Un Homme pressé, comédie dramatique française réalisée par Hervé Mimran, 2018 et inspirée du livre J’étais un homme pressé : AVC, un grand patron témoigne de Christian Streiff, ex PDG d’Airbus et de PSA Peugeot Citroën, dans lequel il raconte son accident de santé puis sa lente reconstruction physique. Avec Fabrice Luchini, Leïla Bekhti, Rebecca Marder, Igor Gotesman, Clémence Massart.
Thèmes
Guérison, vulnérabilité.
Bien entendu, Un homme pressé est un film que d’aucuns jugeront naïvement optimiste et acritique sur nos institutions. D’ailleurs, son scénario téléphoné ne surfe-t-il pas sur la vague en vogue de la pathologie pathétique qui fait rentrer dans le pathos passionnant de la passion de l’autre ?
Pourtant, sans didactisme, ce film bon enfant nous offre quelques grandes lois de vie – qui sont peut-être des lois métaphysiques – : la vulnérabilité positive, la médiation d’autrui, la connexion systémique, la réception en retour.
Qui veut accéder à sa puissance, traversera son impuissance. Si la puissance est efficace, seule la vulnérabilité rend fécond. Cet homme pressé était devenu un homme stressé, bientôt oppressé et opprimé. En devenant patient (malade), l’impatient haletant, piaffant devient patient (vertueux). En confondant les mots, le rhéteur maître du verbe balbutie la vie, en épèle les lois, en découvre enfin la grammaire. Pour cela, Alain apprend à vivre au rythme de son corps, de la lente construction de ses liaisons neuronales, puis au rythme de l’espace, en parcourant ce long chemin de Compostelle qui devient symbolique de ce changement aussi désirable qu’improbable.
Qui veut se connaître lui-même passera par l’autre. En maîtrisant tout, Alain mesurait tout et a tout perdu, y compris sa fille Julia (Rebecca Marder). En se recevant des presque rien de la vie quotidienne (du film Casablanca, autant métaphorique que métonymique, au Jardin des plantes en passant par un faon et la terrasse d’un café), il s’ouvrira, l’air de rien, à presque tout.
Qui veut changer son entourage, commencera par se changer lui-même. Avant d’aider Jeanne, ce qui pourrait redoubler sa toute-puissance, Alain devra accepter d’être aidé, et d’en éprouver de la gratitude. Alors et alors seulement, Luchini-Wapler pourra lancer à son orthophoniste, avec cet indicible air de ne pas y toucher qui fait mouche : « Vous êtes comme ma fille : vous avez du mal à vous faire aider ».
Qui veut trouver l’harmonie intérieure conjuguera son animus (son pôle masculin) et son anima (son pôle féminin). Au lieu d’inventer une voiture toute-puissante dont la symbolique emprunte au seul, Wapler invente une automobile écologique et gracieuse.
Qui veut donner sans humilier, recevra d’abord avec gratitude. Quel chemin entre l’homme dominant qui, à la question « Tu ne dis jamais merci ? » répondait avec impudence : « Jamais » – et de fait, ne disait pas plus « S’il te plaît » ou « Pardon » – et l’homme qui, au terme, recevra de Jeanne cette parole de vie : « Merci de m’avoir aimée » et, plus encore, de Julia, la reconnaissance de sa paternité (le billet de TGV est au nom de Wapler).
L’on craint un moment qu’Alain Wapler fasse partie de ces profils narcissiques qui prolifèrent aux postes de pouvoir – tant leur abyssal vide intérieur est compulsivement avide de reconnaissance. Mais, si tel avait été le cas, il se serait effondré comme un trou noir, une fois son aura évaporée. Quelques indices parmi beaucoup attestent une bonté latente, mais toujours présente : compatissant, Alain a gardé sa vieille domestique handicapée et, discret, ne l’humilie pas quand il prend conscience de sa violence envers les animaux ; au lieu de faire table rase du passé ou de séduire par son avoir, son savoir et son pouvoir, il garde la pièce qui permet de faire mémoire de son ex-femme malade ; quand celui qui ne sait pas dire merci sera outrageusement remercié, lorsque celui qui accorde peineusement un quart d’heure à ses rendez-vous sera congédié en dix minutes, il le percevra sans surprise et le recevra sans amertume. L’homme (humblement diminué) serait-il la réponse à l’homme (orgueilleusement) augmenté ?
Pascal Ide
Alain est un homme monopolisé par son travail, au point d’en oublier les loisirs et sa famille. Sauf qu’un jour, il est victime d’un AVC qui lui cause de graves troubles de la parole et de la mémoire et a besoin d’une rééducation. Au cours de cette rééducation, il rencontrera Jeanne et réfléchira sur sa vie.