Un homme qui me plaît, drame français de Claude Lelouch, 1969. Avec Jean-Paul Belmondo, Annie Girardot, Maria Pia Conte.
Thèmes
Amour, homme-femme, TDK, TM.
La femme pourrait se sentir injustement chargée par le constat de Jean-Claude Kaufmann : « en cas de crise du couple, les femmes tendent à crier et les hommes à se taire. Les femmes sont en effet plus souvent dans la position d’être des victimes [1] ». Ce serait manquer l’interprétation positive qu’en donne le sociologue : « elles sont plus engagées au centre du fonctionnement familial ». Élargissons le propos à partir d’un film de Lelouch – le premier, d’ailleurs, où se rencontrent deux « monstres sacrés » du cinéma français [2].
Nous arrivons à la dernière scène du film, celle où le réalisateur voulait conduire le spectateur. Henri a promis de la rejoindre à Paris. Françoise qui a tout laissé pour lui espère tout, follement. Elle vient l’attendre à Orly, à une époque où l’on pouvait encore guetter dehors les passagers. L’avion atterrit. La porte s’ouvre. Les premiers passagers sortent, descendent l’escalier. L’attente se fait encore plus tendue, désirante. La probabilité qu’apparaisse Henri ne fait que grandir. Progressivement, les passagers s’égrènent. Le désir laisse place à l’inquiétude. Arrivent alors les stewarts et enfin les pilotes. Puis, plus personne. Alors, dans une expression inimitable, le visage d’Annie Girardot, cette grande actrice, se tord, affichant autant la tristesse que le désespoir que le dépit amoureux de celle qui « le savait au fond d’elle-même ». Retournant auprès de sa femme, Henri l’a oubliée. Il était son grand amour ; elle n’était qu’une conquête de plus.
Dans une interview en bonus, Claude Lelouch explique que, dans l’amour, « la femme joue sa peau [3] », autrement dit, donne sa vie – ce qui ne signifie pas que l’homme ne fait pas de même, mais plus tardivement. Toute femme qui aime s’écrie : « Je vous ai destiné ma vie aussitôt que je vous ai vu [4] ».
Ainsi, l’exigence de la femme est proportionnelle à la radicalité de son engagement amoureux. Et l’accusation de même. Cette radicalité (qui est elle-même le fruit de son unité et de son sens de l’amour) explique la fréquence de la posture Victimaire ; en revanche, elle ne saurait la justifier. Elle signale simplement le lieu de la plus grande vulnérabilité féminine : celle de l’accusation – et donc celui de sa plus grande conversion.
Pascal Ide
[1] Jean-Claude Kaufmann, Piégée dans son couple, Paris, Éd. Les Liens qui Libèrent, 2016, p. 193. Souligné par moi.
[2] Un homme qui me plaît, drame français de Claude Lelouch, 1966.
[3] Claude Lelouch, dans une entrevue où il commente son film se trouve dans un bonus du DVD.
[4] Gabriel de Guilleragues, Les lettres de la religieuse portugaise, première lettre, Paris Claude Barbin, 1669. Cité en exergue de Jean Rousset, Leurs yeux se rencontrèrent. La scène de première vue dans le roman, Paris, Librairie José Corti, 1984, p. 7. De manière exemplaire et laconique : « Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue » (Racine, Phèdre, Acte I, scène 3, v. 273).
Laissant à Paris son mari et sa fille, Françoise (Annie Girardot), actrice de cinéma renommée, s’envole pour les États-Unis, où l’attend un tournage. Elle fait connaissance avec un compositeur, lui aussi fameux, Henri (Jean-Paul Belmondo) qui, marié à une Italienne, est venu seul pour enregistrer la musique du film. Cédant à la cour insistante de Henri, ils deviennent amants. Henri décide alors de retarder son retour et emmène Françoise à Las Vegas. Puis ils louent une voiture et entament un périple à travers les États-Unis avec l’intention de rejoindre New York. De plus en plus amoureuse, Françoise décide de quitter son époux pour celui qu’elle aime.