The Dig
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Pays:
Britannique
Thème (s):
Don de soi, Fouille archéologique, Guérison
Durée:
1 heures 52 minutes
Évaluation:
***
Directeur:
Simon Stone
Acteurs:
Ralph Fiennes, Carey Mulligan, Lily James
Age minimum:
Adolescents et adultes

The Dig [La fouille], biopic dramatique britannique de Simon Stone, 2020. Adapté du roman éponyme de John Preston, 2007. Sorti le 29 janvier sur la plateforme de streaming Netflix. Avec Ralph Fiennes, Carey Mulligan.

Thèmes

Don de soi, fouille archéologique, guérison.

The Dig a les avantages et les inconvénients des films du géant de streaming Netflix. Dans la colonne crédit, disons que la plateforme américaine sait motiver des stars prestigieuses (faut-il rappeler que Lily James s’est illustrée dans la série Downton Abbey où elle incarne Lady Rose Aldridge ?), attirer des réalisateurs doués de savoir-faire et raconter des histoires prenantes (même si le drame est très romancé). Dans la colonne débit, on déclinera les multiples inconvénients des films à petit budget : financer une musique indigente, bâcler le montage et donc manquer les scènes émotionnellement gratifiantes, étirer inutilement l’histoire (qui aurait pu être raccourcie de moitié) et l’assaisonner d’une romance dramatiquement insipide, scénaristiquement prévisible, moralement discutable et psychologiquement incohérente (comment une femme toute en pudique retenue et en héroïque fidélité, Edith, pourrait-elle proposer un conseil aussi contraire à ses convictions tant sociales que morales, en précipitant Peggy dans les bras de celui qui est, de surcroît, son cousin ?). Cette intrigue secondaire finit par occuper l’avant-scène et parasiter le récit principal, sans rentrer en résonance avec lui. Donc, nuire à l’unité narrative, qui rime avec intensité émotive.

 

Demeure, hors l’intérêt d’une des plus spectaculaires découvertes archéologiques de tous les temps, la surprise édifiante d’un double parcours croisé de deux personnes blessées qui, surmontant leur compréhensible repli sur elles, ont accédé à un exemplaire don de soi et une féconde collaboration. Ce qui explique le légitime succès (malheureusement qualifié de viral) de ce beau film.

Basil possède toutes les vertus de l’archéologue : l’inspiration (c’est-à-dire le « flair » qui lui fait deviner d’emblée la découverte fabuleuse), la transpiration (c’est-à-dire la persévérance minutieuse jusqu’à courir le risque de se trouver enseveli) et la respiration (c’est-à-dire cet équilibre harmonieux entre la puissance du terrassement et la finesse du dégagement, entre la virile initiative et la protection toute maternelle de ce trèsor si vulnérable). Mais autodidacte, il ne dispose pas du diplôme de la prestigieuse université de Cambridge qui lui donnerait d’être reconnu par ses pairs ; exclu, il a tellement intériorisé le rejet qu’il se traite lui-même de fouilleur, voire de « fouineur » ; exploité, il en est réduit à refouler son talent et travailler aux marges au lieu d’explorer la proue de ce navire de légende.

Cependant, ce regard qui voit loin et cette main qui travaille dur, sont aussi un cœur aimant qui se donne jusqu’à risquer sa vie et une oreille humble qui sait reconnaître son erreur et, plus encore, écouter la tristesse du jeune Robert. Le taiseux est un homme de parole. Le rude est aussi un homme sensible qui répond à ce petit garçon, sans fratrie, sans père et bientôt sans mère. En consentant à revenir sur le chantier, Basil ne procurera pas seulement à Edith le soutien dont elle a besoin pour s’affronter aux multiples convoitises suscitées par le trésor de Sutton Hoo, mais il offrira, discrètement et efficacement, la figure paternelle de substitution qui préparera le jeune Robert au prochain abandon. Il y réussira si bien que le fils lui-même deviendra le consolateur de sa mère. Cela nous vaut ce qui, pour moi, constitue la plus belle scène du film. En pleine nuit étoilée, Robert raconte à sa mère, couchée dans le navire saxon, une histoire digne de la grande tradition britannique des féeries : « Nous allons vers la ceinture d’Orion, – affirme fièrement le capitaine –, pour ramener la reine chez elle, celle du bateau. Son peuple lui a laissé un trésor pour son voyage ». Robert continue maintenant, allongé, tout près de sa maman en larmes mais plus en alarme : « Certes, la reine était triste parce qu’elle ne voulait pas laisser son peuple seul. Elle avait peur qu’ils ne s’en sortent pas sans elle. Mais elle devait suivre le roi dans le ciel [son mari]. Alors elle est partie. Depuis les entrailles de la Terre vers le cosmos. C’est amusant l’espace. Le temps ne s’écoule pas de la même façon ». Enfin, dans une vue plongeante et tournoyante de bonheur : « La reine regarda alors la Terre. Son fils avait grandi. Il était devenu un pilote de l’espace. Elle savait que lorsqu’il effectuerait son premier voyage dans l’espace, elle irait à sa rencontre ».

La métaphore n’est plus seulement porteuse d’une guérison qui apaise toute souffrance, mais d’une consolation qui ouvre à l’espérance. De transfert astucieux qui transforme le bateau terrestre en vaisseau naviguant victorieusement vers sa destination spatiale, et la famille séparée en un équipage rassemblé, le conte devient le médiateur d’une extraordinaire profession de foi (« Oui, je vois ») dans la vie éternelle promise et la communion des saints déjà réalisée.

 

De son côté, Edith n’est riche que matériellement. En réalité, c’est une femme moralement appauvrie par le décès prématuré de son époux, physiquement dépouillée par les symptômes d’un rhumatisme articulaire aigu, conduisant à une cardiopathie rapidement évolutive, psychiquement inquiétée par les multiples manœuvres suscitées par ces fouilles d’exception et bientôt spoliée de celle-ci, et spirituellement rongée d’inquiétude pour l’avenir de ce si jeune orphelin.

Or, loin de se replier avec amertume sur ses multiples souffrances, elle s’ouvrira. Loin d’arrêter le flot impétueux de la vie, l’obstacle en élèvera le niveau. Edith hissera son âme jusqu’à une authentique livraison d’elle-même. Elle déjouera les manœuvres maladroites du conservateur local autant que les pressions méprisantes du « grand » archéologue londonien pour poser un acte qui mérite d’être qualifié de véritablement « free », au double et admirable sens de libre et désintéressé : faire don du navire saxon au British Museum. Elle explicite d’ailleurs elle-même sa très kénotique intention : « pour qu’un maximum de personnes l’admirent gratuitement ». Aussi Basil qui, très ému, en reçoit l’annonce encore privée, répond-il en pleine conscience : « C’est un sacré cadeau. Je pense que personne n’a jamais fait un tel cadeau ».

 

Il vaut la peine de le souligner, tant Basil Brown qu’Edith Pretty ont pu être aussi généreux parce que, d’abord, ils ont été aussi reconnaissants : le premier, en laissant constamment la place aux collaborateurs qui n’ont pourtant ni ses connaissances ni ses compétences, et donc en se refusant à répéter l’exclusion qu’il a subie par un exclusivisme qu’il aurait pu revendiquer ; la seconde, en concentrant son éloge public sur la seule personne qui le mérite, Basil. Ainsi, se vérifie la méta-loi selon laquelle seul celui qui, en amont, reçoit gratuitement peut, en aval, se donner gratuitement (cf. Mt 10,8).

Gageons que, non sans continuité avec les aventures fantasmées de notre cher Indiana Jones, cette belle apologie de la profession d’archéologue suscitera des vocations méritées : les découvertes à venir furent d’abord les trésors du passé. Embarquons sur cet improbable navire des temps anglosaxons qui laisse son sillage jusque dans le ciel étoilé ou plutôt le Ciel qui, si vous me permettez ce double calembour, seul sait couronner ses hôtes antiques stars… The Dig est un guide qui fait passer du besoin compulsif de reconnaissance régressive au désir altruiste de reconnaissances (gratitudes) oblatives.

Pascal Ide

1939, sur fond de préparation à la seconde guerre mondiale. Edith Pretty (Carey Mulligan) est une jeune et riche veuve, mère de Robert Pretty (Archie Barnes). Vivant dans une immense propriété près de Woodbridge au Royaume-Uni, elle a l’intuition que les tumulus qui s’y trouvent recèlent un mystère. Elle engage le terrassier et archéologue amateur Basil Brown (Ralph Fiennes), marié à May (Monica Dolan), pour réaliser des fouilles. Ils découvrent alors un ancien navire funéraire de 24 mètres de long !

Aussitôt, une équipe du British Museum dirigée par l’archéologue Charles Phillips (Ken Stott), aidé de la jeune Peggy Preston (Lily James), arrive sur place. Alors que les spécialistes défendent l’origine viking du bateau, Brown soupçonne qu’il est antérieur et date de l’époque anglo-saxonne, ce qui bouleverserait la compréhension de l’histoire de l’Angleterre. Quand Peggy, malheureuse en amour, mais secrètement aimée par le neveu d’Edith, Rory Lomax (Johnny Flynn), découvre une pièce d’or, prémisse d’un immense trésor (on trouvera pas moins de 263 objets précieux), et datée du septième siècle, il s’avère que l’archéologue amateur avait raison. Pourtant, Phillips continue à le reléguer, pour pouvoir s’accaparer tout l’honneur de la fouille de Sutton Hoo. Et derrière cette injustice s’en profile une autre : le British Museum voudrait bien s’approprier cette découverte totalement exceptionnelle. Edith saura-t-elle résister ?

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