Tár
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Pays:
Américano-allemand
Thème (s):
Pessimisme, Woke
Date de sortie:
25 janvier 2023
Durée:
2 heures 38 minutes
Évaluation:
**
Directeur:
Todd Field
Acteurs:
Cate Blanchett, Nina Hoss, Noémie Merlant
Age minimum:
Adolescents et adultes

Tár, drame psychologique américano-allemand écrit et réalisé par Todd Field, 2022. Avec Cate Blanchett, Nina Hoss, Noémie Merlant. Golden Globe de la meilleure actrice.

Thèmes

Pessimisme, woke.

Bien qu’heureusement ambivalent, Tár finit par opter pour une vision pessimiste irrecevable.

 

Partagée, la critique est à l’image du film. En effet, qu’il est révélateur que les plus acquis à la déconstruction oscillent. D’un côté, nous assistons à une très réjouissante descente en flammes de l’idéologie woke dans la critique bienvenue du discours de ce jeune étudiant afro-américain affirmant de manière décomplexée qu’il ne peut interpréter Bach parce que c’est un homme blanc misogyne et qu’il est misogyne parce qu’il a eu vingt enfants (vingt-et-un, pour être plus précis) de deux femmes… Avec bonheur, rigueur et vigueur, Lydia rétorque que cette pseudo-pensée robotisée, victimaire et identitaire, nous prive de toute la culture classique.

Ce déboulonnage de l’idole-idéologie se poursuit de manière inquiétante (pour certains !), mais aussi cohérente, en passant des propos à la personne du chef d’orchestre : cette femme dominante qui se présente elle-même comme le « père » de son enfant s’avère être en tout dominatrice, autant dans sa manière de diriger les musiciens du Philharmonique que dans sa façon d’interpréter Malher, autant dans sa vie publique, avec son assistante ou son directeur musical, que dans sa vie intime, avec ses conquêtes féminines ou sa compagne.

 

Toutefois, le film ne se contente pas de décrire les mécanismes du pouvoir au sein du tout petit monde de la direction orchestrale. Il le fait d’ailleurs avec un réalisme si minutieux qu’il a conduit certains à croire qu’il s’agissait d’un quasi-documentaire sur un personnage réel qui n’est pourtant que fictionnel. Le réalisateur prend clairement partie. Comprenons bien comment.

Certes, Todd Field critique clairement l’attitude tyrannique de Lydia Tár qui rime avec narcissique. Elle en manifeste à l’évidence les deux symtômes dominants (sic !) : la conviction assurée de son incontestable supériorité à l’égard des autres (ce qui, inéluctablement, se traduit par celle de sa supériorité à l’égard de la loi et donc par la transgression : elle manipule sans vergogne ni état d’âme, autant ses collaborateurs que se amies) ; l’insensibilité vis-à-vis de la souffrance d’autrui, même de ses plus proches. D’ailleurs, ce que le conscient manifeste, l’inconscient le confirme. Ainsi, affirmant que la musique est ce qui contrôle le temps, Tár finit par rêver qu’un métronome bat secrètement dans son appartement la nuit au point de la réveiller.

Mais le problème est ailleurs. Il réside dans le pessimisme radical de la construction. La structure d’une histoire complète se déploie en trois temps : création, décréation et recréation. Moments qui manifestent que, si l’homme pactise avec les ténèbres, il vient de la lumière et y est toujours appelé par Celui qui n’est que lumière (cf. 1 Jn 1,5). Or, après l’étourdissante ouverture en forme de curriculum vitæ, le film multiplie d’emblée les signes (et causes) de la chute libre, et semble ignorer toute codà.

Certes, la dernière scène aux Philippines où elle dirige un orchestre pour une série de jeux video, Monster Hunter, face à une audience de cosplayeurs, pourrait être interprétée de manière favorable comme un début de prise de conscience, faisant suite à la brutale mise en résonance entre le numéro 5 inscrit sur la robe de l’escort girl et de la cinquième symphonie que Tár n’a pu interpréter. Mais on peut tout autant la relire comme un impossible lâcher prise, que tout le reste de sa vie ne cesse d’attester. Si au moins une parole proactive signifiait qu’elle avait touché le fond et commençait à remonter [1]. Quelle espérance de changement peut-on avoir en une personne qui, depuis la première image (lors de la préparation angoissée à son interview par Adam Gopnik au New Yorker Festival, elle ne manifeste aucune gratitude pour le comprimé et le verre d’eau qu’on lui apporte) jusqu’à la dernière, jamais ne remercie ni ne demande pardon ?

Pascal Ide

[1] De ce point de vue, pour suggestive qu’elle soit, la relecture juive de la teshouvah dans le contexte allemande de la dénazification, me semble largement surdéterminée (cf. site consulté le lundi 6 février 2023 : https://fr.timesofisrael.com/la-critique-encense-tar-un-film-sur-la-musique-classique-aux-etonnants-accents-juifs/).

Pianiste, ethnomusicologiste, compositrice, Lydia « Linda » Tár (Cate Blanchett), est aujourd’hui le premier chef d’orchestre féminin de l’Orchestre philharmonique de Berlin, au sommet de son art et de sa carrière. Le lancement de son livre approche et elle prépare une interprétation en concert, très attendue, de la célèbre Symphonie n° 5 de Gustav Mahler. Mais, une de ses anciennes étudiantes se suicide et Lydia se voit accusée d’abus sexuels sur ses étudiantes. Brutalement, cette vie si prometteuse va se désagréger : autant sa vie professionnelle, notamment avec son assistante, Francesca Lentini (Noémie Merlant), que sa vie privée, avec celle qui partage sa vie et est premier violon solo, Sharon Goodnow (Nina Hoss). Jusqu’où ira cette descente aux enfers, dont tant de films actuels sont friands ? Jusqu’où s’étendra cette virulente suspicion à l’égard des mécanismes du pouvoir ?

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