Thor : Ragnarok
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Thème (s):
Mal
Date de sortie:
25 octobre 2017
Durée:
2 heures 11 minutes
Directeur:
Taika Waititi
Acteurs:
Chris Hemsworth, Tom Hiddleston, Cate Blanchett

 

 

Thor : Ragnarok, film fantastique américain de Taika Waititi, 2017, basé sur les personnages de l’univers des comics Marvel. Avec Chris Hemsworth, Cate Blanchett, Tom Hiddleston, Tessa Thompson, Mark Ruffalo.

Thèmes

Orgueil, mal.

Thor : Ragnarok est le troisième opus de la saga Thor – après Thor (2011) de Kenneth Branagh, et Thor. Le Monde des ténèbres (2013) d’Alan Taylor –, ou le sixième, si l’on compte toutes les apparitions du dieu nordique et super-héros, d’ailleurs toutes interprétées par l’acteur australien Chris Hemsworth – il faut, en effet, ajouter les suites partielles : Avengers (2012) de Joss Whedon, où Thor est à la recherche du cube cosmique avant qu’il ne tombe entre les mains de Loki ;Avengers : L’Ère d’Ultron (2015) de Joss Whedon, où Thor, aidé par les Avengers, recherche le sceptre de Loki ;Doctor Strange (2016) de Scott Derrickson, où celui que l’on surnomme le « Maître des arts mystiques » (et grand connaisseur des pouvoirs occultes) ne rencontre Thor que dans la première des deux post-génériques (d’où la scène unique où il se retrouve) – et enfin le dix-septième film de l’univers cinématographique Marvel (sic !).

Cette suite créative renouvelle considérablement les deux autres : non seulement les personnages, surtout en introduisant la figure plutôt réussie de laValkyrie ; non seulement en changeant totalement le décor de l’action qui évite presque totalement la Terre (ce qui conduit à des prodiges d’imagination dans les décors) ; mais aussi dans le genre littéraire (l’humour omniprésent tient sa promesse : alléger le drame sans sombrer dans le pastiche, relativiser la toute-puissance des super-héros sans la décrédibiliser).

Dès lors, la question devient : est-ce que l’intrigue elle-même est rajeunie ? De prime abord, non et non, puisque non seulement il s’agit de l’éternel combat des figures mythologiques du bien et du mal, mais que le manichéisme le plus simpliste semble au rendez-vous : le méchant (qui est la méchante) est résolument et indécrottablement méchante, sans excuse (passée) et sans regret (final) ; le héros bon, quoique vulnérable, reste indéfectiblement bon, c’est-à-dire fidèlement attaché à sa mission – qui est de sauvegarder son royaume, Asgard (et, le cas n’échéant pas ici, sa seconde patrie, la Terre). Et pourtant, il faut aussi et résolument répondre : si !

 

Déjà, il vaut la peine de le souligner : malgré la multiplicité des personnages et des décors, l’histoire demeure remarquablement limpide, donc lisible – au point que l’on peut y retrouver les étapes du parcours initiatique du héros, franchies avec pédagogie mais sans didactisme. Or, cette nitescence scénaristique valorise le contenu et le dispose (sans le déterminer) à une éventuelle profondeur.

En effet, l’intrigue donne d’abord à voir le mal dans la personne de la déesse de la Mort. Le spectacle, et peut-être le spectateur à sa suite, se polarisent sur l’aspect le plus extérieur : ses superpouvoirs, de fait, extraordinaires. Mais le cœur de ces pouvoirs est le pouvoir, plus précisément la concupiscence du pouvoir. La puissance extérieure d’Hela n’est que l’instrument de sa toute-puissance intérieure. Cet appétit démesuré de pouvoir est présent(é) en sa pureté démoniaque, c’est-à-dire comme le démon les pratique, hors les deux autres convoitises (de fait, inférieures) : la vierge martiale, totalement isolée et au style de vie plutôt sobre, ne connaît de relations aux autres que d’asservissement humiliant et aux choses que d’instrumentalisation guerrière. De plus, cette soif démesurée de pouvoir (potestatis sacra fames !) se traduit dans un objectif simple : assujettir tout sujet, transformer tout humain en adorateur et toute terre en propriété personnelle. Et le caractère nécessairement idolâtrique de cette convoitise illimitée est aussitôt (d)énoncé. La première phrase prononcée par Hela n’est-elle pas : « Agenouillez-vous ! » ?

Surtout, l’intérêt d’un film fantastique de super-héros dotés de super-pouvoirs est de placer sous verre grossissant, voire d’une manière presque ingénue, la mécanique perverse du pouvoir en son insatiabilité, c’est-à-dire sa (mauvaise) infinité. De fait, sa puissance physique semble sans borne (« À Asgard, son pouvoir sera illimité », prévient Odin) dès la première rencontre. À Loki qui s’exclame incrédule après la destruction de l’objet fétiche de Thor : « Ce n’est pas possible », elle rétorque : « Vous ignorez ce qui est possible »). Mais, là encore, cette in(dé)finité corporelle n’est que le reflet de l’infinité spirituelle. En effet, Hela veut dominer non seulement sur tous (pas seulement Asgard, pas seulement les neuf Royaumes, mais toutes les planètes) et sur tout, vivants et morts (tels les Asgardiens tués lors de ses conquêtes et inhumés dans les catacombes de la cité), hommes et bêtes (telles les créatures infernales assoupies, comme Fenrir, le loup monstrueux), mais tout de suite (dès qu’elle arrive sur Asgard, elle exige la soumission inconditionnelle) et surtout immédiatement, afin de jouir en direct de ce pouvoir (c’est elle qui recrute et fait resurgir son armée ténébreuse avec une braise de la Flamme Éternelle) – la jubilation suprême étant de retourner, au moins apparemment, l’un des serviteurs fidèle et familier de Thor, Skurge qui a consenti de son plein gré à devenir l’Exécuteur.

Voire, expliquant sans excuser, le scénario suggère une raison à cette infinité. À travers son titre, faisant de Skurge l’exécuteur de ses basses œuvres et donc son successeur et son décalque, Hela lui révèle aussi l’histoire cachée du Royaume des dieux : Odin n’est devenu le roi que par une conquête sanglante à laquelle il a associé sa fille, jusqu’au jour où il a renoncé à ses massacres ; mais le disciple (sa fille) était encore plus assoiffé de conquêtes et de tueries que son maître et père. Aussi a-t-il dû l’envoyer dans une prison dimensionnelle. Outre de l’orgueil, cette infinité se nourrit donc de la haine. N’est-ce pas pour mieux l’identifier au père abhorré qu’il lui rappelait, que Hela a rendu Thor borgne ?

 

En exhibant la logique intime et terrifiante de la troisième et plus tentante des convoitises pécheresses – le goût effréné du pouvoir (cf. 1 Jn 2,16) –, le film dénude aussi son insondable fragilité. Avec la même transparence riche de sens : la lutte victorieuse contre le mal s’en trouve elle aussi renouvelée. En effet, en ne vivant que de dominer l’autre et de vampiriser les âmes, le narcissisme infini de Hela engendre, à son insu, une dépendance elle aussi infinie. Selon un retournement dialectique que, de manière définitive, Hegel nous a appris à déchiffrer, un tel maître est en réalité l’esclave secret de ses esclaves.

Certes, là encore, le spectacle donne à voir d’abord et surtout un excellent suspense : le face à face d’un méchant surpuissant avec des bons dont l’impuissance est soulignée de multiples manières (Thor est sans marteau, sans père, sans royaume, voire sans allié). Le spectateur ne peut pas ne pas se demander, intrigué, voire inquiet : comment, très inférieur en pouvoir et même en ressource, le héros pourra-t-il éviter le Ragnarök, l’apocalypse prophétisée ? Comment, même avec les autres membres de la ligue des Avengers, rebaptisée Revengers pour l’occasion, cette équipe très inférieure en puissance pourra-t-elle gagner contre un ennemi dont la puissance n’a jamais été mesurée ?

Encore faut-il clairement désigner le ressort secret du retournement dialectique. Et ne pas en rester à l’explication matérielle.

Certes, de prime abord, la double bonne (et originale) idée consiste à d’une part désolidariser la planète de ses habitants, afin de sauver ceux-ci en sacrifiant celle-là et, d’autre part, traiter le mal par le mal, en dressant contre la glaciale et glaciaire Sorcière Blanche, Hela, son double diabolique, masculin et igné : Surtur. Mais c’est en demeurer au mécanisme le plus superficiel.

Symboliquement, le pouvoir de Surtur est lié à Asgard, c’est-à-dire à la nature, parce qu’il ne s’exerce pas sur les libertés ; de fait, un tyran ne domine jamais sur le cœur de ses sujets, mais seulement sur leur corps et sur leurs peurs (voilà pourquoi l’Exécuteur retourné finira par se retourner contre elle), alors qu’un roi bon les gouverne du dedans.

Plus profondément, celle qui, contrôlant tout, se croit supérieurement indépendante, s’avère à ce point dépendante que la disparition d’Asgard, même privée des Asgardiens, sonne l’heure de la disparition de son propre pouvoir et, comme elle s’est elle-même identifiée à celui-ci, celle de sa propre autodestruction.

Plus radicalement encore, cette perte tragique (l’effacement de la planète mythique autant que mythologique) est le résultat d’une déficience encore plus accablante de l’homme de pouvoir : son absence d’intériorité. S’il vit seulement pour lui-même, il ne vit que par les autres. Or, tout au contraire, Thor sauvera le monde en s’intériorisant. Le superficiel, voire cynique prisonnier de Surtur, s’approfondira en découvrant combien le père qui a disparu et lui manque tant, en fait demeure en lui, comme une source celée, mais non scellée. Et c’est en se mettant à l’écoute de sa sagesse, appropriée et transformée en expérience personnelle, qu’il trouve – avec la révélation astucieuse, mais un rien désincarnée, inédite, mais un rien insistante, qu’Asgard est un peuple avant d’être un territoire – réponse à son autre impuissance majeure (la première étant l’absence cruelle du père conseiller) : le Marteau ne crée pas sa force, mais la contrôle ; il lui faut donc, à nouveau, intérioriser ce qu’il a trop longtemps vécu du dehors, voire comme une distraction (ainsi que l’atteste le jeu du Mjöllnir transformé en boomerang, lors de sa première venue sur Asgard).

À moins que l’on ne tente une lectio difficilior, à savoir que le roi des dieux et « Père de Toute Chose » ne vit pas seulement dans la mémoire de Thor, mais de manière mystérieuse, dans un monde parallèle. Alors, autant Hela ne veut jouir orgueilleusement que de faire sentir im-médiatement le pouvoir, autant Odin, avec humilité, ne l’exerce que par la médiation de son fils, dans la confiance qu’il fera des choses plus grandes encore. C’est ce que donne à entendre un échange qui, loin de toute rhétorique, est peut-être le sommet du film : « Je ne suis pas aussi fort que toi. – Non, tu es plus fort ».

Une ligne interprétative encore plus éloquente concerne le sens même de la ligue des Avengers. Le film ne se contente pas d’opposer sans originalité le groupe à l’isolement total qui est la conséquence obligatoire du narcissisme dominateur, ni d’attester la supériorité du premier sur le second. Mais il revisite la nature même du lien. Sa solidité tient à la solidarité. Or, celle-ci réside dans la soumission mutuelle. En effet, la victoire sera définitivement acquise seulement parce que Loki consentira au plan de son demi-frère et obéira à son injonction audacieuse d’aller réveiller Surtur.

Dès lors, une ultime différence explique cette victoire de prime abord impossible. Autant la reine de glace demeure figée dans la logique de son appétit insensé de pouvoir, autant chacun des membres des Revengers consent à se déplacer : la Valkyrie, en guérissant du traumatisme paralysant induit par l’extermination sans reste de sa caste ; Banner aux sept doctorats, en surmontant sa crainte bleue (ou plutôt verte) de demeurer ce monstre sans diplôme et ânonnant qu’est Hulk ; surtout, Loki, en écoutant la remontrance fraternelle – ironique seulement en apparence – selon laquelle il ne fut joué que parce qu’il est prévisible et il n’est prévisible que parce que, systématiquement, il se défie de l’autre et le trahit.

 

Ainsi, à l’instar du décryptage du mal, la lecture de la victoire s’approfondit jusqu’à devenir spirituelle. De même, ce qui n’était de prime abord qu’une distraction du samedi soir et sans lendemain conduit à une méditation non sans profondeur sur le combat intérieur.

 

Pascal Ide

Loin de la Terre, à l’autre bout de l’univers, Thor, le dieu du Tonnerre (Chris Hemsworth), est séquestré par Surtur, un démon du feu. Il en triomphe et s’en délivre en lui arrachant la couronne à cornes incrustée dans son crâne. Avant qu’il soit vaincu, le démon lui apprend qu’Asgard est sans défense en l’absence d’Odin (Anthony Hopkins), son père exilé, et qu’il comptait plonger sa couronne dans la Flamme Éternelle afin de provoquer le Ragnarök – ce qui, dans la mythologie nordique, désigne la fin du monde (le Ragnarök fut popularisé par Richard Wagner dans la dernière partie de L’anneau des Nibelungen, intitulé Le crépuscule des Dieux).

Revenant dans son royaume à Asgard avec ce trophée, Thor constate qu’Heimdall (Idris Elba) a été remplacé par Skurge (Karl Urban) et que la décadence règne, orchestrée par son demi-frère Loki (Tom Hiddleston) qui se fait passer pour Odin. Il le conduit sur Terre à la recherche de leur père. Avec l’aide du docteur Stephen Strange (Benedict Cumberbatch), ils le retrouvent dans leur autre royaume bien-aimé, la Norvège. Mais il est en train de mourir et meurt. Aussitôt, survient leur sœur aînée et déesse de la Mort, Hela (Cate Blanchett), qui clame son droit au trône d’Asgard et réclame que ses frères s’agenouillent face à elle. Devant leur refus et dans le combat qui s’en suit, elle brise sans difficulté Mjöllnir (le marteau de Thor). Loki, terrifié, commet l’erreur de demander l’ouverture du Bifröst (le pont entre les mondes) pour être reconduit de la Terre à Asgard, ce dont Hela profite pour se rendre sur la planète qui est source de son pouvoir. Éliminant à elle seule la garde asgardienne toute entière, elle profite de la complicité de Skurge devenu l’Exécuteur pour peu à peu conquérir toute la planète.

Pendant ce temps, Thor échoue sur Sakaar, la décharge dimensionnelle de l’Univers et est aussitôt fait prisonnier par une jeune femme, qui se révèlera être une Valkyrie / Scrapper 142 (Tessa Thompson). Elle le conduit devant le gouverneur de Sakaar, qui se fait appeler le Grand Maître (Jeff Goldblum) et met en scène de modernes jeux du cirque. Pour quitter Sakaar, Thor doit devenir gladiateur et affronter un adversaire jusque lors invaincu… Bruce Banner-Hulk (Mark Ruffalo). Pourra-t-il alors reconstituer l’équipe des Avengers et combattre la Déesse de la Mort ? Mais comment vaincre une ennemie encore plus puissante que tous les autres dieux du Walhalla réunis ?

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