Trap, thriller américain écrit et réalisé par M. Night Shyamalan, 2024. Il s’inspire en partie d’un événement réel, l’opération Flagship en 1985, une opération de police durant laquelle un groupe de fugitifs ayant reçu des billets d’invitation pour un match de la NFL furent capturés alors qu’ils assistaient à l’événement. Avec Josh Hartnett, Ariel Donoghue, Saleka Shyamalan.
Thèmes
Monstre, personnalité narcissique, pardon, don de soi.
Mais qu’a donc voulu montrer M. Night Shyamalan qui, une nouvelle fois, est aux commandes du scénario et de la réalisation ? Poser une telle question d’entrée de jeu est de mauvais augure…
- S’agit-il d’un thriller comme tous les autres longs-métrages du même réalisateur qui se présentent comme des films à suspense ? Si tel est le cas, il rate son objectif une première fois en nous révélant beaucoup trop tôt l’identité du Boucher (The Butcher). D’ailleurs, l’évidence est telle que, comme toujours, n’ayant rien lu ou vu sur le film avant mon entrée dans la salle, je me suis surpris à la nier tout un temps, par exemple, en cherchant à inventer une autre raison à la vidéo présente sur son téléphone précédée de son symbole ou à expliquer autrement l’acte par lequel il poussait la jeune fille dans l’escalier. Mais le cinéaste manque son objectif une seconde fois quand il fait vriller le suspense sur le sauvetage. Mais le sauvetage de qui ? Si c’est celui de la fille, pourquoi alors nous montrer un père si aimant que nous ne craignons jamais qu’il l’agresse ? Si c’est celui du Boucher-Bourreau, pourquoi alors le charger de manière si horrible que nous apprenons qu’il a tué de la manière la plus horrible pas moins de douze personnes ?
- Le vidéaste a-t-il voulu de nouveau écrire une histoire à twist final, comme celui qui fit le légitime succès de ce qui demeure selon moi son film le plus réussi, Le sixième sens (1999) et qui est une marque de fabrique Shyamalan (sa fille Ishana semble s’en inspirer dans Les Guetteurs, 2024) ? Mais alors, pourquoi ce final totalement ambivalent qui, d’un côté, affirme la bonté du père et, de l’autre, montre la malice du monstre ?
- Nous émettrons une troisième hypothèse. Fasciné par les figures dysfonctionnantes, voire tératologiques, le réalisateur ne cherche-t-il pas à minimiser leur monstruosité ? D’une part, son explication est tellement appuyée qu’elle finit par devenir une excuse. D’autre part, tout tend à euphémiser la malice du Bourreau, à commencer par l’inclusion sur laquelle le film est construit : il commence et finit par un père qui n’est pas seulement aimé en retour, mais véritablement attentionné. Peut-être fasciné par Joker(je parle du film, dont j’attends avec crainte le deuxième volet, et non du personnage génialement réinventé par Christopher Nolan), le cinéaste finit par dissoudre le mystère du mal en une simple énigme.
Revenons à cette image ultime qui semble tout concéder à la perversion du Boucher. Cette ambivalence n’est-elle pas lovée au cœur même des autres films de Shyamalan. Pourtant, cette reconstruction-déconstruction du monstre n’est psychiatriquement pas du tout crédible : sa pathologie est de l’ordre de la psychose (les médecins parlent de la perversion comme d’une psychose blanche, c’est-à-dire sans hallucination), alors que l’expert nous parle d’un névrosé affligé de TOC et l’histoire nous montre un perfectionniste obsédé du contrôle. Mais là aussi le film oscille, puisqu’il met en scène à plusieurs reprises, et pas seulement au terme et sous emprise médicamenteuse, le Boucher voyant et parlant à sa mère décédée.
- Demeure, et ce dernier point explique pourquoi j’ai finalement opté pour deux étoiles, la figure inattendue d’une popstar qui, bien qu’idolâtrée par son public de teens, ne s’avère en rien être une diva. Loin d’être narcissiquement centrée sur son image et indifférente à l’autre, Lady Raven se révélera étonnamment empathique vis-à-vis de Riley, sur scène, mais aussi après. Plus encore, elle accepte de risquer sa vie pour sauver celle d’un inconnu, Spencer, et se montre d’un surprenant sang-froid quand, menacée, elle trouve à plusieurs reprises des solutions inattendues (comme se rendre chez le Boucher), voire créatives (utiliser son réseau social pour repérer et délivrer la dernière victime).
Enfin, et c’est pour moi la plus belle scène du film, Lady Raven est capable du plus beau des dons, le par-don. Vulnérable, elle conte sa propre histoire d’abandon paternel à toutes ses fans – mais aussi aux spectateurs qui ne peuvent manquer d’être touchés –. Plus encore, dans cette gratitude empathique, elle explique sa démarche si concrètement (« Je te libère ») qu’elle peut proposer aux personnes présentes de faire de même et de l’attester en levant leurs téléphones allumés. Dans l’obscurité où est plongée la salle, le public – j’allais écrire l’assemblée ! – se transforme en une nuit constellée de lucioles pardonnantes, en une bouleversante voie lactée où les véritables stars sont celles qui transforment la vengeance en amour. Pour cette superbe trouvaille, merci Manoj Nelliyattu !
Et pourquoi ne pas imaginer que, lui aussi touché par ce témoignage et cette demande qui rejoint son amertume à l’égard de sa fille blessée par une de ses amis de classe, Cooper, visiblement touché par ce témoignage, n’amorce un début de remords ? En fait, une telle hypothèse scénaristique serait psychologiquement impossible, ce que montre la capacité qu’a le Boucher de manipuler Lady Raven. Du moins, sur ce point, le réalisateur est-il cohérent.
Trap (« piège ») parle-t-il du protagoniste principal ou du spectateur ? D’un côté, pendant le film, je ne me suis pas senti assez piégé par cette intrigue trop transparente. De l’autre, en sortant, j’ai regretté de l’avoir été trop par un cinéaste qui promet (et promeut) beaucoup, mais déçoit encore plus.
Pascal Ide
Cooper Abbott (Josh Hartnett), emmenant sa fille adolescente, Riley (Ariel Donoghue), au concert de la popstar Lady Raven (l’auteure-compositrice-interprète Saleka Shyamalan, qui est la fille du réalisateur) en récompense de ses bonnes notes, remarque la présence policière inhabituellement élevée autour de la salle de concert. Intrigué, il sympathise avec un vendeur nommé Jamie (Jonathan Langdon) et apprend de lui que le FBI envisage d’attraper un tueur en série (il a commis pas moins de douze assassinats), connu sous le surnom du « Boucher », après avoir appris qu’il serait présent.
Cooper se révèle être le boucher lui-même, vérifiant secrètement sur son téléphone des images de sa dernière victime captive, Spencer (Mark Bacolcol), dans un sous-sol. Il vole la carte d’identité de Jamie et apprend la phrase secrète qui l’identifiera en tant qu’employé, utilisant la carte pour accéder à une arrière-boutique et voler une radio de police.
En entendant une femme prédire ses mouvements à la radio, Cooper déclenche une explosion dans la cuisine d’un stand de nourriture et profite du chaos pour accéder au toit, où il apprend d’un policier que la chasse à l’homme est menée par le Dr Josephine Grant (Hayley Mills), une profileuse du FBI. Confuse par le comportement de Cooper, Riley lui demande de rester avec elle. Elle parle de son rêve d’être choisie comme « Dreamer Girl » de Lady Raven, qui peut danser sur scène avec la chanteuse. À cette occasion, elle apprend à son père qu’elle aura accès aux coulisses, ce qui est la seule sortie non couverte par la police. Cooper se rend alors auprès d’un des organisateurs du spectacle, l’oncle de Lady Raven (Shyamalan lui-même), lui faisant croire que Riley s’est récemment remise d’une leucémie. Touché, il la sélectionne pour être la « Dreamer Girl ». Aux anges, la jeune fille danse ainsi avec son idole.
Cependant, après la fin du concert, Cooper apprend que la police garde également la sortie des coulisses. Pour s’en sortir, il a l’idée de révéler en privé à Lady Raven qu’il est le Boucher, en lui montrer qu’il menace de tuer à distance Spencer si elle ne l’escorte pas, lui et Riley, dans sa limousine. Sidérée, elle obéit. Mais, dans la voiture, elle a l’initiative de demander à venir chez Riley. Là elle explique l’opération du FBI à sa mère, Rachel (Alison Pill) et son frère Logan (Lochlan Miller) devant Coopier. Et, formée par le profiler, elle déstabilise Cooper en décrivant le profil du Boucher comme quelqu’un ayant des problèmes maternels et un trouble obsessionnel-compulsif. Elle explique également que la police a compris que le serial killer serait présent au concert grâce à un reçu de billet de spectacle déchiré laissé dans une maison vacante et signalé de manière anonyme.
Profitant d’un instant d’inattention, Rachel vole le téléphone de Cooper et s’enferme dans la salle de bain pour joindre Spencer, se faire préciser des détails sur son lieu de séquestration et les diffuser en direct à ses fans, afin qu’ils le retrouvent. Devant les menaces de Cooper d’enfoncer la porte de la salle de bains, Rachel révèle que Cooper est le Boucher. Il réussit finalement à s’enfuir, semer la police
et rentrer chez lui pour confronter son épouse. Celle-ci avoue qu’elle le soupçonnait et que c’était elle qui avait laissé le reçu dans la maison vacante. Cooper décide de la tuer, puis de se tuer lui-même. Rachel lui propose de partager au moins les restes de tarte préparés pour sa fille. Il y consent, ignorant que Rachel a drogué la tarte avec des pilules de son sac à outils. Pris d’hallucinations, le meurtrier voit sa mère lui exprimer sa fierté et, touché, il s’approche. En fait, il s’agit de Grant qui se fait passer pour sa mère, ce qui permet aux officiers du SWAT de le taser.
Alors qu’il est emmené, il demande de relever le vélo de Riley. Celle-ci en profite pour se précipiter et l’étreindre avec émotion, avant qu’il ne soit emmené dans un fourgon de police. Alors qu’il s’éloigne, nous voyons Cooper sortir un rayon de roue de vélo de sa manche et, après l’avoir replié, l’utiliser pour crocheter ses menottes, tout en ricanant seul de manière démentielle.