Underwater, science-fiction, catastrophe et horrifique américain de William Eubank, 2020. Avec Kristen Stewart, Vincent Cassel.
Thèmes
Ecologie, don de soi.
Ce bon film d’action innove dans sa forme et, même lorsqu’il n’est pas inventif en son contenu, il donne encore à penser.
Par une structure narrative sinon inédite, du moins peu exploitée, l’histoire nous plonge (sic !) d’emblée et intensément dans une aventure de survie et nous tient immergés, le souffle coupé, jusqu’à la dernière image. Même le dernier Mad Max (Fury Road, George Miller, 2015), après une première partie haletante, a ménagé au spectateur quelques instants de repos, voire de poésie, pour reprendre haleine.
Que l’intrigue soit sans repos ne signifie pas que le scénario soit sans défaut. Ce road movie sous-marin, claustrophobe et ténébreux, manque aussi de lisibilité scénaristique. Selon une erreur souvent épinglée, il n’a pas compris l’importance de présenter avec limpidité la course d’obstacles. Loin de déflorer le suspense, cette répétition le dope. Anticiper le danger sans dévoiler son dépassement dramatise le récit – comme le montre un superbe passage de ce superbe biopic qu’est Le Mans 66 (James Mangold, 2019) où Ken Miles (Christian Bale) prend le temps de détailler à son fils la piste mythique où il va bientôt courir. Reste toutefois un respect scrupuleux de la règle des trois unités qui dévoile et déploie ici toute sa redoutable efficacité.
Quant au fond (resic !), comment ne pas songer à une version terrestre, mais sous-marine d’Alien (d’ailleurs, l’auteur du deuxième opus, incontestablement le plus génial, avec le premier, n’est-il pas aussi un amateur des abysses océaniques ?!) ? Égrenons sans prétendre à l’exhaustivité : la forme du monstre, son évolution séquencée depuis le stade larvaire jusqu’à l’âge adulte démesuré, son hyper-agressivité ; l’affrontement avec l’adversaire féminin et le passage par le nid grouillant de menaces qui cesseront vite d’être potentielles ; le bruitage de l’alien mêlant crissement et claquement de crocs (on se souvient que le premier volet avait obtenu un Oscar pour sa bande-son, ce qui n’est pas la même chose que la musique), le décor autistique et la nuit permanente.
Dès lors, les décalages significatifs avec le modèle deviennent d’autant plus signifiants. D’abord, alors que la saga spatiale (je parle de la tétralogie et non de ses discutables préquelles) se dérobe obstinément à toute interprétation sur son origine, la présence, voire, la violence du monstre est expliquée, voire, est excusée, par la responsabilité humaine. D’ailleurs, la morphologie des rejetons du monstre-mère (ou père ?), étonnamment anthromorphes, s’éloigne du look effrayant, tout en carapace et en mâchoires (au pluriel !) de l’alien. Ensuite, la lutte ne culmine pas dans le corps-à-corps haineux et victorieux qui s’achève dans la destruction spectaculaire du monstre ; ici, ce dernier n’est vitrifié par la bombe qu’accidentellement, pour sauver l’existence des deux survivants, et son atomisation n’est précédée d’aucune déclaration vindicative. Enfin, loin de survivre à l’affrontement final, l’héroïne meurt, là encore sans aucune nécessité scénaristique.
Cette fin tragique, qui prive le spectateur de l’ultime consolation que serait la scène cathartique où la capsule de sauvetage éclatant à la surface de l’océan nous donnerait d’enfin contempler l’infini irisé d’un soleil couchant, s’avive des déclarations pessimistes du générique, faisant inclusion avec la scène d’ouverture, qui accuse la grande instrustrie (et non plus les militaires) d’une coupable omertà. Voire, ce sacrifice ultime suscite une profonde frustration suite au parcours sans faute d’une héroïne constamment héroïque (si elle est excellente, Kristen Stewart ne varie guère son jeu de film en film), qui, toujours centrée sur l’autre et prête à assumer tous les risques a déjà symboliquement offert sa vie.
Une seule explication est à même de nouer dans une gerbe tous ces décalages et rendre compte de ce qui, sans cela, opinerait vers la dissonance scénaristique et le sadisme cynique : Norah est l’innocente Iphigénie qui doit être sacrifiée pour que soit expié le crime impardonnable de l’homme à l’égard de la nature. Dès lors, le monstre libéré par les abîmes n’est que la symbolisation de la monstruosité que l’être humain a libéré de ses entrailles malades de convoitise, et cette forme anthropoïde où une mâchoire prédatrice dévore le visage avant de dévorer celui de sa proie est le miroir tendu afin que nous y déchiffrions notre insatiable rapacité. Avec moins d’inventivité symbolique et d’impact émotionnel, Underwater se présente donc moins comme un récit sous pression et haute tension que comme une fable à lire avec attention.
Pascal Ide
Un générique hâché évoque une zone de forage dans ce lieu sans oxygène ni soleil qu’est la fosse des Mariannes, où la société Tian Industries emploie de nombreuses personnes dans des stations sous-marines ; plus inquiétant, il fait aussi allusion à une faune abyssale inconnue et à des malversations couvertes par cette société, attirée par de colossaux enjeux économiques.
Norah Price (Kristen Stewart) médite seule dans les lavabos collectifs de la station Kepler 822. Soudain, ce qui semble être un séisme, désintègre la presque totalité de la plateforme. Tout en donnant l’alerte, elle parvient à se réfugier dans une zone protégée. Elle découvre alors que seules quelques personnes ont survécu à la terrible tragédie : l’expérimenté capitaine W. Lucien (Vincent Cassel), le déjanté Paul Abel (T. J. Miller), l’étudiante en biologie marine Emily Haversham (Jessica Henwick), son petit-ami ingénieur forage Liam Smith (John Gallagher Jr.), ainsi que le responsable système Rodrigo Nagenda (Mamoudou Athie). Piégé dans l’endroit le plus profond de la croûte terrestre, à plus de 10 000 mètres sous le niveau de la mer, le petit groupe va devoir non seulement survivre et remonter à la surface en comptant sur ses seules ressources, mais s’affronter à une effroyable question : quelle est la cause de l’accident qui ressemble de moins en moins à une secousse tellurique ?