Séraphine est un film biographique franco-belge de Martin Provost, 2008. Avec Yolande Moreau, Ulrich Tukur, Anne Bennent et Geneviève Mnich.
Thèmes
Amour, blessure, foi.
Tout en contribuant à nous faire (re)découvrir ce « primitif moderne » qu’est Séraphine de Senlis, le film biographique, récompensé par sept Césars, invite à réfléchir sur l’artiste, que Dante osait qualifier de « petit-fils de Dieu ».
On aimera beaucoup ou on goûtera moins les œuvres aussi riches en formes et en coloris que cette autodidacte enflammée est pauvre, même misérable. En tout cas, on refusera à en faire une sorte de gnostique qui fuirait de plus en plus le corps, sous prétexte que les racines sont de moins en moins visibles sur ses toiles. La chair transfigurée demeure corps et Séraphine une catholique attachée aux dévotions concrètes.
Quelle leçon sur l’art et sur l’artiste : la fabrication de ses propres couleurs, notamment de ses rouges sang (« Monsieur, j’ai mes petits secrets ») et ses traits bien à elle tracés avec le doigt, cet émerveillement d’enfant face à la nature consolante (« Quand je suis triste, je parle aux oiseaux, aux fleurs, et ça passe ! »), mobilisant tous les sens (surtout la vue et le toucher) et convoquant tous les éléments (eau, air, soleil, terre), l’exigence très grande, voire scrupuleuse dans le travail, l’abîme entre la création et la critique (l’incapacité à s’auto-juger sans se déjuger), etc. Sans oublier la mystérieuse fécondité de la blessure d’amour (l’architecte bâtissant le Taj Mahal, Pierre Loti écrivant Pêcheurs d’Islande, etc.), blessure qui ne peut engendrer le talent, mais le porte à incandescence. « Quand on fait de la peinture, on aime autrement », explique la chaste Séraphine, après avoir révélé son chagrin d’amour avec une candeur qui rime avec profondeur.
Pour autant, l’art ne se réduit pas à une autothérapie, l’inspiration à une métabolisation de nos conflits psychiques et le cas Séraphine à une psychose un moment sublimée. Comment ne pas lire un signe, voire un miracle de la Providence, dans la rencontre entre cette pauvre femme ignorante de son génie et le collectionneur allemand Wilhelm Uhde qui joint à son discernement une rare ténacité et une non moins exemplaire générosité. De même que le regard de Séraphine transfigure la nature et fait naître l’art, de même le regard de Wilhelm transfigure Séraphine et fait apparaître l’artiste au spectateur (notamment lors de la scène de l’achat du premier tableau). Et comment ne pas voir dans ce médiateur bientôt mécène (dont l’action se prolongera dans sa famille et après la mort de Séraphine) une réponse de la Vierge et de l’ange gardien de Séraphine, à l’amour et à la piété jamais démentie de celle qui, pleine de gratitude – notamment à l’égard des religieuses de la Providence chez qui elle travaille (1) –, accompagne toute création d’un cantique nouveau ?
A l’esthète moderne qui a fait descendre la Muse du ciel séparé des Idées dans la créativité humaine pour en faire une rivale du seul Dieu, Séraphine la bien-nommée, l’a fait remonter, mais en la sortant de son anonymat, vers sa divine Source en affirmant, les yeux tournés vers le Ciel : « Mon inspiration vient d’en haut ».
Toute autre est l’attitude de « Sœur Sourire ». Je suis sortir nauséeux de ce film également biographique concomitamment projeté sur les écrans. Outre la critique unilatérale d’une Église entre psychorigidité et vénalité, il nous présente une course à l’abîme d’une jeune fille énergique et douée qui, se refusant à recevoir (elle résiste à toute forme d’obéissance), se dérobe à l’ouverture à l’autre (l’homosexualité présente aussi une valeur symbolique), au don (quelle déception de savoir que son visage n’apparaîtra pas sur le disque !) et au pardon (à ses parents), pour se murer dans une attitude de croissante autodestruction (jusqu’au suicide).
Pascal Ide
En 1912, le collectionneur allemand Wilhelm Uhde, premier acheteur de Picasso et découvreur du douanier Rousseau, loue un appartement à Senlis pour écrire et se reposer de sa vie parisienne. Il prend à son service une femme de ménage, Séraphine, 48 ans. Quelque temps plus tard, il remarque chez des notables locaux une petite toile peinte sur bois. Sa stupéfaction est grande d’apprendre que l’auteur n’est autre que Séraphine. S’instaure alors une relation poignante et inattendue entre le marchand d’art d’avant-garde et la femme de ménage visionnaire.