Vaincre ou mourir, biopic français de Paul Mignot et Vincent Mottez, 2023. Avec Hugo Becker, Jean-Hugues Anglade.
Thèmes
Mémoire.
En entrant dans la salle (bondée, surtout de jeunes), j’étais travaillé par cinq craintes. Que le film soit mal joué, mal raconté, mal scénarisé, trop polarisé, voire trop idéologisé.
Mal joué ? Assurément, Hugo Becker en fait des tonnes. Mais – est-ce un problème lié à l’acteur lui-même ou un problème lié à sa direction d’acteurs (on se souvient de ce que Spielberg a obtenu de Liam Neeson dans La liste de Schindler) ? – n’est pas Mel Gibson-William Wallace haranguant son armée dans Braveheart qui veut.
Mal raconté ? J’ai regretté que les moments les plus dramatiques, donc les plus chargés en émotion, peinent à l’engendrer : la « conversion » initiale de Charette accédant à sa mission ; l’exécution finale par laquelle il la couronne. J’ai aussi regretté que ne soit pas explicitée la proximité de cette sœur aînée et la distance à l’égard de cette épouse guère aimée. Il demeure que le spectateur est happé par l’histoire, ces six années passées bon train (parfois presque trop vite) qui permettent de parcourir une histoire dont le détail des événements est bien souvent inconnu. Plus encore, il est pris par une intrigue riche en rebondissements, vivement rythmée, où le suspense, pour qui ignore la chute, demeure jusqu’au bout.
Mal scénarisé ? Le film commence comme un documentaire, pire, comme un apologue. Mais, heureusement, l’on plonge vite dans l’histoire, et l’on ne reverra plus ces inutiles zélateurs d’une figure qui n’a pas besoin de cette promotion, lourde et biaisée, pour apparaître comme un héros : un stratège doué d’une vision comme un tacticien doué d’invention, un chef qui conduit parce qu’il séduit, un héros plein de panache, un juste loyal qui tient parole jusqu’au bout et, sans doute, un homme peu tempérant qu’attirent les amazones chevauchant à ses côtés – bref, un homme qui honore grandement les trois premières vertus cardinales et manque de la dernière. Et le film s’achèvera sur un symbole qui est aussi une confession de foi : le Sacré-Cœur – qu’il vaudrait mieux appeler : le Cœur du Christ.
Trop polarisé ? Certes, comme tout conflit, la guerre de Vendée est binaire. Pour autant, sa représentation est-elle manichéenne ? D’un côté, les royalistes sont montrés dans leur diversité : les jusqu’auboutistes dont la figure emblématique, Charette, s’incarne dans une parole qui fait titre, mais aussi les modérés qui, tels Jean-Baptiste de Couëtus, dont le général fait son second, et qui temporisera son engagement patriotique par son engagement familial, ou Prudent de La Robrie qui, excellent cavalier, devient le commandement de la cavalerie, signera un mémoire, pour suggérer à Charette de mettre fin aux hostilités et, devant le refus de ce dernier, livrera bataille et y livrera sa vie.
De l’autre, les républicains sont aussi mis en scène avec plus de nuance que l’on ne dit : il y a les fanatiques qui, comme le Général Turreau, surnommé le « bourreau de la Vendée », enverra les douze colonnes incendiaires qui non contentes de tout brûler sur leur passage, habitats, provisions et bétail, massacreront les populations ; mais il y a aussi le général de brigade Jean-Pierre Travot qui capturera le chef vendéen et, malgré sa lutte acharnée contre lui, éprouve un tel respect pour son adversaire qu’il lui accordera l’honneur de commander lui-même son peloton d’exécution. Dans le même sens, on observera que la représentation des « Colonnes infernales », plutôt sobre, s’est abstenue de jouer sur le pathos et que la critique de la République n’est pas remontée jusqu’à la tête, si, comme il semble avéré, l’ordre d’extermination fut signé par Robespierre lui-même.
Trop idéologisé ? Le titre pourrait le faire craindre. La seule option semble être de tuer ou d’être tué. En fait, comme dans Cristeros (Dean Wright, 2012), l’histoire, au double sens du terme, ménage une troisième voie, explicitement incarnée par le prêtre réfractaire, l’Abbé Remaud (Jacques Milazzo) : le pardon. Assurément, la condamnation sans appel des prêtres jureurs (qui, rappelons-le, ont tout de même représenté à peu près la moitié des ecclésiastiques) dont témoigne le film est dénuée de miséricorde (confronté explicitement à ce problème avec les donatistes, saint Augustin optera pour la clémence, contre les cathares intransigeants). Du moins se réjouira-t-on que ce prêtre fidèle (adjectif autrement plus adéquat que réfractaire) ouvre cette voie plus conforme à l’évangile où, malheureusement, Charette refusera de s’engager. De fait, il faudra bien des décennies – un siècle si l’on en croit l’encyclique dite du ralliement que Léon XIII a écrite en français – pour que, profondément blessés par la Révolution et la Terreur, les catholiques français entrent dans cette réconciliation. Ajoutons aussi que « l’honneur » constamment invoqué par le général n’est pas sans ressembler à ce « point d’honneur » qu’avec grande lucidité, sainte Thérèse d’Avila fustigeait pour son orgueil insensé.
Le film est imparfait et partial. Toutefois, aujourd’hui, il est nécessaire. Que ceux qui en critiquent l’unilatéralisme (oubliant d’ailleurs combien leur blâme est tout aussi réactif), se saisissent donc de l’histoire de la Vendée, lèvent l’omertà et en proposent une autre version. En attendant, les Français ont le droit que leur soit restituée cette partie de leur mémoire qui leur fut volée par une autre terreur, innommée, celle-ci, et idéologique.
Pascal Ide
- Voilà trois ans que François Athanase Charette de La Contrie (Hugo Becker), ancien officier de la Marine Royale, s’est retiré́ chez lui en Vendée, au château de Fonteclose, aux côtés de son épouse et de sa sœur ainée, Marie-Anne (Anne Serra). Dans le pays, la colère des paysans gronde : ils font appel au jeune retraité pour prendre le commandement de la rébellion. En quelques mois, le marin désœuvré devient un chef charismatique et un fin stratège, entraînant à sa suite paysans, déserteurs, femmes, vieillards et enfants, dont il fait une armée redoutable car insaisissable. Il est rejoint par un ancien officier dans l’armée royale, Jean-Baptiste de Couëtus (Gilles Cohen), le jeune et intrépide François Prudent Hervouët de La Robrie (Rod Paradot) ou des roturiers comme Lecouvreur (Damien Jouillerot), un jeune artisan vendéen, ou Jacques Maupillier (Francis Renaud), fort en gueule et grand cœur, mais aussi des femmes, des amazones, comme sa voisine Marie Adélaïde de La Touche Limouzinière de La Rochefoucauld (Dorcas Coppin) alias la « Dame de la Garnache », ou l’angevine Céleste Bulkeley (Constance Gay), surnommée « l’Irlandaise ».
Face aux « Brigands de Vendée », se dresse l’armée de la République, dirigée par l’adjudant-général chef de brigade jurassien Jean-Pierre Travot (Grégory Fitoussi) qui est épaulé par Albert Ruelle (Jean-Hugues Anglade), le député d’Indre-et-Loire à la Convention nationale.
Les forces en présence sont très inégales. Charette vaincra-t-il ou devra-t-il mourir ?