The Patriot : Le Chemin de la liberté
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Pays:
Germano-américain
Thème (s):
Paternité, Patriotisme, Violence
Date de sortie:
12 juillet 2000
Durée:
2 heures 45 minutes
Évaluation:
***
Directeur:
Roland Emmerich
Acteurs:
Mel Gibson, Heath Ledger, Tchéky Karyo
Age minimum:
Adolescents et adultes

The Patriot : Le Chemin de la liberté (The Patriot), drame historique germano-américain de Roland Emmerich, 2000. Inspiré des vies des révolutionnaires Andrew Pickens, Thomas Sumter et Francis Marion dit « Le Renard des marais », pour le capitaine Benjamin Martin (Mel Gibson), et du commandant de la British Legion Banastre Tarleton, pour le colonel William Tavington (Jason Isaacs). Avec Mel Gison, Heath Ledger, Jason Isaacs.

Thèmes

Paternité, patriotisme, violence.

L’on a reproché au réalisateur d’Independance Day de manquer de justesse historique et de verser, une nouvelle fois, dans le plaidoyer manichéen pro-américain et anti-anglais. Mais, peut-être la pointe est-elle ailleurs : un bel éloge de la paternité, en plein comme en creux, et doublement.

 

  1. Avant d’être un patriote, Ben est un père. Ou plutôt, il n’est un bon patriote que parce qu’il est un bon père. De fait, du père, le capitaine, puis colonel Benjamin Martin possède bien des traits :

– un amour personnalisé, c’est-à-dire différencié de ses sept enfants. La douce première partie le montre attentif à chacun, garçons et filles, aînés et benjamins, plus forts et plus fragiles ;

– un amour protecteur. « Le propre de la force est de protéger », disait Pascal. Lors du retour de Gabriel blessé, Ben écarte les plus jeunes de ce spectacle impressionnant : « Faites sortir les enfants » ;

– un amour qui s’abaisse. C’est dans la scène bouleversante où Susan lui adresse pour la première fois la parole que cette caractéristique apparaît au mieux. D’abord, loin de lui faire la leçon face à sa bouderie obstinée, Ben avoue humblement son besoin d’entendre sa voix. Et, lorsque Susan n’y tenant plus crie « Papa », il joint à la descente spirituelle, la descente physique, met un genou à terre et la reçoit dans ses bras grands ouverts pour lui dire combien il est fier d’elle ;

– la vive conscience de sa mission de chef de famille. Voilà pourquoi le film commence et finit non seulement avec le rassemblement du père et des enfants, mais aussi avec la maison. Aussi la dernière scène où, au terme du conflit, Benjamin revient chez lui avec sa famille, montre-t-elle à la fois la reconstruction de la propriété brûlée par les soldats de la milice et Charlotte portant leur nouveau bébé. Ben s’est d’ailleurs si bien identifié à elle qu’il peine à redécouvrir sa source qui est celle d’époux. Malgré des avances multiples et même osées pour l’époque, il ne voit dans sa belle-sœur que le double de la femme aimée, donc le prolongement de la mère dont ses enfants ont tant besoin. Aussi aura-t-il besoin d’entendre la parole « Je ne suis pas ma sœur » pour enfin advenir au principe de réalité, qui est aussi celui de sa virilité ;

– le courage paternel. Le propre de la bravoure est de savoir dominer, voire employer la peur pour persévérer dans le bien. Or, si Ben a résolument choisi la non-violence, il saura, quand il le faudra, prendre les armes, non sans un héroïsme assez hollywoodien qui ne peut se défendre d’avoir à admirer pour avoir à aimer : lorsque Gabriel Edouard est injustement fait prisonnier, Benjamin se décide de le délivrer et se révèle le plus intrépide des combattants ;

– la prudence qui, loin d’être une pusillanimité précautionneuse est une responsabilité judicieuse, voire audacieuse. C’est parce qu’il est prud’homme que Ben demeure à la maison, veille sur les siens, se prononce contre la folie qu’est la guerre ouverte aux Anglais, plaide pour la diplomatie et interdit à ses fils de s’engager. Mais, quand la situation change, que son aîné s’engage, alors il change d’avis. Encore le fait-il avec cette juste mesure qui caractérise toute vertu :en route vers le camp de l’Armée Continentale, il observe avec Gabriel l’Armée Continentale du Sud sous les ordres du Général Horatio Gates engager l’Armée Britannique ; or, en reconnaissant la folie de l’action des Continentaux qui les conduit à un véritable carnage, il opte pour la milice contre l’armée des réguliers ;

– la confiance. Est père non pas seulement celui qui sait et transmet ce qu’il sait, mais celui qui croit au fils à qui il donne son savoir. Or, Ben finira par révéler à Gabriel le secret qui le hante la culpabilité qui le ronge : à Fort Wilderness, lui et son unité se sont vengés de la plus atroce manière des soldats français. Même s’ils ne faisaient que réagir, les vengeurs se sont finalement identifiés à leurs bourreaux ;

– la juste distance. L’un des principaux apports de la psychanalyse freudo-lacanienne réside dans la fonction défusionnante du père. Or, Ben dira un moment cette parole capitale : « Tenez la distance » qui résume son attitude au quotidien avec chacun de ses enfants ;

– plus, la vulnérabilité. Le père n’advient à la plénitude de sa paternité que lorsqu’il accueille celui qui l’a engendré. Or, en entendant l’avis de son aîné demander la clémence à l’égard des prisonniers, Benjamin renonce à l’injustice et donc, devant les autres, change ouvertement d’avis. De même, alors que, en deuil de Gabriel, il hésite à poursuivre le combat, il se laisse toucher et change d’avis quand il découvre le dévouement de son fils à la cause et trouve dans une de ses poches le drapeau américain qu’il a réparé. D’ailleurs, en embrassant la petite Susan, il ne fait pas que se donner à elle, il se reçoit d’elle, ainsi que l’attestent les larmes qui perlent dans ses yeux ;

– plus encore le retrait. Le père ne donne la vie à son fils que pour que celui-ci accomplisse des choses plus grandes encore. La gloire du père est que le fils porte beaucoup de fruit. Or, lorsque Tavington croira humilier Martin en éructant avec mépris : « Vous n’êtes pas le meilleur », le vrai père concèdera avec sincérité : « Vous avez raison. Mon fils était bien meilleur ».

 

  1. En creux, la figure paternelle s’oppose bien entendu à celle de ce pseudo-père qu’est le colonel William Tavington qui ne gouverne ses hommes que pour servir sa propre gloire et, plus encore, sa propre avidité. Ce rapace qui satellise l’univers autour de ses seuls intérêts réussit même à incurver ceux du faible général anglais Cornwallis. Plus encore ce narcissique grand format est un pervers doué d’une rare empathie cognitive. Rappelons que cette empathie qui permet d’intussusceptionner les sentiments d’autrui, et donc ce qui peut le faire souffrir, est essentielle à l’efficacité du bourreau. Elle diffère donc du tout au tout de l’empathie affective par laquelle nous ressentons les émotions de notre prochain et qui, elle, prépare à la compassion. Or, dans une prise de vue aussi terrifiante que réaliste, le cinéaste montre combien le visage glacial de l’abominable colonel anglais s’illumine soudain lorsqu’il entend Gabriel s’écrier « père » à l’égard de Ben Martin : désormais, il saura exactement comment porter le fer au plus intime de son cœur. Alors que le père authentique engendre une progéniture aussi nombreuse qu’heureuse, le père indigne sème autour de lui violence, souffrance et déchéance.

En montrant la figure paternelle par défaut, l’intrigue évite heureusement le défaut de la figure paternelle, je veux dire la crise d’adolescence et, pire, le meurtre symbolique. Gabriel saura revenir, reconnaître ses torts, honorer les mérites de son père et même coopérer avec lui. Sans pour autant régresser. C’est d’ailleurs parce qu’il n’aura pas tiré toutes les leçons de modération de Ben que, fou de douleur et aveuglé par la vengeance, il poursuivra témérairement l’assassin de son épouse, sous-estimera imprudemment sa fourbe dangerosité et y trouvera tristement la mort. Quoi qu’il en soit, loin de tout règlement de compte kafkaïen ou freudien, l’aîné est passé par les trois stades de l’admiration, de la distanciation et de la réconciliation.

 

  1. Enfin, et c’est un des mérites du film que de tenir cet équilibre, Roland Emmerich ne se contente pas de dialectiser le père et sa contrefaçon démoniaque, il met aussi en scène son excès. Ce faisant, il conjure le risque d’une idolâtrie de la paternité, tout en traçant la ligne de crète que doit arpenter toute vertu morale. Triplement.

D’abord, nous l’avons évoqué, le scénario rappelle qu’un père n’advient pleinement à la paternité qu’en acceptant de prendre sa source dans la conjugalité. Plus encore, Ben reconnaît auprès de Gabriel qu’il fut sauvé de sa férocité, voire de sa barbarie, par l’amour de son épouse.

Ensuite, Ben n’éduque pas ses enfants pour lui, mais pour plus grand que lui. Il sait que le bien de sa famille se subordonne au bien plus large qu’est celui de sa patrie. Voilà pourquoi, quand il le juge opportun, il sait quitter la sienne pour servir son pays – et non pas seulement pour sauver son aîné. En ce sens, le titre du film dit vrai, même s’il ne dit pas tout.

D’ailleurs, loin d’être idéalisée et statique, la paternité incarnée par Ben continue à évoluer. Ainsi, dans la scène la plus spectaculaire du film évoquée ci-dessus – scène qui, avouons-le, n’est pas sans trouver une secrète résonance avec notre besoin d’une justice à la hauteur du préjudice commis –, il cède à une pulsion destructrice et sanguinaire. Après avoir habilement tué au fusil cinq soldats et officiers, il en achève brutalement sept autres avec son tomahawk. Mais, plus tard, quand il sera confronté à son sadique bourreau qui le provoque pour le pousser à l’irréparable, il saura raison garder. C’est dire tout le chemin accompli dans la maîtrise de soi. Voire, l’affrontement final montrera symboliquement combien la justice n’est pas vengeance, ni la puissance meurtrière du colonel américain la violence assassine du colonel anglais. En effet, c’est par hypocrisie et machiavélisme que Tavington s’est retourné à l’ultime moment et a porté un coup mortel à Gabriel. Or, selon une symétrie qui n’est qu’initiale, Ben ne se retourne à son tour que parce qu’il voit la victoire de la milice qu’il a lui-même entraînée (au double sens du terme : par l’exercice et pour son pays) et qu’il y puise l’énergie pour abattre non pas d’abord son ennemi personnel, mais celui de sa patrie bien-aimée. La proie ne s’est donc finalement pas identifiée à son prédateur.

Enfin, il nous plaît de le souligner, la paternité de Ben est mesurée par une Paternité plus élevée, celle vers laquelle nous le voyons à maintes reprises se tourner : pour implorer son pardon, pour requérir son aide, pour la remercier de ses bienfaits. Le Père des Lumières (Jc 1,17) ne va d’ailleurs pas sans son Fils, qu’atteste l’omniprésence de la Croix, ni leur commun Esprit, dont témoigne un jeu de mot que le français ne peut pas rendre. Lorsque Ben arrivera comme un sauveur dans son village, la belle figure du pasteur, le révérend Oliver (René Auberjonois), dira : « Au nom du Père, du Fils et du Ghost », ce que notre langue traduit univoquement par « fantôme », le surnom de Ben, alors que l’anglais maintient l’heureuse ambivalence avec « Esprit ».

 

Ce film pourrait donc constituer un fécond support à une réflexion sur la paternité, en ses ombres et ses lumières. L’on imagine avec quel enthousiasme le chrétien Mel Gibson, époux fidèle et père de huit enfants, s’est identifié au héros historiquement reconstruit de Patriot, tant les points communs sont nombreux, depuis la culpabilité d’une vie chahutée jusqu’au courage d’une foi confessée et la joie d’une nombreuse postérité.

Pascal Ide

Pendant la guerre d’Indépendance américaine en 1775, le capitaine Benjamin Martin (Mel Gison), un vétéran de la Guerre de la conquête (French and Indian War) de 1754-1763, veuf et père de sept enfants, culpabilisé par un lourd passé qu’il s’efforce de cacher, est appelé à Charleston pour voter à l’Assemblée générale de Caroline du Sud sur une taxe de soutien à l’Armée continentale. Il y retrouve la sœur de sa femme, Charlotte Shelton (Joely Richardson), qui, si elle est contente de retrouver ses neveux et nièces, notamment la plus jeune, Susan, devenue muette depuis la mort de sa mère, elle l’est encore davantage de revoir le beau capitaine dont elle est manifestement amoureuse. Craignant la guerre contre la Grande-Bretagne, Benjamin s’abstient. Le vote est néanmoins adopté et, contre la volonté de son père qu’il soupçonne de lâcheté, le fils aîné, Gabriel Edouard (Heath Ledger), s’enrôle dans l’armée des Continentaux.

Deux années plus tard, Charleston tombe sous les coups des Anglais et, blessé, Gabriel rentre à la maison. Là, les Martin prennent soin autant des Anglais que des Américains qui se sont affrontés dans une bataille se déroulant sur leur propre terre. Mais les Dragons rouges britanniques, conduits par le redoutable colonel William Tavington (Jason Isaacs), arrivent, capturent Gabriel avec l’intention de le pendre comme espion, et enrôlent de force les hommes et femmes afro-américains libres qui travaillent sur les terres de Benjamin. Mais le deuxième fils de Benjamin, Thomas, tente de libérer Gabriel. Tavington l’abat sous les yeux de toute la famille et, en signe de représailles, ordonne de brûler la maison des Martins et d’exécuter les Américains blessés. Aussitôt après le départ des Dragons, Benjamin part avec ses deux fils aînés suivants pour tendre une embuscade à l’unité qui escorte le captif Gabriel et réussit à le libérer. Malgré tout, celui-ci décide de rejoindre les Continentaux. Cette fois-ci, Benjamin décide de le rejoindre, laissant les plus jeunes enfants à la garde de Charlotte.

Ayant vu la déroute des Continentaux face à l’armée britannique, Benjamin, accompagné de son fils, rencontre son ancien commandant, le colonel Harry Burwell (Chris Cooper), qui dirige la milice coloniale locale, et s’y engage. Burwell le fait colonel en raison de son expérience du combat et lui donne comme mission, avec l’aide du major français Jean Villeneuve (Tchéky Karyo), de maintenir les régiments du le général Charles Cornwallis (Tom Wilkinson) bloqués au sud par la guérilla. Burwell consent à placer Gabriel sous le commandement de son père. Benjamin est chargé. Le aide à former la milice et promet plus d’aide française.

Pendant ce temps, le seul survivant des vingt soldats raconte l’attaque à Tavington, par un unique homme qui reçoit le surnom de « Fantôme ». Tout en menant une efficace guérilla contre Lord Cornwallis, allant jusqu’à capturer et s’attacher ses deux Grands Danois, Ben n’a pas renoncé à sa vengeance contre le cruel Tavington. Mais ne risque-t-il pas de sombrer (à nouveau) dans la violence et d’instrumentaliser son patriotisme, voire sa famille ?

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