Ticket to Paradise, comédie américaine d’Ol Parker, 2022. Avec George Clooney, Julia Roberts, Kaitlyn Dever.
Thèmes
Remariage.
Encore plus que comédie loufoque avec son mélange obligé d’humour burlesque et de répliques à pic, Ticket to Paradise est une comédie de remariage, à moins qu’il ne croise les deux, tant les meilleures screwball comedy sont toujours des comédies de mœurs dont le thème par excellence est la vie conjugale. D’ailleurs, le film qui a créé le genre, New York-Miami (Frank Capra, 1934), n’est-il pas aussi l’une des plus illustres comédies de remariage, que Stanley Cavell n’a pas manqué d’analyser ?
La critique française, plus déconstructionniste, est bien évidemment plus grincheuse que la critique américaine à qui nous emboîtons le pas. Naturellement, l’histoire s’achève bien, puisqu’il s’agit d’une comédie. La question est donc : le remariage est-il crédible ?
La réponse tient en trois causes qui sont scandées pendant tout le film : un mariage ne réussit que s’il tisse trois raisons, même lieu, même temps, même condition. C’est assurément un modèle qui, lorgnant du côté des affinités électives, concède tout à l’amour romantique. Du moins explique-t-il le retour indiqué par le préfixe re-mariage et le nouveau mariage de Lily. Surtout, il servira de mesure à l’évolution des deux protagonistes principaux : alors qu’au début, au nom de leur amertume, les ex-conjoints atrabilaires refusent totalement qu’il y ait jamais rien eu de commun entre eux, au terme, ils ne peuvent plus nier que ces trois conditions, effectivement réunies au début de leur mariage, furent gâchées par leur propre faute.
Toutefois, les raisons véritables de leurs retrouvailles résident ailleurs que dans ces critères trop mécaniques. Et le scénario va multiplier les étapes de leur rapprochement progressif jusqu’aux réépousailles finales. Ce pourrait être un exercice instructif, lorsque le film sera commercialisé, de déchiffrer ces raisons et ces pas – sans être dupe de leur trop grand déterminisme et de leur prévisibilité. S’il est plus spectaculaire d’insister sur les complicités, le romantisme du cadre, le sens de la fête, la métaphore qu’est la nécessité de faire équipe et la métonymie qu’est le mariage de leur fille, seul explique le changement durable et profond ce qui relève du don, du pardon et de l’abandon. Ce qui présuppose la sortie de l’accusation mutuelle et la rentrée en soi-même, donc la remise en question.
Je n’retiendrai qu’un motif, mais il est d’autant mieux venu qu’il se trouve à rebours du défaitisme ambiant. À la demande de Lily : « J’ai besoin de ta bénédiction », David répond : « Tu n’en as pas besoin : tu es ma bénédiction ». Cette réplique aussi brève que profonde atteste avec profondeur que la vie est une bénédiction, parce qu’elle est le fruit d’un amour. Ainsi se trouve attestée, discrètement, mais réellement, l’unité inséparable entre la vie et l’amour. Or, tel est justement le sens du mariage : conjuguer la communion et la procréation. Donc, si penser au don des enfants, c’est-à-dire au lien intime entre la mission d’époux et celle de parent interdit l’adultère (comme le montre admirablement la scène centrale de Lost in translation (Sofia Coppola, 2003), repenser à ce lien indissociable entre le don d’amour et le don jailli du don qu’est l’enfant favorise le remariage.
Pascal Ide
Deux parents divorcés, David (George Clooney) et Georgia Cotton (Julia Roberts), se rendent à Bali après avoir appris que leur fille, Lily (Kaitlyn Dever), envisage d’épouser un homme nommé Gede (Maxime Bouttier), qu’elle vient de rencontrer. Ils décident de travailler ensemble pour saboter le mariage afin d’empêcher Lily de commettre la même erreur qu’eux il y a vingt-cinq ans.