le manteau. Il la rapporte chez lui, la glisse dans une boîte à chaussure. Mais l’arthropode s’échappe. Or, non contente d’être dangereusement venimeuse, rapide et agressive, il se reproduit à très grande vitesse et s’adapte « mode Darwin », c’est-à-dire ne cesse de grandir.
La solution serait de fuir le HLM. Mais, du fait de la mort suspecte d’un occupant que, ignorant la présence de l’araignée tueuse, la police considère comme suspecte et contagieuse, l’habitation est placée en quarantaine. Ce micro-monde déjà spontanément sous-tension va devoir s’organiser face à un autre monde, de plus en plus grouillant et inquiétant qui n’est nullement prêt à partager son biotope…