The Bikeriders
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Pays:
Américain
Thème (s):
Communauté, Fusion
Date de sortie:
19 juin 2024
Durée:
1 heures 56 minutes
Évaluation:
***
Directeur:
Jeff Nichols
Acteurs:
Jodie Comer, Austin Butler, Tom Hardy, Michael Shannon, Mike Faist, Boyd Holbrook, Damon Herriman, Beau Knapp, Emory Cohen, Karl Glusman, Toby Wallace, Norman Reedus
Age minimum:
Adolescents et adultes

The Bikeriders, drame américain écrit et réalisé par Jeff Nichols, 2023. Inspiré du livre de photos éponyme de Danny Lyon, 1967. Avec Jodie Comer, Austin Butler, Tom Hardy, Michael Shannon, Mike Faist, Boyd Holbrook, Damon Herriman, Beau Knapp, Emory Cohen, Karl Glusman, Toby Wallace et Norman Reedus.

Thèmes

Fusion, communauté.

Ce film attachant sur le monde inconnu (pour moi) des Bikeriders de l’Amérique des Sixties et Seventies en autorise une lecture sociologique, mais plus encore éthique.

 

  1. De cette micro-société dans la macro-société américaine que sont les motards, beaucoup est dit dans le film qui en décline l’identité de manière descriptive autant que narrative, sans didactisme, sous le mode fictif et furtif de l’entretien. Le récit à la première personne est d’autant plus pertinent que la chroniqueuse est à la fois au centre, puisqu’elle épouse le motard le plus tête-brûlée, et à la périphérie, puisque, à cette époque, les « pratiquants » sont tous des hommes (ouf, le film échappe à la tentation de déconstruction patriarcale !).

Les paramètres sont connus : la bande aux puissants codes identitaires, vestimentaires, langagiers, etc., se déplaçant en meute et sillonnant l’Amérique profonde et désertique ; les membres marginaux sinon délinquants, exclus (ils se vivent et sont vus comme des criminels potentiels) avant d’être excluants (par leur refus de se mélanger) ; l’obéissance à des lois internes non-écrites ou plutôt par un code d’honneur ; plus encore, un esprit de corps auquel tout le reste, y compris la famille ou l’épouse est subordonné ; une contrainte (consentie) au-dedans proportionnelle à l’affranchissement au-dehors ; un monde de taiseux (sauf quand il s’agit de parler de courses et de bécanes), handicapé de la relation, aussi inapte à connecter avec son ressenti qu’intarrissable à vibrer avec sa machine ; et, bien entendu, une obsession compulsive à l’égard de la moto et de son univers – qui se projette dans d’autres addictions, à la bière et à la cigarette (pas une scène qui ne soit enfumée), à l’exclusion de la drogue et du sexe.

L’évolution des bikers du groupe au gang est sans doute conjoncturelle et circonstancielle, reflétant l’histoire (d’ailleurs autant que géographie) d’une Amérique en proie aux convulsions que l’on connaît. Mais elle est d’abord révélatrice et la conséquence inéluctable de cette apologie du particulier (le club) contre la singularité (la liberté personnelle) et la généralité (la société et, plus encore, la norme qui la régit). En effet, la décoïncidence du particulier avec l’universel ne peut que susciter l’apparition d’une autre particularité (en l’occurrence, un autre chapitre de motards) qui, au début, se différencie et bientôt s’oppose au nom de la logique viriliste de la suprématie, dans une rivalité virulente, voire sanglante.

 

  1. The Bikeriders décollerait difficilement de la curiosité ethnographique, d’autant que le film prétend survoler les décennies, s’il ne racontait aussi une histoire, c’est-à-dire une histoire une, qui est une histoire d’amour. Or, le plus original est que, loin d’être étrangère, la dimension éthique va révéler certains aspects de la vie des motocyclistes que la seule description sociale était inapte à manifester. Cette romance encadre tout le film, puisqu’elle commence par le coup de foudre instantané lors de l’improbable rencontre entre Kathy et le séduisant Benny dans le bar des motards et qu’elle s’achève au terme par le retour du prodigue qui n’a donc pas totalement idolâtré sa machine.

L’amour romantique ne permet pas seulement d’introduire une symbolique plus féminine dans un monde trop polarisé par les valeurs masculines, c’est-à-dire une vie qui est circulation. Il injecte aussi du jeu au sein de cette communauté close jusqu’au communautarisme, et fait ainsi émerger l’élément innommé, mais refoulé, donc bien présent qui ne cesse de les travaillers au sens où le négatif oblige le bloc abstrait du positif à évoluer et ainsi à entrer dans l’histoire.

Cet autre pôle est la liberté. Plus précisément l’indépendance. Ce que le bikerider aime par-dessus tout, c’est cette sensation de liberté au grand vent, lorsqu’il traverse les vastes étendues américaines, ainsi que de longs plans jouissifs nous donnent de le sentir. Et c’est ce qu’incarne au mieux Benny. Avant d’être un casse-cou et un casse-pied (à l’actif et au passif), incontrôlable et imprévisible, le jeune homme est un insoumis et un outlaw qui chérit par-dessus tout son libre-arbitre. Et même s’il se marie (d’ailleurs, sur un coup de tête, en cinq semaines), il garde jalousement son autonomie après les noces (heureusement sans enfant).

Si Benny incarne l’individualisme poussé jusqu’à l’extrême, alors Johnny figure le pôle opposé qu’est le collectif. C’est lui qui, au tout début, dans le bar, repère la nouvelle venue, Kathy, l’observe patiemment, devine finement son inquiétude et vient miséricordieusement la rassurer sur les intentions des motards. Non sans ambivalence. Car s’il veille sur sa communauté comme un père sur sa famille, il tient tout autant à sa place de mâle alpha et n’hésite pas à ruser et mentir pour que son autorité ne soit pas méprisée.

Ainsi apparaît le défaut (éthique et pas seulement psychologique ou sociologique) de chacun de ces deux pôles qui sont, comme par hasard, les réfractions de l’orgueil : l’excès du par soi qu’est l’indépendance jusqu’à l’égoïsme (concrétisé par Benny) ; l’excès du pour soi qu’est la domination jusqu’à la vanité (personnifié par Johnny). Or, chacune de ces attitudes vicieuses porte en elle sa propre corruption : pour le second, la mort physique par la concurrence potentielle d’autres chefs de meute moins scrupuleux ; pour le premier, la mort symbolique, c’est-à-dire l’exil géographique qu’est le départ quand les bénéfices de la fusion n’équilibrent plus les avantages de l’indépendance.

Comment comprendre le troisième protagoniste de l’histoire, Kathy ? Un autre mérite du film est d’avoir pu symboliser les pôles dans des personnes qui n’en sont pas pour autant devenues des personnages ou des types. La jeune femme me semble représenter l’équilibre entre la liberté et l’engagement, l’indépendance et l’appartenance, l’individualité et la communauté. D’un côté, elle ose dire à Johnny que Benny n’est pas à lui, mais à elle qui l’a épousé. De l’autre, elle reconnaît finalement qu’il n’est ni à elle ni à lui. Elle l’accueille aussi avec compassion et sans jugement lorsqu’il revient au domicile conjugal. Mais, contrairement à l’épouse fidèle du western fordien où la femme, ministre domestique, assure la continuité, face à l’homme vagabond menacé par l’éclatement extérieur (donc aussi intérieur), ici, cette miséricorde est plus maternelle que conjugale. Kathy est trop fusionnelle, et pas seulement avec Benny (« Quand on est rentré chez les Vandales, on est changé pour toujours »), pour dire « non » à ce qu’il faut identifier comme l’immaturité adulescente du club des bikeriders et ainsi dire « oui » à une vie respectueuse de soi et donnée à l’autre (ce que traduirait, tôt ou tard, l’ouverture à une vie naissante).

 

Est-ce à dire qu’il ne faille rien espérer et, comme semble le suggérer la toute dernière scène, laisser les motards à la nostalgie glorieuse de leur histoire passée, la violence de leur mort programmée et la curiosité entomologique du spectateur ? Une figure échappe au double péril de la fusion et de la fission par l’intégration : celle de Cockroach. Après avoir intensément participé au clan, au risque d’y perdre son identité et sa vie, il a le courage de s’en séparer, tout en conjurant le risque opposé de la réaction amère : il devient motard dans la police – motard, comme le club des bikeriders, policier contrairement à ces hors-la-loi potentiels.

Pascal Ide

En 1965, Kathy Bauer (Jodie Comer) rencontre Benny Cross (Austin Butler), un membre impétueux du Vandals Motorcycle Club basé à Chicago, et l’épouse cinq semaines plus tard. Danny Lyon (Mike Faist), étudiant en photographie, voyage avec les Vandales et les interviewe. Il apprend de Kathy que le fondateur, Johnny Davis (Tom Hardy), aurait été inspiré pour créer le club par Marlon Brando dans le film The Wild One (L’Équipée sauvage, László Benedek, 1953). Le leadership de Johnny est remis en question lorsqu’il rejette la suggestion d’un vandale selon laquelle de nouveaux chapitres pourraient se former. Après un combat au poing que Johnny gagne, celui-ci concède la permission d’agrandir le club, conduisant de nouveaux chapitres à se former dans tout le Midwest.

En 1969, Benny est agressé par deux hommes dans un bar parce qu’il porte ses couleurs. Son pied a failli être sectionné par une pelle lors de l’altercation. Johnny force le propriétaire à fournir les noms des hommes et ordonne aux vandales d’incendier le bar. Alors que Benny se remet d’une opération chirurgicale, Johnny fait pression sur lui pour qu’il vienne à un rallye moto avant qu’il ne soit complètement guéri, à l’objection de Kathy. Johnny propose à Benny la direction du club lorsqu’il démissionne, mais Benny la rejette.

Un délinquant de 20 ans connu sous le nom de « The Kid » (Toby Wallace) demande à Johnny de lui permettre, ainsi qu’à son club de motards, de rejoindre les Vandales. Johnny les rejette d’abord, mais décide de tester le Kid en lui permettant de le rejoindre seul. C’était en fait un test : lorsque le Kid exprime sa volonté d’abandonner ses amis, Johnny le rejette pour trahison. Le Kid attaque Johnny au couteau. Mais celui-ci le bat et lui intime de ne pas revenir.

En 1975, Kathy apprend à Lyon que Johnny s’est découragé lorsque son lieutenant, Brucie (Damon Herriman), est décédé dans un accident de voiture, et que le club des Vandales est devenu de plus en plus violent après que des vétérans toxicomanes de la guerre du Vietnam ont rejoint les rangs. Lors d’une fête, Cockroach (Emory Cohen), membre de longue date, est battu par de nouveaux membres alors qu’il exprime, ivre, le désir de quitter le club pour devenir policier à moto. Alors que Benny est occupé à emmener Cockroach à l’hôpital, Kathy aurait été victime d’un viol collectif si Johnny ne l’avait sauvée de justesse. Furieuse que Benny ne l’ait pas protégée, elle demande à Benny de quitter les Vandales. Au lieu de cela, il l’abandonne plusieurs jours. Pour permettre à Cockroach de quitter le club en toute sécurité, Johnny emmène Benny organiser un cambriolage chez lui, où ils lui tirent une balle dans la jambe. Perturbé par la violence croissante du club et rejetant à nouveau l’offre de leadership de Johnny, Benny démissionne et quitte Chicago pour des régions inconnues.

Le Kid, maintenant membre du chapitre Vandals Milwaukee, défie Johnny dans un combat au couteau pour le leadership. Mais, lors du duel, il lui tire lâchement dessus et le tue. Le Kid devient chef des Vandales qui se transforme en un gang criminel impliqué dans le trafic de drogue et les meurtres. Les membres les plus âgés partent, cherchent des emplois légitimes ou sont morts.

Ayant appris la mort de Johnny, Benny déménage avec Kathy en Floride, où Benny travaille comme mécanicien dans le garage de son cousin et a arrêté de conduire des motos. Kathy dit à Lyon qu’ils sont heureux ; le style de vie des motards ne manque pas à Benny. Par la fenêtre, elle regarde Benny, qui sourit alors que les bruits des motos se font entendre…

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